mardi, mai 30, 2006

Un tapis de soleils

Tu me disais : « t’es conne Mathilde » toutes les fois où tu avais un public pour t’entendre. Moi, j’avais le cœur en compote, tout ramolli de ta seule présence dans ma vie et je n’avais pas encore l’expérience ni la force pour ne pas me laisser prendre dans les filets de tes petites mesquineries. Je croyais que tout ce que tu disais était la vérité la plus pure. Jamais je n’aurais pensé douter de tes paroles. Tu étais la source de mes rêves, à l’aune desquels plutôt que ne me nourrir, je périssais. J’ai tellement voulu que tu m’aimes et je ne pouvais pas mettre une saine distance entre nous. Nos cercles étaient beaucoup trop concentriques pour que je puisse penser m’échapper. Tu étais si beau. Tu étais si intelligent. Et moi, j’étais désespéramment amoureuse de toi.

Ne me dis pas que tu ne le savais pas. Tu as pris mes lèvres des tiennes sitôt que tu en as eu l’occasion. Tu savais que j’étais-là et que je serais présente tant que l’enchantement opérerait sur moi. Et tu as tout fait pour le préserver. Quand tu m’as laissée tremblante dans l’herbe de l’été, après cet assaut que j’avais tellement désiré, tu savais que je te serais fidèle jusqu’au bout. Tu savais que je ne retrouverais jamais la liberté d’aimer quelqu’un d’autre sans ton autorisation. Que tu ne m’auras jamais accordée. Tu me disais que je n’étais pas belle, même pas jolie. Je pensais que c’était vrai. Et dans le fond de mon cœur, j’espérais qu’un jour tu changerais d’avis. Tu me racontais que tu ne m’aimais pas. Que tu ne m’aimerais jamais. Et je voulais tellement que tu me mentes. Je voulais tellement qu’un jour tu me dises que j’étais celle qui faisait battre ton cœur.

Je ne sais pas comment j’ai brisé ce sort qui m’enchaînait à toi. J’en suis encore surprise, toutes ces années plus tard. Il m’aura fallut te voir agir avec les femmes qui se seront additionnées dans ta vie pour comprendre que tu ne t’aimais pas. Il m’aura fallut tout ce temps pour savoir qu’on ne pouvait pas aimer autrui si on ne s’aimait pas préalablement. Et c’est sous cette lumière que je me suis dit que tout n’était pas perdu pour moi. Puisque je devais m’aimer un peu malgré tout si j’avais pu t’aimer au point de te laisser boire presque toute ma sève. Au début j’aurais voulu te parler, t’enguirlander de tout ce mal que tu m’avais fait. Puis je me suis rendue à l’évidence que cela n’aurait servit à rien : je n’avais pas tellement soif de victoire, je n’avais pas tant besoin que tu comprennes. Ma propre compréhension me suffisait amplement.

Mais avant d’atteindre un tel degré de sagesse, je me suis massacrée de l’intérieur. Je me suis avilie jusqu’au point où je ne me reconnaissais plus. J’ai tout essayé pour échapper à ce contrôle invisible. J’ai voulu le silence, la distance. J’ai cessé d’écrire pour ne plus penser à toi et au poids que je sentais peser sur mes épaules. J’ai tenté de devenir celle que je croyais que tu pourrais aimer. Pendant toutes les années qui nous ont séparés, je n’ai eu de cesse que d’avoir ton approbation, au final. C’est seulement quand je me suis retrouvée presque à la rue, à des kilomètres de moi-même que je me suis dit « ça suffit ». J’ai cessé de t’attendre et de t’espérer. J’ai cessé de croire qu’un jour il pourrait y avoir une relation entre nous. Cesser de croire que tu pourrais me dire « je t’aime » sans me voler mon essence.

Et je t’ai vu, traverser la rue, hagard. Toujours aussi beau. Pour la première fois de ma vie, je n’ai pas eu envie de courir derrière toi pour savoir ce qui n’allait pas. Pour la première fois de ma vie, je n’ai pas essayé de te protéger de toi. Et je ne m’en suis pas sentie coupable.

Dehors, ça sentait la pluie et les pissenlits du voisin me faisaient un tapis de soleils.

lundi, mai 29, 2006

Le septième jour

Je n'ai pas beaucoup écrit la semaine dernière et je me suis retrouvée un peu embêtée aujourd'hui à me demander sur quel sujet je pourrais bien écrire. Heureusement, le Coïtus impromptus est venu à ma rescousse une fois de plus avec le thème Le septième jour. Voici donc ma contribution.

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C’était une nuit de canicule. Les robes des filles se collaient sur leur peau moite, épousant les formes des corps comme des bains révélateurs. Dans le bar, l’ai était climatisé, ce qui laissait un répit aux pores assoiffées. Dehors, l’air était si lourd qu’on aurait pu penser que le ciel avait chu sur la ville. L’opacité de la brume était telle qu’on ne voyait pas de l’autre côté de la rue. Sur le zinc du comptoir, les verres suaient tandis que je me dessinais un avenir dans leurs rigoles. À côté de moi, traînait un cahier ouvert dans lequel j’essayais tant bien que mal de poser des mots. Le mon silence intérieur se disputait l’espace avec toutes les culpabilités et les regrets que j’étais lasse d’écrire en boucle depuis des années. La lune était pleine, on entendait hurler les loups-garous.

De temps à autre, j’allais sur la piste de danse en tentant vainement d’exorciser mes démons. Mais quand je revenais m’asseoir, le pont entre ma tête et les mots ne se faisait toujours pas. J’avais l’impression désagréable d’avoir perdu mes ancrages. De ma vie, les mots ne m’avaient jamais laissé tombée. Cependant, depuis que j’avais mis les pieds dans cette nuit étouffante, ils ne m’appartenaient plus. Je sentais peser sur moi les lames d’aciers d’un regard omniprésent qui me chatouillait les épaules et la concentration. Je ne savais pas ce qu’il me voulait, lui que je voyais comme le plus pédant de tous les hommes que j’eusse rencontrés dans ma vie. Ses yeux sur ma peau étaient comme autant de mouches dérangeantes qui se collaient à ma sueur.

Quand je suis passée à côté de la table où il jouait au billard, son partenaire m’a accrochée pour me dire que l’autre trouvait que je dansais bien. Je l’ai regardé froidement en répliquant que c’était tant mieux pour lui. Il m’a laissé filer, hébété par ma réponse brusque. Il ne pouvait pas savoir que je portais encore les chaînes de tous les mensonges et malentendus dont je m’étais largement abreuvée au cours des dernières années. Je m’étais convaincue que je n’avais plus besoin de personne, sinon d’un peu de chair de temps en temps pour assouvir l’essentiel. Pour me venger; j’ai dansé sous leurs yeux durant les deux dernières heures de la soirée.

Lorsque je me suis effondrée sur une chaise pendant que l’éclairage nous faisait comprendre qu’il était maintenant temps de partir, l’homme pédant a mis sa main fraîche sur ma nuque. Sans rien dire il m’a aidée à me levée et m’as emmener avec lui. Dans la rue il a pris ma main, comme si on se connaissait de longue date, comme si on s’était déjà entendus sur quelque chose de précis. J’ai laissé aller. C’est à ce moment que l’orage nous a surpris. Au matin, sa peau était lacérée de mes griffes et son cou portait les traces de mes dents. Il avait posé la main sur mon cœur et le regardait battre entre ses doigts.

Le septième jour il m’a murmuré : « je t’aime. » Je lui ai crié après qu’il était con et qu’il n’avait pas le droit de me faire cela. Ensuite je me suis sauvée. Depuis, je coure toujours.

jeudi, mai 25, 2006

Une bien grande personne

Elle était assise dans la cuisine. C’était après le party de Noël et nous regardions les photos en groupe. Je ne la connaissais presque pas, elle faisait partie de la gang des libraires tandis que j’étais une caissière, tout en bas. Elle s’est exclamée, en voyant une photo d’elle : « Oh! Mais j’ai l’air de Bibi là-dessus (c’était un espèce d’extra-terrestre dans une émission de notre enfance aux cheveux crépus et aux immenses yeux verts)! » Je me suis mise à rigoler en me disant que cette fille me plaisait bien : j’ai toujours eu un faible pour les gens qui savent pratiquer l’autodérision.

C’est le type de fille qui vit souvent sur une lune bien à elle. Ne vous étonnez pas si vous lui adressez la parole et qu’elle ne vous répond pas : elle n’entend pas. Il faut alors attirer son attention de manière peu subtile et elle éclatera de rire en s’excusant de son attitude. Lorsque je suis montée à l’étage pour devenir une libraire multifonctionnelle, je me sentais dans de drôles de souliers. J’avais l’impression que je détonnerais beaucoup trop dans cette équipe de gens que je croyais si sérieux. J’avais bien peur de ne jamais pouvoir me faire une place parce qu’une Mathilde qui déplace de l’air et des niaiseries ne me semblait pas du tout cadrer avec l’atmosphère, en haut. Mais tout de suite, elle m’a pris la main pour que je me sente accueillie. Du haut de ses trois pommes, elle m’a montré que là aussi on savait rire. Je pensais sincèrement que personne ne pouvait rire davantage que moi. Je me suis largement trompée : elle y arrive.

Quelquefois, je me plais à l’imiter. Lorsqu’elle se plaint de la chaleur par exemple et qu’elle s’évente avec des objets imaginaires. Alors je lui décris sa cour imaginaire et la traite de Dame du Nil. Je la vois se plier en deux et devenir si petite que le comptoir de la librairie la cache complètement. Et je continue de plus belle jusqu’à ce que je voie les larmes couler sur ses joues. Et puis j’en rajoute, je l’imagine en robe d’été, avec des souliers à talons hauts, très fins, et des lunettes fumées. Je lui parle de ses cocktails imaginaires, des piscines hollywoodiennes sur lesquelles elle pourrait régner et d’autres fantaisies du même genre. Je l’observe s’écrouler de rire et je suis contente de travailler avec elle. C’est toujours plaisant d’avoir un si bon public.

Il y a d’autres fois lors desquelles nous avons des discussions de filles. Et elle m’écoute toute entière en laissant fuser de temps en temps une minuscule information sur elle-même. Je suis certaine que je vais finir par en savoir très long, à force de parler. Lorsque je suis devenue libraire, elle ne savait pas que j’écrivais ici. Un jour je lui ai montré L'intermède du libraire et depuis, elle me lit. À chaque nouveau portrait elle m’a dit : « Oh! Nous aussi on en veut un portrait! On aimerait beaucoup cela tu sais! » J’en ai pris note en me demandant comme je pourrais bien faire le tour d’une si petite femme qui est en fait une bien grande personne. Et je me suis dit que vous raconterais qu’elle est le rire de la librairie.

Ça fait des jours que j’y pense, parce que demain, c’est son anniversaire.

mercredi, mai 24, 2006

Une tasse de café bouillant

Voici ma contribution au Coïtus impromptus. Cette semaine le texte devait commencer et se terminer par «une tasse de café bouillant».

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Une tasse de café bouillant dans les mains, je repense aux dernières heures.

Il y a des gens qui me sont transparents comme de l’eau de source. Que je comprends à demi mots, à grands coups de silences. Certaines autres personnes me sont plus difficiles à découvrir. J’ai été la femme requin, le prédateur qui harponnait les regards, sûre de moi. Je suis une dualité entre ce que je ressens et ce que je dégage. Je sais qu’on me perçoit comme une battante qui dégage une belle confiance, mais dans mon fort intérieur, je me dis souvent qu’un homme tomberait certainement amoureux de moi si j’étais plus mince. Et puis je me suis retrouvée dans une situation complexe que j’arrivais à peine à comprendre. Entre un bien être qui me faisait vivre et un manque d’envie de poser les gestes qui scellent une relation.

La première fois que je l’ai vu, je n’ai pas eu de humph. Mais plus la soirée avançait, plus il me plaisait. Il est passé de « ben ordinaire » à cet autre chose assez indéfinissable. Pendant quelques mois, nous nous sommes vus, en tête-à-tête. Jamais de ma vie, je n’avais daté quelqu’un aussi longuement. Je n’arrivais pas à cerner ses motivations. J’ai rarement été confrontée à autant de messages opposés. Entre une complicité palpable qui se déployait autour de nous et les non-dits qui nous laissaient toujours au même endroit. Il y a une Sauterelle qui me disait : « Ben-là, Mathilde, franchement, il faudrait un french » tandis que je riais, un peu jaune. En réalité : je ne sais pas. Encore aujourd’hui, je ne sais pas. Bizarrement, je n’ai jamais été dévorée d’envie me lancer à sa tête. J’ignore pourquoi.

Malgré le fait que je ne sois plus la femme requin, il reste encore du bulldozer en moi. Il m’a traitée en princesse d’une manière plus jolie que dans tous mes rêves éveillés. Il m’a tendu des messages contradictoires, souvent. Entre cette affection que je sentais sincère à mon endroit et ces petites lignes qui me parlaient de son besoin d’intimité. Intimité de laquelle je ne faisais pas partie, de manière assez limpide, en réalité. Je ne savais pas ce que je représentais à ses yeux parce que je n’arrivais pas à comprendre la ligne de fond des messages qu’il me faisait parvenir. Alors j’ai brisé les barrières et je lui ai écrit « tu me plais beaucoup ». Il fallait que je comprenne. Il fallait que je sache. Je n’aime pas marcher dans le brouillard alors, je provoque. Il m’a dit qu’il se torturait l’esprit à savoir pourquoi il ne ressentait pas les mêmes choses que moi. Et puis, j’ai pleuré. Un peu.

Actuellement, je ne sais toujours pas exactement où se situe ma peine, parce que je ne sais pas davantage si j’aurais jamais eu cette envie renversante de l’embrasser. Ça me met dans une drôle de situation. Je ne sais pas si c’est mon orgueil qui est touché, ou autre chose que je ne veux pas réellement voir. Je sais bien que, malgré tout, je le touche beaucoup. Je sais qu’il s’en veut de me faire de la peine, qu’il n’aime pas que qui que ce soit m’en fasse. Je sais qu’il ne se consume pas pour moi aussi. J’ai compris. De toute manière, ce ne sera pas ma première flamme à sens unique. Mais je ne sais pas s’il sait à quel point il me lançait des messages contradictoires. Je ne sais pas, s’il sait à quel point je ne me sens aucune obligation d’être plus forte que mes forteresses avec lui. Je ne sais pas. Je n’ai pas su. Je ne saurai sans doute jamais.

Il croit que je suis courageuse. Parce que j’ai osé dire. Moi je doute. Je doute en séchant ces larmes qui glissent sur les rondeurs de mes joues et je me demande s’il ne serait pas préférable, la prochaine fois où je vais rencontrer un gars bien, d’enfiler le costume de la femme requin pour l’embrasser en premier lieu, juste pour voir. J’ai encore le sentiment de ne pas trop comprendre. C’est donc pour ces raisons que ce matin, je repense à tout cela, avec dans les mains, une tasse de café bouillant.

vendredi, mai 19, 2006

Le parfait bonheur

Je me suis réveillée trop tôt, selon mon habitude. J’avais un boule de joie qui me montait dans le ventre : c’était mon anniversaire. Je me suis pressée de venir devant l’ordinateur pour lire mes courriels et voir mon blogue : La Dame du Lac m’avait dit qu’elle me préparait quelque chose. Et j’ai vu. J’étais subjuguée. Quel dessin! C’est tout moi. Ceux d’entre-vous qui m’ont déjà vue, peuvent confirmer que ça me ressemble étonnamment. Bon je n’ai pas un faciès de chat, sinon c’est vraiment moi. Je me suis mise à m’énerver et à papillonner de joie. Puis j’ai eu une carte drôle, d'un garçon drôle, qui m’envoyait un poisson rouge dans un mélangeur… Petite j’avais un poisson rouge à tendance suicidaire : il sautait en bas de son bocal. Je l’avais appelé Gazon parce que je prenais l’algue décorative de son bocal pour un brin d’herbe. J’étais très contente de recevoir un nouveau Gazon pour mon anniversaire.
Ensuite, Sauterelle m’a appelée. Elle s’est énervée avec moi. C’est très agréable d’avoir une amie qui nous encourage à faire la folle et la fillette heureuse que ce soit son anniversaire. J’avais à peine raccroché que Maman téléphonait à son tour pour me dire qu’elle m’aimait. Moi, j’aime que ma maman m’aime. Et puis ChArlespArle a fait un interurbain pour me souhaiter un joyeux anniversaire de vive voix. 40 minutes de complicité sans équivoque. J’explosais déjà de bonheur, et il n’était pas midi. En arrivant à la librairie, tout mes collègues mon souhaité un joyeux anniversaire. Quelques uns même me le disaient à toutes les fois où on se croisait. J’aimais beaucoup ça. Je sautais partout, faisais du ski de fond invisible, ou du patin de fantaisie pas élégant (en souliers, bien entendu). Il y avait bien les clients qui rivalisaient d’audace pour être désagréables, mais je m’en foutais un peu.
Je soupais quand un de mes collègues m’a offert un livre. Je ne l’attendais pas du tout. Il m’a offert une histoire pour que je puisse rêver, Le choix de Sophie. Après le travail, je suis allée prendre un verre avec les amis du Renaud-Bray. Et les coquins m’avaient fait des cadeaux. Moi je voulais juste aller prendre un verre avec eux. J’ai reçu deux livres et deux films. J’étais super contente. Il y a Cartouche qui m’a fait une aquarelle de moi. Tellement belle que c’en est presque à pleurer. Quand je la regarde, je vois une super belle fille aux yeux brillants qui dégage une belle énergie additionnée à une sensualité remarquable. Elle m’a aussi tendu une carte qu’elle a fait signer de presque tous les employés de la succursale. Tout le monde m’a dit de très belles choses. Particulièrement de me trouver un amour à partager, comme je le mérite.
Finalement Lew m’a offert une bd qu’il a fait de ce texte-ci. C’est mon texte en plus beau. Il prend une toute autre dimension. On ne m’a jamais fait un aussi beau présent. On va réduire la taille de ce beau travail et on va le mettre en ligne. Il faut que la planète entière voie ces neuf planches magnifiques. C’est mon texte, sans l’être totalement. En le voyant comme ça, je me suis dit : quels talents. Je me suis vue en auteur et je ne me sentais pas trop imposteur. C’est le plus beau cadeau qu’on m’ait jamais fait.
Isabelle m’avait souhaité le bonheur pur au nouvel an. J’ai eu ma journée. Ce que j’en retiens c’est une tonne d’amour de vous vers moi. Je ne saurai jamais vous dire merci assez fort pour que ce vous m’avez offert. C’était mon plus beau 18 mai à vie. Je n’ai jamais été aussi intensément heureuse que durant les 24 dernières heures. Je ne serai plus jamais vraiment seule désormais.
Merci de m’aimer. Je vous aime aussi de tout mon cœur.

jeudi, mai 18, 2006

JOYEUX ANNIVERSAIRE MATHILDE!!!!

Voici un petit dessin en l'occasion de la fête d'une personne extraordinaire que je suis bien contente de connaitre! Je ne sais pas si beaucoup des gens qui viennent la lire ici l'ont rencontrée personnellement mais je vous assure qu'elle est une bénédiction à avoir près de soi! : )

Bonne fête Mathilde!!

Photobucket - Video and Image Hosting

Je vous présente ici le Mathilde Birthday Mega Mix!! : ) figurant tout spécialement Mathilde guide, Mathilde chevalier de Rubis, Mathildeko (contre le clan des Otori), Mathilde groupie, Mathilde la biche, Mathilde et ses ordres de couleurs, Mathilde la libraire multi formée, Mathilde Pepperpot, Mathilde la pirate des grands lacs, Mathilde - Ingrid Fashion- , Mathilde paniquée, Mathilde sweet 80's et Mathilde la cook avec son délicieux poulet!! (hmmm poulet!)

mercredi, mai 17, 2006

Lâcher du zeste

Il y a des gens qui se sont bercés au son des vagues, moi j’ai toujours été fascinée par les histoires. Lorsque nous étions enfants et que nous devions faire de longs trajets en automobile, les quatre enfants derrière ne se lassaient pas d’écouter en boucle ces histoires qui traînaient dans le coffre à gants. Le samedi après-midi, lorsque nous revenions du ski, mon père écoutait l’opéra à la chaîne culturelle, et je me laissais bercer par l’histoire que le commentateur nous racontait. J’ai fait ainsi la connaissance avec des mondes merveilleux que je pouvais imaginer à ma guise. À la maison, nous avions des histoires sur disques, Fanfreluche, Bobino, Nic et Pic, que mon frère écoutait jusqu’à savoir la moindre réplique par cœur. Pour ma part, les histoires que je préférais étaient celles de Gilles Vigneault. Encore aujourd’hui, lorsque j’y pense un peu, j’entends les intonations de sa voix pour appuyer une exclamation. J’ai tant de fois vécu les quatre saisons de Piquot ou voyagé dans l’univers d’Eva… J’aimais ces histoires parce qu’il y avait de belles images dans la prose de monsieur Vigneault. D’ailleurs, je n’avais pas 10 ans que je connaissais déjà une bonne partie de son répertoire musical parce que chaque chanson était en soi, une histoire.

Un beau jour, j’ai appris ce qu’était la poésie. Grande révélation. On pouvait créer des images avec les mots, comme d’autres le font avec un crayon. Alors je me suis jetée là-dedans avec toute la fougue dont je suis capable. J’ai noirci des tonnes des pages de rimettes jusqu’au jour ou j’ai fait la connaissance avec l’œuvre de Jacques Prévert. C’est ce jour-là que j’ai compris que la poésie n’était pas nécessairement rimée. Et puis, je suis tombée sur Daniel Pennac qui truffe sa prose d’images plus puissantes les unes que les autres. Dès lors, j’ai voulu écrire aussi bien que lui. Grand défi. Alors je me suis mise à créer des images. Je devenais la petite déesse de mon propre univers : je façonnais mon monde. Et puis, je me suis mise à livrer des bouts de mes créations, ici et ailleurs. Ce faisant, j’ai entretenu un de mes plus grand travers : trop en faire. J’ai de la difficulté à doser. Avec moi, c’est souvent tout ou pas du tout. Les zones grises, trop peu pour moi, je ne m’y suis jamais sentie à mon aise.

Récemment, on m’a signifié, à deux reprises, que j’écrirais encore mieux si mes images ne se heurtaient pas les unes aux autres. Oups. « Tu abuses des adjectifs, Mathilde », aie-je pu lire d’un côté. « J’ai une petite impression de surabondance », a-t-on ajouté d’un autre côté. Je les aurais tué de me dire cela! Parce que je sais très bien qu’ils ont raison. Je fini par cacher mon propos dans un trop plein de mots. Au bout du compte, c’est Peau-de-Vache qui avait raison de me dire en secondaire cinq que j’écrivais de bien beaux mots placés les uns à côtés des autres, mais qu’au bout du compte, ça ne voulait rien dire. Re-Oups. En réalité, je ne crois pas que ce soit tout à fait vrai. N’empêche que je vais sérieusement devoir apprendre à me discipliner et à lâcher du zeste un peu, si je ne veux pas tourner à l’acide des lourdeurs…

Oui, je sais, j’en suis encore à me vautrer dans mes images. La discipline, c’est difficile pour une petite Mathilde.

mardi, mai 16, 2006

Les pieds dans le sable

Coici ma contribution au Coïtus impromptus de la semaine.

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La soirée était fraîche, le vent du large fouettait ses joues tandis que ses cheveux s’emmêlaient dans l’air salin. La falaise était abrupte et la terre trop rouge. Du haut de son adolescence, elle envoyait à la mer les espoirs meurtris de ses premières amours estivales. Au matin, il était parti en mer, fier moussaillon dans sa barque. Il ne serait plus jamais un Terrien. Elle ne le savait que trop. Elle connaissait la folie du regard des marins au long court qui n’ont de cesse que de retourner prendre leur envol sur les océans. Depuis le temps qu’elle passait les vacances sur ces plages rugueuses de la côte est, elle avait appris à déceler l’appel de la mer. Elle pensait à toutes les poésies qui la hantaient. Les premiers mots de désespoir qui lui donnait cette envie d’hurler parce que l’amour partait sitôt qu’il avait pointé le bout de son nez.

Elle avait toujours su qu’elle tomberait amoureuse ici plutôt que sur le béton de la ville où elle vivait d’ordinaire. Comme si le charme encore sauvage de l’endroit, la proximité des vagues et des ressacs étaient des prémisses à l’éclosion de ses sens. Mais elle n’avait pas prévu qu’elle se torturerait si jeune à voir partir un bout d’homme qui ne lui avait rien promis. Qui je lui avait, en réalité, rien dit. Aux yeux de Toby, elle n’était que la petite Sam qui passait ses étés dans la maison bleue de ses grands-parents. Elle était l’enfant muette que l’on prenait trop souvent pour sotte parce qu’elle ne parlait pas. Même ses sanglots étaient silencieux.

Contrairement aux autres jeunes, Toby parlait à Sam. Depuis toujours. Il lui montrait à faire des embarcations en coquilles de noix qu’ils laissaient filer dans les rigoles des pluies d’étés. Ensemble, ils avaient construits mille châteaux de sables sur les plages que les touristes désertaient à la nuit tombée. Toby parlait à Sam sans la prendre pour une demeurée. Souvent les garçons du village le taquinaient de ses étranges fréquentations. D’autant plus que la vilaine cicatrice sur la gorge de la jeune fille, n’en faisait pas une beauté. Mais Toby savait pourquoi Sam se taisait.

Les pieds dans le sable, elle pleurait ses premières amours. Grand-mère derrière elle mis une main sur son épaule en murmurant des mots doux sur la patience et l’endurance des femmes de marin qui attendent le retour de leur homme, luttant contre l’amour de la mer. Sam connaissait l’histoire. À 16 ans elle ne savait pas si elle aurait la force d’entrer dans leurs rangs. À 16 ans elle ne savait pas si elle aurait la force de regarder un premier amour se faner aussi vite qu’il était né.

vendredi, mai 12, 2006

Les nuits qui tanguent

4h07 dans le noir de cette nuit qui tangue dans un lit immense de ma seule présence. Les chiffres rouge vif me narguent. Je suis bien éveillée, ce n’est pourtant pas une heure pour se tenir debout. J’ai le muscle du cœur qui fait des courses dans tous les sens. J’ai rêvé de quelque chose d’horrible dont je ne garde que le souvenir confus de l’intensité. Mes dents sont serrées et mes poings crispés. À voir l’étendu du désastre dans mes couvertures, j’ai dû courir pour échapper à je ne sais quoi. Je tente de retrouver un certain calme, sans vraiment y arriver. Je me revois dans cette chambre inondée de bleu. À l’époque durant laquelle je me réveillais en sursaut juste avant qu’il ne me quitte. J’ai passé tellement d’heures nocturnes à laisser filer mes doigts sur sa chair chaude de sommeil, en veillant ses nuits. Comme pour m’imprégner de cette douceur affective que je savais s’enfuir. La régularité de son souffle dans l’obscurité me redonnait la force de plonger dans le sommeil. Je me gagnais des sursis.

J’ouvre les yeux à nouveau, 4h15. Autour de moi, il n’y a que des oreillers épars. J’ai l’angoisse facile à cette heure qui précède le lever du jour. Je sais bien que je verrai toutes les teintes de l’aurore. À tâtons, je trouve le commutateur de la lampe de chevet. Je tire un livre de mon barda pour faire taire les idées qui se bousculent. Je voudrais retrouver ce calme des heures qui s’écoulent dans le silence d’une respiration réconfortante. Retrouver ces instants au cours desquels j’imaginais l’avenir. Aujourd’hui, je me sens seule dans les débris de mes mythes. Je ne cherche plus l’éphémère qui ne me nourrit que peu. Je voudrais être déjà dans le quotidien d’une relation qui sait où elle en est. Je voudrais pouvoir me retourner et me blottir contre le corps de celui que j’aimerais et qui m’aimerait de retour. Mais j’ai perdu la faculté de rencontrer un homme de cette espèce. Depuis quelques années, je ne fais que deux types de rencontres masculines : des amitiés qui durent ou des histoires sans trop de lendemains.

Il y a bien quelques hommes que j’ai placés quelque part entre les deux. Mais je connaissais le point de chute. Je savais qu’ils ne m’aimaient pas et je me convainquais de ma petite importance en comptant les jours. Comme si les redondances des rencontres étaient garantes d’un certain sentiment. J’ai laissé de petites bêtes d’appréhension dévorer mes tripes et se repaître de mes hésitations. J’ai oublié comment on fait autrement que d’être si rigide et dure. Si intensément inatteignable. 5h27 comme des perles de sang sur le cathodique de ce cadran qui éclaire la chambre. L’oblique du soleil rend la lumière électrique inutile. J’éteins. J’entends les pas des personnes qui sont chez moi. Leur discrétion évidente, le bruit d’une discussion feutrée, me fait réaliser que je suis encore plus seule que je ne voudrais bien l’admettre.

6h00, je suis seule. Dans la chambre comme dans l’appartement. Je soupire. J’aurais voulu pouvoir étendre la main pour entendre sous mes phalanges le bruit régulier d’une respiration autre que la mienne. Et savoir qu’à son réveil, il me trouverait belle.

mercredi, mai 10, 2006

Les sauts en langueur

Mélancolie douce et rêveuse, vague tristesse ou indolence, je m’étire en langueur dans l’infini de mes complaintes. Je me mire dans des séductions sans attraits, solitaire au cœur de mes chimères. J’ai l’immobilisme envoûtant tandis que vous me parez de grâces que je ne reconnais pas. Je m’imagine palpant la pulpe de vos lèvres des gestes maladroits qui montrent les crescendo des absolus trop souvent tus. Vous étirez des sourires à d’autres destinés, pendant que je m’enfonce à langueur de temps, envoûtée de mes songes muets.

J’ai les ensorcellements aisés, je me ploie au rythme des accrocs qui jalonnent mon parcours. Si vous m’ouvrez la porte, mon cœur au galop hurlera les douleurs de mes délices. Je vous susurrerai à l’oreille les voyelles qui s’allongent sur les lignes de nos heures. Je remonterai vos veines jusqu’à vos tripes pour vous convaincre de ma tangibilité. Je laisserai courir mon souffle sur la peau de vos heurts pour voler une parcelle de la moelle que je vois luire dans le creux de vos silences. Et je me torturerai de questions impromptues au rythme des raz-de-marée des doutes qui m’enseveliront. J’aurai une langueur d’avance sur vous.

Je vis dans un monde qui se pavane sur la mince frontière entre la réalité et ces ailleurs que j’ai toujours rêvé d’explorer. Je souhaite des incantations qui rendraient les printemps fleurissants et les hivers moins abrupts. Certaines de mes espérances traînent leurs lambeaux sur les souches des sentiers que je n’ai pas osé défricher. Alors je me vautre dans la nostalgie de ces histoires que je n’ai pas vécues, en me faisant croire que de toute manière, je ne les méritais pas. Alors je me tords sur les routes de mes manquements en me condamnant plus sévèrement que vous ne sauriez le faire. Et je m’aperçois qu’il est tellement plus facile de me dire non avant que d’autres ne me l’assènent. De temps à autre, je regarde par-dessus mon épaule pour voir quelle est la langueur parcourue.

Je suis hantée d’envie de mordre jusqu’au sang les gouttes de vos meurtrissures, pour les faire miennes le temps de vous observer vous déployer dans votre propre langueur et que je puisse me raconter que j’en suis un peu responsable. Et que je puisse me faire croire que je suis, peut-être, un bout d’étincelle dans vos feux assoupis. Patience et langueur de temps me direz-vous. Mais les espaces filent et je ne reconnais plus les toiles de mes illusions passées.

Vous m’avez dit que j’étais cruelle et je vous ai proposé quelques sauts dans mes langueurs. Un petit voyage, dans les courbes de mon âme.

mardi, mai 09, 2006

Projet Matador


On s’était assis dans ce bar, pour faire changement un peu. On ne savait pas qu’il y avait un spectacle ce jour-là. La soirée de discussion banale, s’est donc transformée en soirée-spectacle. Ce qu’il y a d’embêtant avec ces histoires là, c’est que lorsqu’on ne connaît pas l’artiste, il arrive qu’on n’aime pas. Ce qui fut mon cas ce soir là. Je n’arrêtais pas de grommeler sur tout et sur rien. Jamais satisfaite de quoi que ce soit. Lui, riait comme à toute les fois qu’il voit mille émotions en même temps sur mon visage et surtout lorsqu’il entend l’exaspération dans mon ton. C’est dans ces circonstances que je lui avais dit que le seul artiste pas encore connu, dont j’avais vu certaines œuvres, qui me plaisait sur le plan poétique était David Thiboutot. Je lui avait dit : « quand il fera un spectacle et que je le saurai, je t’inviterai ».

Le lendemain en ouvrant ma boîte de réception j’avais une invitation de David. Et nous voilà, deux semaines plus tard, assis dans ce bar que j’aime bien à attendre la musique. Et moi, en plus j’attends le verdict. J’ai quand même affirmé que c’était bon. Mais je ne pourrais jurer que mon invité a les mêmes goûts que moi. Après tout, je ne le connais pas tant que cela. La fois précédente, quand nous étions là par hasard, la salle s’était remplie dans le temps de le dire. Des amis, de la famille sans doute. Hier soir, quelques tables traînaient fièrement leur vide. À 21h00 David s’est pointé sur la scène, arborant une chemise rouge vif, en attaquant une pièce sans même nous la présenter. Tout de suite on sent qu’il a vraiment quelque chose à offrir, comme un raz-de-marée qui le soulève en entier.

Il se tord sur son espace scénique, hésitant entre l’envie de rendre un matériel bien à lui et une timidité qui l’entrave. C’est, à mon avis, la plus grande lacune de ce spectacle-là. Le contact avec le public est aussi court que possible et les liens entre les chansons sont hésitants. Cependant à travers tout cela, transparaît une sensibilité à vous écorcher la peau. Sa poésie, si belle, me lacère toujours. Entre lui et moi, il y a les mots et les images qui parlent. « Cette ville s’épelle sans elle et s’éteint peu à peu de ses dernières lueurs » Pendant que je frissonne sur ma chaise parce que je reconnais l’image. Ou encore « Parle-moi de la chair et du sang, si l’on parle des orties. D’abord faut savoir se taire, s’il est question du ciel ou de l’enfer ». David présente aussi quelques pièces en anglais, qui portent des questionnements comme les mots que l’on doit s’approprier et faire siens. Et moi j me dis que l’écriture après tout est un vaste plagiat dans lequel on trouve un peu de soulagement.

Quand les dernières notes se sont éteintes, j’ai regardé la personne qui m’accompagnait avec des étincelles dans les yeux et un zeste d’appréhension. Il a dit « Oui, j’aime bien, mais je trouve que l’artiste passe trop de temps à s’excuser d’être avec nous, comme si nous n’étions pas venus pour le voir ». J’ai souri, soulagée. Et je me suis dit qu’il avait vraiment tout compris. Ce qu’il manque à David, c’est l’assurance de savoir que son public est content d’être-là.

Et moi je sais que dans pas si longtemps je pourrai dire que j’ai vu ce spectacle bien avant que le gars soit devenu un artiste à la mode.

lundi, mai 08, 2006

L'idiot du village

Ce matin j'ai relevé deux défis à la fois : répondre aux consignes du Coïtus impromptus, soit d'écrire un texte au «je» ayant pour thème «L'idiot du village» tout en écrivant une «zolie» histoire, pour Horizon qui m'en a fait la demande expresse dans ses commentaires.

Bonne lecture!

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J’avais les joues souillées des larmes de mes amours fanées. Toujours meurtrie à essayer d’aimer les survenants qui passaient par chez-nous. J’avais passé toute mon enfance à rêver d’un prince qui me tirerait de ce bled perdu, niché dans les collines québécoises. Comme toutes les petites filles de ce coin reculé, je rêvais de ville et de grandeur. Je pensais que la vie était ailleurs. Alors les hommes de passage attisaient mes rêves comme un soufflet ranime le feu. Et je partais en cavale dans les confins de mon imagination. Je me voyais reine des soirées mondaines des grandes villes que je ne connaissaient que ne nom. J’aurais voulu fouler les tapis rouges des soirées de gala, parader devant des yeux curieux pour me sentir quelqu’un. Quand Steve est arrivé dans sa décapotable rutilante et qu’il m’a fait les yeux doux, je touchais mes rêves du bout des doigts.

Il m’a emmenée avec lui. J’ai vu la ville. J’ai senti l’odeur du béton mouillé. J’ai vu le jet-set; j’y ai traîné. Steve me paradait partout où il allait, j’étais sa petite chose campagnarde, un peu candide, très innocente des choses de la vie. Je me suis heurtée à l’hypocrisie ambiante, j’ai vu les couteaux se tirer dans toues les directions. J’ai compris le sens de l’expression « jouer dans le dos de quelqu’un ». J’ai su, à mon cœur défendant, que le monde des apparences est vil et sans saveur, quand on y regarde de près. J’avais tout pour être heureuse, je baignais dans mes espoirs les plus longtemps caressés et pourtant, je n’avais jamais été aussi malheureuse ni aussi seule. Quand je rentrais dans l’appartement de Steve, et que je le laissais à ses soirées trop mouvantes pour moi, je pleurais mes déceptions en boucles. Tout en prenant soin de ne laisser aucune trace de mes tristesses dans mes yeux, pour ne pas qu’il se choque.

J’avais compris, dès que je suis arrivée en ville, que mon rôle se résumait à être la belle. Durant les 4 années qui ont suivit notre rencontre, je n’ai jamais pu travailler parce que je devais le suivre partout où il allait. Il était la vedette, j’étais la femme derrière son épaule. J’avais perdu mon identité. Il aura fallut que Manon meurt pour que je trouve le courage de revenir au village affronter mon départ en catastrophe. Je m’attendais à la colère de mon père, à mon retour. Au lieu de quoi, il m’a simplement regardée avec une telle douceur dans les pupilles que je me suis écroulée sous le poids de mes sanglots. Ma mère m’a prise dans ses bras en murmurant que c’était fini et que les rosiers étaient en fleurs.

J’ai marché pendant des heures à l’orée du village. Et puis j’ai croisé Léo. Il m’a fait le sourire d’enfant dont il ne s’est jamais départi. J’avais les joues souillées des larmes de mes amours fanées tandis qu’il me disait : « Oh, belle dame, tu es revenue! » Tant de générosité dans ces simples mots. C’est son truc à lui. Jamais mesquin, toujours ouvert. Un peu lent, extrêmement étrange. Un bel idiot tout en douceur. Je l’avais lâchement laissé en arrière, sachant très bien qu’il était amoureux de moi, parce que je croyais que la vie c’était autre chose.

Ce soir-là, il m’a tendu sa grande main de journalier en me disant : « Je t’attendais ». Alors j’ai pleuré de plus belle parce que je savais que c’était vrai.

dimanche, mai 07, 2006

Une histoire d'instinct

Ils étaient deux, pas très vieux ni particulièrement agités. Ils couraient dans toutes les directions, simplement parce que l’espace disponible le permettait. Je n’ai pas entendu le son de leur voix, ou pratiquement pas. Leurs yeux curieux furetaient dans toutes les directions tandis que la maman les rappelait à elle. Ses yeux aguerris suivaient chacun de leurs mouvements pendant qu’elle s’approchait du comptoir. Dans ses bras, une petite puce de 7 mois pavanait gaiement son bonheur de vivre, toute heureuse d’avoir échappé au carrosse quelques instants. La dame avait fait mettre un livre de côté. Je le lui ai donc apporté et je l’aidais à le feuilleter pendant qu’elle tenait sa petite demoiselle d’une main tout en continuant sa surveillance des garçons, l’air de rien. Mais je voyais bien qu’elle y portait la plus grande attention. Je me suis alors dit que les mamans sont vraiment impressionnantes, quand on considère le nombre d’endroits ou peut se porter leur attention, simultanément.

Tout au long de la consultation du volume, la petite me faisait des yeux doux. Elle me souriait, vraiment heureuse de me voir. Je ne sais pas trop quel est mon truc, mais j’ai toujours eu beaucoup de succès auprès des bambins. Mon visage rond et mes yeux doux y sont peut-être pour quelque chose. En outre, j’aime beaucoup attirer leur attention, alors je leur fait des signes, des sourires et nous nous comprenons. En réalité, nos échanges se limitent à signifier que nous sommes contents de nous rencontrer. Réciproquement. Je me fais saluer des dizaines de fois par semaine par ces petits bouts d’humanité qui ne connaissent que quelques mots. Il m’est même récemment arrivé de servir de piste de course aux voiturettes d’un garçonnet hyperactif que sa mère avait lâché lousse dans la succursale. Ces enfants ne me connaissent pas, cependant ils me jugent digne de leur intérêt, voir même de le confiance.

Assise sur son bout de comptoir, la petite demoiselle aux immenses yeux bleus, multipliait ses sourires et me faisait rire. On entendait vaguement les exclamations ravies des plus grands devant la vitrine des figurines de BD. Cependant, le livre que j’avais mis de côté ne faisait pas le bonheur de la dame, alors nous sommes allées en section, suivies des garçons. Là, regarder les livres en tenant la petite relevait de la haute voltige. C’est alors que la maman m’a dit : « vous voulez bien la porter? » en me mettant le poupon d’office dans les bras.

Mon cœur s’est gonflé comme une rivière en cru en sentant sur ma hanche ce poids vivant. Son souffle chatouillait mon cou pendant qu’elle m’arrachait les lunettes d’une main et de l’autre tirait mes cheveux. Elle gazouillait et souriait en se tortillant sur moi. Petite puce au parfum de talc, à la peau si douce que c’en était presque irréel.

Et moi, et moi, je savourais un tout petit moment de pure félicité, parce qu’une maman m’avais fait la fleur de me prêter son bébé.

vendredi, mai 05, 2006

Mathilde et la téléphonie cellulaire

À peine descendus de l’avion, ils me demandent comment appeler en France avec leur portable. C’est l’urgence la plus totale : ils doivent immédiatement donner de leurs nouvelles à leurs proches. Le hic c’est que beaucoup d’entre eux n’ont pas de cellulaire tribande alors malgré le fait qu’ils aient suivi les instructions de leur fournisseur de service, ils se retrouvent ici, le bec à l’eau, sans pouvoir utiliser leur foutu appareil. Et c’est la panique. Alors j’explique qu’ils peuvent acheter des cartes interurbain, qu’au bout du compte, ça leur coûtera nettement moins cher, mais ils se sentent dépourvus, déconnectés parce qu’ils ne sont plus immédiatement joignables au numéro habituel.

Je ne peux me targuer de connaître très bien la téléphonie européenne, mais je sais que sur un téléphone fixe, les appels, même locaux, sont coûtants. Comme c’est le cas pour un téléphone cellulaire que les Français appellent un portable. D’ailleurs, je dois dire que ça m’a pris un certain temps avant de comprendre qu’ils ne me parlaient pas d’ordinateur. Comme quoi, malgré le fait que nous parlions la même langue, on peut ne pas du tout se comprendre. J’imagine que le fait que toutes les communications soient facturées a participé au fait que désormais, la plupart des Français (ce sont les touristes que je guide, je ne peux pas parler pour les autres) sont désormais branchés sur la téléphonie cellulaire.

Et ils me regardent comme si j’étais une Martienne lorsqu’ils réalisent que je n’ai pas de portable. « Mais comment tu fais? » Me demandent-ils. Ils n’en reviennent pas de me voir sillonner le Québec et l’Ontario sans donner de mes nouvelles à tout mon petit monde, en toute circonstance. J’en suis arrivée à me questionner sur ma manière d’interagir avec mon entourage, et j’en suis arrivée aux conclusions suivantes : 1- Je suis une personne de l’écrit et je préfère donner des nouvelles par courriel quand je suis loin, de cette manière, je peux contacter plusieurs personnes à la fois. 2- Quand je ne suis pas là, je ne suis pas là.

Je dois être plus indépendante que je ne le crois parce que ça m’embêterait d’avoir à me rapporter quotidiennement à tout mon monde. J’ai besoin d’espace, de solitude. J’ai besoin de me perdre dans un certain espace. J’ai besoin de savoir que je peux faire ma sauvage et ne redonner des nouvelles que lorsque ça me chante, dans les limites de la politesse, on s’entend. Et je crois, que même si j’avais un amoureux, j’aimerais bien ne pas toujours être à portée de main. J’aurais l’impression de ne plus avoir de liberté. Je crois que je ne suis pas capable de me sentir étouffée par des contacts trop constants. Je crois que je serais très mal à l’aise avec un téléphone cellulaire tout le temps allumé. Bon d’accord, je vais sans doute finir par m’y résoudre, sauf que je n’aime pas ça.

J’ai besoin de ma bulle, de mes secrets et de ma liberté. Je ne suis pas capable de sentir qu’on tente de me retenir contre mon gré dans de quelconques filets, même si la raison qu’on me donne c’est qu’on s’inquiète pour moi. J’ai besoin de respirer un peu, en dehors du souffle que les autres partagent avec moi. Suis-je vraiment si étrange que cela?

jeudi, mai 04, 2006

Vieux jeu?

Je suis revenue chez moi frétillante avec le début d’une trilogie à me mettre sous la dent. Du fantastique, dans le jeunesse. J’ai toujours eu un penchant pour la littérature jeunesse. Il faut savoir que pendant les quelques années durant lesquelles je n’avais pas de télé, je me rabattais sur la littérature. Je tenais une moyenne de 5 livres par semaine. Et la littérature jeunesse me faisait du bien. Il y a des titres que j’attends avec impatience. Ceux dont je surveille l’écriture depuis longtemps. Je me jette dessus comme une bête affamée dès qu’ils arrivent en rayons et je les emprunte en ayant au moins autant de plaisir à anticiper la lecture, qu’à parcourir leurs lignes.

Durant ma fin de semaine, lundi et mardi, j’avais ces livres à la main. Je devais faire attention parce que la reliure ne permettait pas l’ouverture complète du livre. J’ai tout de même entamé le volume, certaine que j’étais pour voler d’une page à l’autre. Mais non. Et finalement, le fait que je devais me contorsionner pour voir les mots sans ouvrir le livre complètement (et donc avoir à le payer) est devenu rédhibitoire. Et puis quelque chose me fatiguait dans la lecture, pour en savoir un peu plus, et pouvoir en parler à mes collègues de la librairies jeunesse, j’ai grappillé dans le livre. Je suis maîtresse dans l’art d’aller chercher les éléments clés d’un volume de cette manière, si vous saviez le nombre de livres que j’ai résumé en les lisant à ma façon...

C’est ainsi que je suis tombée sur un passage dans lequel l’héroïne, entrée dans des mondes démoniaques, est invitée à tuer une chèvre et à boire son sang, encore chaud. La jeune fille se roule dans les chairs ouvertes et se couvre du sang de sa victime. Après un bref moment de dégoût elle en redemande. Tuer par plaisir, dominée qu’elle est par des forces maléfiques. Puis elle permet au meneur des ténèbres de s’accoupler avec elle. La description est crue, la scène violente. Sans amour, sans tendresse, ça ressemble à ces images de films pornos dans lesquelles des hommes se jettent sur des femmes, sans préliminaires et que celles-ci aiment non seulement cela, mais qu’en plus elles en veulent davantage. Évidemment, comme elle est l’héroïne, elle sera sauvée et purifiée. La purification est d’ailleurs digne de Stephen King.

Je vous rappelle que c’est un roman jeunesse. Classé 14 ans et plus, mais jeunesse quand même. Là où j’ai un problème, c’est que la plupart du temps en littérature jeunesse, les critères d’âge réfèrent à un niveau de lecture. Je connais quelques jeunes personnes, qui ont largement atteint le niveau de lecture avancé et qui sont encore toutes jeunes. Mais ces personnes vont trouver cette saga sur le chemin de leurs lectures à la bibliothèque ou en librairie d’ici peu. Et ça me dérange. Vous me direz sans doute que je suis vieillie, que c’est un peu cave de ma part de me choquer contre des propos tenus dans un livre, qu’aujourd’hui la sexualisation des demoiselles commence très tôt. Et je vous répondrai que JUSTEMENT, c’est là que ça m’énerve.

Traitez moi de romantique, mais je suis contente d’avoir espéré mon premier baiser et d’avoir eu une colonie de bébittes dans le ventre pendant des semaines parce qu’Il m’avait caressé les lèvres. Je prenais mon temps et découvrais les plaisirs sensuels un à la fois et lentement. J’étais innocente. Et je croyais sincèrement que de livrer mon corps au complet devait être une autre manière de dire « je t’aime » quand les mots ne suffisaient plus et que les peurs seraient devenues plus courtes que les envies. Déjà, à mon époque, on se gaussait de moi. Et j’ai l’impression que ce serait encore pire aujourd’hui. Ça me choque. Je trouve qu’on ne laisse plus à l’enfance le temps d’être elle-même que déjà on lui fait adopter des comportements de séduction. On lui montre des images crues dans les films et dans les livres. Et je ne comprends pas pourquoi on se vautre dans ces descriptifs d’horreur destinés à un jeune public. Ça me dérange.

Je suis sans doute naïve, candide et imbécile un peu, mais je suis mal à l’aise à l’idée que des fillettes de 8 à 12 ans lisent des extraits qui ressemblent à (ce n’est pas exactement cela, je cite de mémoire, désolée) « (…) Sans la préparer il enfonça son pénis immense et dur dans sa chair, la lacérant de ses coups répétés ». Ce n’est pas que je veuille fermer les yeux à l’enfance, mais je ne pense pas que la pornographie et l’hypersexualisation soient des bons moyens d’apprendre à bien vivre une sexualité adulte. Et surtout je suis convaincue qu’il n’est pas nécessaire de mette ce type de description à la portée de n’importe quel enfant curieux.

mercredi, mai 03, 2006

Les échardes du coeur

« Je suis timide Mathilde, m’as-tu dis, et tu le sais. Quand je rencontre une fille qui me plaît, je ne sais plus du tout comment interpréter ses gestes » Et tes yeux noirs me sondaient pour trouver une réponse comme si je devais nécessairement la connaître. Et pourtant je ne savais pas plus que toi ce que l’on peut faire dans ces circonstances. Bien sûr, j’aurais pu te dire que tu devrais oser. Ou encore que tu pourrais simplement lui tendre la main par-dessus la table, mais je savais que tu me rétorquerait un « Franchement! » exaspéré, sur le même ton que si je t’avais dit de t’habiller tout nu pour attirer son attention.

Il y a des filles avec lesquelles tu peux rire toute une soirée, passer des nuits mémorables et qui le lendemain matin, partiront en te saluant de la main pour vaquer à leurs occupations. Il y a des filles qui mordront ta chair sans en savourant chaque goutte de ton sang et tu resteras pantois devant tant de violence. Il y a des filles qui te feront souffrir toutes les morts du monde et tu te diras amoureux. Mais la plupart d’entre elles, ne seront pas vraiment pour toi. Elles cultiveront le doute, les silences et les jeux de séduction tous plus faux les uns que les autres afin de se présenter le mieux possible à toi.

Parce que t’es un peu con, comme la plupart d’entre nous, tu n’y verras que du feu. Parce que t’es un peu peureux aussi tu te retrouveras encore assis à ma table à me dire que les gestes des femmes te deviennent des énigmes de plus en plus insolubles. Et tu me demanderas pourquoi ce n’est pas ainsi avec moi. Pourquoi quand il s’agit de moi tu sais tout lire, tout comprendre, tout interpréter. Pourquoi tu ne doutes jamais de mes silences ni de mon affection. Pourquoi tu ne t’es jamais retenu de m’appeler, de passer me voir et de me dire que tu avais besoin de moi.

Ce que je crois moi, c’est que dès lors qu’on met son cœur en jeu, dès lors qu’on veut plaire, on s’enfonce dans la peur du rejet, puis de l’abandon. Tu n’as jamais voulu me plaire. J’étais ce petit bout de femme qui te faisait rire. Cette personne à qui tu as laissé les clefs de ton intimité. J’étais une fille, sans être une séductrice, à tes yeux. Parce que tu me percevais ainsi tu pouvais être naturel. C’est, entre autres, pour cette raison que tu m’as plu. Et inversement. Tu me dis tout le temps qu’avec moi c’est de l’authenticité, mais je connais un paquet de gars qui trouveraient à redire sur cette affirmation. Ils te diraient que je suis plus compliquée que la plupart des femmes qu’ils connaissent et que mon non verbal est particulièrement muet.

Je comprends ta peur et ta timidité. Je comprends que tu n’aies pas envie de te casser la margoulette. Mais je me dis aujourd’hui qu’à trop avoir peur de s’avancer on s’enfonce dans les sables mouvants de notre immobilisme. Qu’en réalité, c’est sans doute la meilleure méthode pour passer à côté de la vie.

Et ne t’en fait pas, dans la bande des trouillards, j’ai accumulé tous les écussons.

mardi, mai 02, 2006

Je suis un ange déchu

Voici ma contribution, cette semaine, pour le Coïtus impromptus.
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Accroupie sur ma colonne de marbre, mes ailes froissées me blessent. Mes joues rondes sont sillonnées de rigoles salines qui creusent des traces dans la suie maculant mon visage. Je ne suis pas celle que j’ai cru être. Je ne le sais que trop bien. Un sanglot plus profond que les précédents me rappelle ce corps meurtri de la dernière bataille. J’ai échoué. Lamentablement. Je me sens vile et inutile. Rien ne laissait présager cet échec pourtant. J’étais si confiante, si naïve. Je croyais qu’en y mettant les efforts nécessaires, tout irait bien. Je me persuadais qu’il y avait une recette et que je la connaissais. Alors j’ai usé ma patience jusqu’à la corde pour l’atteindre. J’ai caressé son dos quand il était en lambeaux, j’ai couvert son visage de mille baisers quand il levait ce regard désenchanté vers moi.

Il me disait que j’étais si douce que ça frôlait la perfection. Il murmurait que mes auras illuminaient ses nuits. Il se blottissait contre mes courbes, et je sentais le lourd souffle de sa peine sans nom. Quand ses mains se posaient sur mon ventre, je devais ouvrir ma cage thoracique davantage pour aller chercher l’air qui m’était vital. Et le matin, je ramassais en silence les flétrissures de son sommeil agité. Quelquefois, il m’enchaînait dans sa chaleur et j’avais froid. Je sentais que mes ailes se rebiffaient à ce contact trop étroit. Une sourde colère sillonnait mes vertèbres. Je soulevais ses membres gourds et je m’enfuyais dans les matins chantants de cet été trop court. Je parcourais les rues environnantes en marche rapide, tentant bien inutilement d’oublier les traces que ses dents avaient laissées sur ma peau. Quand il se réveillait, j’étais toujours là, à le regarder émerger du sommeil. Je souriais tandis qu’il s’ébrouait.

Il me quittait tous les jours. Et je ne savais jamais s’il reviendrait. Je vivais avec une pointe de venin qui me terrassait le cœur. Il m’appelait pour entendre ma voix tandis que la sienne se cassait sur les octaves de sa solitude. Je lui disais : « Reviens. Je vais essayer de t’apaiser ». Il me répondait que ça s’était fini au matin, que je ne le reverrais pas. Mais quand l’astre du jour frôlait la terre, je le trouvais sur le pas de ma porte, hagard. Ses yeux hallucinés me narraient les cauchemars qu’il traversait quotidiennement. Il me racontait qu’Elle était encore venue le voir. Je le voyais tirailler ses souvenirs dans toutes les directions. Il me criait les trahisons, les raisons. Il me disait qu’il était mort et qu’il ne revivrait qu’à l’heure de la vengeance. Alors je lui prêtais mon corps comme champs de bataille et il s’y défoulais jusqu’à me laisser bleuie sous ses coups répétés.

Ce matin, quand il m’a embrassée, il a tenté de prendre mon âme dans le même souffle. Je l’ai sentie déraper vers lui, aimantée irrémédiablement par le puit qui s’ouvrait devant elle. Je lui ai dit que ça suffisait. Alors il m’a accusée de le trahir. Il m’a pointée du doigt en affirmant que je ne savais pas tenir une promesse. Il a lacéré ma chair à coups de ceinture. Il m’a dit que n’avais pas le droit de l’abandonner ainsi puisque j’avais juré d’être à lui pour l’éternité. Je lui ai dit : « j’ai mal. Arrête ». Il m’a rétorqué que je me foutais bien de sa douleur à lui. J’ai voulu dire non mais il m'a claqué le visage du revers de la main. Mes ailes se sont déchirées sur tant de haine.

Ce soir, accroupie sur ma colonne de marbre, je regarde la ville se mouvoir devant moi. Je pleure la haine. Je suis un ange déchu, profondément déçu.

lundi, mai 01, 2006

Écrire pour elles

Il faisait si froid dehors, en ce jour de Noël, que j’accompagnais le moins souvent possible mes cousins pour la cigarette qui se mélange à l’alcool. Je portais une robe noire comme mon mal-être et j’aurais voulu être à des kilomètres de ma propre vie, tellement je me sentais nulle. C’était en décembre 2003. Je n’arrivais pas à comprendre ce que je faisais-là, ni comment entrer en contact avec les autres. Je me sentais totalement perdue. Je ne travaillais pas, n’avais pas d’aide sociale, parce que j’étais tellement convaincue de ne rien valoir que je ne voyais pas ce que l’État pourrais faire pour moi. Je n’ai pas réclamé mes papiers pour avoir du chômage parce que je m’étais persuadée que je ne méritais pas d’en bénéficier. J’errais davantage que je vivais et je pleurais des torrents de larmes sans en comprendre la source. Ce soir-là, je ne voulais pas affronter cette famille faite de gens qui ont réussis. Qui sont juges, avocats, médecins, syndicalistes, présidents d’entreprise. Je n’étais pas à la hauteur, certainement. J’étais la pomme pourrie, assurément.

Nous étions deux sur une étrange planète. Mon acolyte a vingt-trois ans de moins que moi. Avec elle, je me sentais bien. Je sais que nous nous entendons à la perfection parce que je ne la traite jamais en enfant. Je lui parle comme je m’adresse à tous les autres, malgré le fait qu’elle soit encore très jeune. De toute manière, ce serait à mes risques parce qu’elle est remarquablement intelligente. Ce soir-là on jouait et elle me battait tout le temps. Je n’avais pas besoin de lui laisser d’espace pour me faire devancer de mémorable manière dans les jeux d’esprit, de logique et de vitesse. Nous ne sommes pas précisément devenues amies, mais clairement, nous nous entendons bien. Et depuis, à chaque fois qu’elle se sent seule dans cette famille dont elle est largement la cadette, je lui demande de jouer avec moi, sachant qu’une fois de plus, mon orgueil en prendra pour son rhume.

Nous parlons aussi beaucoup de littérature. Comme moi, elle dévore davantage qu’elle ne lit. Tout y passe. Je lui suggère des lectures et je dois être convaincante pour lui faire découvrir un nouvel auteur. Madame est difficile. Ses parents s’inquiètent un peu parce qu’ils sentent qu’elle manque de stimulation à l’école. Moi, j’essaie d’écrire le roman de Roger depuis des mois et je n’y arrive pas. J’ai découvert hier pourquoi. J’ai demandé à ladite demoiselle d’être mon comité de lecture. Mais j’ai tellement peur qu’elle n’aime pas que je n’écris plus rien. Ça m’a sauté au visage quand j’ai été présentée à une jeune demoiselle. Elle était blonde, vive, bavarde et remarquablement intelligente. Elle a tout lu et est très critique. Peut-être pas autant que moi, mais j’ai tout de même vingt-trois ans de plus qu’elle. J’avais l’impression de voir une réplique exacte de ma cousine. Un peu plus gênée à mon endroit, certes, mais elle ne me connaît pas depuis sa naissance.

À deux, elles sont exactement les gens pour qui je veux écrire. Elles sont celles à qui je désire plaire et dont j’ai peur du jugement. Ce qui me sidère dans tout cela, c’est qu’en plus d’avoir le même âge, elles portent le même prénom. Un prénom parfait pour une future héroïne.