mardi, novembre 29, 2005

Salut la groupie!

J’ai commencé un peu par hasard, presque innocemment. Ils s’appelaient Trente arpents et se produisaient dans les bouis-bouis de Sherbrooke. Au début, j’y étais sans savoir et puis je me suis mise à me pointer volontairement un peu partout pour les voir. C’était l’apparition de la groupie. Du moins de la groupie de personnes accessibles. Je l’étais déjà de divers artistes internationaux et mes chances qu’on se parle eux et moi étaient très faibles. Avec Trente arpents, c’était différent. Ils me voyaient dans la salle, me demandaient ce que je pensais des arrangements et tout. Je les ai suivi presque jusqu’au bout durant Cégep en spectacle, l’année où ils l’ont gagné. Désormais, le noyau du groupe joue avec Vincent Vallières, qui était le chanteur de Trente arpents, il y a 10 ans.

J’ai continué ma route de groupie. J’ai tellement vu les shows sherbrookois de Daniel Boucher qu’il me reconnaissait dans la salle. C’était avant qu’il soit vraiment connu. Et il venait me parler à la fin du show pour me demander ce que j’en avais pensé. Depuis quelques semaines c’est André que j’ai le goût de suivre partout. Vous me direz que c’est facile d’avoir cette envie puisque je connais le chanteur depuis qu’il est né. Et bien entendu avec eux, c’est facile d’avoir un contact direct. Cependant mon plaisir de groupie il reste exactement le même : je suis dans la salle et je tripe. Je laisse mes yeux s’allumer, la musique monter en moi et je me laisse happer par les mélodies, me trémoussant sur place. Je suis une fan qui met de l’ambiance dans la salle.

Comme je suis amoureuse des mots, je ne me suis pas contentée d’être une groupie musicale. Un soir, il y doit y avoir un an, je suis allée voir Guillaume Vigneault pour lui dire que j’aimais beaucoup ce qu’il avait écrit. Il n’avait pas le temps de rester, il m’a fait envoyer une bière et nous avons repris la discussion quelques jours plus tard. Je crois que je l’ai bien fait rire lorsque je lui ai expliqué que j’avais pris le parti de me présentée dans mes petits fanatismes parce que c’était ma seule chance de me faire connaître des personne que j’admirais. Et puis il y a Monsieur P. Mon immuable. Que je suis partout depuis une dizaine d’années. Quand je me suis dénoncée, je prenais une chance sur la vie : je l’admirais (et l’admire toujours) depuis si longtemps. Je lui parlais à travers le poste de la radio hebdomadairement : il fallait qu’il le sache, quitte à ce qu’il me trouve un peu ridicule. Je sais maintenant qu’il a surtout été flatté.

Hier soir il y avait un Show Cool au Verre bouteille, le spectacle était largement commencé quand Guillaume est venu s’asseoir à ma table, faute de place ailleurs et aussi parce qu’il me connaît maintenant. Sur scène, Vincent et passé faire son tour. J’étais leur fan, je le suis encore, mais je ne suis plus une fille dans l’ombre qui ne fait que baver sur leur talent.

Quand le show s’est terminé, je me suis levée et j’ai été serrer la pince à tous les artistes qui me virent à l’envers et qui ne me connaissent pas encore.

lundi, novembre 28, 2005

Monstres

Officiellement dilettante du Coïtus impromptus, il m'arrive encore d'écrire des textes qui se conforment au thème de la semaine. En voici un.

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Tu me faisais la gueule et je te répondais : « Moi aussi je t’aime » certaine de mon bon droit. Certaine que le lien qui existait entre nous ne s’étiolerait pas pour cause de mauvaise foi. Tu me regardais, rouge de colère pendant un temps, puis tu me tirais la langue, rendant les armes, parce que nous savions que j’avais raison : tu m’aimais aussi. Quand il s’est présenté dans ma vie, avec ce charme incroyable, ce bagou qui déménage et la confiance qui va avec, j’ai commencé l’implosion. J’ai perdu le fil. Je me suis mise à avoir peur qu’il me quitte : je lui avais livré mon corps et mon cœur, entièrement ouverts, friables et faillibles. J’ai oublié mon nom et mon identité. J’ai surtout oublié que je pouvais dire : « je t’aime » sans que ce soit une arme qui se retournerait contre moi. Je me suis terrée à l’intérieur de moi. Il a fini par me quitter. Je n’en suis pas morte, mais quelque chose dans ma candeur affective avait foutu le camp, très loin de moi.

Quand il m’a dit qu’il m’aimait, ça ne faisait qu’une semaine qu’on se connaissait, j’ai hurlé, certaine qu’il me mentait. Je suis devenue violette, bouffie de doutes. Lui me souriait amusé : il avait bien compris que je réagissais ainsi parce qu’il me touchait le fond des tripes. Par sa seule présence, j’étais encore plus en danger. Mais je savais que je ne devais plus me fondre dans son univers pour survivre. J’ai tenu ce bout-là. Uniquement ce bout-là. Je me suis perdue encore plus loin dans la terreur d’être laissée pour compte. Elle s’est transférée à toutes mes relations. Parents, amis, tout le monde y passait : je ne voyais pas comment vous pourriez m’aimer. Je l’ai mis dehors, en jouant la fière. Comme si ça ne m’importait pas. Je l’ai mis dehors avant qu’il ne me quitte, pour repousser le plus loin possible l’abandon.

J’ai arrêté d’écrire, j’ai suicidé ma plume et l’ai laissée se taire durant des années. Je me disais que le talent c’était pour les autres. Et que je n’étais qu’un petit bout de femme qui ne le méritait pas. Tu me faisais la gueule et je m’écrasais. J’étais épouvantée à l’idée que ton sourire ne fleurirait pas si j’affirmais que je t’aimais. On a cessé de se voir. J’étais toute seule dans mes cendres. Je ne pleurais pas, je criais et j’étais certaine qu’on ne m’entendait pas. Je riais pour faire semblant.

Ce matin j’ai écrit à quelqu’un que j’étais certaine de son affection pour moi. Et ça m’a rappelé ces moments d’adolescence durant lesquels tu me faisais la gueule. Il y a une masse qui m’est tombée sur la figure quand j’ai réalisé que j’ai commencé me détruire à partir du moment où j’ai laissé des hommes m’aimer. Qu’à l'instant où je les avais aimé en retour, j’avais cessé de croire en moi. Étrange addition sans doute, sauf que je n’ai jamais fait les choses de manière conventionnelle. Et j’ai laissé mes amours devenir mes monstres.

dimanche, novembre 27, 2005

La vérité toute nue

Tu me disais « t’es plate » quand je quittais le jeu, tannée de te voir mener la danse. Je devenais, l’exclue volontaire, avec ma gang moins cool de filles plus jeunes qui ne me demandaient de les admirer. J’ai toujours eu l’admiration obligatoire rétive. Ou est-ce depuis toi?

Tu me faisais sentir que je n’étais pas dans la vague quand la vie nous a placés à une année d’école d’intervalle. Tu promenais ta suffisance adolescente comme d’autres se perdent dans des écharpes trop chères pour leurs moyens. Et t’es venu me trouver quand t’as voulu une job à où je travaillais, que t’as eu d’ailleurs. Par la suite, t’as arrêté de me trouver juste énervante, même en public. Parce que tu savais bien que tu m’en devais une. Le mieux c’est que je n’avais pas mis ton nom sur le dessus de la pile simplement pour regagner ton affection. En réalité, je savais bien que je ne l’avais pas perdue.

À cette époque, il y avait cet ami à toi qui venait te chercher après tes quarts de travail et qui me parlait, l’air de dire qu’il était donc fin de m’adresser la parole puisqu’il était en 5 et moi en 4. Pis tu riais dans tes fossettes en lui disant qu’il perdait son temps à jouer ce jeu-là avec moi parce que je finirais pas lui river son clou. T’as eu raison : j’ai un souvenir de portique de votre show de fin d’année persistant.

Je t’énervais à cause de cette mémoire des dates, des noms et des événements. Je t’énervais parce que dans toutes les histoires que je racontais, le rire était prédominent. Et moi je croyais que de faire rigoler la galerie était le seul moyen à ma disposition pour me rendtre intéressante. Alors, je prenais mon trou et j’allais voir ailleurs si j’y étais. Toi et moi en public, c’était souvent bien des piques, rarement la réelle entente qui flottait pourtant. Entente que l’on reconnaissait tous les deux.

Tu m’as regardée, derrière les pattes d’oie qui t’épanouissent le sourire, et t’u m’as dit : « Faudrait qu’on se prenne un café et que tu me racontes notre enfance ». Alors j’ai compris que ça t’horripilait tellement cette mémoire parce que tu ne la partageais pas. T’as ajouté, d’un autre souffle, que tu ne t’étais jamais su beau. J’ai étouffé un rire dans ma bière devant le sérieux de l’affirmation, car je voyais bien que tu y croyais. Tu en as pourtant tellement usé.

Je t’ai dit que ce qu’il y a de bien avec toi, c’est que t’es une personne de cœur. Et tu m’as regardée, abasourdi en sachant que cette fois-là, je te montrais la vérité toute nue.

vendredi, novembre 25, 2005

L'improbable caissière

Lorsqu’il a contourné la colonne pour passer à ma caisse, j’ai regardé ma collègue et nous savions toutes les deux qu’on le trouvait franchement beau. Il s’est arrêté devant moi plutôt que devant elle et m’a demandé si le livre qu’il tenait à la main était récent. Alors j’ai foutu le camp dans un trou sans fond. Cette voix était totalement charmante. Quelque chose de grave, de rond de doux et de posé avec une élocution quasi parfaite. J’avais cette envie folle de fermer les yeux pour l’écouter, en disséquer tous les accents, toniques et autres. Il me regardait un peu gêné parce qu’il trouvait que sa question manquait de pertinence et moi je lui ai dit que je n’étais pas d’accord. Je trouve plus absurde qu’on me demande si nous avons le Code Da Vinci quand il y a une montagne dudit livre dans l’entrée. Bref… Il était charmant.

Ensuite, il s’est trouvé des raisons pour me parler, il prenait son temps à remballer ses trucs, me regardait dans les yeux pour me poser des questions sur la délicate question du fait que je travaille quand près de la moitié des librairies de notre chaîne est en grève. Nous avons discuté des rapports de force entre la partie patronale et les parties syndicales. Il était allumé, intelligent, bien mis et il sentait bon. Il avait donc un potentiel de séduction, à mon endroit, particulièrement développé. Quand il fut parti, ma collègue s’est mise à commenter : sa voix, son apparence, son odeur. Accroché sur mes lèvres un immense sourire, sans doute ravageur, qui me traîne sur le visage depuis cinq bonnes minutes. Elle me dit : « tu me caches quelque chose ». Elle avait raison.

Moi je laissais l’impression m’envahir et cet amusement complet prendre sa place. Ma collègue plissait les yeux de curiosité et savait que je finirais pas tout déballer quand les employés qui traînaient autour des caisses seraient retournés à leurs postes respectifs. Une quinzaine de minutes plus tard, quand les autres furent partis elle attendait impatiemment mes explication alors je lui dit : « J’avais envie de lui dire : t’es beau et tu le sais. T’as une voix qui m’assassine mais ça tu ne le sais peut-être pas ». Et de me faire interrompre : « Mais pourquoi tu l’as pas dit! T’es tellement capable de faire cela! » Et moi de conclure : « Parce que la prochaine phrase qui me popait dans le cerveau après cela c’était : Pis t’es bandé et ça paraît ».

Je me suis tue et je me suis drapée dans le sourire qui dissimule les fous rires.

Et puis, je connais son nom.

jeudi, novembre 24, 2005

Comment je fais moi

Il y a des hommes qui me confient au détour d’un hasard qu’ils s’épuisent à faire rire ou réfléchir. Ils me demandent comment je fais pour exposer mes tripes comme cela, prêtant volontairement le flanc à la vulnérabilité, montrant exactement là où je suis sensible, dans tout le vrai de la question. Et c’est à ce moment qu’ils réalisent que je suis beaucoup plus protégée que je n’en ai l’air, justement parce que les faiblesses admises ne sont plus aussi chatouilleuses; au moins elles ne donnent plus de prise à la manipulation de mon censeur intérieur. Il y a des hommes qui me tendent la voix comme un murmure à l’oreille pour m’annoncer qu’ils sont beaucoup moins bien que ce que je crois, avec mes yeux écrabouillés d’adolescence attardée. Moi, je les regarde un drôle de sourire en coin, parce qu’évidemment, ils ne m’apprennent rien.

Il y a de ces gens que je reconnais au premier regard quand je vois, dans le fond de leurs yeux, danser un poète maudit, éternellement insatisfait. Ces gens me jettent des coups d’œil étonnés parce que je ne suis pas cette tristesse langoureuse. Je ne l’ai jamais été. Je verse plutôt dans la Drama Queen. Il y a des hommes qui promènent leur spleen en bandouilère, comme une écharpe devenue trop lourde qui leur serait glissée des épaules. Il y a des hommes tristes que j’ai envie de secouer comme des pommiers pour ébranler leurs peines et leurs certitudes. Il y a des hommes qui me disent « Mathilde, je veux me taire » et moi je ne veux pas les laisser faire. Alors je les titille jusqu’à l’absolu.

Il y a de ces femmes qui me regardent, abasourdies, quand je leur raconte qui était la femme requin. Elles me disent que jamais elles n’oseraient agir comme je l’ai fait et me trouvent courageuse d’avoir pu pousser l’audace dans ses retranchements les plus lointains. Il y a des ces femmes que j’énerve simplement parce que j’existe et que ma seule présence les rend mal à l’aise, parce que, ma place je la prend en arrivant. Il y a de ces femmes qui me prennent pour modèle parce que j’ai cette faculté de me mouvoir dans tous les océans, arborant mes étendards d’excentricité en toute fausse modestie.

J’observe ce personnage complexe et je me dis que finalement, je ne suis qu’un chaton agité qui joue avec une balle rebondissante, en regardant, fasciné, la direction qu’elle va prendre.

mercredi, novembre 23, 2005

Trimbaleurs de charme

Elles promènent leur cul dans les rues de Montréal, le téléphone collé à l’oreille, dans des trucs trop ajustés, au bout de leurs talons aiguilles. Elles se maquillent avec art, passent des heures devant le miroir avant de quitter leur demeure pour ajuster les moindres détails de leur apparence. Elles sont jeunes et se baladent généralement par deux, parce que sortir seule, ça ne se fait pas : ce n’est pas in. Elles sont tellement collées sur ce qu’elles voient qu’elles jugent tout comportement, habillement sortant de leurs critères encore plus serrés que leurs vêtements. Elles se déhanchent langoureusement, posant attentivement leurs pieds sur le bitume, avec une lenteur étudiée, pour faire leur effet. Les regards se retournent sur leur passage tandis qu’elles notent tous les beaux qui se sont laisser prendre à leur jeu, méprisent tous les laids et ne voient pas les ordinaires. Lorsqu’une maman gênée par la poussette les accroche sur une rue encombrée d’une journée de novembre qui commence à sentir Noël, elles lui jettent un regard assassin.

Elles entrent dans un bar bondé, en conquérantes. Sûres d’elles et de leur droit à avoir une place de choix. Elles lancent leurs sacs à main à côté de moi commencent à dénouer leur foulard jusqu’à ce que je leur dise que la place est prise. C’est alors qu’elles me regardent de haut, comme si je venais de les insulter. Parce que j’ai osé leur adresser la parole, moi qui ne suis pas un modèle de mode féminine, moi qui ne réponds pas aussi bien qu’elles aux critères de beauté en vigueur. Et puis, n’étant pas aussi décoratives qu’elles, c’est moi qui devrais céder ma place au bar, n’est-ce pas? Elles partent avant la fin du spectacle. Passant entre les tables et les chaises pour se faire remarquer, ce qu’elles réussissent très bien. Lorsqu’elles franchissent la porte, toutes les femmes dans la salle poussent un soupir, muet, de soulagement.

Je déteste les belles qui se savent belles. Je suis sans doute jalouse, mal dans ma peau et encombrée de je ne sais combien d’autres complexes tout aussi ridicules. Je déteste les gens qui me regardent insolemment, comme si ma seule présence les dérangeait puisque je ne suis que moi. Je déteste ce droit qu’ils et elles s’octroient de se placer au-dessus des autres pour cause de physique parfait. Je déteste ces hommes qui viennent m’aborder en laissant entendre qu’ils me font une fleur, parce qu’ils sont si beaux. Je déteste les gens qui me disent, dans leur attitude : « tu n’es pas assez belle pour moi ».

Je préfère ceux qui trimbalent leur charme en toute innocence, et qui sourient devant la vie. Ceux-là sont mes amis.

mardi, novembre 22, 2005

Un lundi soir, au Verre bouteille

« Do you wana have sex with me in the alley? » J’avais bien ri quand le mec m’avait posé la question. Sorti de nulle part ainsi. On ne se connaissait pas et il m’abordait avec cette question, ma foi, directe. Ça m’aura permis de rire un bon coup avec le barman et de pousser un peu plus les échanges qu’à l’habitude. Il m’a dit qu’il voulait devenir musicien, je lui ai donné mon courriel en affirmant que j’aimais être une fan de la relève. C’était en juin 2004. J’ai eu l’invitation la semaine dernière, et hier, j’étais là.

Ils étaient trois, au Verre bouteille sur Mont-Royal : D’Arcy, Gizmo et David Thiboutot. Trois gars et deux entractes. Ils se sont partagé la scène en toute convivialité nous présentant des compositions de leur cru chacun leur tour. Lorsque D’Arcy a commencé sa partie, j’ai tout de suite pensé que c’était un peu trop balade pour moi, que ça me rappellerais les chaînes qui passent les grands succès doux en continue. Sauf qu'il y a quelque chose du côté des arrangements sonnait totalement différent et cette puissance dans la voix qui sentait vrai. Les pièces que j’ai préférées étaient celles dans lesquelles il mélangeait l’humour à la tendresse comme dans « je ne suis pas idiot ». Après dix minutes de pause, Gizmo est entré sur scène. Une bête d’intensité et de paroles en logorrhée. Il vous dirait que c’est la nervosité qui le fait parler. Dans sa musique on entend une influence western, la manière de poser les accents. Les yeux fermés, la bouche à moitié close pour diriger la voix, il laisse tomber les notes et les sons avec, dans l’intonation, quelque chose de retenu comme s’il gardait un secret sensuel qu’il nous fait espérer. Avec Gizmo on rigole et on s’attendri sur un ton enjoué. Il a le sens du spectacle, on ne peut s’ennuyer. Finalement, David s’est planté tout seul derrière sa guitare. Il présente une poésie plus noire, plus décousue, cependant plus forte. Il est un peu mal à l’aise devant nous, sa gêne le rattrape. Pourtant, il est là solide dans sa voix et dans son matériel. Une lame de fond qui vient me découper le cœur. Quelques chansons, peu de commentaires entre les textes, et ses amis qui viennent le rejoindre pour faire son band, dans les dernières pièces. Une belle âme sur scène.

Assise avec Sauterelle qui était « Totally wowed » selon ses propres termes, on a vu un homme discuter au bar. Et elle me dit : « C’est pas Monsieur P.? » Moi de regarder et de croire que ça peut être lui, mais la barbe me confond. Alors j’attends… Et je fini par capter une intonation : c’était lui, sa voix est tombée dans mes oreilles et je l’ai reconnu. Je suis allée le saluer pensant que ce ne serait pas long. Je suis restée 45 minutes. En tout cas assez pour apprendre qu’il avait déjà mis son nez dans mes chemins en tapant « François Parenteau » et qu’il m’a trouvée bien drôle de raconter la fois ou je me suis dénoncée comme fan de sa personne, en toute candeur. Il annonçait, fièrement aux gens autour de lui : « heille, c’est Mahilde, ma groupie! » Riant d’une quelconque niaiserie que j’ai échappée, il s’est dit d’autant plus flatté que je suis brillante et que tant qu’à avoir une fan, aussi bien qu’elle soit intelligente, hein? Surtout quand notre champ d’action c’est l’humour politique!

Les lundis soirs au Verre bouteille, sont riches en émotions!

dimanche, novembre 20, 2005

Là où on me questionne

Il y a sur une autre page du net, un interview sur moi. Oui moi. Mon premier interview à vie. Je vous laisse le lien ici parce que... J'en suis fière. Alors c'est ici. Je vous invite à aller le lire et à me dire ce que vous en pensez. Ici, ou sur le site qui héberge cette discussion.

samedi, novembre 19, 2005

Un parfum épicé

J’avais les mains moites. Le souffle coupé. Il s’est penché vers moi pour me demander à quelle saveur était ma gomme. Question banale qui devenait chargée de sens à mes oreilles pudiques. Je lui ai répondu « cannelle » en cherchant mes mots. Ça fait des mois qu’il me fatigue l’angle mort : je le vois partout, tout le temps. À chaque fois que je l’aperçois, je sais son nom et ça me dérange. Je l’ai vu souvent se pencher vers une femme et lui tendre la voix comme d’autres tendent une perche. J’assistais impuissante à ce spectacle, envieuse. Je ne lui ai jamais parlé.

J’ai dû rougir instantanément quand il m’a adressé cette question. Tous les mots me devenaient étrangers. Je cherchais partout la signification des termes qui autrement me sont familiers. Déstabilisée. C’est là qu’il en a rajouté. Il s’est mis à me parler d’épices. Un homme qui vous jase de cuisine et qui sait de quoi il parle, comme ça dans le creux d’un silence improbable, c’est hautement sensuel. J’en étais coite. Et de détailler. M’expliquer où aller chercher lesdites épices. Comment les choisir. Comment les laisser rouler sous la langue puis les croquer pour en faire sortir les parfums particuliers.

J’étais complètement fascinée. Je réussissais à lui rendre la discussion. Je crois. Mais je ne suis plus certaine du tout d’avoir été un tant soi peu conséquente. Je passais le plus clair de mes minutes à essayer, bien inutilement, de rattraper mes idées pendant que je courais après ma gueule qui menaçait de faire le tour de la planète toute seule. Il y avait une énorme boule dans mon estomac qui me remontait l’œsophage ; il fallait que je foute le camp. Immédiatement. J’ai ramassé mes idées, remonté ma gueule le plus discrètement possible. Je lui ai tendu la main en lui disant : « Moi c’est Mathilde, je sais qu’on s’est croisés souvent, maintenant on sera présentés ». Il m’a dit son nom. J’ai évité de lui révéler que ça fait un an que je le sais.

J’ai fini de nouer mon foulard pendant qu’il me parlait de choses et d’autres. Moi, je me faisais du cinéma et m’imaginais que c’était pour me retenir un peu. Les papillons me sortaient par la bouche. Je faisais basculer mon poids d’une jambe à l’autre en sachant que je devais m’en aller au plus maudit. J’ai lancé un regard à une copine assise quelque part dans les brumes du bar pour me donner la force de m’en aller. Il m’a dit qu’on se reverrait. J’ai acquiescé.

En rentrant à la maison, j’ai dit à ma coloc que le plus beau gars du monde m’avait parlé.

Il paraît que j’avais des étoiles dans les yeux.

vendredi, novembre 18, 2005

Mes secrets honteux

Bon Catherine m’a encore fait passer un relais… Je dois dire que celui-ci j’avais envie d’y répondre. Pour voir jusqu’où irait mon honnêteté. Il y a bien entendu toute sortes de choses que j’ai décidé de taire, parce qu’après tout, mes petites pointes personnelles n’avaient pas rapport dans cet exercice. Mais je dois dire qu’au bout de douze, j’ai été bien embêtée. Je passe ma vie à raconter ma vie et à l’admettre en tant que ce quelle est. Alors les secrets honteux et moi…

1- Pré-adolescente, j’avais un certain talent en manipulation : je pleurais pour obtenir des rôles de théâtre entre autres chose. Et je réussissais.
2- Enfant, j’étais une petite menteuse. Je le suis encore, et c’est pour cette raison que j’écris : ça me permet de réinventer ma vie tout en gardant l’œil ouvert sur la vérité.
3- Je suis une fan finie de la musique des années 1980 en général et de Corey Hart en particulier. Dès qu’il fait un spectacle à Montréal, je n’ai qu’une envie : le voir. D’ailleurs, ça me fait chier en maudit d’avoir manqué Star Académie dimanche, parce qu’il était là.
4- Quand j’étais petite, je me cachais dans le fond des garde-robes pour ne pas recevoir les becs des invités. Une peur intense de me faire voler la moelle de mon être par ces gestes trop proximaux.
5- Je lis des romans d’amour poche de la collection Aventures et passion publiée chez J’ai lu depuis des années. Et j’aime ça.
6- J’ai toujours eu un problème avec l’apparence corporelle et j’ai fessé (psychologiquement) sur un de mes frères qui était rond en lui répétant qu’il était gros. La vie s’est chargée de m’apprendre que c’est plus facile de prendre du poids que d’en perdre.
7- J’ai traîné mon autre frère sur le tapis, une journée que j’étais en colère contre lui (il avait lu ET commenté mon journal intime), tellement que je lui ai tout brûlé le dos.
8- Je pique beaucoup de colères incontrôlables durant lesquelles je deviens irrationnelle et violente. Tellement que je me fais parfois très peur. Je dois dire que ça fait longtemps que cela ne m’est pas arrivé par contre.
9- Je tripe totalement sur les fossettes. J’ai énormément de difficulté à rester rationnelle quand j’en croise. Particulièrement sur les joues d’un mec qui a du mordant. Je me mets souvent dans des situations embarrassantes à cause de cela. Genre que j’ai dit à un collègue de travail qu’il avait de belles fossettes la première journée où je l’ai vu et depuis je rougi à chaque fois que je le croise.
10- Je suis peureuse. Très peureuse. Ce qui m’amène à beaucoup d’immobilisme dans la vie.
11- Adolescente, j’ai eu une courte période durant laquelle je faisais du vol à l’étalage, mais je me suis arrêtée rapidement.
12- J’ai déjà donné un coup de pied dans les couilles d’un garçon (je devais avoir 9 ans et lui 10) parce qu’il a essayé de me donner un bec sur la bouche et que je ne voulais pas.
13- Je suis incapable d’être diplomate avec les gens que je ne trouve pas intelligents. J’ai tendance à adopter une attitude méprisante et je leur parle comme s’ils avaient deux ans et demie. Généralement, je les intimide.
14- J’ai trompé mon mari. Une fois, je l’ai quitté le lendemain matin, mais j’en suis encore très peu fière.
15- J’ai déjà manqué tellement de confiance en moi que je refusais d’admettre que j’étais moi lorsque je croisais des gens qui faisaient partie de mon passé. J’étais convaincue que les gens ne pouvaient pas garder de bons souvenirs de moi.
16- J’ai frenché des gars sans vouloir aller plus loin que les gestes tout en sachant pertinemment qu’eux avaient un gros faible pour moi.
17- Je ne suis pas gentille avec les hommes qui m’aiment et que je n’aime pas en retour, surtout s’ils me regardent avec des grands yeux plein tristesse et de désir inassouvi.
18- J’ai beaucoup besoin de me faire valoriser. Je quête souvent les compliments, pour m’assurer que je vaux la peine.
19- J’ai sucé mon pouce jusqu’à l’âge de 8 ans et je me réveille encore quelques fois avec le pouce dans la bouche, quand je ne vais vraiment pas bien.
20- J’ai la fâcheuse habitude de tomber amoureuse de mecs qui ne le sont pas de moi et je me trouve très confortable dans cette situation. Un pays de connaissance que je veux pas quitter.

Maintenant, le relais… Ouf! Difficile, je vais commencer par le passer à Cali Rise, parce que raconter ces choses est particulièrement impudique. À Benoît, que j’ai déjà connu mais que je ne connais plus. Et à Utopiaque, pour voir comment deux filles sur le même blogue, qui ne se connaissent pas entre elles, peuvent articuler les réponses à ce questionnaire.

jeudi, novembre 17, 2005

Causer le déluge

Elle a vivement redressé la tête quand je lui ai dit : « Je pars demain. » Interloquée. Pas tellement à cause de ma phrase, elle l’attendait depuis longtemps, mais à cause des larmes qui coulaient en torrent sur se joues rondes. Un déluge provocant un raz-de-marée dans le hoquet. La digue venait de céder, on le savait tous les deux.

Quand je l’ai rencontrée, j’ai bien vu la fêlure au fond de ses yeux. Je me rappelle ce soir-là, elle jouait la confiance et riait du fait qu’elle venait de quitter son mari, qu’elle l’avait mis à la porte, comme ça. C’était dit avec une certaine nonchalance qui donnait un petit air de snobisme au geste de la main qui se voulait désinvolte. Pas une larme ne traversait ses paupières tandis que son regard, lorsqu’on lui portait attention, hurlait la douleur. Moi je lui ai dit que je la trouvait jolie et elle m’a répondu : « Ben voyons! » comme si je venais d’énoncer une énormité. Alors je lui ai annoncé que j’avais bien envie de me faire une place dans sa vie, dans son amitié. Et elle m’a regardé avec cet air incertain que j’ai appris à lui connaître. J’ai tenu bon; je voulais être là, le jour où l’eau ruissellerait.

Elle n’a pas pleuré cette peine, pas plus que les autres, même les pires : les trahisons du corps, celles de l’esprit. Je l’ai vu retenir ses larmes lorsque nous sommes retournés voir Schindler’s List, longtemps après sa sortie, « parce que, me disait-elle, je l’ai déjà pleuré. » Je l’ai vu enrager, faire rire, dramatiser des peines, sans jamais s’écrouler. Une tour dressée dans le vent, un phare imperméable aux intempéries. Je lui ai souvent offert le creux de mes bras pour la consoler tandis qu’elle balayait la peine d’un mouvement du poignet. Moi, je ne l’ai jamais cru. Le temps a passé, je me suis installé chez elle, squattant son appartement comme je squattais son amitié. Nous savions dès le départ que j’attendais l’occasion de m’envoler, aller puiser la source de mes rêves. C’était entendu ainsi. Cependant les années ont pris leurs habitudes et nous n’y pensions plus tellement.

C’est ainsi qu’elle a été prise de court par ce départ longtemps annoncé, mais enfin arrivé. Et je crois que c’est pour cette raison que quelque chose dans son mécanisme de protection a basculé. Elle me regardait ébahie à travers ses larmes, toute heureuse de les sentir couler. Je me suis enhardi; j’ai franchi l’espace entre nous, pour la serrer très fort contre moi. Elle ne s’est pas braquée.

Le lendemain, quand l’aube faisait ses premiers pas sur l’appartement, je suis allé cueillir une rigole salante et je suis sorti.

Maintenant quand je l’appelle et que je lui demande ce qu’elle fait, elle me répond souvent : « Je pleure ».

mardi, novembre 15, 2005

Entre deux secondes

Des fois, c'est comme ça, j'y peux rien. Il y a des vêtements à plier, de la poussière sur les meubles, du courrier qui s'empile sur la table, et même le téléphone qui sonne parfois, mais c'est plus fort que moi, je reste là. Il y a des comptes à payer, et le ventre du frigo qui crie famine, et toi qui n'es pas là, et les autres auxquels il faudrait que je pense peut-être. Mais non. Je ne bouge pas, emmaillotée que je suis dans mon immobilité. Il doit bien y avoir quelque chose à dire aussi. Pourtant, je me tais. Le silence tourne en rond dans ma bouche. Le bruit fait la sieste sur le coussin moelleux qu’est ma langue. Si je parlais, je dirais sans doute des bêtises, mais ce n’est même pas pour ça que je me tais. Un silence inutile, c’est encore mieux, c’est encore plus silencieux.

Passez votre chemin, s’il vous plaît. Faites comme si je n’étais pas là. Ignorez ma présence. Mon absence. Ne me demandez rien, car je ne vous répondrai pas, et alors vous aurez encore plus de questions et je vous détesterai. Ne vous inquiétez pas de mes airs las, de mon teint pâle, de mes regards fuyants. Moi, j’ai cet ami qui est triste et je n’ai pas de parole à lui offrir pour recouvrir son chagrin. Vengez-le, tiens.

Parfois, il y a ce cactus qui se meurt au milieu des bouquins et des cahiers, parce que je ne lui donne pas de soleil : je n’en ai pas et je m’en fous du soleil ! Crève ! Et l’automne qui palpite contre ma fenêtre… Il en a du soleil, lui. Tiens, va le rejoindre ! Non mais, il y a des choses pires que de mourir d’ombre et de soif dans la vie… Enfin, sûrement. C’est beau dehors, je le vois bien. Mais je ne bouge pas, et ça me fait rire que ce soit si beau et de ne pas bouger pour autant, pas d’un centimètre. Allons, passez votre chemin, automne, cactus, jour magnifique, je ne vous entends ni ne vous crois. Je suis toute absorbée à m’écouter vivre en retrait de moi, à m’écouter ne rien dire. Je me mords la lèvre et j’attends je ne sais quoi. —J’ai la chienne : je ne veux pas prononcer encore ce satané je.

Je ne ressasse pas des souvenirs. Je ne pense même pas vraiment à toi. À cette façon qu’on avait d’être là, côte à côte, nos vies l’une sur l’autre, sans jamais être ensemble. Je ne souhaite pas revenir en arrière, ni aller plus loin à vrai dire. Le temps s’est entassé dans une bibliothèque, avec tous les récits qu’on ne lira jamais, puis au pied du lit avec les chaussettes sales, et dans les tiroirs encore, et sur la commode comme un affreux bibelot. Un chaos de pacotilles. Bientôt, je ne saurai plus où le mettre, ce temps, il sera partout. Il aura pris d’assaut l’automne, et le courrier, et le tic tac des horloges, et moi aussi finalement. Il prendra mon ennui, il m’envahira par tous les pores de mon indifférence. Alors, j’étoufferai et il faudra que je parte. Que j’aille me répandre ailleurs moi aussi. C’est inévitable, je le sais, je devrai adhérer à nouveau au mouvement.

Le temps et moi, après tout, on se ressemble. On se dispute les mêmes espaces. Alors, on ira prendre un coup comme de vieux amis. On parlera longtemps, appuyés l’un sur l’autre, on dépensera tous les je et les tu qui se seront accumulés entre nous et le monde. Et on mettra beaucoup de silence dans notre conversation, on calculera la distance entre les mots. Comme ça, on se fera un vide tout neuf à étendre entre nous, un trou noir, une éternité. À l’aube, on ne se reconnaîtra même plus.

Mais, en attendant, je reste là. Et je me moque bien de lui et de toi. De moi surtout, ce qui revient au même. En attendant, j’attends…

Entre chien et loup

C’était entre chien et loup. Cette heure de la brunante lors de laquelle les traits deviennent flous. On ne sait plus trop qui se dresse devant nous, même dans l’électrique des villes. Nous étions à gigoter dans la brise de novembre, toutes deux mal emmitouflées dans nos foulards et nous parlions de liberté en regardant le rougeoiement de nos cigarettes, étirer le temps sur la nuit tombante. Sur la rue St-Denis, les passants se faisaient rares et pourtant la température clémente nous avait laissé croire que le magasin serait super occupé. Nous nous étions trompées et trompions l’ennui en se racontant des bêtises d’un bout à l’autre du plancher, sous le regard réprobateur, mais amusé, de nos collègues de travail. Au dehors, durant cette pause méritée, nous rigolions en silence de nos travers respectifs, de nos amours impossibles et de nos aspirations à ce sujet.

Nous savions toutes les deux que nous n’avions pas mis les balises aux bonnes places pour se sentir en liberté. Des choix faits, longtemps auparavant comme autant d’entraves sur nos gestes. Et toujours cette peur et cette culpabilité qui jalonnaient nos parcours. Plus que tout, nous savions que nous nous laissions aimer mal. Parce que nous avions trop peur du vide pour nous permettre de nous retrouver toutes seules. Nous savions que nous aimions mal parce que nous avions choisi les hommes dans notre vie sous prétexte qu’ils étaient amoureux de nous et non l’inverse. Pour une raison étrange, il nous est apparu clairement ce soir-là, durant cette conversation suspendue dans les condensations de novembre, que nous commettions une erreur magistrale dans la manière de vivre nos vies.

Elle a ouvert son cellulaire pour lui dire qu’elle ne serait plus celle qu’il attendait, mais plutôt celle qu’elle aspirait à être. Moi, j’ai composé une lettre sur le coin de la fenêtre que j’enverrais sitôt arrivée à la maison. Avec cet étrange sentiment de liberté qui me gagnait le ventre, cette intuition que je faisais ce que je devais. Puis j’ai composé une autre lettre, celle que j’aurais dû écrire depuis des mois pour avouer à un autre, qu’en fait, il était celui que j’aimais. Sachant pertinemment qu’il ne m’aimait pas en retour. Et cet acidulé de bonheur qui envahissait ma bouche parce que j’étais enfin en accord avec moi.

C’était entre chien et loup, cette heure de la brunante lors de laquelle les traits deviennent flous. Le ciel, au dessus de nos têtes, encore outremer virait à l’indigo.

Nous sommes entrées dans la librairie, certaines que les neiges à venir ne nous ensevelliraient plus.

dimanche, novembre 13, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

21- Pour préparer l'hiver, il faut savoir suivre la course du soleil

Chère Marie-Hélène,

Il fait doux ce matin. Ma fleur est éclose et se laisse caresser par le soleil. On dirait une journée d’avril, lors de laquelle tout va renaître, plutôt qu’une journée d’automne précédant les chutes de neige qui recouvriront le Québec d’ici quelques semaines. Dans mon cœur pourtant, c’est novembre, morne et triste. Maman m’a dit que tu quittais la blogosphère. Ça m’a fait tout un choc. Je sais bien qu’on en avait discuté cependant il y a une différence entre en parler l’actualiser.

Je me suis senti tout nu. Tout seul. Tu me diras que tu continueras à me donner des nouvelles autrement. Tu me diras que le lien entre nous est plus fort qu’un site web. Mais… T’écrire ces chroniques mettait du piquant dans ma vie, te parler d’Élisa et des autres personnes qui gravitent autour de moi aussi. Alors j’ai pleuré. Pleuré la fin de quelque chose tout en sachant que tu fais ce qui est le mieux pour toi. J’ai versé des larmes sur la perte d’un contact. Parce que c’était si précieux. Parce que c’est notre rencontre. Une fenêtre ouverte sur le monde par laquelle je déversais mon cœur et mes petites réflexions sur l’univers.

Tu me diras que c’était surtout moi qui t’écrivais et que je pourrais bien continuer. Je te répondrai que j’ai toujours espéré que m’écrives encore sur le noir du bazar. Tant que l’espoir tenait, je persévérais. Désormais, je ressens un besoin de me recycler. Aller ailleurs, comme Charles et toi. Voir si mes lettres, ma personnalité ne pourraient pas devenir autre chose qu’une chronique de blogue. Devenir peut-être un personnage de roman, pour enfant. Une illustration autrement vivante des petits riens du quotidien.

Et puis, on pourrait s’appeler. Parler de l’éducation d’Élisa. On pourrait s’écrire des courriels, se dire comment on voit l’avenir, juchés à nos fenêtres respectives. On pourrait s’écrire des pages qui resteront lettres mortes sur la toile mais qui rempliront nos journées.

Une page s’est tournée. Je termine la dernière Chronique dans le pot de fleurs émise sur le net. Mais je sais que l’avenir nous tend les bras et j’ai bien l’intention de m’y jeter.

Ton Roger xxx

samedi, novembre 12, 2005

Le vieux couple

En me rendant à cet estaminet, je sais que tu marcheras à ma gauche. Parce que tu te positionnes toujours du côté de la rue, comme pour me protéger d’une attaque possible, d’un dérapage, d’une collision imprévue. À chaque coin de rue, tu me prendras la main pour me faire passer la chaîne en douceur, me donnant à chaque fois l’impression de revenir à une époque où les régulations sociales faisaient que les femmes étaient traitées en princesses de porcelaine. Je te sourirai et tu me le rendras. Autour de nous, les passants nous regarderont, touchés par cette intimité. Tu me feras passer devant toi, en posant ta main sur mes reins, discrètement, pour me soutenir durant le chemin à parcourir.

Tu nous choisiras une table à droite de l’entrée le plus près de la fenêtre possible. Tu approcheras ma chaise en me glissant une blague à l’oreille et tu écouteras attentivement mon rire pour en savourer toute la sincérité. Tu t’assoiras à mes côtés pour attendre. Quand les autres vont arriver, ils prendront place en éventail à nos côtés choisissant d’être plus près de toi ou de moi. Lorsque le garçon nous apportera les menus, tu me tendras le tien en disant : « Choisi et surprends moi » pendant que tu te plongeras dans l’étude de la carte des vins. On me demandera comment je peux être certaine que tu aimeras ma sélection. Tandis que tu riras sous cape en me pinçant sous la table. Je ne me tromperai pas et tu auras bien marié le vin au repas.

Je discuterai avec mes voisins et tu glisseras des commentaires de temps à autres, pour simplifier la compréhension des autres. Des remarques qui montrent que tu me connais comme si tu m’avais tricotée. Je ferai de même de ton côté. De temps à autres tu me lanceras un regard surpris parce que j’aurais encore fait des liens que tu n’auras pas vus. Surtout, je me souviendrai des images que tu m’auras glissées, bien des mois auparavant, et tu seras étonné par leur pertinence, jusqu’à ce que je te dise qu’elles émanent de toi. On rira ensemble, à demi-mot, de tous les points restés dans le silence que nous aurons été les seuls à comprendre. Je passerai ma main dans ton dos quand tu t’étoufferas et tu t’ébroueras comme un chien qui sort de l’eau. On sera une fois de plus dans une bulle qui est hermétique aux autres tout en conservant une disponibilité certaine pour les gens qui nous accompagnent.

Quand nous allons quitter l’endroit, un peu bouffis par l’alcool, tu me serreras très fort dans tes bras et tu me diras « À la prochaine » en me collant un baiser sur la joue.

Et on se dira qu’on est un vieux couple qui n’a jamais été jeune.

vendredi, novembre 11, 2005

Si tu veux

Je t'écrirai une chanson, des milliers, si tu veux chanter pour moi. Pour qu'on ait quelque chose à fredonner aussi sur la route des lendemains. Je garderai ta voix blottie dans mon ventre autant de mois qu'il sera nécessaire et j'enfanterai de ta parole. Je serai ta chienne, ta chatte, ta tigresse, ta tortue, et je porterai sur mon dos les royaumes que tu imagines. Je roulerai à toi sur les tapis de nos misères. Je tricoterai des histoires pour l'avenir, pour que tu sois au chaud le jour où l'existence t'aura lassé des frissons, où la chaleur de la jeunesse aura engendré les étoiles du soir de ta vie.

Je t'aime.

Je ne crois pas à l'amour, et peut-être toi non plus. Mais si tu veux, on peut s'aimer. Comme ça. Trancher la question une fois pour toutes. S'aimer aussi longtemps que la folie nous le permettra, puis s'endurer ensuite pour le reste de nos jours. Aux autres, je raconterai n'importe quoi. Je n'ai pas besoin qu'ils comprennent. Dis-moi seulement que tu es libre et je ne le serai plus jamais. Je serai notre esclave à nous deux. Je tisserai ma perte à même les chaînes de tes yeux et on dira que c'est un jeu pour ne pas se voir souffrir. De toute façon, on regardera toujours devant et on ne se connaîtra que du bout des doigts. On sera francs, on sera cons, on ne se donnera pas de prétextes. On sera ridicule jusqu'à l'épuisement des sourires, jusqu'à ce que même l'absurde ne signifie plus rien. On fera exprès de se perdre dans des pays étrangers et hostiles pour avoir la surprise de se retrouver. Pour faire comme si on était différents. Comme si c'était moins banal que de s'offrir des fleurs. On chuchotera que les autres, ça ne compte pas, et que nous non plus. On s'en fichera que ce soit insignifiant d'y penser. On brûlera les livres et tout ce que le monde a de précieux, puis on réinventera la beauté et on fera semblant d'y croire...

Ou, si tu préfères, on peut parler d'amour jusqu'à l'aube et ne plus jamais se revoir. Et si j'en meurs, je ne te le dirai jamais, c'est promis.

mercredi, novembre 09, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

20- Les petits détours du Destin


Marie, ma belle,

Dans ma dernière lettre, je te disais que je m’ennuyais un tantinet de la présence volubile de Dédée. Eh bien, je crois que le Destin est clément avec les Roger en mal de compagnie parce que depuis, j’ai une nouvelle compagne. Pas une amoureuse, ne t’inquiète pas. Il n’y a que toi pour me faire rêver. Non, une amie. Le printemps dernier, Madame Coloc était toute triste parce qu’une de ses pensionnaire s’est mise à dépérir. Vraiment dépérir. Ses longues feuilles se sont retournées sur elles-mêmes, s’étouffant dans leur souffle. Un jour, son pot s’est retrouvé nu, habité seulement par de la terre noire. Le pot a passé la saison chaude sur le rebord d’une fenêtre, seul. Personne ne s’en est occupé. Quand vint le temps de fermer les doubles fenêtres, et de me rentrer, Madame Coloc a tout simplement posé le pot de terre à côté de moi.

Moi, j’entendais un fourmillement de vie. Vrai. Alors, je me suis mis à lui parler. À elle, comme je parle à Élisa. En fait, je m’adressais davantage à notre chère et belle enfant, mais je sentais bien que dans le pot à mes côtés des oreilles se dressaient, attentives, pour écouter mes propos. Crois-moi ou non, la plante s’est mise à revivre. Oui, oui. Maintenant, elle a des pousses très vertes et toutes en santé. Elle n’a pas encore été baptisée. Je crois que Maman et Madame Coloc sont encore sous le choc de cette résurrection. Tout de même, je suis bien heureux, parce que c’est une personne d’un certain âge qui connaît bien des choses de la vie et qui a vu couler des saisons nombreuses dans cette maison. Alors je la laisse causer de toutes ces autres pensionnaires qui sont localisées à l’avant de la maison, apprenant au passage les noms latins de ces dames. J’aime bien m’instruire. Crois-tu que je puisse devenir un hibiscus érudit?

Aujourd’hui, c’était le branle-bas dans la maison : Maman attend un invité. Ton hôte. Une abeille en mouvement. Le tapage qu’elle a mené avec l’aspirateur et tout! Pffffff! Elle est un peu ridicule. Je te transmet la discussion du matin : « Oh Roger, ta fleur n’est pas éclose, je t’avais pourtant dit que Charles venait aujourd’hui! » « Mais maman, que je lui réponds, je ne peux tout de même pas pousser plus vite que le temps qui passe. Et puis, c’est seulement Charles, ce n’est pas Marie! » Elle m’a lancé ce regard peiné que je n’aime pas trop voir dans ses yeux. Et puis quoi encore? Je veux bien être beau et tout, mais il ne faudrait pas exagérer non plus sur les exigences maternelles. Déjà que j’ai encore 5 boutons en cours, elle pourrait être satisfaites de mes efforts non?

J’ai tout de même hâte de lui voir la bouille à ton hôte. Je suis curieux. Mais je me dis surtout qu’il pourra me parler de toi, de quelle manière il t’a adopté et tout. Ces petits détails que je ne sais pas encore et qui te rendent à la fois mystérieuse et inaccessible. Peut-être qu’il me dira ce que tu penses de moi? Tes lettres se font rares et quelquefois je crois que Maman me dit ce que je veux bien entendre. Alors je serai bien content de m’informer à la source, ou presque.

Oh! Oh! Je me sauve, Maman me fait des gros yeux parce que j’ai semé de la terre en venant à l’ordinateur! Je vais retourner sagement à ma fenêtre en attendant le soir.

Je pense à toi bien fort,

Ton Roger xxx

mardi, novembre 08, 2005

Perceptions

Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas fait. Une participation au Coïtus impromptus. Cette semaine, le texte devait absolument commencer par : « Il posa son doigt sur l'interrupteur. » Ce texte, c'est moi sans être moi. L'art des lignes floues n'est-ce pas?

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Il posa son doigt sur l’interrupteur. Mon cœur se mit à faire des culbutes dans tous les sens. Affolée j’étais. Il s’est retourné vers moi, un sourire de conquérant flottant sur sa bouche, sûr de son bon droit. Alors j’ai crié : « Non! » Il m’a dit : « Ben voyons Mathilde. » Et j’ai répété « non, non, non » plus faiblement, dans la moiteur de la nuit.

Il est revenu vers moi, s’est assis sur le bord du lit et a pris mon visage dans ses mains. Doucement, il a fait glisser ses pouces sur mes traits, s’arrêtant sur les rigoles qui sillonnaient mes joues. Il voyait bien que j’étais paniquée. Il m’a chuchoté des mots doux, saisi ma nuque pour me faire relever la tête, il m’a dit que j’étais belle.

Il a pris mes mains et les a dirigées sur moi en murmurant : « Là, tu vois, tes seins : ils sont ronds et fermes. Laiteux et suaves. Là, ton ventre; un ventre de femme, fait pour porter des enfants. Tout soyeux. Là, à la base de ton dos, le gonflement des bourrelets qui te font réelle. Là tes cuisses, chaudes et voluptueuses. Là tes mollets fermes et galbés qui tressaillent après la jouissance. Et tes pieds fins, si petits, comme les pieds des femmes chinoises que tu n’as pas eu à bander pour rendre érotiques. Là, tes mains, potelées et tendres. Ici… Ici tes fesses, douces et souples et là ton sexe qui s’humecte quand je te parle. Mais plus encore, ta gorge qui palpite à chaque mot que je te dis. La veine qui suit ton cou, gorgée de sang qui bat à tout rompre. Tu vois, tu es belle. »

Moi, j’ai persisté à dire non encore. Moins fort. Comme coupée de l’énergie de ma négation. Et je laissais les larmes couler sur mes peines et ma peur. Je ne croyais pas qu’il puisse parler de moi. Je ne pouvais pas être celle qu’il décrivait.

Coquin il m’a regardée en me demandant : « Mais peut-être que c’est moi que t’as pas envie de regarder? Peut-être que c’est moi que tu as peur de ne pas trouver beau? » J’ai dit : « T’es nono. » Il a sourit, s’est levé, a posé le doigt sur l’interrupteur.

J’ai continué à pleurer.

dimanche, novembre 06, 2005

Le questionnaire évolutif

Catherine m’a invitée à participer à ce questionnaire évolutif. J’ai grommelé, je déteste ce genre de jeu : j’ai refusé de continuer ceux que j’ai reçu par le passé. Cette fois, je me lance parce que je sens comme un défi. Et les défis, ça commence à me connaître. Dans la première partie du billet, vous trouverez les règles qui régissent ce questionnaire. Puis dans la seconde, ma participation effective.

Voilà les règles du jeu, à copier à chaque fois que vous jouez :

1. Linkez la personne qui vous envoie ce jeu pour ne pas perdre le fil,
2. Posez-vous de 5 à 10 questions que vous choisirez SUR VOUS-MEME sur votre blog, des questions intéressantes, bien sûr.
3. Il est interdit de copier les questions déjà posées par la personne qui vous envoie ce jeu! Soyez créatifs!
4. Inventez une nouvelle règle du jeu que TOUS les joueurs suivants devront suivre! Soyez TRES créatifs! (Par ex: chaque question doit contenir le mot X, ou il est interdit d'utiliser la lettre Y dans les questions posées, ou la question Z doit parler de... etc.)
5. Faites passer ce questionnaire à au moins trois (3) autres bloggeurs!
6. Modification de la règle #3 : Vous avez la possibilité de vous poser toutes les questions que vous désirez. Si elles ont déjà été posées et que vous voulez y répondre, faites comme vous voulez !!!
7. La question numéro 3 devra être répondue en image ou photo ou description d'image/photo!
8. N'utilisez pas le mot "je" dans vos réponses
9. Au moins un terme de couleur dans chaque réponse (sauf la troisième bien sûr).
10. Utilisez le néologisme "Dégoussailler" ou une de ses déclinaisons dans la dernière réponse. ça me ferait très plaisir.
11. Glissez dans l'une de vos réponses une citation d'un des derniers livres que vous ayez lus.

12. La réponse à la question 5 ne doit pas contenir la lettre 'a'.

Voici la règle que j’ajoute :
13. Une réponse doit être écrite au « tu ».

1. De quelle manière as-tu commencé à bloguer?

T’es assises dans le noir d’un bar, et il y a ces mecs qui se parlent de blogues. Depuis un certain temps déjà, tu les lis. Toi, t’as toujours eu envie d’écrire. T’as toujours su que tu ne pourrais faire autrement que de te vider le cœur sur le papier. Les gars te demandent pourquoi tu ne blogues pas si parce qu’ils te voient scribouiller assise au bar, pas mal tous les jours. Et tu réponds que tu fais quelque chose de semblable puisque t’écris le journal de Mamathilde environ une fois par semaine et que tu l’envoie à tes amis qui sont dispersés à travers le monde. Dan te regardes amusé et te dis que t’as pas le courage d’ouvrir un carnet pour vérifier si t’as du talent et du potentiel créatif. Piquée tu te dis que tu vas le faire. Puis le Coïtus fait son apparition avec le thème La fascination du pire, et voilà ton premier texte. Somme toute, tu t’es lancée par orgueuil.

2. Est-ce que tes chemins t’ont vraiment menés ailleurs?

Totalement. En commençant, mes attentes étaient confuses. Pour moi, c’était du jeu. Mais rapidement ça a pris de l’importance. Mes textes se sont multipliés et mon style s’est affiné. Grâce entre autres, aux précieux commentaires de mes amis et lecteurs. Une graine d’écrivain s’est mise à germer dans un terreau qui m’apparaissait très pauvre. Mes attentes étaient beiges, le résultat est irisé.

3. Qui est la vedette effective de ton blogue?


Roger, notre star.

4. As-tu fait des rencontres intéressantes par ce carnet.

Tout plein. Certaines gens me sont devenus très chers. Des rencontres de bars, aux visites dans d’autres villes. Il y a des gens dont l’opinion m’importe sans que nous nous soyons rencontrés. D’autres qui m’ont fait voir les matins ensoleillés de leur quotidien. D’autres encore à qui l’envie de dire : « ne donnez plus de vin à votre hôtes, il a bu de pleines bouffées de tristesse avant votre avènement (…) » –Olivier Labonté, Allons danser sur le toit – Bref, des êtres humains, comme il s’en fait peu, des personnes de cœur. Un peu de soleil d’été tout jaune pour enrubanner mes journées en dégoussaillant sur des questions aléatoires.

5. Qu’est-ce qui t’as surprise?

M’ouvrir les veines et le cœur de temps en temps. Me surprendre souvent. Pousser l’osé plus loin que prévu. Et entendre que c’est une plume qui me sied bien. Rosir sous le compliment.

6. Y a-t-il quelque chose que tu regrettes dans ce carnet?

Il y a une étudiante de niveau collégial qui a pris mon carnet comme objet d’étude pour son cours de français. N’ayant jamais ouvert le message qu’elle m’a envoyé plus tôt cet automne pour prendre contact, croyant, bêtement que c’était un spam parce que son nom est d’origine anglophone. À cause de moi, son travail a été handicapé. En tout cas, Bonjour Kimberly. Me voilà donc aux prises avec les blues des actes manqués.

Bon, voilà c’était ma petite contribution.

Je passe le relais à La Souris, parce que je l’ai tellement regardé noircir de feuilles pour nourrir son blogue au B qu’elle a fait partie, sans le savoir, de ceux qui m’ont amenée ici. À Jay pour le faire suer un peu et parce qu’il a passer la journée à me déranger pendant que je tentais tant bien que mal de créer ma participation. Et à Annie-Sandra, par curiosité.

samedi, novembre 05, 2005

Mauvaises fréquentations

T’avais aucune idée que tu la croiserais. La rencontre a été charmante. Une minute d’éternité sur un coin de rue pas trop achalandé. Un an et demi sans nouvelle. Et les sourires ravis qui se partagent le devant de la scène d’elle à toi, de toi à elle. Vous avez fait le tour du monde en 15 minutes, pendant que son mec attendait patiemment que vous finissiez votre discussion de filles qui ne se sont pas vues depuis trop longtemps. Ça t’a donné des ailes. Des dents plutôt.

T’es rentrée dans le bar, pimpante et joyeuse. Pas très bien fagotée, au bout du compte, mais tu arborais ce sourire qui fait ton charme. T’étais assise toute seule quand un mec est venu te voir pour lancer un « bonsoir » qui dit tout dans le ton. T’as reconnu le ton, déjà, c’est mauvais signe. Signe que le requin est en toi. Tu t’es poussée un peu plus loin, t’es allée t’installer avec une amie et des connaissances. Comme ça. Et puis parmi les connaissances, il y a cet autre gars qui commence à te dire à quel point tu pétilles, à quel point t’es agréable à regarder. Que ça fait longtemps qu’il te voit mais qu’il a jamais osé te le dire. T’as le goût de mordre dans ses lèvres. Après tout c’est si facile et totalement offert. Mais tu te retiens.

Et puis il y a celui-ci qui te rejoint des étoiles dans les yeux, t’empêche de partir parce qu’il a trop envie de te voir. Tu vois bien où il veut t’emmener et tu acceptes de faire une virée chez lui. C’est dans le taxi, presque arrivés à sa porte, qu’il t’a dit qu’il espérait ce moment depuis le mois de février. À ce moment là, t’as su que, platement, tu ne le baiserais pas. Tu l’as laissé jouer avec tes mains et tu as fait la fille qui s’endort sur le divan du salon. Il t’a dit qu’il n’avait partagé son lit qu’avec toi et une autre fille. Alors t’étais triste.

Ce matin, t’es partie pendant son sommeil. T’as pris la peine de lui laisser une lettre signée de ton nom dans laquelle tu lui disais que les requins sont trop avides de chairs et de cœur frais pour des gens qui les espèrent. Tu t’es sentie moche et tu le lui as dit. T’as conclu en disant que les femmes-requins étaient de bien mauvaises fréquentations.

T’es partie en voleuse et ce que tu regrettes d’avoir emporter avec toi, c’est le petit bout de cœur qui bat encore dans le creux de ta main.

vendredi, novembre 04, 2005

Avaler un cheveu

J’avais bien senti ta présence dans mon dos. Le soleil éclairait la salle vidée de ses étudiants. C’était silencieux. À part mes doigts courant sur le clavier, il ne se passait rien. Tu as commencé par jouer avec une boucle rebelle qui s’était échappé de ma toque, la triturant de tes doigts. Mon cou a pris une inclinaison vers l’avant, j’ai manqué un respire. J’étais complètement aux aguets. Tu as pris une chaise, tu l’as glissée derrière moi, en continuant à jouer sur ma boucle. Une fois bien assis, tu as doucement embrassé ma nuque. Saisie, j’étais. Je t’ai demandé : «C’est quoi ça?» En parlant du geste, et tu m’as répondu : «Ça? Oh rien qu’une envie qui me taraude depuis longtemps.» Je te faisais toujours dos. Tu as continué les caresses de tes lèvres dans mon cou pendant que tes mains soupesaient mes seins. Comme si ces gestes étaient les plus naturels du monde entre nous.

J’ai fini par me tourner vers toi sans pouvoir résister à la tentation de poser mes lèvres sur les tiennes. «T’embrasses bien » que tu m’as dit. J’ai ri et je t’ai dit que je n’avais pas encore commencé. Que c’était juste un avant goût. Tu t’es levé et m’a tiré vers le divan dans le fond de la salle, en me disant que t’avais franchement envie de savoir c’était quoi le vrai goût si t’avais juste eu l’avant. Tu t’es laissé choir dans les coussins et m’entraînant dans ta chute. Je t’ai donné un vrai baiser. Et t’as fondu dans mes bras. Tu m’as dis : «fais-moi l’amour ». Je t’ai répondu que j’avais pas de condom. Alors tu m’as demandé si j’étais prête à prendre le risque. J’ai rien dit, il était trop tard, tu me pénétrais déjà.

Je t’ai ramené chez moi, soûle de ton parfum, avide de ta peau. On a recommencé 5 fois à faire parler nos corps. Ce jour-là le téléphone n’a pas arrêté de sonner, pour faire exprès. On baisait et je prenais mes appels, l’air de rien, pendant que tu faisais tout pour me faire sortir de la fausse indifférence dans laquelle j’étais plongée, tout en étouffant tes propres fous rires. Jamais je n’avais vécu une telle communion. On ne s’est pas revu. C’est un ami commun qui est venu me dire à la cafétéria que tu ne voulais pas me revoir. Sous aucun prétexte. Je ne sais toujours pas pourquoi.

En prenant une bouchée dans mon sandwich pour faire passer l’information, j’ai avalé un cheveu.

jeudi, novembre 03, 2005

Tomber en amitié

Pascale s’interrogeait sur les relations d’amitié homme/femme. Elle disait qu’elle était lasse que les hommes à qui elle propose une amitié finissent par désirer davantage. Que les seuls hommes avec lesquels une relation sans ambivalence était possible étaient les gays et les amoureux de ses proches. Je dois être une femme étrange, ou encore particulièrement naïve, mais j’ai toujours su avoir ce type d’amitiés.

Il y a ce grand brun que je connais depuis l’époque du cégep. Nous avons passé un temps fou ensemble, dormant même côtes à côtes, de temps à autres, sans échanger ne serait-ce qu’un baiser. Au contraire, il multipliait les occasions pour moi de rencontrer ses amis. Je suis même sortie avec l’un d’eux pendant que le grand brun demeurait mon ami.

Il y a le clown amoureux. Qui me fait rire, me parle de tout et de rien. Avec qui j’ai développé une complicité intense dans le temps de le dire. Qui me parle des femmes dans sa vie, celles qu’il aime, celles qu’il veut pour amies. Et je suis très confortablement installée dans une zone de « pas touche ». On s’aime beaucoup, on se le dit tout le temps et on en reste là.

Il y a Monsieur M. Ça fait 11 ans qu’on se connaît. Il m’a dit qu’autrefois la stabilité dans sa vie c’était son chat et que tranquillement, ça commence à être moi. On ne s’est jamais embrassé. On en a discuté par contre. Une discussion tout à fait rationnelle. Pour arriver à la conclusion qu’entre nous il n’y avait pas de désir, pas de couple possible. Encore hier soir, on en parlait; avec le temps, j’ai vu passer des amoureuses dans sa vie et moi, je reste.

Il y a aussi le Félin. À qui j’ouvre mon cœur et mes tripes depuis des mois. Avec qui je dors aussi quelquefois. Je suis une amie bulldozer qui le bouscule régulièrement, mais une amie tout de même. Il me raconte ses rencontres avec les filles et je l’écoute avec attention. Je lui narre mes propres déboires, mes angoisses, mes peurs tandis qu’il penche un peu la tête pour m’écouter. On se fait rire, on se perçoit et on se dit qu’on se perçoit.

Ce ne sont que 4 exemples. J’ai choisi ceux-là parce que ce sont les plus durables ou encore les hommes les plus proches de moi en ce moment. Je ne crois pas qu’ils aient envie d’être mes amis pour éventuellement m’embrasser. Faudrait peut-être que je demande à mes amies de me dire si on se drague eux et moi en fait; parce que moi, je suis pas mal innocente. J’ai envie de croire que ces amitiés sont possibles. Qu’elles dureront encore. Et je crois en leur bonne foi. Je crois qu’ils sont tombés en amitié avec moi. Je ne dis pas qu’il est totalement impossible qu’un jour, quelqu’un (moi la première) développe plus que de l’amitié. Mais si ça arrive, on en parlera. Et on se mettra d’accord sur la direction qu’on a envie de prendre.

mercredi, novembre 02, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

19- Les caresses du soleil de novembre amènent un grain de folie

Ma belle et chère Marie,

Maman est folle, je pense. Depuis qu’elle est revenue de chez toi, elle travaille tout le temps. Soit qu’elle est dans son grand magasin de livres ou bien qu’elle est assise devant l’ordinateur et qu’elle joue de la souris des heures de temps en buvant du café. Et quand elle passe à côté de moi elle s’exclame : « Oh, Roger, t’es tellement beau avec tous tes bourgeons! Tu me fais plaisir, tu le sais hein? » Elle me parle comme si j’étais un demeuré ou encore un petit garçon. Pfffffffffff, j’ai quand même passé l’âge de me faire parler ainsi. Si elle veut faire le bébé, elle peut parler à Élisa sur ce ton!

Cette dernière d’ailleurs, va particulièrement bien depuis quelques temps. Elle se garnit de cheveux à la racine. De petits épis tout mignons qui lui donnent un charme certain. Elle aime toujours autant le lave-vaisselle. Et adore sa fenêtre, surtout depuis que Maman ouvre les rideaux tous les jours. Enfin, je présume. Je me fie à ses babillages pour juger. Je crois que mon instinct est fiable, du reste. J’ai ce talent pour saisir mon entourage, je crois. Mais ne vas pas penser que je suis infatué, ce ne serait pas vrai. Simplement, Maman dit toujours que la fausse modestie est un handicap plus qu’une qualité. Alors j’essaie de suivre ses conseils.

Je suis content que le mois d’octobre soit terminé. Parce que si les premiers jours étaient magnifiques, le reste du mois fut morne et gris. Trop pluvieux. Heureusement que j’étais dans la maison parce que je crois que je n’aurais pas survécu à tant d’eau froide. J’aime bien quand Maman me coule de l’eau tiède. Surtout lorsque celle-ci est additionnée d’engrais. Donc, je suis content d’être en novembre parce que les jours ont l’air plus ensoleillés. Et il va peut-être y avoir de la neige. J’aime la neige. Maman m’a dit que chez toi il y en a encore plus qu’ici. Ce doit être tellement beau! Est-ce que tu pourrais me faire parvenir une photo de ta ville, une nuit d’hiver?

Tu sais, même si Maman est souvent à la maison, je m’ennuie de Dédée un peu. C’est qu’elle était bavarde la demoiselle. J’appréciais nos discussions qui allaient dans toutes les directions. Les autres plantes de la maison sont toutes dans la chambre de Madame Coloc alors ce n’est pas évident la socialisation. Quant à Élisa, elle ne parle toujours pas. Alors je soliloque beaucoup.

Bon, j’entends Maman qui revient, je dois te quitter parce qu’elle a du travail à faire.

Mille bisous,

Roger xxx