jeudi, juin 29, 2017

Champ gauche

Ceux qui me connaissent savent à quel point j'aime la littérature jeunesse. Particulièrement, les personnes avec lesquelles je travaille. Je dirais qu'elles se trouvent souvent chanceuses de m'avoir dans les alentours lorsque vient le temps de suggérer des livres pour les tous petits. Soyons honnêtes, la plupart des jeunes adultes, donc du personnel changeant du commerce de détail, ne s'intéresse que peu à ce genre d'ouvrage. Sauf que moi, je les aime d'amour.

Je lis à peu près toutes les nouveautés qui sortent en ce domaine, et j'en achète une foule pour Zazou qui voit croître sa bibliothèque presque à toutes les fois que je le vois. Il ne le sait pas encore, mais il possède des albums qui sont beaucoup trop élaborés pour son âge. Mais comme il aime les images, peu importe qu'il s'intéresse plus ou moins à l'histoire, dans un avenir pas si lointain il aura de bonnes histoires à se mettre sous la dent, des histoires dont il connaît déjà les images et qu'il commente à sa manière depuis qu'on les lui a mises entre les mains.

Comme j'ai une certaine facilité à organiser ma mémoire de façon à ce que les informations utiles reviennent à l'avant plan lorsque j'en ai besoin, il m'arrive assez régulièrement d'avoir une idée un peu saugrenue, un peu champ gauche qui pourrait convenir à la maman ou au papa qui est devant moi et qui cherche désespérément une manière d'aborder un problème récurrent avec l'enfant qui traverse telle ou telle période.

Récemment, une dame est entrée dans la succursale un peu hagarde, presque convaincue d'avance que cette visite dans une librairie ne lui apporterait rien de bon. Son plus jeune fils semblait ne plus avoir aucune envie de se diriger vers la propreté malgré toutes les stratégies qu'elle et le papa avaient mises en place pour y arriver. Ce que je comprenais de l'histoire, c'était que le cheminement c'était fait de manière normale pendant un moment mais que depuis quelque chose comme trois mois, non seulement, il n'y avait plus de progression, mais qu'en fait le petit était de moins en moins enclin à demander le pot, surtout pour les cacas.

Je n'ai pas d'enfants, mais j'avais entendu dire que pour certains bambin, il y avait comme une épreuve de séparation d'avec le contenu de la couche, comme si c'était une extension de lui-même. Alors plutôt que de lui présenter un des sempiternel ouvrage sur les enfants qui commencent à utiliser le pot, je lui avait suggéré un album sur le contenu des couches. Plein de sortes de cacas caché dans des couches de différents bébés animaux et que le personnage principal, trouve, évidemment, supers intéressants. La maman, n'avait absolument pas l'air convaincue par ma suggestion, mais l'avait achetée, juste pour mettre toutes les chances de son côté.

Trois semaines plus tard, elle est revenue dans le magasin, je l'ai accueille à son entrée, comme j'accueille tous les clients en me disant que son visage me disait vaguement quelque chose. C'est elle qui m'a remis en mémoire cet achat récent en me disant tout de go : « Votre livre, madame, a fait des miracles; mon fils est presque propre en seulement trois semaines! Est-ce que je peux vous faire la bise? »

J'ai, bien entendu, accepté, c'était si gentiment demandé. Et puis ce n'est pas tous les jours qu'on a le droit à une reconnaissance aussi directe du travail que l'on accompli.

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dimanche, juin 25, 2017

Fêter Francis

Hier c'était la fête de Francis. C'est vrai! Il y avait un gâteau avec du feu dessus. Mais bizarrement, Francis n'était pas là et c'est Papa qui a soufflé le feu. Francis n'était pas là, mais il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde à la maison. Quand je me suis réveillé après ma sieste, je suis allé dans la cours parce qu'il faisait beau et j'ai vu tout plein de gens avec des amis pour moi. Il en avait plus qu'à la garderie. J'avais un peu envie de jouer avec eux, mais en même temps, je n'en avais pas tant envie. Ils criaient, riaient, courraient partout et je trouvais qu'il n'y avait plus beaucoup de place pour moi. Alors je me suis assis sur les marches de la galerie et je les ai regardé s'amuser pensivement.

Un moment donné, il y a des gens qui sont partis alors-là, j'ai trouvé qu'il y avait juste assez d'espace pour que je puisse jouer à mon tour. Alors j'ai couru, couru, j'ai rigolé, j'ai tourné, je suis même allé voir la piscine, j'ai joué avec les amis qui étaient restés. Maman dit que j'ai dépensé tout mon fou. Après, j'ai mangé un popsicle au yogourt, c'était si bon! Et quand les autres sont revenus, je suis retourné m'asseoir sur ma marche et j'ai recommencer à observer. J'apprends beaucoup en regardant tous ces enfants vous savez. Fa que même si j'étais pas mal tout seul dans mon coin, j'étais furieux quand Maman a décidé qu'il était temps d'aller me coucher.

Et puis, aujourd'hui, on allait chez Grand-Mamie, encore pour la fête à Francis. Mais cette fois, il était-là. Je l'ai dit à Tatie en arrivant : «  Sancis, feu, bâton ». Elle ne comprenait rien du tout à ce que je lui disait, alors Maman lui a expliqué que je lui parlais des chandelles et du gâteau. Je parle beaucoup maintenant, mais des fois, un mot veut dire plusieurs choses. Patate, par exemple, ça veut dire tous les légumes que j'aime, c'est pareil pour poulet et saucisse, ça désigne la viande dans mon assiette. Gâteau, bateau et bâton se mélangent un peu dans ce que je raconte. Il faut juste suivre mon idée pour comprendre ce que je veux dire.

En plus d'avoir appris plein de mots depuis la dernière fête de Francis, maintenant, je sais comment faire des culbutes tout seul. J'ai étendu des coussins par terre et j'ai montré à Tatie et à Francis à quel point je suis agile. Ils ont beaucoup applaudi en disant : « Bravo Zazou! » Ensuite j'ai demandé à Maman de chanter Meunier tu dors et j'ai fait ma toute nouvelle chorégraphie qui consiste à me balancer tranquillement quand la chanson va lentement et à tourner vite, vite, vite pendant le bout rapide.

Et le moment que j'ai préféré, bien entendu, c'était quand on a apporté le gâteau. Je voulais le donner à Francis, mais c'est Papa qui l'a eu. Je ne comprends toujours pas pourquoi. En plus il avait des beaux cadeaux à ouvrir, et je suis rendu tellement bon, que je les ai ouvert pour lui avant qu'il ait eu le temps de s'y mettre. Je n'ai pas trouvé que c'était très intéressant ce qu'il y avait dedans, mais Papa avait l'air content. Il est bizarre comme ça papa des fois. Et après, on a chanté les chansons, mais ça ne m'intéressait plus autant qu'avant, ce que je voulais c'était souffler les bougies. Et je l'ai fait, deux fois.

Quand je suis parti, j'ai fait des bisous à tout le monde et des beaux câlins aussi. Depuis, je me demande c'est quand la prochaine fête de Francis. Bientôt j'espère

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jeudi, juin 22, 2017

Le retour de tous les dangers

Je suis sortie du travail par une soirée idéale pour faire du vélo. Par conséquent, c'est le moyen de transport que j'ai choisi d'utiliser pour rentrer à la maison. Mon voyage de retour allait en être un de tous les dangers, ce que je ne pouvais décemment pas deviner avant d'enfourcher le Bixi.

Une des choses que j'apprécie de ce moyen de transport, c'est qu'il est très bien illuminé. Je ne sais pas si vous avez déjà croisé un Bixi la nuit, mais ce genre de bête brille de tous ses feux des que les pédaliers sont en mouvement, il est donc particulièrement difficile de ne pas les voir. Et pourtant, ce soir, j'ai failli me faire renverser par des voitures trois fois plutôt qu'une et je sais que les conducteurs m'avaient vue.

Je suis une cycliste prudente et bien élevée. Je m'arrête aux lumières rouges et je fais mes stops Souvent je me dis que je suis bien la seule cycliste de Montréal à en faire autant, si j'exclue les petites familles qui roulent sur les pistes cyclables, mais elles sont plutôt rares un mercredi soir après 21heures. Depuis le mois qui me fait revivre mon plaisir de circuler à dos de vélo, j'ai choisi un itinéraire largement semé de voies cyclables.

En empruntant la rue Laurier, dans la voie cyclable, je me suis fait cavalièrement coupée par une voiture qui a décidé de sauter sur une place de stationnement disponible sans qu'elle ai même daigné utiliser ses clignotants. Si j'avais été le moindrement inattentive, c'en était fait de moi.

Presque arrivée au parc La Fontaine, une moto a surgi d'une ruelle, bondissante et tonitruante et est tournée en sens inverse de la circulation et si je n'avais pas donné un violent coup de guidon à droite, elle me rentrait dedans de plein fouet. Rendue-là, je me demandais sérieusement si je n'avais pas un vélo défectueux dont les lumières ne fonctionnaient. J'ai rapidement été rassurée à ce sujet, puisqu'en m'engageant dans une petite rue résidentielle perpendiculaire à la mienne, tous les lampadaires se sont soudainement éteints. Je me suis retrouvée dans une rue d'un noir d'encre, qui me faisait penser à la tanière d'un loup, je ne voyais rien si ce n'était une roue devant moi, gracieuseté des lumières,très visibles, de mon véhicule.

J'étais presque arrivée à l'espace de stationnement que j'avais sélectionner avant de partir, au beau milieu d'une pente abrupte quand une voiture de livraison s'est stationnée en double à quelques cents mètres devant moi pendant qu'un gros camion était à peu près à ma hauteur. J'ai été très heureuse de constater que les freins de mon véhicule fonctionnaient très, très bien.

J'ai retenu deux choses de ce périple : premièrement, plus jamais je n'enfourcherai un vélo sans casque, le mien est désormais attaché à mon sac à main. Deuxièmement, un moment donné une fille se dit que les sensations fortes sur le chemin du retour, c'est bien agréable de temps en temps, mais qu'il y a un moment ou c'est juste trop.

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dimanche, juin 18, 2017

Un détour par le 125

Une petite pluie fine tombait sans réelle interruption depuis que j'étais levée. J'avais donc résolu d'abandonner le projet vélo pour me rendre au métro. Je devais, par ailleurs, aller porter mes emprunts à la bibliothèque et je comptais bien flâner un moment entre les rayons afin de mettre la main sur autre chose avant de me rendre au travail. Parce que oui, j'emprunte des livres en plus d'en vendre quotidiennement. Je ne travaille pas dans ce domaine sans raison.

Mais la rue Ontario durant l'été, depuis trois ans au moins, en tout cas, c'est l'horreur pour les piétons et usagers des transports en commun. Les arrêts deviennent aléatoires et les hordes de camions bloquent la vue empêchant de savoir si oui ou non un autobus est sur le point de pointer son nez. Et la ligne 125 est probablement la moins fiable qu'il m'ait été donné de fréquenter de toute ma vie. Bref, j'étais arrivée un bon cinq minutes avant l'heure prévue de passage et une dame attendait déjà l'autobus avec une poussette dans laquelle souriait et babillait allègrement un petit garçon d'environ six moi. Après tout, si sa maman était incommodée par la pluie, lui était bien au sec et heureux comme tout d'être dehors.

Évidemment le fichu autobus était arrivé avec 15 minutes de retard. Par conséquent, non seulement la ligne s'était-elle singulièrement allongée, mais en plus il était plein. La dame a la poussette m'avait précédée dans l'engin, mais n'arrivait pas à aller plus loin que la station de paiement. Non, ce n'était pas si plein, mais un couple de jeunes vingtenaires était empilé l'un sur l'autre sur le premier banc et un gros sac de sport prenait toute la place dans l'allée. Ils la regardaient sa comprendre jusqu'à ce qu'elle demande : « pouvez-vous déplacer votre sac svp?» Et le gars avait répondu : « Ben, non, yé lourd». J'avais donc empoigné les roues avant de la poussette pour permettre à la dame de lui faire enjamber l'obstacle.

Sauf qu'il y en avait d'autres : quatre autre poussettes, rien de moins. Nous avions tant bien que mal réussi à caser sienne entre deux autres, elle m'avait gratifiée d'un joli sourire, un peu penaud, tandis que les ceux qui nous suivaient poussaient des soupirs exaspérés comme si le contretemps de la poussette était, de loin, plus irritant que celui du sac de sport avachi dans l'entrée tandis que je hochais la tête, un peu découragée, en grimpant les deux marches qui menaient à l'arrière de l'autobus.

Bien entendu, le retard de l'autobus avait considérablement rogné mon temps de flanâge à la bibliothèque, assez pour que je renonce complètement à m'y mettre. Mais surtout assez pour que je me dise que désormais, les jours de pluie, il vaudrait beaucoup mieux pour moi de prendre mon mal en patience et de marcher jusqu'au métro plutôt que d'espérer que la ligne 125 puisse me permettre de prendre un quelconque raccourci.

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jeudi, juin 15, 2017

Sortir des oeillères

Ça faisait bien longtemps que je ne l'avais pas vu. Assez en tout cas pour que l'image de l'homme qui se dressait devant moi semble tanguer quelques temps, dans une foule de souvenirs assez flous et que je n'arrivais pas à arrêter pour en tirer quelque netteté. Je lisais dans ses yeux la même confusion perplexe qui s'était épanouie en sourire franc quand l'hôte du moment avait annoncé mon nom. C'est dans le sourire que j'ai reconnu le jeune homme que j'avais un peu connu, quelques vingt ans plus tôt et que je n'avais pas recroisé depuis au moins une dizaine d'années.

Je savais qu'il en avait vu de toutes les couleurs depuis notre dernière rencontre. Déjà que celle-ci me laissait une impression d'étrangeté et je n'étais pas certaine qu'elle soit tout à fait fiable étant donné que sa maladie s'était déclarer quelques mois plus tard. Me connaissant, je me doutais bien que mes souvenances s'étaient probablement mêlés de récits postérieurs et que j'avais tout mélangé, sans le savoir ni vraiment le vouloir, pour modeler mes souvenirs de la soirée en question.

Je n'avais nullement l'intention d'aborder ce sujet de front, surtout qu'il y avait là un paquet de gens que je ne connaissais que peu et j'imaginais bien que c'était la même chose pour lui. Je me voyais donc mal aborder la maladie mentale devant des presque inconnus, surtout qu'il ne s'agissait pas de la mienne. Mais il l'avait fait, de lui même. Il avait répondu très honnêtement à la question générale que je lui avait posée. Je n'en étais pas si surprise parce que c'était, somme toute, son quotidien. La schizophrénie ayant plutôt l'habitude d'être tenace et omniprésente.

Sincèrement, il avait l'air bien, même si selon ses propres dires, il avait passé quelque chose comme dix ans avec une vie entre parenthèse, incapable de s'occuper comme la plupart des gens, incapable de travailler normalement. Mais il était fier de lui, et à raison, parce qu'il avait réussi à conserver le même appartement depuis de nombreuses années. Il m'avait glissé, l'air de rien, qu'il avait, un temps au moins, vécu l'itinérance et qu'il était bien content d'en être sorti. Son regard sombre s'était alors vissé au mien et il m'avait demander de lui promettre de ne jamais mettre l'obole dans les mains que l'on tendait forcément devant moi, vu l'endroit ou je réside. Je lui avais répondu que je ne le faisais pas de toute manière. Il m'avait alors répondu : «Bien, bien, alors continue » sur le ton d'un professeur faisant comprendre à un élève que le chemin de la réussite serait tout près, si ce dernier se donnait la peine de persévérer.

De tout ce qu'il m'avait dit ce soir-là, une seule chose m'avait réellement laissée sans voix. Il était convaincu que sa maladie était beaucoup moins pire que la mienne parce que moi, je n'avais pas pu l'apprivoiser pendant des années. Elle était arrivée comme un bulldozer et était repartie sans tambour ni trompette me laissant seule avec des lambeaux de moi tandis que la sienne serait toujours-là et qu'il aurait continuellement la possibilité de s'obstiner avec.

Question de point de vue, je présume. Une chose est certaine, ça m'aura permis de lever un coin de voile sur une réalité que je ne connais, ne comprends ni ne mesure vraiment.

La vie, en somme, a encore beaucoup à m'apprendre, pourvu que je me sertisse pas d’œillères ni de trop de préjugés.

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dimanche, juin 11, 2017

Sillonner le plaisir

Je crois que j'avais oublié à quel point j'aime faire du vélo au cours des dernières années. Pourtant, je sais de longue date que c'est pas mal le seul sport que je pratique avec plaisir. Adolescente, je passais des journées entières à sillonner les pistes cyclables du nord de l'île avec des amies, faisant ainsi passer le cours d'une journée de fin de semaine, l'air de rien.

C'est un peu comme l'écriture, quand je ne le pratique pas, je me convainc de toutes sortes de façons que ça ne me manque pas, mais dès que je me remets en selle, je ne peux faire autrement que de constater que je me fais très plaisir quand j'avale les kilomètres à coups de pédales.

Lorsque j'ai décidé de m'abonner à Bixi, je me disais que je reviendrais à la maison, lorsque le cœur m'en dirait à vélo, et que ce serait très bien ainsi. J'en suis assez loin. En fait, je crois que j'ai en un mois, rentabilisé mon abonnement. Rien ne me déçoit davantage qu'un matin de pluie quand je ne peux pas enfourcher de bolide pour me rendre au métro Berri. Il me semble alors que la journée part sur des bases qui tanguent.

Évidemment, comme je n'ai pas vraiment pratiqué de sport, quel qu'il soit, durant les dernières années, cette remise en forme, me rendre inévitablement dans le corps. Je refais connaissance avec un certain nombre de muscles que j'avais oublié avec insouciance. Surtout qu'un Bixi, par définition, doit être utilisable par un paquet de personnes ayant des formats fort différents. Comme je ne suis pas très grande, je trouve que les guidons sont très larges. Les muscles de mes épaules itou. Ce qui ne m'empêche pas de récidiver quotidiennement et de redescendre allègrement du Marché Jean-Talon à la maison, même si je dois souvent marcher assez longtemps avant de trouver un vélo pour trouver vélo à mon pied.

Mais hier, je me sentais paresseuse en finissant ma journée. J'ai donc pris le métro au lieu du vélo. Pourtant, il faisait beau, je n'avais donc aucune raison valable, si ce n'est l'espèce d'effervescence que je sentais autour de moi, comme si les différents festivals en cours, ajouté à la foule de la formule 1 composait un joyeux pot-pourri de passants aux comportements routiers, disons aléatoires.

Ce matin, je me sentais bouette et lourde. Je n'étais pas contente de moi parce que j'avais choisi de paresser. Alors j'ai décidé de monter au travail en vélo. N'étant pas complètement maso, j'ai tout de même choisi de marcher jusqu'à la station sur Sherbrooke, il y avait 8 vélos disponibles à ma sortie de la maison. Évidemment, ils s'étaient tous envolés avant mon arrivée, mais j'en ai trouvé un pas tellement plus loin.

Il faisait chaud aujourd'hui. Dire que je suis arrivée au travail en nage, tient de l'euphémisme. N'empêche que je me suis sentie particulièrement énergisée et fière de moi, considérant au bout du compte que d'avoir eu à me passer à peu près trois litres d'eau au visage avant de pouvoir commencer à travailler.

Tout cela pour dire que, franchement, je ne devrais jamais arrêter de faire les choses que j'aime, quelles que soient les raisons que je m'invente pour cesser de les pratiquer. Parce que je me rend invariablement à l'évidence que ces petites choses sont des assises solides pour que je me sente bien. Et, ça, ça n'a pas de prix.

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jeudi, juin 08, 2017

Apprivoiser la boîte

Une des choses que j'aime le plus au monde, c'est les trucs qui font de la lumière quand on pèse dessus. Sauf que mon accès à ces choses est très limité. Maman et Papa me disent toujours : « Non Zazou, ce n'est pas un jouet pour toi ». Mais eux, ils jouent toujours avec ces choses-là et je veux faire comme eux. Alors dès que j'ai une occasion, je les attrape et je pèse sur tous les boutons jusqu'à ce que je me fasse attraper. Ce qui arrive invariablement, très, très vite.

En fin de semaine, j'ai fait dodo chez Grand-mamie. Je ne sais pas pourquoi, mais j'étais content parce qu'on joue beaucoup ensemble. Et puis, quand je fait dodo chez Grand-mamie, je l'ai pour moi tout seul, pas de cuisine interdite, pas de longs repas qui s'étirent et s'étirent même après que tout le monde ait terminé de manger. Mais pas de chansons de bon anniversaire non plus. Sauf que Grand-mamie a des musiques juste pour moi et on les écoute ensemble, ça c'est chouette.

Et puis, quand je suis tout seul avec Grand-mamie, ça me donne un instant de plus pour jouer avec les trucs qui font de la lumière quand on pèse sur les boutons. Parce que c'est un adulte qui me surveille de moins qu'à la maison. Un de ces machins-là, je vois les grands les utiliser beaucoup. Ils les mettent près de leurs oreilles et ils parlent. Papa le fait beaucoup. Moi, je veux faire comme papa. Alors, pendant que Grand-mamie regardait ailleurs, par un beau matin ensoleillé, j'ai appuyé sur pleins de boutons, ça faisait des drôles de bruits et je parlais, comme Papa.

Et puis, j'ai été un peu surpris parce que j'entendais « dring, dring » pendant que parlais. Je trouvais ça un étrange, mais j'ai continué à parler. Et là, j'ai entendu « Allo? » Mais, c'était mon tour de parler, alors j'ai continuer à raconter ce que j'avais fait depuis que j'étais levé. Étrangement, j'ai entendu Tatie dans le truc qui fait des sons et de la lumière. Elle a dit : « Allo Zazou! Tu me téléphone? Comme c'est gentil! » Euh? Je ne savais pas de quoi elle parlait. Et de toute manière, ce n'était pas le jeu. J'ai regardé Grand-mamie, sans comprendre. Elle a attrapé le machin et se l'est placé contre l'oreille. Fini le jeu pour moi... J'étais déçu, mais je suis rapidement passé à autre chose. Il y a toujours plein de choses intéressantes autour de moi.

De temps en temps, Grand-mamie me remettait le truc sur l'oreille et j'entendais Tatie qui me disait « Allo Zazou! » Moi, je regardais la petite boîte qui me semblait soudainement très étrange, parce que c'était supposé être moi qui parlais, pas la boîte avec la voix de Tatie.

J'ai fini par me dire que si la boîte avait la voix de Tatie, mon oncle ne devait pas être bien loin; je les voix pratiquement toujours ensemble. Alors je j'ai pointé la boîte qui était toujours collé sur l'oreille de Grand-mamie et j'ai dit très distinctement « Sancisssssssssssssssss ». Parce que si personne je le savait à l'origine, sauf moi, c'est à lui que je racontait mes dernières aventures. Il écoute si bien ce Francis-là, il ne me pose jamais de questions pendant que je discute. Ça fait longtemps que j'ai compris que si je veux pouvoir parler, c'est à lui que je dois m'adresser.

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dimanche, juin 04, 2017

Le pharmacien

C'était un jeune homme dont les yeux bleus-gris illuminait un visage mangé par une barbe très forte. Il semblait un peu hésitant, voire un peu timide tout en dégageant ce genre de charisme très rare qui vous colle au plancher. Pas un charme à caractère sexuel, non, le genre de charme des leaders naturels qui le portent sans trop le savoir et peuvent avoir une grande influence sur leur entourage. Il portait un de ses survêtements confortable, d'un gris clair, comme d'autres auraient arboré un habit cravate. En somme, il ressemblait à n'importe quel jeune universitaire qui fréquente le Marché Jean-Talon.

Il voulait avoir des livres sur des médicaments, quelque chose de récent, car disait-il, il était pharmacien et que les normes ici n'étaient pas nécessairement celles auxquelles il était habitué. Durant le bref moment qu'aura duré notre rencontre, j'ai eu l'occasion d'apprendre beaucoup sur lui. Il semblait très gêné de ne pas maîtriser parfaitement le français, et s'excusait constamment d'avoir à utiliser des mots bien simple en effectuant des rallonges de langage pour exprimer ce qu'il avait à dire.

Pour ma part, je trouvais son français plus que convenable, ayant eu maintes fois à discuter, surtout dans cette nouvelle succursale, avec des gens qui ne savent que dire « s'il-vous-plaît » et « merci » et à peine s'exprimer en anglais. Je savais qu'il existait un livre qui répondait à peu près à ce que le jeune homme cherchait et j'avais été tout à fait surprise de le trouver en rayons étant donné que c'est un ouvrage très spécialisé et ce genre de volume n'est pas coutumier des très petites succursales, comme la mienne.

L'édition présentement en circulation datant de 2006, le client craignait un peu que les données qu'il contenait ne soient pas tout à fait assez à jour pour ses besoins. J'avais beau lui dire que c'était largement encore utilisé dans les facultés de médecine, il restait dubitatif. Et comme tous les ouvrages de ce genre, il était cher. C'est finalement le prix qui l'avait décidé à ne pas l'acheter, et qu'il m'avait expliqué qu'en tant que réfugié Syrien, il n'avait vraiment pas les moyens de dépenser une telle somme pour un livre.

J'avais été saisie. Je lui avais alors demandé depuis combien de temps il parlait le français. Il avait ri avant de rétorquer, qu'il essayait bien fort de parler ma langue depuis un peu plus d'un an. Il était arrivé par le parrainage d'une communauté religieuse, ou quelque chose s'en approchant, et n'avait jamais dit un mot en français avant février 2016. Il me répétait sans cesse que le français était si difficile et recommençait à s'excuser de le massacrer à tout vents.

Moi, je restais ébahie. Qu'un jeune homme ait pu apprendre à se faire si bien comprendre dans une langue très éloignée de celle qu'il avait parlé toute sa vie, sans jamais utiliser ne serait-ce qu'un mot en anglais, utilisant plutôt des synonymes à sa portée, me laissait pantoise.

Je ne sais pas de quoi son parcours parmi nous sera fait, mais sincèrement je souhaite fortement qu'il réussisses ses études ou ses équivalences pour devenir pharmacien ici. Parce qu'une personne comme celle-là mérite pleinement d'avoir un avenir fait d'autre chose que de petites misères et autres stigmatisations qui sont le lot de beaucoup de personnes fraîchement immigrées, malheureusement.

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