dimanche, décembre 31, 2017

2017

Ah 2017! Tu auras été une année, mouvementée, c'est le moins que je puisse dire. Sans respect pour la chronologie des événements je me contenterai ici de tracer les esquisses des émotions que tu m'auras fait vivre.

En premier lieu, l'enfermement. Les fêtes du 375e anniversaire de Montréal ne m'auront été d'aucun repos. Comme j'ai raconté en ces pages la presque totalité des aléas que ces festivités m'auront fait subir, je ne ressens pas le besoin d'y revenir en détail, n'empêche que je me suis sentie prise en otage dans ma propre vie. Abonnée à Bixi, je n'ai pu utiliser le service comme bon me semblait que pendant deux mois. Le reste du temps, les bornes disparaissaient tout autour de mon logis à une telle fréquence que je ne pouvais pas utiliser ce service. Les lignes de bus étaient tout aussi aléatoire tandis que les sens uniques, les feux de circulation, passages piétons changeaient de place au gré des événements et ces modifications nous étaient annoncées au moment où elles étaient appliquées et pas avant. Dire que j'en avais plein mon casque de toutes ces choses qui m'envahissaient est un euphémisme. J'ajouterais que ces inconvénients n'étaient ni mineurs ni passagers contrairement à ce que l'ancien maire claironnait. Quatre mois sur 12 à se sentir mal chez soi, c'est plus qu'une broutille, je crois.

J'ai aussi vécu des situations difficiles dans certaines sphères de ma vie. Situations tendues à l'extrême, mêlées à de bonnes doses d'incompréhension pimentées par un zeste de mauvaise foi. Tous les ingrédients étaient réunis pour que je sorte de mes gonds en cris et en force. Je suis fière de dire que je n'ai pas hurlé, pas une seule fois. J'ai pourtant senti monter l'adrénaline comme un volcan capricieux. Et je me suis arrêtée une seconde pour me demander ce que je ressentais vraiment. Et c'était beaucoup de peine dans un brin d'orgueil blessé. Alors je me suis assise et j'ai pleuré. Je me suis adressée aux bonnes personnes pour exprimer mon mal-être, pas tant à celles qui me blessaient sur le coup, mais à celles qui pouvaient m'aider à me calmer, à voir les choses sous un autre angle avant d'aller trouver les loups dans leurs tanières pour les y confronter. Et contrairement à toutes les fois où j'ai laisser la colère me happer en de telles circonstances, je n'ai vécu aucune culpabilité par la suite, aucun regret. Et au bout du compte, j'ai été à la fois davantage écoutée dans ce que j'avais à dire et respectée aussi, je crois.

Je me serai aussi payé le luxe de deux voyages en solitaire. Qui m'auront indubitablement enrichie. Par les rencontres que j'ai pu y faire, mais aussi parce que je m'y découvre un peu chaque fois. Et si j'ai eu une presque frousse lors de mon second retour, parce qu'Irma soufflait dans mon dos mais surtout dans le cou de plusieurs personnes que j'avais laissées derrière moi, je suis heureuse de les avoir fait, d'avoir choisi de m'occuper de moi, un peu.

Mais surtout et avant tout 2017 tu resteras gravée dans ma mémoire comme une année victorieuse. Fini les dettes. Fini cette longe qui me tenait la bride depuis de trop nombreuses années. Fini l'impression d'être inadéquate et incomplète dans un monde qui fonctionne à crédit. J'ai retrouvé ma liberté avec beaucoup plus de crédit que ce dont j'ai besoin. Par habitude de la pauvreté et du serrement de ceinture qui va avec, je n'utilise que ce que je peux payer immédiatement. Ce qui n'a au fond que très peu d'importance puisque l'essentiel c'est que j'ai réussi toute seule à gravir cette montagne pour enfin pouvoir admirer le paysage de ma propre existence.

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jeudi, décembre 28, 2017

Noël c'est fatiguant

Je suis bien content d'être tout seul avec Grand-Mamie aujourd'hui. Parce que depuis quelques jours, on fait beaucoup de visites mes parents et moi. Au début, j'étais très excité, parce que c'était Noël. Je ne sais pas encore tout à fait ce que c'est, mais je sais qu'il y a de beaux sapins qui sentent bons, avec des belles décorations dedans et plein de lumières de toutes les couleurs. Il faut les regarder avec les yeux, pas avec les doigts parce que des fois, les décorations se brisent.

Ce que je n'aime pas de Noël, c'est qu'on est toujours pressés. Pressés pour déballer les cadeaux, pressés pour se lever, pressés pour faire la sieste, pressés pour aller ici, ou là-bas. Pressés partout, partout, partout. Ce n'est pas drôle être pressé; je préfère avoir le temps de regarder des livres, de prendre un long bain, de jouer tout seul dans mes affaires à moi.

Cette année, j'ai aussi appris que Noël, ça veut dire plein de gens que je connais un peu, beaucoup ou pas du tout, tout en même temps. Il me semble qu'on est toujours en voiture entre notre maison et une autre maison. Heureusement, je ne m'ennuie pas en voiture. D'abord, j'apporte des jouets. C'est derniers temps, c'est un lion. Un beau lion en peluche que Tatie m'a donné. Je peux courir partout avec lui en rugissant très très fort. Et un lion ça protège les petits garçons qui ont un peu peur des foules. Même les gens que je connais et que j'aime, quand il y a trop de personnes, je ne veux pas les voir. En tout cas, pas au début.

Mais aussi, dans la voiture, je chante aussi beaucoup. Des chansons de Noël parce qu'elles sont jolies et que j'aime chanter. En fait, j'aime la musique de tout mon cœur. J'ai été très content de voir que Thomas-le-train-le-cousin, il savait jouer de la guitare. Moi, je l'accompagnais avec mon bel harmonica à pois. Je pense que j'étais très bon. Qu'on était très bons tous les deux. On a arrêté la musique quand j'ai entendu quelqu'un chanter bonne fête, c'est ma chanson préférée de toutes les préférées. Alors j'ai couru vite, vite, vite, pour aller chanter avec les autres.

Je pense que ce que j'ai le plus aimé de tous ces Noël, c'est mon oncle de Noël. Il s'appelle Geoffroi et je ne le vois pas souvent parce qu'il reste loin. Ce qui est super avec lui c'est qu'il sait jouer. Quand je dis que le train que je conduis est devenu un château, il comprends et accepte les nouvelles règles. Quand je dis qu'on va au magasin sous la table de la cuisine, il me suit et reste caché sous la table avec moi jusqu'à ce que je dise que le magasin est fermé, alors on retourne ailleurs continuer le jeu. J'aurais beaucoup aimé ça qu'il soit dans les autres Noël pour jouer avec moi. Mais il n'y était pas.

Toutes ces émotions et ces tourbillons de gens font en sorte que je suis heureux d'être tout seul avec Grand-Mamie aujourd'hui. Et demain, je serai chez-moi avec Papa. Ça va faire du bien, je crois. Parce que Noël c'est bien amusant, sauf que c'est pas mal fatiguant...

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dimanche, décembre 24, 2017

Joyeux Noëls

J'ai eu un parcours scolaire assez différent de celui de la majorité des gens qui m'entouraient et ce, dès le primaire. En effet, en troisième année j'ai changé d'école ce qui m'a amenée à fréquenter un milieu d'où étaient exclus la plupart de mes voisins. Je ne croyais plus au Père Noël à l'époque, n'empêche que j'ai été plongée dans un environnement où les contes de fées avaient une importance et une prépondérance à des lieues de ce à quoi j'avais été habituée.

Ce faisant, j'ai été plongée dans toutes sortes de traditions de Noël que j'ignorais jusqu'alors. À l'école comme à la maison. Il y avait bien sûr, la grande spirale de l'Avent, dont j'ai parlé il y a quelques jours, et celle-ci se matérialisait à la maison sous la forme d'une belle couronne à quatre chandelles. Le dimanche, nous allumions les chandelles des semaines précédentes et celle de la semaine en cours et maman nous lisait des histoires magnifiques sur la préparation de l'Avent. Il y avait certes un certain côté spirituel ou mystique dans ce rituel, mais c'était à des kilomètres des doctrines de l'Église catholique quoique inspiré par elle, dans une certaine mesure.

À l'école, il y avait la Sain-Nicolas, avec le grand monsieur à barbe blanche et le Père Fouettard qui se présentaient devant les enfants. Nous avions tous un peu peu de nous faire tancer par le Père Fouettard, même si au bout du compte ses victimes en étaient quittes pour quelques remontrances bien senties qui n'allaient pas beaucoup plus loin.

Mais surtout, nous fabriquions nous même un calendrier de l'Avent. C'était un travail d'orfèvre de faire de petits dessins qui devaient s'ajuster à la perfection au portes que l'on découperait plus tard sur l'aquarelle qui illustrait le dessus du calendrier. Je n'étais pas la meilleure à cet exercice, beaucoup dans ma classe avaient un talent supérieur au mien tant en peinture, qu'en dessin où en précision dans la découpe. Cependant, j'ai aimé ces calendriers bien plus que tous ceux remplis de petits ou gros présents que mes amis et connaissances pouvaient avoir. J'avoue qu'il n'y avait pas pour moi de grandes surprises derrière les porte, je savais bien ce que j'avais dessiner, mais il y en avait pour le reste de la famille, ce qui me suffisait bien amplement.

Toutes ces choses faisaient en sorte de mettre nos cœur à l'ambiance de la fête, une belle et longue préparation qui parlait d'amour et de partage. Cela ne pouvait faire autrement que de rendre ces Noëls d'enfance, heureux et joyeux.

Aujourd'hui, prise comme je le suis dans le commerce de détail, je me mets en le cœur en fête en pensant aux enfants de mon entourage qui s'émerveillent devant les lumières et la beauté et j'attends avec impatience le moment ou nous seront tous à table à parler en groupes élargis ou restreints de tout ce que l'année qui s'achève nous aura apporté, parce que c'est encore à mon sens, la plus belle partie de Noël.

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jeudi, décembre 21, 2017

Fragments de décembre

À l'orée d'un parc, des parents ont troqué les poussettes pour des luges qu'ils ont attachés à leurs tailles. Ils courent de concert pendant que derrière eux les enfants égrènent des pétales de rires à chaque nouveau cahot proposé par l'inégalité du sol. Les vacances ne sont pas tout à fait entamées, le Père Noël n'a pas encore visité les chaumières, mais l'esprit est déjà à la fête, au plaisir d'être en famille, leurs yeux brillent déjà comme les lumières des sapins qui égaillent les longues nuits de l'hiver.

Dans un autobus trop plein, deux petits garçons les yeux brillants, babillent sans vergogne. Visiblement, pour l'un c'est un premier voyage dans l'engin, il est curieux de tout et paradoxalement très sage sur le bout de son siège, près de sa maman tout en gardant un air d'indépendance. Il ne parle pas, il observe ce qui se déroule devant ses grands yeux noirs. Devant lui, l'autre garçonnet a pris ses aises, il s'est éloigné de sa propre maman d'un banc et tient fermement sa doudou sur son cœur souriant à pleines dents devant la preuve qu'il étale devant tous du fait qu'il soit grand.

Dans les tunnels du métros, il y a des hordes de petits lutins qui s'épivardent à qui mieux mieux. Ils ne ressemblent pas tellement aux lutins des contes, mais je sais que ce sont ceux qui allument la magie à force d'y croire. J'ignore quelle sont leurs destinations mais la fin des classes approchant je suppose que plusieurs classes du premier cycle du primaire ont des activités spéciales à l'horaire. Ils sont évidemment surexcités, leurs voix suraiguës donnent des maux de tête, surtout quand on est coincé dans le même wagon qu'eux. La plupart des gens prennent leur mal en patience ou même sourient devant tant de candeur.

Sur le coin d'une rue, une enfant hurle parce qu'elle devra mettre ses jolies bottes neuves dans la piscine de slush qui s'étale sur la chaussée. Il n'y a pas de moyen de l'éviter parce que les bancs de neiges, même mineurs, empêche toute forme de détour. Son papa essaie de lui dire que les bottes sont prévues à cet effet et qu'elle ne les abîmera pas, rien n'y fait. De grosses larmes lui roulent sur les joues jusqu'au moment où le papa finit par la cueillir pour lui faire enjamber le fâcheux passage. Et le regard qu'elle lui réserve indique clairement aux indiscrets de mon acabit que le papa s'est transformer en idole.

Dans la librairie, j'ouvre les albums, les livres, en montrant aux parents immédiats ou éloignés les illustrations et les mots qui jalonnent les ouvrages. Mon petit public me regarde avec attention, surpris de voir avec quel plaisir je partage mes découverte comme si j'avais tous les âges ciblés tour à tour. Du fond du magasin, une petite fille échappe à la surveillance de sa maman quelques instants et s'installe à mes pieds sur un sol particulièrement mouillé et sale le regard tourné vers moi. Elle dira, quelques instants plus tard, qu'elle avait voulu assister à l'heure du conte.

Petits bonheurs qui s'étalent sur une seule journée, fragments de décembre, à partager.

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dimanche, décembre 17, 2017

Spirale de l'Avent

J'ai fréquenté, enfant, une école privée avec des valeurs et des méthodes pédagogiques qui étaient passablement différentes du système scolaire conventionnel. Si je me rappelle très bien mon passage dans ce milieu, je ne peux pas dire que je connaisse la philosophie sous-jacente à cet enseignement. En fait, je le vivais beaucoup plus que je ne le théorisais. Mes voisines trouvaient bien étrange ce qui m'était enseigné et surtout la manière dont c'était enseigné. Moi, je n'y voyais qu'un puits sans fond de connaissances et un milieu de vie relativement agréable, si l'on fait fi de l'intimidation à laquelle je faisais face.

À cet école, il y avait toutes sortes de rituels qui me plaisaient ou non. Tous les lundis matins, toute l'école se retrouvait dans la Grande-Salle pour débuter la semaine. Je ne pourrais absolument pas dire ce qui s'y disait, cependant j'en garde un souvenir marqué, malgré ma mémoire défaillante.

Nous attendions tous, je crois, le premier lundi de l'Avent. Parce que celui-ci amenait avec lui une dose de magie et de merveilleux sans égal. La première chose que je remarquais, c'était l'odeur; un chaleureux mélange de sapinage et de cire d'abeille. Sur le sol, devant nos yeux ébahis, une énorme spirale couvrait pratiquement tout l'espace disponible. Un à un, les enfants allaient allumer une chandelle dans la grande spirale. Nous devions aller allumer notre propre chandelle au cendre du labyrinthe et revenir sur nos pas, sans que la chandelle ne meurt pour la déposer à l'endroit prévu, sur le parcours. Évidemment, les petits étaient les premiers appelés. Ils n'avaient que peu de pas à faire avec leur chandelle allumée pour illuminer à la fois le plancher et l'ensemble de la salle, peu à peu.

J'ai toujours été dans la classe des grands, à partir de la troisième année. J'étais de la classe d'ouverture. Alors, forcément, j'ai eu à marcher longuement avant de déposer la chandelle, les jambes tremblantes, ne voulant pas que celle-ci s'éteigne dans ma main. Il ne fallait pas marcher trop vite, quelquefois même s'arrêter pour que l'âme du feu ne s'éteigne pas. Il me semble que les fautifs devaient retourner sur le pas, pour rallumer le feu et finir par atteindre l'objectif. Je ne me rappelle pas de ce qui m'était enseigné sur l'a signification de l'événement. Moi, j'avais l'impression d'allumer une lumière pour aider le soleil à reprendre de la force pour qu'il puisse commencer à chasser la noirceur, avant la fin du mois.

Tout cela pour dire que pour moi, la magie de Noël, s'est éteinte quand j'ai quitté cette école parce qu'il n'y avait pas de classe du niveau que j'avais atteint. Ça faisait des lustres que je croyais plus au Père Noël, des années que je comprenais le côté mercantile de cette fête. La question n'était pas tant de ma très grande candeur plutôt que de l'absence d'un rituel qui allumait la magie.

Comme je suis une personne très chanceuse, j'ai de l'imagination. Si le merveilleux et la magie de Noël a peu à peu perdu de son éclat, j'ai toujours su préserver l'âme du feu quelque part gravé sur mon cœur et je suis encore capable, année après année, de voir un peu de cette féerie avec mes yeux d'enfant.

C'est ce qui me permet d'écrire, je crois.

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jeudi, décembre 14, 2017

Altesse

C'était l'année où j'ai commencé à travailler chez Renaud-Bray, il me semble. J'avais remarqué cette magnifique jeune femme très rousse et très enceinte. Elle portait un magnifique manteau bleu poudre d'une faction impeccable. Celui-ci était agrémenté de jolies broderies d'un blanc neigeux tandis que'une fourrure aussi immaculée ornait la chute des manche et le collet du vêtement. Ce qui était frappant avec ce personnage, c'était son port de tête tout à fait altier, du moins correspondait exactement à l'idée que je m'en faisais. Il se dégageait de sa personne une élégance certaine et un petit je-ne-sais-quoi qui la rendait remarquable. Dans ma tête, je l'appelais « l'Altesse Russe ».

Elle ne parlait ni français ni anglais et par conséquent, elle faisait son magasinage de Noël par gestes. À l'époque, elle achetait des tonnes de jouets et des bibelots. Je me rappelle de l'avoir servie à la caisse à un certain moment et elle avait tout payé en argent comptant, une facture de plusieurs centaines de dollars, ce qui ne faisait que confirmer le surnom que je lui avait octroyé.

C'est un souvenir qui date et qui serait sans doute resté enfoui quelque part au fond de ma mémoire si je ne l'avais pas vue surgir devant moi il y a quelques jours. Elle a toujours le même port de tête, et le même manteau magnifique. Il a l'air aujourd'hui aussi neuf qu'en ces jours lointains de mes souvenirs. Étrangement, elle a encore l'air très jeune, même si, évidemment elle a vieilli. Lors de notre dernière rencontre, elle était accompagné de trois enfants, dont la plus vieille était sa copie conforme et devait avoir une douzaine d'années.

Je ne pense pas qu'elle se souvienne de moi, de toute manière cela n'a aucune espèce d'importance. Elle venait faire un pré-magasinage, de livres cette fois. Elle parle tout à fait correctement le français, même si celui chante sous l'accent slave qui est difficile à manquer. Pendant la visite, les enfants, eux, discutaient avec beaucoup d'emphase, dans un québécois que l'on pourrait qualifier de pure-laine. C'était eux qui me demandaient des suggestions, des nouveaux livres qu'ils ne connaissaient pas encore, leurs yeux brillaient de plaisir quand je trouvais un petit nouveau quelque chose dont ils ignoraient jusqu'à cette minutes l'existence.

La maman, pendant ce temps, prenait des notes dans un calepin avec sa jolie plume fontaine simple, mais visiblement de très bonne qualité. Quand les enfants, sous le coup de l'excitation, se mettaient à s'épivarder un peu trop, elle leur lançait un regard sévère, mais affectueux et ceux-ci reprenaient le rang sans autre forme de procès

Et puis, un peu avant leur départ, la dame m'avait demandé si je n'avais pas sous la manche un roman pour elle, pour son propre plaisir de lire. Comme je le fais toujours, je lui avait demandé ce qu'elle aimait lire afin de bien cerner ses besoin. Elle m'avait alors répondu en souriant : « J'ai l'âme à Tolstoï madame. Est-ce que ça ne paraît pas? »

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dimanche, décembre 10, 2017

Perles de décembre

J'adore ce moment de l'année où le mouvement des stocks s'amenuise tandis que le service à la clientèle prend peu à peu toute la place. Il va sans dire qu'il y a toujours un certain nombre d'hurluberlus qui sillonnent les rayons durant cette période avec des demandes aussi floues qu'à côté de la plaque ce qui n'aide pas vraiment à trouver l'objet recherché. Du genre : « le livre bleu qui était placé sur cette table l'été dernier » ou encore « l'ensemble de couture avec un pingouin dessus » quand la personne cherche en réalité un kit de départ de tricotin.

On fini généralement par moyenner, mais pas tout le temps évidemment. Tsé quand une dame cherche la trilogie de Laura et que Laura est le nom d'un des personnages principaux d'une série, et que le prénom n'apparaît ni dans le titre, ni dans le nom de la collection, c'est un peu difficile de trouver, surtout que même en voulant très fort, il est impossible pour n'importe quel libraire du monde d'avoir lu tous les livres qui se publient.

Ce que j'aime moi, ce sont ces gens qui cherchent un livre, pas nécessairement précis, pour quelqu'un qu'ils aiment et qu'ils connaissent juste assez pour que les libraires puissent en cerner les contours afin d'arriver à trouver l'idée cadeau qui conviendra exactement à la situation. Évidemment, que je me jette comme un vautour sur les personnes qui traînent dans la section jeunesse avec des yeux ronds devant tout ce qu'il y a sur les présentations, incertains et un peu maladroits dans la manipulations des albums et autres bouquins destiné à un public d'âge préscolaire ou primaire.

J'ai récemment aidé un couple accompagné d'une fillette de deux mois. Ils cherchaient les premiers livres, ceux que l'enfant machouillerait allègrement sans se blesser dans l'immédiat. Mais aussi les livres pour un peu plus tard, quand les images, auraient un quelconque intérêt. Forte de ma récente expérience de Tatie, j'ai eu beaucoup de plaisir à présenter les livres qui ont été des succès à différentes époques de la vie de Zazou. Après avoir fait des choix pour les semaines à venir, ils ont pris en photos les albums pour plus tard.

Puis la femme m'a dit qu'elle cherchait quelque chose à offrir à ses nièces en plus d'un cherche et trouve de princesse. Elles ont 3 et 5 ans. Mais leurs parents ne leur lisent pas de livres. J'étais triste. Vraiment triste. La dame me racontait avoir offert de magnifiques livres de contes, mais que les fillettes en question ne les avaient jamais entendus puisque leurs parents n'avaient pas établi de rituel de lecture et qu'il n'avaient pas, semble-t-il, l'envie de partager ce plaisir avec leur progéniture. La dame me demandait s'il existait un livre qu'elle pourraient se lire entre elles, sans avoir besoin des parents.

J'ai opté pour la Patate à vélo parce qu'il n'y a qu'une phrase à apprendre. Et une grand fille de 5 ans qui ne sait pas encore lire, peut tout à fait faire semblant de faire la lecture à sa petite sœur, très sérieusement, sans jamais se tromper sur les mots. L'acheteuse a été complètement sidérée de me voir réussir à trouver la perle des livres pour ce besoin particulier.

Moi je me disais que j'avais surtout trouvé un moyen de mettre deux enfants en contact avec un nouveau livre et c'est cela ,en définitive, qui n'a pas de prix.

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mercredi, décembre 06, 2017

La valeur d'une patte de chaise

Je me demande, Poly, ce que tu penserais de la société dans laquelle on vit aujourd'hui. Quelles seraient tes réflexions sur le mouvement moi aussi, de toutes les conséquences drastiques sur des personnages qui ont longtemps dominé les paysages de pouvoir dans toutes les sociétés, qui finissent pas payer, bien tardivement, pour l'impunité dans laquelle ils avaient pu vivre pendant si longtemps.

Qu'aurais-tu pensé de la presque réhabilitation de ce chanteur qui a été reconnu coupable du meurtre d'une de ses conjointes et fortement soupçonné d'avoir continuer à vivre ses amours dans la violence depuis? Aurais-tu aussi eu un certain malaise à le savoir sur la page frontispice d'un grand magazine.

Te serais-tu sentie à l'abri du harcèlement généralisé quand des reportages relatent le bruit des sifflements et autres commentaires salaces à l'endroit des femmes comme des gestes presque normaux. Banalisés par ceux qui les commettent sous prétexte que les filles sont jolies et qu'elles portent et qu'elles accentuent cette beauté et que malgré le fait que celles-ci affirment à ceux qui les haranguent qu'elles trouvent cette forme d'attention dérangeante voir dégradante, ceux-ci n'en croient absolument rien, certains d'avoir trouvé une manière futée de faire un compliment.

Te serais-tu demandé combien encore il faudra de femmes autochtones disparues ou assassinées pour qu'on cesse de regarder de haut cette réalité en la tassant du revers de la main à toute la fois ou on essaie de l'éclairer?

Aurais-tu eu mal au cœur en apprenant que dans certaines société de par ce vaste monde, il y a encore des centaines, des milliers de femmes qui disparaissent sans que personne n'y porte attention parce que les sociétés dans lesquelles elles vivaient ne sont pas égalitaires et que par conséquence, la vie d'une femme ne vaut pas davantage qu'une patte de chaise? En réalité, la patte de chaise a sans doute plus d'importance parce qu'elle vient d'un arbre...

Je me demande, si comme moi, tu ferais un lien entre ce qui t'es arrivé et le peu d'importance qu'on accorde à la santé mentale, ou à prévention pour les problèmes de santé mentale. Entraînant un manque de ressources criantes faisant en sorte que des hommes et des femmes pris dans des schèmes mentaux tordus finissent par se faire du mal ou à en faire à d'autre comme celui qui t'a abattue, il y a 28 ans, l'a fait.

Moi je crois qu'on a commencé une réflexion le jour où on t'a tuée. Mais cette réflexion est longue et fastidieuse. Cet automne, une parole a émergé assez fortement pour devenir la personnalité de l'année du magazine Time. C'est bien peu de chose comme reconnaissance. Par contre, je le comprends comme un droit de dire non à toute forme d'intrusion et d'avoir une chance, aussi petite soit-elle, d'être crue.

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dimanche, décembre 03, 2017

Papa est Là-bas

J'ai eu une bien drôle de semaine. Parce que Papa est parti Là-bas avec Papi, en plus. Mais sans Maman et sans moi. Le premier jour, ça ne m'a pas du tout dérangé. Ça arrive des fois que papa parte pour toute une journée, alors j'avais bien confiance qu'il revienne vite. J'ai même invité toute la famille à souper chez Grand-mamie. Francis il est venu, mais pas Tatie. Je ne comprenais pas pourquoi même si Maman et Grand-mamie me disaient que Tatie était au travail. Le travail c'est quand je suis à la garderie, pas quand ce sont les journées à la maison.

Quand je me suis levé, le lendemain, j'étais certain que Papa serait là quand je me suis réveillé. Mais il était encore parti. J'étais très déçu et je l'ai dit à Maman. Elle m'a expliqué qu'il restait encore 7 dodos avant qu'il ne revienne. Elle me l'a montré avec mes doigts, Ça faisait beaucoup de doigts. Après la garderie, je pensais bien que Papa serait à la maison. Mais il était toujours Là-bas, avec Papi. J'étais triste.

Des fois, durant la semaine, j'étais tellement triste que je me mettais en colère contre Maman. Je ne voulais plus laver mes dents, même avec la brosse-à-dents qui fait de la lumière. Je disais à Maman des choses pas gentilles du tout comme « je ne veux pas te voir ». Il est où le Là-bas de mon Papa qui le garde loin de moi?

Grand-Mamie est venue souvent me voir et moi la voir aussi. Ça au moins, c'est une bonne chose. Parce qu'elle joue avec moi, me chante des chansons, aide Maman à faire la cuisine et la fait rire aussi. C'est drôle, des fois, j'ai l'impression que Grand-Mamie a le même effet sur Maman que Maman a sur moi. Un genre de calme paisible qui fait du bien. Je pense des fois que quand Grand-Mamie est dans la maison, pour Maman, c'est exactement comme quand Maman me prend dans ses bras.

Et puis, un matin, il y a eu deux guirlandes avec du rouge dedans et des petits paquets à développer accrochés après. Une pour moi et une pour Papa, même s'il est parti. Moi je voudrais développer tous les paquets d'un seul coup et ceux de papa aussi. Mais Maman dit que c'est un par jour, par peresonne, jusqu'à Noël et qu'il n'y a même pas assez de doigts sur mes deux mains et tous mes orteils pour me montrer c'était long comment.

Mais j'ai déballé mes surprises avec beaucoup de plaisir en demandant tout le temps à Maman c'est dans combien de dodos qu'il revient Papa. Je me fâche encore parce que je m'ennuie, je pleure aussi. Mais ça a l'air que je n'ai plus trop longtemps à attendre.

Maintenant, je dois prendre une bien grosse décision : quand je vais le revoir, est-ce que je devrais bouder ou bien est-ce que je devrais me jeter dans ses bras? Je me demande...

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