mercredi, février 25, 2015

Mademoiselle Seize-ans-à-peine

Le problème avec les écrivaines compulsives de mon acabit, c'est qu'on garde tout ce que l'on a un jour écrit, à condition que ce soit possible. J'ai perdu tous mes cahiers verts (sortes de journaux intimes sans verrous dans lesquels j'accumulais les feuilles mobiles, remplis de grand n'importe quoi) à la suite d'une inondation de sous-sol. Alors, si par inadvertance, vous me renvoyez à une date très précise de mon passé, il est fort probable que celui-ci soit documenté, par mes soins.

Cette semaine, j'ai reçu un message de Mademoiselle Seize-ans-à-peine, qui les as depuis longtemps dépassés. Je l'appelais ainsi dans le message que je lui avais écrit pour son anniversaire. Petit mot doux, plein d'amour pour une amie qui m'étais très chère. Et tant qu'à revisiter mon adolescence, aussi bien le faire à la lumière de mes impressions d'ado. J'ai encore, tous mes journaux intimes. Et je viens de les relire. Donc Mlle Seize-ans, a retrouvé un truc que je lui ai offert pour son anniversaire, dans lequel j'avais mis une dédicace, qu'elle a photographiée pour me la faire parvenir.

J'ai été touchée. Qu'elle ait conservé cela, d'une part, et de ma généreuse naïveté, d'autre part. Bien entendu, j'ai des souvenirs, mais on s'entend, la mémoire est faillible. Alors relire mes mots, mes émotions, la personne éminemment pétillante que j'étais, ça me remet au diapason de mon propre chemin de vie.

Je ne me souviens plus très exactement de quelle manière j'ai rencontré cette fille. Mes journaux sont de pauvres sources, en ce domaine. Elle y apparaît, un moment donné en 1988 comme faisant partie de ma vie. Ce que je sais, par contre, c'est que le premier jour de mon secondaire cinq, elle était à mes côtés pour aller à l'école : ma première journée dans ce nouvel environnement, parce que j'avais été renvoyée de l'école privée que je fréquentais auparavant, pour cause de maths en déficience.

C'était une fille relaxe. Contrairement à mes amies de l'autre école, elle n'était pas première de classe à tout prix. Si par hasard, elle obtenait de bonnes notes, elle les gardait pour elle. Ce n'était pas l'important. Ce qui comptait, à ses yeux, c'était le cœur. Et du cœur, elle n'en a jamais manqué; il était tatoué sur ses mains. Bien évidemment, si vous me m'offriez un cœur et une oreille à cette époque de ma vie, j'étais intarissable. Pauvre Mlle Seize-ans, elle a été le déversoir de beaucoup trop de choses pour une seule âme. Mes excès l'amusaient et la laissaient rêveuse, je crois.

On s'est perdues de vues lorsque je suis partie étudier à Sherbrooke, mais je crois que c'est la dernière personne de cette époque que j'ai vue, de temps à autres, après mon départ. Aujourd'hui, elle ne reste plus à Montréal, mais elle me lit. Je le sais parce qu'elle me dit de ne jamais cesser d'écrire. Elle qui était-là au tout début de mes balbutiements sur ce thème et qui peut en mesurer l'évolution. Elle dont l'existence se situe quelque part au nord de la mienne, mais qui prend encore le temps de se pencher sur mes mots, pour les parcourir et les commenter.

Pendant de longues années, j'ai eu le sentiment que les seuls souvenirs que je laissais derrière moi étaient ceux de mes manquements ou de mes erreurs. À trop vouloir me protéger des déceptions que je pourrais avoir causées, je m'emmurais dans la fuite vers l'avant.

Depuis octobre, je permets au passé de revenir à moi, et franchement, j'y ai vécu les plus beaux instants des dernières années.

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dimanche, février 22, 2015

Petite Marie

Mon premier boulot était dans un club vidéo. C'était à l'époque où ces endroits étaient au centre de la vie de quartier : l'offre télé était relativement limitée et internet n'existait pas vraiment. Les gens louaient des films pour passer le temps. Certaines familles réservaient des nouveautés à chaque semaine, dont celle de Petite Marie, que j'appelais ainsi à cause de la chanson de Cabrel et du fait que c'était une toute jeune adolescente qui n'avait pas encore atteint sa pleine hauteur.

Encore aujourd'hui, je me demande pourquoi elle a tant voulu être mon amie. Ce qu'elle a pu passer comme temps, au club vidéo pour attirer l'attention des grandes qui y travaillaient. La mienne en premier lieu. C'était une personne à l'esprit rationnel, douée pour les chiffres et les sciences, très cartésienne, comme toute sa famille, du reste. Elle portait une joie de vivre qui résonnait dans son rire. Moi j'étais au sommet de ma carrière de Reine du drame, vivant mes émotions en montagnes russes. Je n'étais certainement pas terre-à-terre, en tout cas. Petite Marie a persévéré à vouloir être mon amie, et réussi. Je ne pense pas que j'ai mis une once de condescendance la laisser entrer dans ma vie, malgré le fait que j'avais trois ans de plus qu'elle, et qu'à cet âge, ça paraît.

C'était une personne généreuse. Immensément. Être mon amie n'était, semblerait-il, pas suffisant. Il fallait qu'elle partage avec moi toute sa famille. Je les avais apprivoisés et eux m'avaient adoptée. Je connais ma chance, je sais bien que peu de gens peuvent se targuer d'une telle situation, et c'est à Petite Marie que je le dois.

Nous avons passé ensemble à travers des années charnières de l'adolescence. Il lui arrivait de trouver que j'étais un peu trop expressive, particulièrement dans des assemblées publiques. Mais, parce que c'était moi, elle faisait avec, même si sa personnalité était moins, disons, versée dans les excès qui me caractérisaient. Elle était la personne qui me ramenait régulièrement sur le plancher des vaches, à coups de points de vue pragmatiques.

Je suis partie étudier à Sherbrooke, ne revenant à Montréal qu'assez rarement, au fil du temps. Elle est allée étudier à Trois-Rivières et le temps à fait son œuvre, nous éloignant l'une de l'autre. Une amitié qui s'étiole jusqu'à ne plus exister, par manque de contacts.

Et puis, les réseaux sociaux sont arrivés. Et on s'est retrouvées, sans se revoir. En sachant qu'il y avait quelque chose de très fort et de très précieux dans notre passé commun. Puis, ce garçon-là et moi on s'est revus. C'est son frère. Vendredi soir, il a fait un spectacle, que je n'aurais manqué sous aucun prétexte. Lorsqu'elle est arrivée, j'ai eu droit à un espèce de serre-fort qui décoiffe, mais qui fait tellement de bien. Nous avons savouré la performance, magnifique, de ce garçon-là. À un moment donnée, happée par la musique et la prestance de son frère, des larmes d'émotions se sont mise à ruisseler sur les joues de Petite Marie. J'ai sorti mes mouchoirs et elle m'a serré le bras très fort, comme pour se raccrocher à un ancrage nécessaire dans ce flot de trop plein. Moi j'ai eu l'impression que j'étais une femme comme il s'en fait peu et j'ai pris toutes les décharges d'amour qu'elle m'a partagé.

Je l'avais appelée Petite Marie parce que je l'ai connue lorsqu'elle n'était qu'une toute jeune adolescente, mais il y a bien longtemps qu'elle est plus grande que moi.

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mercredi, février 18, 2015

Pas perdus

J'ai toujours adoré le terme salle des pas-perdus. Et ce que cela désigne me laissait pantoise. Une telle poésie pour une forme de salle d'attente, a quelque chose de trop pragmatique. Pourtant, lorsqu'on connaît la racine historique de l'appellation, même les âmes romantiques comme la mienne doivent se rendre à l'évidence de l'évidence, justement (pour les curieux, ces salles d'attentes sont ainsi désignées à la suite de troubles politiques, en France, au dix-neuvième siècle). Les seules salles de ce type que j'aie fréquentées sont celles de Montréal. Au Palais de justice, pour avoir été assignée à potentiellement faire partie d'un jury, mon nom n'ayant jamais été appelé, j'ai simplement (et ironiquement) perdu quelques heures à attendre que le temps passe. Celle de la gare Windsor, par contre, je l'ai traversée maintes fois, sans savoir que j'y mettais les pieds.

Depuis quelques semaines, j'ai décidé de marcher davantage. Pour moi. Alors l'expression me trotte dans la tête, forcément. Forcément parce que je me suis aperçue que je compte mes pas, inconsciemment de temps à autres. Et que, le fait de marcher deux stations de métro plus loin que mon lieu de départ, me fait faire beaucoup plus d'enjambées que ce que j'aurais fait, autrement. Je ne le fais pas tous les jours, la froideur des dernières semaines m'ayant quelquefois replongée dans la fréquentation des autobus. Histoire de ne pas mourir gelée par la bise de face.

Et puis, comme je l'ai raconté, il y a quelques semaines, je vis juste en dessous de l'appartement d'un couple, qui, sonorement, bat de l'aile. On entend leurs pas pesants nous tomber sur la tête, presque quotidiennement. Un troupeau d'éléphants qui se masse au dessus de de nos têtes. Des éléphants en talons-hauts, semble-il, parce que ça claque dans tous les sens et à tout moment. Ce déchaînement bruyant me fait encore davantage apprécié la discrétion naturelle de la personne avec laquelle j'habite depuis plusieurs années. Il est vrai que j'entends régulièrement le son de ses pantoufles à semelles rigides chez-nous, mais c'est un pas posé qui ne cherche pas à se faire remarquer.

En réalité, à cause des températures invraisemblables des semaines qui viennent de s'écouler, j'ai parfois l'impression de vivre avec une souris. Parce que pantoufles ou pas, les planchers de notre logement sont frisquets, pour dire le moins. Alors quand j'entends des pas précipités aller du salon à la salle de bains à toute vitesse, j'ai comme une image de souriceau frigorifié qui tente de ne pas se faire prendre en faisant des cliquetis sur les parquets usés.

Je présume que je dois donner la même impression car je sais très bien que je me presse aussi lorsque que vient le temps d'affronter les corridors qui me mèneront du points A au point B.

Moi qui me targue depuis longtemps d'avoir la faculté du mouvement silencieux, faut croire que lorsque la température frise l'indécence, je ne suis pas meilleure qu'une autre pour me faire discrète...

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dimanche, février 15, 2015

Souvenirs de Saint-Valentin

Je n'ai jamais fêté la Saint-Valentin en amoureux. Pourtant, j'ai eu quelques relations qui ont traversé cette date sauf qu'on ne m'a pas offert ni fleur ni chocolats ni souper au restaurant. Je crois que les amoureux que j'ai eu étaient plus pragmatiques que romantiques. Un ballant à ma propre personnalité je présume. M'enfin, c'est ce que je me dit avec du recul. Alors, je ne me sens pas plus seule un quatorze février que le reste de l'année.

Ceci ne m'empêche pas d'avoir certains souvenirs de la Saint-Valentin.

Enfant, j'avais droit à un petit paquet de cœurs à la cannelle et autres gâteries, à ma place au petit déjeuner, accompagnés de mots doux maternels. J'adore encore ces sucreries, que je me paie à chaque année, réminiscence de matins heureux.

Adolescente, en secondaire trois, je crois, nous avions eu une semaine de courrier du cœur. La plupart des messages que j'ai reçu cette semaine-là, provenaient de mes amies. Des petites lettres qui soulignaient l'importance de l'amitié. J'ai quand même reçu un message anonyme (amoureux ce coup-là), je ne sais toujours pas ce qui me l'a envoyé. J'ai cru que c'était un coup d'un ami, qui s'en est toujours défendu et m'a prouvé à maintes reprises que sa calligraphie et celle de ladite lettre, ne concordaient pas du tout. Parce que c'était avant les ordinateurs. Avant les courriels. J'ai gardé la lettre longtemps, puis un jour, fâchée de ne toujours pas savoir qui en était l'auteur, je l'ai détruite et jetée.

Je me souviens aussi d'un soir de tempête de neige, attablée dans un casse-croûte vide, à rire comme une folle avec ma meilleure amie de l'époque et à être ravie de marcher, après coup, dans une ville étrangement silencieuse et immaculée. D'avoir l'impression que les confidences que nous échangions restaient confinées dans la ouate blanche qui nous tenait lieu de décors.

J'ai aussi en mémoire une soirée de gardiennage, de 1990, je pense. Je veillais sur un tout petit poupon de pas tout à fait un an. J'écoutais des Musique Plus, à mon grand plaisir puisque nous n'avions pas ce poste à la maison. Et je suis tombée, par hasard, sur le vidéo Catalina de Pierre Flynn. Et j'y ai vu vivre un cousin de ma mère que j'adorais. La dernière fois que je l'avais vu en vrai, c'était quelque semaines plus tôt, et il ne ressemblait plus en rien à ce jeune homme charmant et étincelant qui s'animait devant mes yeux. Au printemps de cette même année, on a appris qu'il s'était suicidé quelque part au cours de cet hiver-là.

Conséquemment, à mes yeux, la Saint-Valentin c'est un peu ça, une journée pour se rappeler de ceux que l'on aime ou que l'on a aimé, même en toute naïveté.

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mercredi, février 11, 2015

En transparence

- Je déteste quand tu fais ça.
- Quand je fais quoi?
- Quand tu me regardes par en dessous l'air de dire que tu me vois me mentir en pleine face.

Je la regardais se débattre avec ses idées emmêlées depuis presque une heure. Petit poisson tout perdu dans son adolescence en ébullition. Tout en faisant semblant de pas vraiment y porter attention. C'était mon truc avec elle. Nous n'avions que quatre ans de différence, mais il me semblait qu'entre ses 17 ans et mes 21 ans, il y avait un monde de différence. Je n'avais sans doute pas tout à fait tort, pas tout à fait raison non plus, je crois.

On s'était rencontré l'année précédente. Quand elle avait emménagé chez sa grand-mère, ma propriétaire et voisine du dessous. Alex n'avait pas souhaité suivre ni son père ni sa mère après leur séparation, elle voulait terminer son école secondaire là où elle l'avait commencé. Alors elle était venue vivre ici. Et quand Mamie n'était pas là à son retour de l'école, souvent, Alex venait gratter à ma porte, pour ne pas être trop seule.

La plupart du temps, elle faisait ses devoirs, jasait des heures au téléphone, tout en menant une vie sur sa tablette informatique. Elle n'était somme toute pas très dérangeante et me laissait faire mes travaux universitaires dans un paix relative, si ce n'était des éclats de rire qui jalonnait ses parcours dans mon domicile. Elle était une lumière dans mes journées un peu mornes, moi qui avais toujours été un ours pas trop sociable. Et particulièrement terre-à-terre.

Certains jours, cependant, elle me parlait. Elle me racontait ses histoires de cœur. L'ouvrant devant moi comme un présent offert. Me laissant un peu désemparé devant une candeur que je savais ne pas posséder. Elle avait une imagination vive et spontanée. Tout pour elle était sujet à rêveries. Elle se frappait régulièrement sur les murs du réel qui la laissait en petits morceaux d'elle-même et à tous les coups, elle se relevait, tête haute, en m'affirmant qu'on ne l'y reprendrait plus, jusqu'au prochain écueil.

Lorsqu'elle m'accusait de trop de perspicacité, comme elle venait de le faire, je savais que quoique je dise ou fasse, mes réponses ne seraient pas les bonnes. Alors je la laissait aller. En espérant, vainement, les trois quart du temps, que cela ne suffirait pas à lui faire descendre les escaliers à toute vitesse pour se réfugier au rez-de-chaussée.

Elle était effectivement partie, mais juste avant de fermer la porte elle m'avait demandé :

- Pourquoi ce ne sont pas les gars simples comme toi, gentils comme toi qui m'intéressent dis-moi?

Et j'avais pensé que j'aurais bien aimer lui donner une réponse un peu moins plate que les gars comme moi, les filles ne les voient juste pas.

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dimanche, février 08, 2015

Les petits retours du destin

J'ai récemment entendu l'histoire, tout à fait banale, d'un homme qui, comme moi, avait été malmené par ses pairs durant son enfance. Ou plutôt par un personnage en particulier. Il m'a raconté cela en toute simplicité. Nous nous sommes aperçus, en cours de discussion, que nous connaissions plusieurs personnes en commun. Pas au même degré. Mes amis étaient ses connaissances et inversement. Le monde est petit, et avoir partagé une enfance aux deux extrémités d'Ahuntsic semble l'avoir encore davantage rétréci.

Toujours est-il que je connaissait le nom de la personne qui lui avait rendu l'enfance difficile. Et je me demandais bien pourquoi est-ce que ce nom résonnait pour moi. J'avais vaguement une image de ce personnage dans ma tête, des images un peu floues avec un petit quelque chose qui me tarabustait le fond de la cervelle. J'ai donc entrepris d'ouvrir mes boîtes à souvenirs pour aller à la pige aux informations qui m'échappaient. Tout le monde se demande toujours pourquoi je persiste à déménager, fois après fois, ces boîtes de paperasses emmêlées que je ne zieute pas très souvent. Je crois que c'est tout bonnement parce que ma mémoire est faillible. Alors je me repose sur les notes que j'ai jeté dans de vieux agendas scolaires ou journaux (pas tout à fait intimes).

C'est finalement dans mon album de finissants de secondaire cinq que j'ai trouvé ma réponse. En lisant le message qui était attaché au nom de cette personne. C'est moi qui l'ai écrit. Pas parce que le garçon en question était mon ami. Non, c'était plutôt parce que personne ne s'était porté volontaire pour écrire un descriptif pour lui. Il n'était pas le seul dans cette situation, j'ai dû écrire une dizaine de messages pour des gens que je ne connaissais pas, ou peu, en tant que membre du comité de l'album de finissants. Ce que j'ai écrit pour ce gars-là, n'était pas très gentil. Ni méchant. Mais il a fallut que la professeur responsable de cette activité parascolaire adoucisse mes angles, je m'en souviens très bien désormais.

J'ai trouvé ce hasard amusant. Et je me suis mise à penser que nous ne sommes pas les deux seules personnes de ma connaissance qui ont un jour été ostracisé par quelqu'un qui était plus fort que soi. Socialement ou physiquement. Ce que je constate, c'est que toutes les gens que je connais ayant vécu ce type d'expérience sont des individus qui ont mûris avec une belle sensibilité et beaucoup de compassion pour autrui. Beaucoup d'entre-eux sont des gens qui ont une carrière qui leur sied bien et ils sont, généralement, fort respectés par leur entourage.

Des vilains eux, ceux qui riaient, disaient des méchancetés et se plaisaient à piler sur les têtes, je n'ai que peu d'échos. Quelques uns ont mal fini. La plupart ont traversé le même genre de calvaire que ce qu'ils nous ont fait endurer, un peu plus tard dans leur vie.

Alors je me dit qu'il n'a certes pas été agréable de passer à travers ce genre d'expérience, mais somme toutes, ça nous aura armé pour affronter la vie. Et de nous permettre de savoir qu'après chaque échec, une réussite est possible.

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mercredi, février 04, 2015

Vie de quartier

Cher marginal montréalais,

Je n'ai rien contre toi, en fait, je crois être plutôt compatissante à ton égard et je donne les quelques sous que je peux, à tous les ans, à des organismes qui sont-là pour t'aider. Mais vois-tu, tu es nombreux dans le quartier où je vis. Alors je ne peux pas te fournir argent et cigarette à toutes les mains que tu tends vers moi. Je voudrais bien t'aider davantage, mes poches ne sont pas assez profondes pour cela.

Ce qui me hérisse un tantinet cependant, c'est que la tolérance se joue dans les deux sens. Je suis un peu tannée de me faire enguirlander, presque quotidiennement, par toi. Si tu t'approches de moi dans un wagon de métro, ou sur un quai, en me demandant de l'argent, je te dirai non. En essayant de le faire gentiment et poliment. Svp, ne me hurle pas après que je suis une grosse torche. Ce n'est pas très sympathique. Le résultat est que je me souviendrai de ton visage et que la prochaine fois que je te croiserai, je ferai un détour, le plus loin possible de toi. À ce moment, tu auras raison de trouver que je t'ostracise. Peut-être ne te rappelleras-tu pas de m'avoir un jour insultée, moi si.

Si tu t'assoies à côté de moi, dans un transport en commun, et que schlingues au possible, il est rare que je me déplace. Par respect pour ta condition. Mais si tu t'allumes une cigarette dans le métro bondé de l'heure de pointe ou que tu te mets à m'invectiver parce que je ne te donnes pas le contenu de mon sac à lunch, là, je changerai de place et mes commentaires ne seront probablement pas très gentils.

Je ne peux pas dire que je comprends ta condition. Je ne la vis pas. Je sais par contre ce que c'est que de ne pas être bien dans sa tête. Je sais comment on peut ressentir le regard d'autrui sur soi, et je sais à quel point c'est douloureux.

Non, je n'achète pas tous les numéros de l'itinéraire. Je n'en achète même pas très souvent. Mais lorsqu'un sujet me plaît dans ce journal, à ce moment-là, je l'achète. J'aime ce projet parce qu'il peut t'aider, je crois.

La plupart du temps, je n'ai pas peur de toi. Mais je ne suis pas surhumaine, il y a de fois, où j'ai une grosse frousse en te côtoyant. Je sais bien que ton attitude n'est pas nécessairement dirigée directement contre moi, sauf que lorsque je suis le déversoir de tes frustrations du jour, il est probable que tu m'effraies. Je ne suis pas armée pour t'aider. Je ne suis qu'une femme, parmi tant d'autres, qui fréquente les mêmes lieux que toi.

Et si tu tiens la porte au métro Berri entre le terminus de bus et le métro à proprement parler, je ne serai jamais celle qui met des sous dans ta tasse; tu te multiplies beaucoup trop à cet endroit très précis.

La seule chose que je puisse faire, c'est de te regarder, dans les yeux, et de te souhaiter une bonne journée.

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dimanche, février 01, 2015

Me faire une raison

Mettons que l'hiver n'est pas ma saison forte. En fait, j'adore l'hiver lorsqu'il est doux. Ce qui ne fut certes pas le cas du mois de janvier que nous venons de traverser. Je suis bête diurne. Le soleil me manque déjà depuis quelques mois. Je trouve toujours difficile de me lever avant lui, de passer la journée au travail, et d'en sortir dans la pénombre.

Je me suis échouée plus souvent qu'à mon tour sur les plages de février. Atterrée par le froid et cette lumière qui n'en finit pas de prendre son temps à revenir égayer nos journées. Ajoutons à cela tous mes petits malheurs de piétonne et usagère du transport en commun, ma patience, déjà limitée a les bornes acérées.

Ainsi, trois fois au cours du dernier mois, j'ai eu assez froid, puis chaud, puis froid, pour me gercer le derrière des genoux. Ce n'est pas très sympathique parce que dès que je plie les jambes, j'ai mal à en hurler. J'en suis rendue à m'enduire cette zone sensible de beurre de karité, ce qui laisse sur ma peau une couche inconfortable et un peu cireuse. Mais je me dis que c'est mieux que les craquelures intempestives des gerçures.

Et puis, je réagis depuis longtemps de façon assez étrange aux brusques changements de température. Surtout quand je passe du chaud au froid. J'éternue. Quand je dis j'éternue, il faut comprendre, sans arrêt, pendant de longues minutes qui me laissent épuisée et me donnent un air perpétuellement enrhumé. Il y a des gens que je croise tous les jours dans les autobus lavallois qui doivent sérieusement croire que je traîne le même virus depuis des semaines. S'il savaient ; c'est juste mon corps qui fait le fou.

Le plus pénible pour moi, pourtant, c'est de me chausser pour l'hiver. Si je veux me rendre jusqu'au transport, je dois avoir des bottes chaudes. Mais comme je passe 30 minutes par trajets dans les métro surchauffés, elles remplissent alors beaucoup trop bien leur office. Ce qui fait que j'arrive immanquablement à destination avec les pieds pataugeant dans leur propre jus. Ce n'est ni agréable ni efficace pour me tenir au chaud. En plus, ça pue.

Ce n'est pas tant que je n'aime pas l'hiver, en réalité. J'aime beaucoup entendre le bruit des pas sur la neige, le rythme ralenti des lendemains de tempêtes et les nuits froides qui bercent mon sommeil. Et puis, j'adore la petite marche matinale d'une vingtaine de minutes dans la bise hivernale, ça me vivifie et m'éveille la bonne humeur

Le problème que j'ai, c'est que ma vie n'y est pas du tout adaptée. Ce dont j'aurais besoin, c'est du pouvoir de superman de transformer ma tenue vestimentaire dans une cabine téléphonique (qui n'existent plus, je sais bien) et de l'adapter aux situations qui se présentent à moi en cours de trajet.

Mais, ça ne m'arrivera pas, faudrait bien que me fasse une raison.


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