mercredi, août 31, 2005

Pluie d'août

Réveil matinal à 6h45.

Faut dire que ce n’est pas le cadran, simplement le bruit de la pluie qui tombe avec régularité contre les vitres de ma chambre. Et ce n’est pas non plus la nécessité : je pourrais très bien me lever à 8h30 sans courir le risque d’être en retard au travail.

Réveil matinal à 6h45

Écrasée par le poids de la solitude.

Il faisait si sombre dans ma chambre, dans ma maison. J’aurais voulu avoir une personne vers qui me blottir pour me protéger de l’humidité et du froid. Une personne avec qui échanger un rire pour mettre un peu d’éclat dans cette morne journée de la fin août qui a des parfums d’automne.

J’ai toujours été matinale, sauf durant une courte période de mes étés adolescents. J’aime les matins, les regarder se lever me permet de prendre acte de la vie qui s’éveille autour de moi.

Les matins pluvieux me dérangent parce que je dois allumer toutes les lumières électriques de la même manière que le soir, à l’heure du coucher. Comme si le jour n’avait pas pris le pas sur la nuit. Malgré le fait que je sois réveillée et douchée depuis deux heures, j’ai les yeux encore bouffis de sommeil et la peau lourde de dodos sans rêve.

Nous avons eu un été somptueux de soleil, pourtant ce dernier me manque déjà.

Je dois fonctionner à l’énergie solaire.

Ce matin, je me sens vide et seule.

Demain, on annonce du beau temps.

dimanche, août 28, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

1 - La nouvelle locataire
2 - Le peuple de la terre
3 - Résidence estivale
4 - Le coup de soleil
5 - La pantoufle
6 - Un hibiscus amoureux
7 - Maman n'est pas un arbre
8 - Compter les jours fait pousser les cheveux
9- L'âme soeur
10- La visite
11- Regard sur la gente humaine
12- Le prénom
13- Le papa poule
14- Repenser les priorités


Marie, ma toute belle,

Oh! Merci pour Élisa! Si tu savais comme je suis content. Elle est belle, vraiment belle et désormais je peux me faire une meilleure image de toi. Tu dois être tout simplement magnifique dans ta pantoufle suspendue à ta fenêtre. Il me semble que je passerais des heures à te regarder discrètement, si je pouvais voir ta rue. La petite est d’une douceur incomparable. Et Maman l’a laissée dans la fenêtre de la cuisine pour que je puisse commencer son éducation. Maman riait de moi l’autre matin parce que je parlais en bébé à Élisa. Elle m’a expliqué que ce n’est pas la meilleure méthode pour apprendre à un enfant à parler que de descendre son propre niveau de langage. C’est un réflexe tu sais, je lui parle et soudain je me mais à faire des gazouillis et autres sons étranges. Je me reprends à chaque fois que je m’en aperçois. Sauf que je glisse souvent dans les enfantillages.

Je suis vraiment content qu’Élisa soit avec moi parce que Dédée nous a quittés récemment. Elle est retournée habiter avec la gentille dame qui l’avait mise en pension à la maison. Je suis un peu triste de son départ, mais comme Maman était devenue vraiment impatiente et irritable à ce sujet, je suis aussi un peu content. En parlant de Maman, elle est finalement revenue à son état normal sauf que ça été une semaine difficile. Elle a oublié deux jours de m’arroser. Et moi je flétrissais sur mon balcon sans qu’elle ne se rende à l’évidence que je manquais d’eau. Elle finissait bien par allumer, mais j’avais le temps de souffrir moi! Elle m’a rétorqué que je n’étais pas mieux puisque j’avais oublié de fleurir, trop occupé que j’étais à parler avec Élisa. Pffffffff!

Pour Ophélie, je ne sais pas trop. Sauterelle est venue à la maison cette semaine mais elle m’a snobé. Je te dis moi. C’était mercredi soir et Maman et elle avaient un drôle d’air. Alors, même si j’avais voulu je n’aurais pas vraiment pu savoir comment elle s’adapte à sa nouvelle vie. Le pire c’est que Maman est allée chez elle hier et qu’elle a oublié de demander qu’on lui présente Ophélie. Non mais tu te rends compte! Je trouve que les humaines ont de bien drôles de priorités.

Je dois quitter,

À bientôt,

Roger xxx

vendredi, août 26, 2005

Six mois

Texte écrit dans le cadre du Coïtus impromptus. Le thème cette semaine était six mois, concept parce que ce jeu a justement six mois. C'est en lisant le dernier texte de ChArlespArles que l'idée m'est venue de raconter cette histoire-là, de faire revivre un peu ces dames que j'ai un jour connu, dans ce qui m'apparaît être une autre vie.


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Il y avait ce parfum de camphre et d’encens dans les chambres. En fond de ligne, les effluves des produits détergents qu’on utilise pour nettoyer les endroits où la cohabitation est proximale.

Durant mes heures de repos, lorsqu’il eut été préférable que je ne sois pas là dixit mes collègues parce que je n’aurais pas dû faire de bénévolat sur mon lieu de travail, j’entrais dans certaines chambres. Je les aimais mes vieilles moi. J’avais quatre heures à tuer entre mon service du matin et celui du soir. La fin de semaine, à Sherbrooke, il y a des coins où les autobus ne passent pas souvent. Alors retourner chez moi relevait du défi que je préférais m’abstenir de relever. Du reste, la plupart du temps je dormais dans la serre en haut. Pour me relever de mes nuits de veille au bar.

Quand j’entrais chez Lady J, je m’armais de patience et d’un crayon. Nous faisions ses mots croisés. J’étais la main, elle la tête pensante. Immanquablement, nous nous disputions. Il y avait toujours le moment où elle me posait la question. À savoir pourquoi est-ce que je n’étais pas croyante. Je disais que selon moi, c’est l’homme qui a créé Dieu et non l’inverse. À toutes les fois Lady J poussait un cri étouffé. Et ça commençait. Les autres dames, du moins celles capables de se déplacer toutes seules, se massaient alors à la porte et tentaient toutes de me convaincre de l’existence de Dieu. Moi, malicieuse, je leur retournais leurs arguments sans relâche. On ne se convainquait pas, mais on s’aimait bien.

Les après-midi que je passais chez L ou I étaient plus calmes. J’y lisais des romans ou de la poésie. Je ne me rappelle plus combien de fois j’ai lu Le Petit Prince en tout ou en partie. Et on se le racontait le reste de la semaine. Comme un bonbon qu’on voulait faire durer. Et Lamartine, et Hugo et Ronsard. Elles les aimaient leurs poètes! Moi je devenais leurs yeux et leur voix.

Ça aura duré six mois. Six mois après lesquels je suis rentrée à Montréal.

Je n’y suis jamais retournée et aucune d’elle n’a survécu à l’an 2000.

Cependant, elles sont impérissables dans mes souvenirs.

jeudi, août 25, 2005

Le pays du soulagement

Je sais très bien que je me suis restée étrangement silencieuse dans les derniers jours.

Il y a des moments durant lesquels mon esprit est tarabusté par des pensées qui m'empêchent d'écrire.

J'ai eu très peur d'être enceinte. Mais je ne le suis pas. Voici ce qui me passait par la tête tous les jours depuis quelques temps :

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En ce moment, je crois qu’il y a un mouk-mouk en vacances qui s’accroche à moi. Je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être parce que ma peau est douce. Peut-être parce que je suis tendre. Pourtant, je ne suis pas très gentille avec lui. Je me soûle, je fume plein de cigarettes et je ne mange pas correctement. Lui il n’aime pas cela.

Parce que le mouk-mouk en fait, c’est un ange que j’ai peut-être tricoté. Ça fait plus d’une semaine que je vis avec cette impression tapie au fond de moi. J’ai espéré saigner durant 8 jours. Mais rien n’est venu. J’ai mal aux seins. Ils sont ronds et durs. Plus besoin de soutif, ils ont repris leur galbe d’adolescence. Mon ventre m’a fait l’honneur de se serrer autour de lui-même pour prendre le moins de place possible et j’ai une espèce de force de louve en moi.

Ce ne sont que des signes. Que des signes. J’ai une trouille épouvantable. J’ai repoussé le test le plus loin possible. Faire comme si c’était normal. Me dire que j’allais finir par avoir mes foutues règles. À 32 ans, le désir de maternité est grand. Sauf que j’ai toujours rêvé avoir des enfants qui auraient un papa. L’hypothétique ange n’aurait pas de parents unis. Et ça me ronge.

Je ne veux pas être enceinte. Parce que me faire avorter c’est une petite mort que je porterais trop longtemps.

Je ne veux pas être enceinte. Parce que dans ce cas-là, l’ange il se serait trompé de bedon. Je ne peux pas être sa maman en ce moment. Je n’ai pas de travail pour nous deux.

Ce soir Sauterelle vient dormir à la maison. Elle sera là demain pour la lecture du test.

Ça va être négatif. Hein?

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Et le test était négatif. Et j'ai des envies de sauter partout et de crier ma joie!

dimanche, août 21, 2005

Changements

Je me suis réveillée vraiment trop tôt pour un dimanche matin : il était 06h15 lorsque mes yeux se sont ouverts. Et je savais que je ne dormirais plus. Pour cause : je me suis endormie vers 21h30 hier soir, peut-être même avant, épuisée de mes derniers jours.

Malgré l’aurore qui ne commençait qu’à percer le jour, je me sentais toute chose. Aujourd’hui est un grand jour, je remets ma démission à la librairie. Oui, oui! Après avoir parlé avec une collègue qui part en même temps que moi et a déjà remis sa propre démission, je me dis que je peux bien laisser à l’entreprise un peu plus que les deux semaines règlementaires pour signifier mon départ. Au moins, tout sera clair désormais. J’aime que les choses soient nettes et franches. Je déteste l’hypocrisie et les louvoiements inutiles. Même lorsqu’il s’agit de quelque chose d’aussi bête que de remettre ma démission.

Le 14 septembre, je reprends le rôle d’animatrice que j’ai tant aimé l’an dernier. Guide touristique pour Français en vacances ici. Ils viennent voir les feuilles d’automne et les espaces de notre province, ainsi que du sud de la péninsule ontarienne. Je vais râler c’est certain. Et je vais me faire discrète aussi entre le 13 septembre et le 12 octobre, pour cause d’indisponibilité informatique et surtout de surcharge professionnelle. Si vous saviez comme j’ai hâte, vous ne me plaindriez pas!

Après? Après… Je ne sais pas trop. On verra.

Cependant, les changements n’en sont pas que dans mon travail. Aujourd’hui, j’ai mis un chandail que je ne portais plus qu’avec des salopettes. Parce qu’il laisse voir une ligne de peau autour de mon nombril. Et ce matin je me suis dit que j’étais certes, encore ronde, mais plus grosse. Et je trouve que ce petit lilas me fait bien avec la peau bronzée d’un été ensoleillé.

Et puis, j’ai dépoussiéré des tablettes émotives. J’ai tout jeté ce qui n’était pas nécessaire : les souvenirs qui me font plus de mal que de bien sont passés à l’oubli.

J’ai envie de prendre une grosse croquée dans l’avenir et de revendiquer mon espace.

Ça faisait longtemps…

vendredi, août 19, 2005

Madeleine

Texte produit dans le cadre du Coïtus impromptus. Le thème cette semaine était Madeleine. Mais je me suis amusée à pondre quelque chose avec deux champs lexicaux s'entrecroisants en partant des mots fruits et houle.

Bonne lecture!

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Madeleine,

J’ai gardé souvenirs de ta vitalité lorsque tu mordais à belles dents les fruits de nos interdits. Cette capacité de laisser couler la sève des événements jusqu’à plus soif. J’ai dans le corps, malgré les années, les saveurs de nos étés desséchés sur les écueils de nos tempêtes intimes.

J’ai essuyé les rafales de mes orages en me disant que tu te dresserais toujours, fidèle à toi-même, phare héroïque de mes égarements. Tous mes déséquilibres, sur tes tiges, prenaient racine. Sur les vagues de mes océans houleux, les nefs de nos amours meurtris semblaient voguer vers des ailleurs possibles.

J’ai croqué dans ta candeur comme un ogre dans la chair des enfants. J’ai goûté la pulpe de tes rêves jusqu’à les tarir de leurs eaux. Tanguant sur mes navires d’improbables aux rythmes des orages qui me jalonnent, je suis resté, immobile, à voir sombrer la mer de tes désirs et de tes aspirations sur les plages rocailleuses de mes manquements.

Je t’ai rencontrée gorgée des sucs de tes idéaux. Luminescente fraîcheur adolescente s’accrochant à mes récifs vieillis. Tu t’es heurtée à mes falaises jusqu’à voler en mille pétales flétris avant leur temps. Je t’ai laissée faire. Insensible à tes douleurs.

La fée a, un jour, cessé de butiner mes pousses mortes. Mon navire s’est couvert de mousses tandis que tu allais vers d’autres cieux. Cherchant à retrouver le fil du bonheur dont je t’avais dépouillée, sans remord.

Je n’ai pas su t’aimer. Je n’ai même pas su te regarder m’aimer.

Je t’ai enchaînée à la mort, toi qui étais bouillante de vie.

Aujourd’hui le temps m’est compté.

Et si tu te tenais de l’autre côté des frontières de mes abysses?

Me pardonnerais-tu?

V.

jeudi, août 18, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

1 - La nouvelle locataire
2 - Le peuple de la terre
3 - Résidence estivale
4 - Le coup de soleil
5 - La pantoufle
6 - Un hibiscus amoureux
7 - Maman n'est pas un arbre
8 - Compter les jours fait pousser les cheveux
9- L'âme soeur
10- La visite
11- Regard sur la gente humaine
12- Le prénom
13- Le papa poule


Bonjour Monsieur l’Hôte,

Encore une fois merci pour le havre de paix, cet îlot de sûreté dans l’amitié, que tu m’as prodigué pendant mon récent séjour à Québec. Élisa et moi avons fait un très bon voyage en compagnie de Madame Coloc. La petite a beaucoup dormi durant le trajet et semblait très impressionnée par la vitesse du véhicule. Pour la rassurer, je caressais tendrement ses feuilles entre mon pouce et mon index. Comme un câlin pour la plonger dans le sommeil.

Quand je suis arrivée, j’ai tout de suite vu que Roger avait le caquet bas : manque d’eau. C’est ce qui arrive lorsque les deux humaines qui habitent un appartement s’en vont batifoler, en même temps, sur les remparts d’une ville fortifiée à plus de 200 km de leur demeure. Quand il m’a vue grimper les marches avec la petite Élisa serrée contre moi, il s’est mis à s’animer, se penchant tellement sur la rampe que j’en ai eu la frousse qu’il ne tombe d’énervement. J’ai fait les présentations et il ne se tient plus depuis. Je me demande sincèrement si c’est l’eau que je lui ai donnée ou la seule vue de sa fille qui l’a mis dans cet état.

J’ai posé Élisa sur le bord de la fenêtre qui borde le balcon de Roger pour qu’ils puissent faire connaissance. Évidemment, Dédée en a profité pour aller se présenter et faire sa tournée de bisous. Élisa se tordait dans son pot en laissant entendre ce petit gazouillis propre aux bambins de cet âge, tu sais lorsqu’ils ne savent pas encore vraiment comment rire.

Depuis presque deux heures, Roger prend son rôle de père bien au sérieux : il explique le voisinage, la ruelle, les passants, les habitudes de la maison à la petite avec un ton docte qui est tout à fait craquant. Tu le connais… Enfin, non, tu ne l’as jamais vu, mais je crois que tu saisi sa personnalité. Je lui ai offert la possibilité de venir écrire à Marie-Hélène, mais il m’a dit qu’il avait les idées trop emmêlées ce soir, qu’il lui donnerait des nouvelles lorsqu’il aurait commencé à apprivoiser la vie avec Élisa, comme il se doit. Cependant il fait dire un énorme merci à sa belle et il a ajouté, en rosissant, qu’il n’imaginait pas à quel point elle était douce.

Je crois Charles, que mon Roger est encore plus mordu de ta Marie.

Alors voilà, la puce se porte comme un charme.

Bises,

La maman de Roger xxx

mardi, août 16, 2005

De l'existence de Dieu et d'homexualtié

J’avais un lift avec Allo-Stop pour Québec, hier soir.

Le transport est arrivé avec 20 minutes de retard. Je m’installe à l’arrière avec la ferme intention de dormir. La loi de Murphy jouait contre moi. Le conducteur nous demande ce que nous faisons et qui nous sommes. Pour couper court à toute velléité de discussion je commence par dire que je suis caissière dans une librairie (c’est vrai!), mais l’homme persiste. Lassée je dis : « je suis historienne, spécialisée en histoire du genre et de la religion ». D’habitude ça clôt la discussion. Pas cette fois. En effet, j’étais dans la voiture d’un Croyant. Pas vraiment un catho mais un Croyant. Qui me disait à quel point la Bible était un livre important et combien de vérités elle recelait. Bon. Moi je suis spécialisée en histoire religieuse ce qui n’implique pas nécessairement que je sois croyante. Parce qu’en fait, je ne le suis pas. J’ai toujours été fascinée par la croyance d’autrui que je ne partage pas. Pour moi, c’est l’Homme qui a créé Dieu et non l’inverse. Mais le monsieur voulait me convaincre. Et de revenir à la vie de Jésus, et d’essayer de me faire la démonstration de l’importance du Messie. Et de m’expliquer pour quelles raisons métaphysiques, il était important que je comprenne le message de Dieu. Au bout d’un certain temps, j’ai glissé à l’oreille de mon voisin que j’étais désolée d’avoir mis le feu aux poudres. Il a sourit.

Plus tard, après un pipi-toresque, le conducteur nous narre un commentaire entendu à la radio de Radio-Canada, concernant le fait qu’André Boisclair est désormais officiellement lancé dans la course à la chefferie du Parti Québécois. L’homme était d’accord avec un auditeur qui prétendait que, quelles que soient les qualités politiques de Monsieur Boisclair, son homosexualité faisait en sorte que lui à la tête du parti, l’assassinerait de l’intérieur. Alors là, j’ai vu rouge. C’est quoi le rapport de l’homosexualité de Monsieur Boisclair dans ses qualités d’homme politique? Moi ça me dérange autant que la myopie de mon voisin. Mais non. Ils étaient deux dans la voiture à m’affirmer que ce serait un mauvais exemple pour la jeunesse. L’autre passager, gay évidemment, se taisait. C’est quoi cette histoire d’exemple? Selon les deux hommes à l’avant, l’homosexualité est un choix. Un choix déviant il va sans dire. C’est contre nature. Un être doué de l’esprit ne devrait pas avoir ce type de comportement. Moi j’enrageais sur mon banc. J’avais tellement le goût de dire : « Ben voyons, on ne choisi pas plus d’être homosexuel qu’on ne choisi la couleur de sa peau ». Je me suis abstenue, parce que mes deux opposants étaient Noirs.

L’intolérance m’énerve. Et je deviens intolérante quand on essaie de me convaincre de l’existence de Dieu et du fait que l’homosexualité est une déviance dans le même souffle.

J’avais comme une envie de cracher…

dimanche, août 14, 2005

Roger et moi

Juste avant que je rencontre Charles, il m’a écrit dans un courriel : « je me demande parfois qui influence qui entre Roger et toi. » Drôle de questionnement me direz-vous. J’y cogite depuis longtemps. Je crois que malgré mes 32 ans et le semblant de sagesse que j’ai acquis à travers le temps, je suis aussi candide que cet hibiscus. J’ai gardé un élan de l’enfance; un élan qui me porte vers autrui, mais surtout à y aller d’une manière qui m’est particulière.

Il y a quelques mois j’ai abordé un mec en lui demandant la permission de le draguer. Vrai de vrai. Je crois qu’il m’a trouvée à la fois, drôle, vraie et directe. Il n’a jamais accepté vraiment ni refusé. J’ai toujours su que je frapperais un mur sauf que ça ne m’a pas empêchée d’avancer toujours plus loin. J’ai frappé mon mur, verser les larmes qui s’imposaient et essayer de remettre les morceaux de ma vie dans une direction qui se tienne.

Lorsque j’ai écrit mon Manifeste, j’avais depuis quelque temps l’envie de demander à une de mes supérieures, « veux-tu être mon amie? » Le genre d’envie poignante qui me prenait à chaque fois que je la croisais. C’est-à-dire souvent. J’avais le sentiment d’être une petite fille. Comme lorsque nous avons eu des nouveaux voisins, quand j’avais quatre ans, et que je voulais jouer avec une des filles qui avait emménagé. Alors j’ai écrit le manifeste essentiellement pour me sortir la question de la tête.

Sauf que ça n’a pas vraiment fonctionné. J’avais toujours envie de lui demander si elle voulait être mon amie. J’ai fini par l’envoyer lire le manifeste en lui disant qu’il y avait une phrase pour elle dedans. Le lendemain, je lui ai demandé si elle avait compris de quelle phrase je parlais. Elle avait compris. Et elle a dit oui. Je suis contente. J’ai une nouvelle amie officiellement.

Alors, pour répondre bien tardivement à Charles, je crois qu’entre Roger et moi, je suis celle qui rêve de jolies petites choses et d’inconditionnel. Je suis celle qui veux que les rêves existent. Je suis celle qui demeure naïve et innocente. Lui ne me prête que son nom pour me permettre de regarder le monde avec des yeux toujours plus émerveillés.

samedi, août 13, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

1 - La nouvelle locataire
2 - Le peuple de la terre
3 - Résidence estivale
4 - Le coup de soleil
5 - La pantoufle
6 - Un hibiscus amoureux
7 - Maman n'est pas un arbre
8 - Compter les jours fait pousser les cheveux
9- L'âme soeur
10- La visite
11- Regard sur la gente humaine
12- Le prénom

Marie, ma douce,

Maman est revenue dimanche, bien reposée. Mais moins patiente qu’avant. Dédée s’en plaint un peu tu sais. Parce que Maman elle ne veut plus se faire coller. Elle se choque et dis très très fort : « Ah t’es fatigante! T’es pas tannée de toujours vouloir me coller?» Moi je fais le saut dans ma pantoufle et Dédée elle miaule fort. Désormais elles sont tout le temps fâchées toutes les deux. Madame Coloc est d’accord avec moi. Alors elle prend Dédée dans ses bras pour les séances de flatouilles que Maman ne veut plus prodiguer. Elle est toute hérissée cette Maman-là. Je suis démuni et je n’aime pas beaucoup cela. Tout ce que je peux faire c’est l’écouter le mieux que je peux.

Cette semaine, Sauterelle, une amie de Maman qui est très spontanée et joyeuse, nous a annoncé qu’elle avait adopté une plante elle aussi. C’est une histoire tellement mignonne! Sauterelle a rencontré cette plante sur un balcon pendant qu’elle travaillait. Elle l’a trouvée jolie et a demandé son nom à la dame qui habitait-là. La gentille dame lui a répondu un truc en latin complexe, mais déjà Sauterelle pensait qu’elle s’appelait Ophélie avec son violet et ses fleurs. La dame a dû saisir cela. Parce qu’elle a dit à Sauterelle : «Si vous la voulez, je vous la donne». Alors Sauterelle a passé le reste de sa journée avec le cœur en fête et elle est allée chercher Ophélie en finissant.

Ton hôte m’a dit la semaine dernière que tes pousses faisaient des racines. Youppi! J’ai passé toute la semaine à y penser. Si tu savais à quel point je suis pétillant de joie à l’idée de les accueillir. Et comme Maman va te voir cette semaine, elle a dit qu’elle ramènerait ces petits bouts de toi. D’ailleurs, j’ai pensé qu’il faudrait bien lui donner un nom maintenant. J’ai demandé à Maman de m’apporter un livre de prénoms. Ce qu’elle a fait. Mais bon, ça m’embête parce qu’il y a toutes ces définitions contraignantes à côté du prénom. Tu sais Roger c’est supposé être un dur. Pfffffffffff. En tout cas.

Quand Maman est revenue de chez toi, elle chantonnait tout le temps un air joyeux dans lequel il était question de cheveux et de poux. Comme tu as des cheveux et que je suis parfois le petit pou doux de ma maman, je me suis dit qu’on pourrait appeler les pousses comme la chanson : Élisa. Est-ce que tu veux bien qu’on appelle cet enfant-là Élisa?

J’ai hâte de ne plus être seul. Maman m’a promis qu’elle suspendrait l’enfant juste au dessus de ma tête dans sa chambre pour l’hiver. Alors on sera trois à regarder Véga la nuit. Et puis, je pourrais peut-être accepter de me faire taillader pour te faire une pousse à mon tour. Si ça peut te faire plaisir, je le ferai volontiers.

À bientôt

Roger xxx

vendredi, août 12, 2005

Le conte de la sorcière chagrine

voici ma contribution au coïtus impromptus de cette semaine. C'est en quelque sorte un dialogue avec ce que j'ai écrit la semaine dernière, Un peu de sel.

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Dans ses longs drapés noirs et pourpres, elle était La Sorcière. Elle égrenait les perles sombres de son rire au hasard des rencontres. Sous les mèches de sa chevelure fauve, ses étranges pupilles d’un bleu insondables décapaient. Son charme faisait autant de victimes que les quidams qu’elle croisait. Le noir et le pourpre étaient ses accessoires. Balançant sa jeunesse dans l’impétueux du mouvement de ses hanches, elle était conquérante.

Elle ne savait plus exactement quand, ni comment. Elle ne savait pas réellement pourquoi. Mais le poison la rongeait, l’épuisait. Minuscules notes dans une mélodie de plus en plus grinçante. Sous les morsures de son souffle chaud, elle s’effondrait. Il n’était pourtant qu’un homme. Superbe présentation de l’apparence masculine, campé dans ce port de tête sauvage, presque arrogant.

Elle avait frappé le vide de plein fouet. S’apercevant trop tard, évidemment, qu’elle ne pourrait jamais assembler toutes les parcelles éclatées d’un restant d’humanité. Elle s’était usée jusqu’à la moelle des os à se tendre vers lui. Elle l’avait aimé de ses baisers, de ses doigts, de sa chair, de ses rires, de ses larmes. Elle avait effrité son cœur sur le roc de ses abysses. Elle avait ouvert pour lui ses plus fines veinules, ses secrets ardents.

Ce soir, elle était affalée sur le parquet d’une cuisine trop propre. Tout chez lui était trop bien rangé. Dodelinant de la tête, soûle jusqu’aux tréfonds de la douleur. Soûle pour se donner du courage, pour oser dire, questionner dans les lacérations de sa voix. Elle avant tant pleuré qu’elle voyait sur son visage les traînées de rimmel. Sur le dos de sa main, une trace de rouge : sa joue devait en être barbouillée. Sa jupe blanche était boueuse et défraîchie par la pluie. Une maille sur son mollet et les déchirures sur ses bras lui donnaient un air de femme battue. Une colombine défraîchie.

Il ne l’avait pourtant pas touchée. Dressé dans toute la majesté de son indifférence, il lui tournait le dos. Entre deux hoquets elle réalisa que même les envies de meurtre étaient dépassées. Elle avait depuis longtemps traversé l’épuisement et la colère. Elle avait franchi l’incompréhensible.

Elle n’était plus qu’une sorcière vautrée dans le chagrin.

Une sorcière brisée, dépouillée de sa magie.

Rage Syndicale

Je suis en furie.

Non ENRAGÉE. Avec les majuscules et tout.

Je reviens d’une semaine de vacances. Super (dis-je d’un ton ironique). Oui bon, les vacances en soi étaient bien. Je ne me suis pas emmerdée et j’ai décroché le problème n’est pas là. Non.

Le foutu problème c’est la paie de vacances qui va avec.

Je travaille dans une librairie, ma Mac job dans la culture. Nous sommes syndiqués voyez-vous. Fantastique n’est-ce pas? Ah oui. Alors voilà, ma convention collective m’oblige à prendre un jour de congé par mois travaillé entre mon embauche et le premier mai. 5 jours dans mon cas. Et ces jours doivent être consécutifs. Mais, j’ai été payée pour 22 heures de vacances.

J’ai 35 heures obligatoires à prendre mais je ne suis payée que pour 22 heures. Cherchez l’erreur! Moi je l’ai trouvée en hostie sur mon chèque de paie. L’idée de tout cela c’est que je suis payée 4% du nombre d’heures travaillées dans cette période. Ce qui dans mon cas donnait 22 heures puisque j’ai travaillé à temps partiel durant les mois de janvier et février. Sacrament!

À un salaire de 7,87$/heure, la différence de 13 heures sur un chèque de paie c’est ÉNORME. M’enfin, comme j’ai fait autre chose que la caisse durant la période qui mentionnée plus haut, mon salaire de vacances était de 8,32$/heure. Oui parce que lorsqu’on se sort de la caisse, le salaire est un peu meilleur.

Maudite marde que c’est pas ma semaine. Non, mais faudrait pas exagérer non plus. Et j’averti tout de suite la personne qui m’apportera la troisième mauvaise nouvelle depuis mardi, je la mords. Tenez-vous le pour dit!

mercredi, août 10, 2005

Sur le chemin du retour

J’avais l’impression de vivre une véritable évasion. Là-bas, dans cette ville que je ne connais pas. Entre des murs qui ne sont pas les miens. J’étais ailleurs, au bout de mes chemins. Et j’étais bien sur île au milieu d’un nulle part pour moi, mais lovée dans un écrin d’amitié. Entre mes textes, les courriels sans fin que j’écrivais, les siestes de mes après-midi, j’attendais le retour du travail de mes hôtes et espérais les soirées riches en rires et en discussion. J’étais à l’aise et reposée. Je ne les remercierai jamais assez pour m’avoir permis ce saut hors du temps.

Au bout de sept jours de ce régime, il me fallait bien revenir à la réalité. J’ai reçu un message d’Alex qui passait justement la fin de semaine dans le coin et nous offrait, à mon fidèle destrier et à moi-même, gracieusement un transport. J’ai accepté avec joie. Je m’étais déjà rendue à l’extrémité de mes forces et de mon endurance à l’aller, je savais que je n’avais ni le courage ni l’énergie pour revenir toute seule sur mon vélo.

Mon hôte est venu me reconduire dans la famille de mon ami. Là, il y avait une vieille Australienne (elle devait faire dans les quatre-vingts ans) toute fripée, mais tellement alerte. À peine avais-je eu le temps de mettre les pieds dans la maison que déjà je savais les grandes lignes de sa vie ; sa diaspora familiale. Ses petites mains se posaient sur mes bras et sur mon visage pour qu’elle puisse mieux tendre l’oreille. Malgré toute sa gentillesse, je me sentais envahie, je suis donc sortie fumer une cigarette. Je me sentais un peu moche aussi de quitter cette vieille dame, jeune de cœur, pour cause de bulle personnelle trop hermétique.

Elle m’a suivie, au bout de quelques instants, pour me faire la bise, à moi qu’elle ne connaissait pas quinze minutes auparavant. Elle s’est hissée sur ses petits pieds pour coller ses joues parcheminées sur les miennes en me glissant à l’oreille : «You know you’ve got a very lovely face, don’t you?» J’allais répondre quand elle a enchaîné : «You seem to be a wonderfull person too.» J’ai souri.

Et je me suis dit que le bonheur c’était peut-être ça aussi ; une petite vieille pétillante qui me regarde avec des yeux aimants, sur le chemin du retour.

mardi, août 09, 2005

Mathilde le 9 octobre

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Quand je suis arrivée au travail aujourd'hui, j'ai trouvé une Mathilde qui avait l'air...comment dire...bweah...c'est le mot, vraiment, ça veut tout dire, dites le à voix haute et vous comprendrez alors!
Donc, je lui ai fait un petit dessin au coin de ma caisse, avec un stylo.
Voici donc Mathilde le 9 octobre 2005, alors qu'il faisait très chaud dehors, très froid en dedans et qu'une cliente a eu la brillante idée de payer pour 130$ de livres avec des 2$...

samedi, août 06, 2005

Le félin

Je t’imagine bien, dans les nuits de tes brouillards, parader une gaucherie toute calculée errer de groupes en groupes à la recherche d’un regard. Semant, ça et là, de minuscules révérences insolentes pour tordre davantage l’image. Et dans tes yeux la lame des désirs à éclore. Arborant ce sourire de petite face, celui derrière lequel se cache l’amusement des pensées qui agitent ton esprit éveillé.

Je t’imagine t’avancer vers celle que tu auras cette fois-là choisie, ou de qui tu te seras laissé charmer. Avec une lippe à la fois boudeuse et avide. Le soleil ludique de tes plaisirs dans le fond de la posture. Je t’imagine attisé par une discussion encore plus échevelée que tes épis, dans laquelle toutes les contradictions auraient un effet plus aphrodisiaque que les efficaces philtres des sorcières brûlées sur les bûchers de l’histoire.

Je t’imagine partir à la conquête d’un baiser au détour d’un mouvement qui se cache derrière une feinte innocence que tu auras distillée au gré des heures écoulées. Prendre d’assaut les gestes échappés à ta belle que tu lirais comme des invitations muettes, terrées sous la peur de se faire refuser l’offrande. Dans le vert de tes prunelles, il y aurait l’ironie mordante de l’autodérision dont tu sais si bien faire preuve.

Je t’imagine aller jusqu’au bout de tes griffes, t’ancrer dans le moite des chairs en présence. Oublier hier, annihiler demain. Permettre aux corps le dialogue. Celui que les mots n’ont pas d’expression pour dire. Mordre la peau pour en puiser toute la saveur. Presser l’envie jusqu’à l’épuisement.

Sous la caresse des rayons matinaux, je t’imagine, repu, sourire à ta proie avec l’énigmatique des aveux restés cois.

vendredi, août 05, 2005

Pourir de peur

Ma toute première peur irrationnelle, celle dont je me rappelle est liée aux films d’horreur. Je suis encore incapable de regarder ce genre de truc. Mes réactions sont exponentielles. La panique. Vraie de vraie panique. Je n’aime pas l’horreur. Je n’en suis pas capable.

Le reste du temps, j’étais téméraire. Je grimpais aux arbres, faisait des pirouettes, dévalais les pentes de ski, aimais la noirceur, le camping sauvage et les orages. On aurait dit qu’en grandissant, je changeais ma perspective. Je ne saurais dire quand et où tout a débuter. Après mon adolescence je crois. Peut-être quand j’ai cru qu’il fallait que je craigne ci ou ça. Comme j’ai cru que je n’avais pas le droit de me trouver jolie. Comme j’ai cru que je n’avais pas le droit d’avoir confiance en moi.

Un jour, je suis tombée amoureuse d’un mec que j’ai précédé pour mieux le suivre à Sherbrooke. C’est avec lui que les crises de panique ont commencées. La jalousie aussi. J’avais tellement peur qu’il me quitte. Je voulais tellement qu’il soit le seul amour de ma vie. J’étais rongée par en dedans. Toujours le doute. À tel point que je manquais d’air parfois. Je me serais écroulée sur un terre-plein au milieu d’une rue pour évacuer la rage, la peur et le doute, si j’avais pu. Mais je me suis tue.

C’est après cela que je me suis rendue compte que j’avais le vertige, peur de la vitesse, peur des orages et des pannes d’électricité. Je ne me rappelle pas dans quel ordre cependant ces peurs étaient bien réelles. Ancrées dans mon identité. Plus encore, j’avais peur de ne jamais être assez, peur ne d’être trop laide. Peur d’un maque d’intelligence, peur que l’on cesse de m’aimer. Peur d’être abandonnée de tous. Alors je rejetais pour donner le change. Non était devenu un mot tellement honni que je m’organisais pour être certaine de ne pas me le faire dire : je n’osais plus rien.

Je me suis retrouvée, un matin d’hiver, épave humaine sur une plage de février, à verser toutes les larmes de mon corps dans le bureau d’un travailleur social, à crier mes angoisses, mes nuits sans sommeil et mon épuisement. J’étais zombie parmi les zombies. Tellement que me tuer n’était plus une solution, ça m’aurait demandé trop d’énergie. C’est sans doute ce qui m’a sauvée.

Sur les remparts de Québec, il y a quelques temps, un ami à mes côtés, j’ai réalisé que je n’avais plus le vertige, ni peur de la foule. Les nuages tachaient d’ombres le fleuve à nos pieds et j’ai compris que j’étais enfin guérie. J’ai compris que toutes ces peurs irrationnelles étaient en réalité autant de symptômes de ma dépression, par conséquence sans les symptômes, il n’y avait plus de maladie.

On s’était chanté plus, tôt dans la fin de semaine, C’est quand le bonheur de Cali.

Et j’ai su que c’était à ce moment-là.

mercredi, août 03, 2005

Un peu de sel

J'ai fini par sauter une semaine de Coïtus. Cependant, le thème de cette semaine a favorisé mon inspiration. Et peut-être aussi le fait que je passe du temps ailleurs que chez moi. Voici donc ce que j'ai écrit. La contrainte était que le texte devait se terminer par «... j'ai rajouté un peu de sel».


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Furie enragée entrée dans mon appartement, elle me regardait maintenant avec les yeux gorgés de larmes. Petite épave de la femme forte et fière que j’avais rencontrée quelques deux ans auparavant. Installée dans ses doutes, ses questions inutiles ses quêtes et ses demandes elle attendait que je lui dise quelque chose. Un mot, un seul. Que je fasse savoir que les sentiments existaient, que tout avait été réel.

Durant tout son laïus, je n’avais dit un mot. Je la trouvais affreuse dans sa jupe déchirée et boueuse. Ses yeux hagards donnaient l’impression d’être des trous bleus cernés de vide tellement le rimmel avait coulé. Une colombine défraîchie, absolument plus apte à la consommation. À force d’essuyer les torrents de ses pleurs, elle avait barbouillé sa joue droite de rouge vif, comme une hématome encore récente de ses déboires : une poupée totalement ridicule.

Je savais qu’elle avait bu avant d’arriver chez moi. C’était un classique. Toutes les poupées de ma collection finissaient par se soûler jusqu’au fond de l’âme avant de venir me trouver pour les rituelles explications d’usage. Quand le travail était terminé. Lorsqu’elles étaient totalement détruites, ombres d’elles-mêmes, jalouses au possible, rongées par le manque de confiance que j’avais savamment installé.

Je ne me livre pas. Ne me suis jamais livré. Je ne fais que prendre ce que l’on me donne. Sans exclusivité, jamais. Mais elles croient me changer, me sauver de leur amour. Ces amours me pèsent. Je n’en ai pas besoin. Je ne leur ai même jamais dit que je les trouvais belles. À celle-ci pas plus qu’aux autres.

«Est-ce que tu m’as aimé?»

J’ai jugé que l’interrogation était futile.

Je suis retourné à mes fourneaux et j’ai rajouté un peu de sel.

mardi, août 02, 2005

Chronique dans le pot de fleurs

1 - La nouvelle locataire
2 - Le peuple de la terre
3 - Résidence estivale
4 - Le coup de soleil
5 - La pantoufle
6 - Un hibiscus amoureux
7 - Maman n'est pas un arbre
8 - Compter les jours fait pousser les cheveux
9- L'âme soeur
10- La visite
11- Regard sur la gente humaine

Chère Marie,

Je me demandais comment tu as trouvé ma maman. Je sais qu’elle est allée te voir la fin de semaine dernière, elle m’a envoyé une carte postale. Alors, tu me prépares une pousse de toi pour de vrai? Je suis tout excité cependant je vais patienter jusqu’à ce qu’elle fasse de belles racines. Maman m’a dit que Charles viendrait sans doute nous visiter un jour et qu’il apporterait ce petit peu de toi pour que je cesse de m’ennuyer. Ce ne sera pas tout à fait toi, sauf que je préfère une petite part de ma Marie, que rien du tout.

J’ai encore été bougé cette semaine. Maman m’a ramené sur la galerie du second palier. Parce que je voulais du soleil. Depuis quelques temps je lui faisais des fleurs seulement sur les branches continuellement ensoleillées. Sauf que Maman n’est pas toujours super rapide pour comprendre mes messages pourtant forts clairs. Il aura fallut que Grand-mère vienne s’occuper de moi pendant que Maman te visitait, pour qu’elle le remarque et passe le commentaire à sa fille. Je sais que Maman m’aime beaucoup, mais quelquefois je me demande vraiment ce que je deviendrais si Grand-mère ne venait pas faire son tour.

Et pourtant, elle n’est pas si mal avec les plantes ma maman. Elle m’a raconté qu’il t’était arrivé un accident. Que tu étais tombée de ton crochet, qu’après coup tu te flétrissais tranquillement parce que ton pot était fendu et que ton hôte ne s’en apercevait pas. Oh quelle histoire! Pauvre Marie! Heureusement qu’ils ont eu l’idée de te donner un bain de racines! Ou là là! J’aurais été très fâché que cette situation désastreuse dure plus longtemps. Ah ces humains des fois, ils sont décourageants!

Maman est encore partie trotter. Là je suis tout seul avec madame Coloc et Dédée. Celle-ci d’ailleurs essaie de me goûter depuis que je suis revenu sur le balcon. Me goûter, franchement! Heureusement, elle n’y va pas très fort, alors cela ne fait que chatouiller un peu. Comme des petits bisous parsemés sur mes feuilles. Des petits bisous de museau froid.

Je vais m’arrêter ici,

Je regarde Véga toutes les nuits en rêvant de toi.

Roger xxx

lundi, août 01, 2005

En longeant la rivière des Outaouais

Je suis en vacances depuis vendredi. En vacances mais pauvre. J’ai décidé qu’il me fallait sortir de Montréal pendant cette période sans quoi, les chances étaient trop grandes pour que je me déprime et je me décourage de ma situation. Une semaine de vacances, il fallait que je bouge. Et puis, depuis la semaine dernière, depuis ma fin de semaine à rigoler comme une folle dans un petit appartement de Québec, je me sens toute en énergie. Il FAUT que je bouge.
J’ai donc annoncé à Robin que j’irais le voir en vélo a condition qu’il vienne me chercher à mi-chemin. Et j’ai entrepris de faire cette route toute seule avec mon vélo et mes bagages. Départ samedi de Montréal. Je me suis arrêtée deux heures plus tard aux Îles-Laval chez Catherine qui avait la gentillesse de m’offrir l’étape. Puis nous sommes allées voir Luck Merville aux Francofolies. Je me suis couchée épuisée mais très fière de moi. Non mais une randonnée de vélo en solitaire et une foule dans la même journée fallait le faire!
Dimanche matin, 09h15 je quitte les îles de Catherine et me dirige vers l’ouest. J’avale 35 km en 1h30. Tout va bien, je serai en avance sur mon horaire. Il ne me reste que 50km à faire. Je pousse donc 15 km plus loin histoire d’en avoir moins à faire après le dîner. J’ai rendez-vous avec Robin à Grenville vers 15h30. Au rythme où je vais, je n’ai pas de doute d’être arrivée à temps. Pffffffffffff. Comme la loi de Murphy me guette, j’aurais bien dû me douter que quelque chose clocherait.
Arrivée à Saint-André-D’Argenteuil, je tourne à droite pour continuer à longer la piste cyclable, comme c’est indiqué sur ma carte. Je trouve la prochaine voie à emprunter et je continue vers l’ouest. Au bout de 6 km, je me dis que j’aurais du voir des indications pour ma route. Je m’arrête et demande des indications à un résident qui me dit : « Mais madame, le pont il n’est pas encore construit ». « Ah ben joual vert, que je pense, pourquoi vous me donnez une carte routière indiquant des pistes à être construites? » Me voilà donc obligée de revenir sur mes pas. Ce petit détour m’aura coûté quelques 16 km supplémentaires. J’étais encore à 20km de ma destination lorsque j’ai fini par dépasser Carillon. Dur, dur. Et c’est là que plus rien n’allait. J’étais fatiguée, mon genou gauche s’est mis à me faire très mal. Tandis que les muscles de mon cou et de mes jambes me donnaient des nausées à force de me faire mal. Chaque petite ascension était un calvaire. Et j’avais déjà presque 80 km dans le corps. C'est là que je suis tombée sur une partie de route en construction. La poussière qui collait sur ma peau moite c’était trop pour moi. Surtout que j’apprends qu’il me reste 10 km à faire avant d’arriver. Alors j’ai appelé Robin pour lui dire de venir me chercher maintenant. Que je n’avançais plus.
Je suis levée depuis 6h00 ce matin parce que j’ai trop mal au corps. J’ai redécouverts des muscles dont j’avais oublié l’existence. Mais je suis super satisfaite de moi. J’ai relevé mon défi, toute seule. Et j’ai même descendu certaines pentes à pleine vitesse.
Une autre peur s’est envolée.