mercredi, mars 18, 2009

De film en souvenir

Hier, je suis allée voir Dédé à travers les brumes. Ce qui a fait remonter à ma mémoire un souvenir estival fut, en son temps, une source d’irritation très forte pour moi. Tellement que, durant des années, j’ai refusé catégoriquement d’écouter une des chansons de ce groupe que j’ai pourtant toujours beaucoup apprécié.

C’était un été chaud et humide à la fin des années 1990. Dans cette ville traversée par une rivière, il y avait une plage municipale sise dans un quartier plutôt défavorisé. Mon emploi d’été à l’époque, consistait à faire partir les embarcations nautiques de location durant les beaux jours. Durant la semaine, les plaisanciers étaient essentiellement des groupes des terrains de jeux locaux, quelques familles dont les parents bénéficiaient d’un été de congé et d’une joyeuse bande d’adolescents particulièrement bruyants. Ceux-là, on les voyait arriver par la piste cyclable ou de l’autobus municipal qui vomissait littéralement ses tripes en arrivant sur le site. Ils s’installaient toujours au même endroit sur le site, entre la plage et le terrain de volleyball qu’ils occupaient aussitôt, comme si celui-ci leur appartenait.

En début d’après-midi, le cirque débutait : ils louaient en groupe un ou deux pédalos et une fois qu’une partie du groupe était au centre de la rivière, ils se mettaient à hurler la chanson Tassez-vous de d’là. C’est sans aucun doute une excellente pièce, autant dans son texte que dans sa musicalité, mais l’entendre tous les jours hurlée à tue-tête par une bande d’ados qui ne chantent surtout pas juste, ça devient harassant. Au bout d’un certain temps, tous les employés du site se regroupaient lorsque les casseurs d’oreilles débarquaient et tiraient à courte paille pour savoir qui aurait l’odieux de rester sur cette partie du site. Les autres allaient faire le ménage des sentiers pédestres, loin de ce tapage quotidien.

Quand Dédé est mort, près de deux ans plus tard, je n’étais toujours pas revenue de mon « écœurite » aigüe, et malgré la tristesse, je sautais immanquablement cette pièce lorsque j’écoutais l’album Dehors novembre.

Hier, je suis allée voir le film sur sa vie. Et je suis sortie de la salle complètement remuée. J’ai pleuré lorsqu’on a perdu le référendum, sans doute plus que la première fois. J’ai pleuré quand il est mort aussi, même si je savais d’avance que ça arriverait. Et plus que tout, j’ai eu envie de revenir aux sources. Retourner écouter les versions originales avec la voix si particulière de Dédé, celle qui portait une fêlure au fond de la gorge, que Sébastien Ricard n’a pas. Même si il est excellent.

Hier, je suis allée voir le film Dédé à travers les brumes et j’ai même eu envie d’écouter Tassez-vous de d’là. Sans doute qu’elle m’irritera moins interprétée si justement par son auteur.

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mercredi, mars 04, 2009

Persécuter tes yeux

Il y a des hommes que je croise et qui me promettent la Lune et qui me laissent croire que je suis parmi Celles qu’ils pourraient aimer. Il y a des hommes qui me disent « appelle-moi n’importe quand » et ça sonne comme une injonction. Je sais alors que si je ne fais pas tous les appels mon téléphone ne sonnera pas. J’ai aussi appris que si je n’insistais pas fermement lorsque mes disponibilités, même téléphoniques, sont aléatoires, je perdrais toute trace de ces hommes qui font battre mon cœur.
Il y a des hommes que je croise et qui me promettent de m’appeler. Sans me donner de numéro de téléphone en retour et que je suis prise pour attendre, au moins un peu. Des hommes à qui je fais peut-être peur parce que je reconnais leur voix au premier appel et qui soudainement se murent dans un silence de béton. Des hommes qui sèment en moi le doute sur mon attitude générale lorsque durant la minute précédente, je ne demandais rien. Il y a des hommes qui me veulent pour eux seuls mais qui se partageront continuellement entre moi et les autres. Ils auront besoin de ce que je suis comme évasion, compassion, amoureuse ou amante, mais garderont toujours une réserve dans ce qu’ils sont prêts à abandonner. Ils me diront ce qu’ils pensent que je veux entendre pour le plaisir de me savoir là, tout près, toute prête.
Il y ces hommes que je n’attends plus, que je n’espère plus parce que j’ai frôlé les récifs de mes propres folies à espérer des êtres qu’ils ne sont pas. Qu’ils ne seront jamais. Il a ces hommes qui m’admirent en silence et que je ne peux payer en retour d’une affection que je ne ressens pas. Qui me feront toujours sentir coupable de ma vénalité ou de mes passions effrénées parce que je suis et resterai celle que je suis. Sans compromis et sans regrets. Il y a des hommes qui m’ont dit qu’ils m’espéraient et m’attendaient alors que tout ce que j’ai trouvé à répondre c’est un départ en fuite nocturne pour ne plus jamais les recroiser dans le monde diurne. Des hommes que je ne méritais clairement pas.
Il y a ces hommes qui ont été mes bourreaux et dont j’étais la victime presque consentante. Des hommes qui éparpillaient les sourires et les mots doux sachant précisément auxquels je serais sensible. Des hommes qui se sont ris de moi comme on rit de nos premières chaussettes. Il y a ces hommes dont j’ai été le bourreau à mon cœur défendant qui ont payé très cher les vicissitudes de mon passé. Des hommes charmés. Des hommes que j’ai malmené à coup de phrases assassines qui ne voulaient rien d’autre qu’une invite pour une soirée sans lendemain, mais qui se sont imaginés que mon abandon du moment était durable.
Il a des hommes qui me font réaliser que nous serons continuellement la victime d’un regard pour mieux devenir le persécuteur d’autres yeux.

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