mercredi, juin 29, 2016

Ce que j'entends des orages

Imaginez un phylactère rempli de caractères symbolisant tous les mots du répertoire chrétien auxquels vous pouvez penser. Ça se passait par une nuit de juin, après deux ou trois jours de chaleur torride.

Près de chez-moi, il y a quelques commerces qui ont récemment fermé leurs portes. Leurs portiques servent régulièrement de refuge à plusieurs excentriques qui vivent dans le secteur. Il y en a aussi quelques uns qui ont élus domicile dans le parc juste en face entre la clôture et la haie qui jouxtent l'avenue De Lorimier, il faut savoir où regarder pour trouver leurs nids, surtout lorsqu'on regarde à partir du parc, mais ils sont-là.

C'est ainsi que j'étais innocemment assise dans mon salon à lire un roman à l'eau de rose dont j'attendais la sortie depuis longtemps quand la plus s'est abattue sur Montréal. Je savais que cela risquait de se produire depuis quelques jours déjà, branchée que je suis sur l'information. Je soupçonne, par ailleurs, que les excentriques, eux, n'ont rien à cirer de ce genre de truc; ils n'ont pas l'habitude de se promener avec du matériel électronique qui auraient pu les aviser de ceci. Bon, on sait tous que ça arrive après des périodes de forte chaleur, m'enfin ce sont tout de même des données aléatoires, quelquefois on y échappe.

Pas ce soir-là. Et contrairement aux soirs de grand froid, il n'y a pas d'alerte, pas d'équipe itinérante pour faire le bilan de qui dort où non plus. Ce qui fait qu'il y en a au moins trois, deux hommes, une femme, qui se sont fait prendre par les changements d'humeur de Dame Météo. Quand la pluie tombe drue, il me semble souvent qu'on ne peu plus rien entendre, que ma demeure se love dans son propre cocon, enveloppée par le bruit des gouttes qui s'agglutinent comme un coup de points sur tous les espaces disponibles.

Il va sans dire que les abris de fortune de mes voisins excentriques se sont dissolus à leur contact. D'où les phylactères sonores dont le contenu se situait à des azimuts des expressions colorées du Capitaine Haddock. Rien de bien poétique dans les termes agrémentés par une grosse frustration qui s'entendait (et se comprenait) très bien. Au milieu de cette cohue auditive, j'entendais aussi des ados, trop contents que le ciel se soit enfin crevé de son trop plein, qui riaient à gorge déployée en jouant au ballon dans la rue. Les derniers sachant pertinemment qu'une bonne serviette les attendaient à la maison pour se sécher après l'orage.

Sauf que ça a créé une autre forme de tourmente : les excentriques supposant (du moins est-ce que j'en ai conclu sans aller mettre mon nez dans l'histoire, mes oreilles étant déjà bien assez indiscrètes dans la situation) que les ados se moquaient d'eux. Ils se sont donc mis à les invectiver vertement. De mon poste d'observation auditif, je ne pouvais faire autrement que de voir les phylactères s'amonceler au dessus de ma tête. Et j'ai pensé que j'étais très chanceuse de vivre dans un univers où les bulles de BD ne me tombent pas dessus lorsqu'elles se déchaînent autour de moi. Le malentendu a été vite réglé, sans que l'honneur de quiconque en souffre trop, je crois.

Ce même soir, trois Kamikazes se s'étaient fait exploser à Istambul. C'était horrible, comme à toutes les fois que de telles horreurs sont perpétrées. Ce n'est pas, à mes yeux, moins important que les frappes qui ont cicatrisé l'Europe.

Mais je me suis dit que les excentriques laisser à eux-mêmes lors des orages estivaux, valaient au moins autant la peine d'être racontés.

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dimanche, juin 26, 2016

Les jardins secrets

Montréal, comme la plupart des villes, recèle des secrets qui ne se révèlent qu'à ceux qui savent les voir. Soit par intérêt ou encore parce qu'ils auront appris le mot de passe pour en déclencher l'accès.

Depuis quelques années, je connais l'un de ces secrets. Un bout de verdure improbable qui longe la Rivière-des-prairies. De l'extérieur, ça ne paie pas de mine, mais une fois la clôture traversée, c'est un peu comme remonter le passé à quelques dizaines d'années d'ici, à une époque où la voiture n'avait pas encore tout à fait dompté les habitats naturels. On s'y sent comme à la campagne, loin de toute civilisation, pourtant... Pourtant ça jouxte, presque, un gros boulevard difficilement franchissable à pieds. Mais de cet endroit bien préservé, on ne le voit ni ne l'entends.

La journée avait été belle, pleine de soleil et de brise estivale. On y tenait une réunion familiale, de quatre générations. C'était convivial et simple. On en était à s'amuser du fait que le seul enfant présent à notre table soit si concentré sur sa nourriture qu'il ne faisait plus aucun bruit faisant dire à son papa qu'il avait stationné ledit poupon de l'autre côté de la rivière pour avoir la paix en soupant, quand nous nous sommes tous aperçus que quelque chose clochait. Pas à table, mais dans le cours d'eau; il y avait une personne qui tentait de traverser, vers Laval.

Nous étions sidérés. Parce que c'était une mission impossible, même pour un nageur expérimenté. Premièrement, le courant est particulièrement fort, à cet endroit. Deuxièmement, les navires à moteurs et autres moto-marines y font de fréquents passages, aussi bruyants que rapides. Attrapant le téléphone de son chum, ma sœur avait appelé le 911 illico. L'amoureux, de son côté, était parti voir si, sur le site, quelqu'un n'aurait pas une embarcation qu'on aurait pu mettre à l'eau rapidement pour repêcher le téméraire. De la berge, ma sœur suivait le nageur des yeux avec attention tandis qu'il disparaissait aux yeux de la plupart des convives.

L'homme avait faillit se faire frapper par plusieurs embarcations car pas un navigateur ne s'attendait à trouver un nageur à cet endroit. Celui-ci avait d'ailleurs renoncé à sa traversée à mi-parcours, se laissant dériver vers la rive montréalaise, là où le courant le repoussait immanquablement. C'est en entendant les sirènes des camions de pompiers, quelques mètres devant elle, que ma sœur avait pu raccrocher, certaine que notre compagnon de souper importun serait pris en charge.

Toute cette aventure n'avait durée que quelques minutes, cinq tout au plus, et pourtant, il nous avait semblé que c'était beaucoup plus long. Nous étions encore sous le choc quand la police a rappelé pour nous annoncer que le nageur leur affirmait avoir simplement suivi son entraînement de natation. On ne l'avait pas cru, la police non plus.

Nous avions appris, un peu plus tard, qu'en fait c'était un fêtard passablement intoxiqué qui s'était lancé un défi niaiseux, sans doute alimenté par les substances qu'il avait consommé ce jour-là.

Et c'est là que je me suis dit que Montréal, comme la plupart des villes possède des lieux secrets qui sont bien gardés, mais, malgré le fait qu'on les aies trouvés et qu'on les fréquente, la ville, elle ne nous laisse jamais oublier qu'elle est là, tout près, quelles que soient les chimères qu'on se raconte pour se faire croire qu'on en est sortis.

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jeudi, juin 23, 2016

La porte latérale

Il était rentré dans ma vie par une porte latérale et, comme c'est souvent le cas dans ce genre de circonstances, il est vite apparu que jamais nous ne serions devenus amis si ce n'avait été de cette tierce personne qui nous avait mis en présence l'un de l'autre. Nous étions, et sommes toujours, à des azimuts de distance dans nos personnalités et dans nos intérêts. Mais nous partageons une affection certaine pour deux personnes bien particulières, alors le lien a perduré à travers les années.

Tout jeune déjà, il m'impressionnait beaucoup par l'énergie qui l'animait. À l'époque où j'avais fait sa connaissance, il avait trois emplois simultanés, et j'avais l'impression que c'était davantage par besoin de canaliser toute sa force de vie que par ambition démesurée. Il me semblait qu'il pouvait tout mener de front en même temps sans jamais y perdre de plumes et surtout sans perdre patience ni lever le ton, malgré les déceptions ou les anicroches qu'il pouvait rencontrer. Il n'aimait ni la chicane ni les conflits. J'ai dû être une épine certaine sur sa couenne à de multiples reprises parce que j'ai eu beaucoup de peine, dans les dernières années et plutôt que de pleurer ces dernières, je les métamorphosais en colères sans noms, des explosions pas jolies du tout dont il a été un témoin récalcitrant. Comme tous ceux qui l'ont un jour été, d'ailleurs.

Un jour, il a dû tout arrêter. Lui, l'incarnation vivante du mouvement perpétuel, s'est vu contraint de mesurer chacun de ses gestes à cause d'un accident de la route qui a fortement atteint son dos. À peu près tout ce qu'il faisait auparavant lui était désormais interdit. Beaucoup de gens dans sa situation se seraient prostrés, découragés, enfoncés dans le pays des zombies. Pas lui, à la place il s'est réinventé et est devenu entrepreneur. Rien de moins. Dans un domaine aussi niché qu'improbable, mais qui lui réussit particulièrement bien.

Sous mes yeux ébahis, il est devenu un homme. Pas que je n'y croyais pas, au contraire, sauf que la force de caractère et de créativité dont il a fait preuve pour se redéfinir de A à Z commande le respect. Depuis quelques mois, il est aussi papa. Le papa du plus beau petit garçon du monde selon mon regard absolument partial. Je dois bien avouer que c'est dans ce rôle qu'il me touche le plus. Parce qu'il est un papa impliqué depuis le jour un. Il n'a jamais ménagé les gestes doux et attentionnés, devenant un expert de l'heure du bain comme pour établir déjà un rituel masculin pour contrebalancer les moments entre le poupon et sa maman autour de l'allaitement. Combien de fois je l'ai vu manger avec son enfant sur ses genoux, simplement pour le plaisir? Je soupçonne que la patte branlante du fils vienne directement de ces nombreux repas passé à sautiller, bien accoté sur le ventre paternel.

Aujourd'hui encore, je suis convaincue que jamais je n'aurais fait sa connaissance si ce n'avait été de cette porte latérale ouverte il y a plus de dix ans. Il n'est pas mon ami et ne le sera jamais parce qu'il est mon beau-frère et c'est un titre qu'il ne partage avec personne d'autre.

De toute manière, il est beaucoup trop unique pour être comparé avec qui que ce soit. Sauf, peut-être, avec son garçon.

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samedi, juin 18, 2016

Prendre mon courage à bouts de bras

Lorsque j'ai déménagé ici, on m'a presque immédiatement présenté l'homme qui habitait l'appartement à côté du nôtre, dans le HLM tout juste au nord de notre porte. J'ai eu tôt fait de comprendre qu'il était le centre de l'univers du coin. Huit mois par année, sinon davantage, son balcon et le trottoir adjacent (aussi bien dire ma tête de lit) étaient largement occupés par divers personnages tous plus hauts en couleurs les uns que les les autres. Il ne m'était pas particulièrement antipathique, sans m'être sympathique non plus. Il est décédé il y a quelques mois.

L'appartement qu'il occupait a été vacant un certain temps. Puis un jeune homme s'y est installé avec avec son chien, un pitbull, rien de de moins. Il se dégage de cet homme une énergie violente comme j'en ai rarement senti. Ses tatouages parlent d'une vie difficile et de colère. Rien pour me rassurer. Mon coloc l'a un jour décrit comme un ex-détenu. Il parlait, à cette époque, au sens figuré, mais je l'avais pris pour un sens propre. Toujours rien pour me rassurer.

Au fil des mois, je me suis dit qu'il essayait certainement de se faire oublier, parce que jamais je n'entendais quoique ce soit en provenance de chez-lui et je m'en félicitais. Surtout avec la voisine du dessus qui multipliait les dérangements grands ou petits, jusqu'à m'en faire regretter d'avoir besoin de sommeil.

Jusqu'à la semaine dernière. J'ai alors eu droit à un concert tonitruant de musique pop que je n'aime pas, jouxtée à du heavy metal qui ne me plaît pas davantage. Ça a duré 5 heures. Comme c'était le jour, je me suis tue, mais je ne peux pas dire que j'ai apprécié. Mais le clou, ça été la nuit suivante quand la vibration provenant du mur contigu m'a réveillée pour de bon vers 5h30 du matin et que cette joyeuses cacophonie a perduré jusque vers 11h00. Comme lui et son chien me font peur, je n'ai pas osé aller cogner.

Hier soir, ça a recommencé. Et je me suis dit que je n'allais pas passer les prochains mois à souffrir d'insomnie de voisinage. Alors je suis sortie et lui ai parlé. Je tremblais de tous mes membres, ma voix était chevrotante et la musique tellement forte qu'il avait peine à m'entendre, de toute manière, il ne me comprenait pas, il ne parle pas un maudit mot de français. C'est, bien sûr, à cet instant, que mon anglais a décidé de prendre la poudre d'escampette; j'étais tellement nerveuse, que je n'étais pas capable de trouver les mots pour dire « peux-tu, svp, baisser le volume? » J'ai fini par baragouiner quelque chose qui n'avait pas trop de sens, mais il a compris ce que je voulais dire. Il était sidéré de savoir que j'entendais jusque chez-moi. Je lui ai souligné que j'entendais en fait, très bien, et que je travaillais la fin de semaine, moi. Il s'est dit désolé du dérangement, que ceux qu'il voulait faire chier étaient ses voisins du dessus qui, semble-t-il, sautent au dessus de sa tête toutes les nuits.

Bref, on s'est entendus sur le fait que je pouvais vivre avec des périodes de grosse musique de temps à autre, mais qu'entre 21h00 et 10h00 du matin, je ne le supporterais plus.

Sur ce coup-là, j'ai collé une étoile dans mon cahier, parce que j'ai vraiment pris tout mon courage pour me faire respecter.

Et j'en suis fière.

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jeudi, juin 16, 2016

Dresser des murs

Quand on s'était rencontrés, je ne savais pas la pérennité de la présence que tu occuperais dans ma vie, avec ou sans mon consentement. Comme si ces amours juvéniles, celles que les adultes regardent avec une condescendance certaine traçaient un ancrage permanent.

À l'époque des balbutiements de nos rencontres, je t'aimais bien. Je te trouvais intelligent, je te trouvais amusant quelquefois, je dois admettre que j'étais fascinée. Je te savais égoïste déjà. Je savais que tu désirais que j'accorde mon point de vue au tien. Mais je n'ai jamais été de celles qui se plient aux diktats de ceux qui parlent plus fort que les autres. Pas tant que je confrontais, certainement pas à cette période de ma verte jeunesse en tout cas, j'étais plutôt adepte des faux-fuyants et je me trouvais d'autres moyens d'être heureuse malgré les pressions, en choisissant des avenues où je pouvais avoir un espace confortable plutôt qu'à tenter de rejoindre le groupe le plus en vue, si pour l'atteindre il aurait fallut que je me dénature.

Je n'aurais jamais imaginé que malgré les l'éloignement géographique et psychologique, à plus de quarante ans, se rétrécirait comme peau de chagrin à de multiples reprises, au fil des ans.

Au moment où j'avais pris la décision de couper les ponts, je me faisais la réflexion que tous les atouts étaient dans mes manches : nous n'habitions plus les mêmes villes, nous ne fréquentions plus les mêmes cercles. Ça me semblait si simple.

Sauf qu'on dirait qu'à tous les murs que j'ai dressés, il y a des trous, te concertant. Comme si tu avais le chic d'en saboter toutes les assises, malgré toutes mes tentatives de garder mes distances. Combien de fois suis-je tombée des nues lorsqu'un individu à qui je n'avais pas consacré une pensée en plus de dix ans, m'a affirmé suivre mon cheminement à travers la lecture que tu en avais? Je ne sais pas et je ne désire certainement pas en faire le décompte. Je peux par ailleurs affirmer que ce genre de rencontre me sape le moral, et sans doute aussi un petit bout de confiance en moi.

Je me fais un point d'honneur de ne pas parler de toi à tous ceux qui pourraient te passer la parole. Je te laisse vivre comme je voudrais que tu le fasse avec moi. Je te laisse être et devenir sans y mettre mon grain de sel. Ma demande, ma très grande demande, est simplement que tu m'accordes ces mêmes droits.

À une époque où l'internet épie le moindre de nos gestes, il est si facile d'épier tout un chacun et d'en tirer les conclusions que l'on veuille bien y trouver. Mais justement, ce sont des interprétations, souvent à des kilomètres de la réalité.

Je suis lasse de devoir briser l'image de moi que tu renvoies à d'autres qui risquent de me croiser. Je suis lasse de me défendre de ne pas être celle que tu avais imaginer. Je ne l'ai jamais été, ne le serai jamais, je n'ai ni les aptitudes ni la force de ressembler à ce que j'imagine que tu voudrais que je sois.

Parce qu'au fond, ce à quoi j'aspire, c'est que tu suives tes chemins et que tu me laisse suivre les miens.

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dimanche, juin 12, 2016

Un quart de siècle

C'était une magnifique journée de fin d'été, le soleil dardait de ses rayons la pelouse verdoyante et pourtant j'avais peur, je pourrais même dire nous avions peur.

Trois adolescentes sur le pas de la porte de l'entrée des étudiants. Trois adolescentes et une grosse chienne jaune. Est-ce qu'on allait s'y plaire? Est-ce qu'on allait se faire des amis? Serions nous des Martiennes parmi les Terriens de ce paysage? Il faut dire que nous avions été soudainement transplantées d'un collège privé à cet école de quartier pour notre cinquième secondaire. Et nous trouvions, collectivement, que cet état de faits était passablement inhumain. Tout cela parce que nous avions échoué nos maths enrichies.

On s'était vite rendues à l'évidence que nous n'avions que peu, sinon pas du tout de cours ensemble. Ce qui participait grandement à notre sentiment de déséquilibre et de solitude potentielle. En plus, nous n'avions pas pu choisir nos compagnons de casiers, et ceux qui nous avaient été assignés étaient, évidement, bien éparpillés dans l'immense pièce qui les contenaient tous. J'avais hérité d'un partage avec un grand rouquin bien maigre, en révolte contre l'autorité en générale et l'école en particulier. Je m'étais demandé comment j'allais survivre à ceci, pour rien, évidemment, parce qu'il était rapidement devenu mon premier nouvel ami.

Au bout du compte, on s'était pas mal débrouillées, pour s'intégrer. L'une d'entre-nous s'était rapidement distancée, allumée qu'elle était par ce nouvel environnement. L'autre et moi, par contre, avons dû passer la première semaine à s'attendre à tous les tournants,ensuite on se fréquentait toujours assidûment, mais pas constamment.

Pour moi, ça aura été une très belle année. Une année de liberté parce que mon implication scolaire n'était plus tributaire de mes notes. Je pouvais ainsi me laisser aller, à cœur joie, à toutes sortes d'activités stimulantes avec des gens qui partageaient les même intérêts que moi sans qu'un conseiller pédagogique ne me menace de me les retirer parce que je ne n'atteignais pas les niveaux d'excellence requis. Incidemment, mes notes, plutôt que de dégringoler avaient singulièrement augmenté.

Cependant, mon amie et moi nous sommes toujours considérées davantage comme des élèves de ce collège privé plutôt que de cette vaste école secondaire. Après tout, nous y avions passé beaucoup plus de temps et nous connaissions beaucoup mieux les gens de cette première école secondaire que ceux de la seconde. Aussi, nous n'avions pas hésité, dix ans après la fin de nos cours, à nous rendre aux retrouvailles du collège et à bouder celui de l'école. En fait, je ne suis même pas certaine que nous ayons su où et quand avait eu lieu les deuxièmes.

Mais hier soir, il y avait une petite soirée très simple, vingt-cinq ans après la fin des cours. Mon amie et moi nous étions donné rendez-vous au métro le plus proche pour arriver ensemble. Comme à l'époque.

Et comme à l'époque, il était évident que malgré nos vies divergentes, nous sommes toujours faites de la même fibre, que nous n'avions pas changer tant que cela, que personne en réalité n'a changé tant que cela. On est sans doute moins exacerbés qu'à l'époque, tous autant que nous sommes.

Je crois bien, par ailleurs, qu'on en est bien soulagés parce que de vivre à ce point sur la corde raide toute une vie, ça aurait été beaucoup trop taxant pour n'importe quel humain.

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mercredi, juin 08, 2016

D'un Kevin à l'autre

C'était un homme, encore assez jeune, où qui en avait l'air. Il errait entre les rayons, complètement perdu. Je n'avais pu faire autrement que de lui demander ce qu'il cherchait entre une course vers la caisse et une autre vers une destination dont j'ai oublié l'objectif.

Il m'avait dit, sur un ton complètement découragé : « je cherche un livre pour mon fils ». Ça peut être un enjeu, l'air de rien. J'avais donc demandé à l'homme quels étaient les intérêts de son fils et ça l'avait immobilisé. Il m'avait alors regardée différemment. Comme si j'étais soudainement devenue une magicienne. Il m'avait alors décrit son neuf ans, allergique à la littérature fantastique, un peu glauque et un tantinet humoristique.

Pas simple de l'aider. On dirait qu'il n'existe plus que les histoires drôles ou les séries remplies de magie, de dragons et tutti quanti pour les jeunes garçons qui aiment lire. Qui plus est, le papa qui me faisait face voulait des livres exclusivement en langue originale française parce qu'il fallait préserver celle-ci. Bien entendu j'aimais le propos et le principe, moi qui suis une amoureuse indéfectible de la langue française, je ne pouvais faire autrement que d'approuver ses choix.

J'avais fini par dénicher trois auteurs qui pouvaient entrer dans ce qu'il désirait offrir à son fils. Il en avait pris un, bien content de son choix.

Environ trois semaines plus tard, j'ai recroisé le même homme, dans à peu près les mêmes circonstances, j'étais-là pour épauler les libraires jeunesse un soir où il y avait beaucoup plus de gens que ce que l'on aurait pu prévoir. Personnellement, je ne l'avais pas reconnu d'une fois à l'autre. En réalité, je me disais simplement que l'homme en question ressemblait beaucoup à Kevin Parent mais qu'il avait un quelque chose de plus qui m'était familier.

Lorsqu'il s'était décidément aligné sur moi pour que je le serve, j'avais été un peu gênée parce qu'en toute honnêteté, je le trouvais fort séduisant. Il m'avait alors rappelé que je l'avais conseillé récemment pour des livres qu'il destinait à son enfant et que mes premiers choix ayant été des succès, il avait décidé de revenir dans ma librairie au cas-où j'aurais pu trouver autre chose pour son lecteur en devenir. Ça m'avait touchée, immensément.

On avait fini par discuter à bâtons rompus de toutes sortes de sujets, de l'importance de la langue dans laquelle on parlait, surtout qu'il était Acadien, analyste financier ayant travaillé quelques années à Toronto, et profondément fier de sa langue maternelle, assez en tout cas pour m'obliger à me creuser la cervelle pour lui trouver autre chose pour son petit bonhomme qui aimait déjà lire, et don le papa tenait mordicus à cultiver cet intérêt.

Avant de partir il m'avait dit «  je m'étais dit « Kevin retourne voir la libraire qui t'avais si bien aidé l'autre jour, tout d'un coup qu'elle aurait d'autres bonnes lectures à te proposer » ».

Je n'avais pu m'empêcher de rire dans ma barbe imaginaire parce que que d'un Kevin à l'autre, j'avais trouvé le moyen d'en contenter un, intellectuellement du moins....

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dimanche, juin 05, 2016

Les oreilles qui résonnent

Je travaille assez rarement le dimanche. C'est mon petit bout de fin de semaine à moi. Cet état de faits est assez plaisant parce que ça me donne une journée de congé sur le sens du monde qui me permet de prévoir des activités avec la moyenne des ours civilisés qui ont toutes leurs fins de semaines de repos. Durant la saison estivale, Maman et moi on en profite aussi pour écouter des finales de tennis, genre d'activité que nous ne partageons qu'ensemble et que nous aimons beaucoup.

Aujourd'hui, par contre, je travaillais. J'avais eu congé hier, dans une espèce de fin de semaine en forme de fromage suisse. Ça ne me dérange pas trop, à condition que ce ne soit pas ainsi toutes les semaines. Comme je savais que la flotte allait nous tomber sur la tête quelque part ce matin, j'étais, en réalité, bien heureuse d'avoir eu la somptueuse journée qui m'avait été impartie pour flâner dans le parc devant chez-moi avec un livre, du papier et un stylo et mon baladeur. Certes, il faisait un peu gris, mais il ne pleuvait pas et il faisait bon être dehors.

Depuis quelques jours, j'avais vu jaillir des pancartes d'un jaune criard sur à peu près tous les poteaux de ma rue et de ses voisines. En plus d'interdiction de stationner orange fluo que l'on ne voit pousser d'ordinaire que dans les mois d'hiver. Les jaunes étaient surdimensionnées et indiquaient très clairement une interdiction de stationner dans le quadrilatère entre 1h00 ce matin et 16h00 cet après-midi. Ça pouvait difficilement être plus clair. Surtout que des toilettes chimiques ont poussé dans le parc, à côté de tables à pique-niques non permanente. Avec toute sorte de signalisation qui expliquait que le Tour de l'île passerait par le secteur.

J'ai quelquefois des doutes sur la capacité de lecture de mes voisins. Si beaucoup d'entre eux ont un véhicule automobile, j'en soupçonne une bonne partie d'être analphabète fonctionnelle. Moi, je vois un panneau et je le lis sans trop m'en apercevoir. Eux... J'en doute.

Bref, à 6h00 ce matin, les camions de remorquage sont arrivés toutes sirènes dehors. Parce qu'évidemment, la rue était pleine de voitures. Heureusement, je m'étais réveillée de moi-même à peu près dix minutes avant leur entrée en scène tonitruante, pour dire le moins. Je sortais de la douche lorsque j'ai perçu leur doux chant. C'est déjà pénible l'hiver quand toutes les fenêtres sont bien fermées et calfeutrées, c'est carrément assourdissant avec les fenêtres grandes ouvertes. Et je ne peux pas faire grand chose pour atténuer le bruit, je n'ai pas de voiture à aller déplacer.

En plus, mon voisinage a, généralement, le samedi soir festif, ce qui fait que ça lui a pris un temps fou avant de comprendre le message peu subtil. Et quand ses membres sortaient de leur logis pour aller déplacer leur véhicule, ils fulminaient (le mot est faible) contre les employés de la ville. Moi, je me disait qu'en réalité les employés municipaux avaient été plutôt gentils de ne pas nous réveiller bien plus tôt, après tout, ils nous avaient laissé 5 heures de délais, ce qui n'est pas rien.

Tout cela pour dire que, pour cette fois, j'étais vraiment contente de mon horaire atypique et d'avoir eu à me lever de toute manière, parce que je suis passablement convaincue que j'aurais été franchement de mauvais poil s'il avait fallut que je me fasse réveiller à grands coups de sirènes un jour où mon seul plan de match aurait été de me laisser aller à la farniente.

N'empêche que j'ai encore les oreilles qui résonnent et je me demande bien quand mon audition reviendra à la normale.

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mercredi, juin 01, 2016

The Time of my Life

À cette époque, ma grande amie habitait dans ma cours, la plupart du temps. Enfin, elle habitait dans une maison qui donnait sur la cours familiale et son père avait percé une porte dans la clôture grillagée, l'ensemble de nos parents craignant sans doute que nous ne nous cassions le cou à force de l'escalader pour aller de l'une chez l'autre, ce que nous n'aurions pas manqué de faire, si les grands moyens n'avaient pas été pris.

Quelquefois, par contre, elle était chez sa mère qui restait très loin en transport en commun. Il m'arrivait de l'accompagner pour la fin de semaine. J'adorais ces expéditions hors du quartier qui m'avait vu grandir. Par une fin de semaine de février, il me semble, nous avions apporté des cassettes vidéos en location dans nos bagages. Trois films différents, mais nous avions fini par n'en écouter qu'un seul, tellement nous l'avions aimé, six fois de suite, si ma mémoire est fidèle. C'était Dirty Dancing.

Nous aimions déjà beaucoup les films de danse. Sans doute parce que ni l'une ni l'autre n'avions aucun talent dans le domaine et, pour ma part, comme je suis à peu près aussi souple que du bois mort, j'étais (et je suis toujours) fascinée par ce langage corporel que je n'avais aucune chance de pouvoir, un jour, pratiquer. Ce film était arrivé dans ma vie au prélude de mes quinze ans. Ma fibre romantique battait déjà à tout rompre, je ne pouvais qu'être totalement sous le charme.

Évidemment, mes souvenirs de l'époque sont un peu confus, étant donné toute la distance qu'ils présupposent. Il me semble que le printemps et l'été qui on suivi ont été jalonnés par ce film. Comme si nous l'avions écouté à toutes les journées de pluie et que nous avions joué à être Baby tous les jours où il faisait beau, dans la piscine chez mes parents, ou lors des innombrables pique-niques qui nous amenaient dans les divers parcs jalonnant la piste cyclable du boulevard Gouin. Il nous arrivait, bien entendu d'écouter autre chose, mais nous y revenions toujours. Tellement qu'on s'était mises à l'écouter en anglais et que j'ai commencé à comprendre quelque chose à cette langue parce ce que je connaissais tellement tout le texte en français que je pouvais percevoir ce que les acteurs se racontaient, dans la langue originale. Je ne dis pas qu'il s'agit ici de mon film favori, pas du tout en fait. Il est cependant celui que j'ai vu le plus souvent, et de loin.

Hier, j'ai été voir la comédie musicale tirée du film. Il y avait du féminin dans la salle Wilfrid-Pelletier au pouce carré, c'était fou. De tout âge, en plus. Il y régnait une fébrilité toute adolescente, malgré le fait que je devais me situer dans la moyenne d'âge. Mais l'esprit de la foule, lui, avait quelque chose comme quatorze ans.

La magie a opéré. L'histoire, était remarquablement fidèle à celle du film, avec quelques ajouts qui ne la défiguraient pas. Bon, le jeu des comédiens était, disons aléatoire, et certains effets spéciaux pour refaire des scènes dans un lac, ou une voiture étaient, mettons, grotesques, mais dans l'ensemble, je crois que toutes les fans dans la pièce étaient assises sur le bout de leur chaise et savouraient avec délectation le spectacle qui se déroulait sous leurs yeux.

Évidemment, l'important dans ce film, c'est la scène finale; le moment où Baby, se révèle au monde. Je pense que je n'étais pas la seule à l'attendre parce qu'à la première mesure de (I've had) the Time of my Life, j'ai eu l'impression que le toit de Wilfrid-Pelletier allait sauter.

Je suis revenue chez-moi à pieds, riant toute seule, heureuse comme je ne l'avais été depuis longtemps. Et j'ai réécouté le film original, deux fois plutôt qu'une.

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