mercredi, mars 30, 2016

La vie d'avant

Avant, avant ma vie était pas mal plus simple.

Ma famille vivait selon un train-train quotidien qui me plaisait énormément. On prenait plusieurs marches par jour, et on jouait beaucoup.

J'aimais particulièrement les marches vespérales. Quelquefois, j'étais seul avec ma maîtresse, mais d'autres fois, il y avait des amis. Des amis humains pour elle ou des amis chiens, pour moi, même si je ne suis pas très doué dans l'amitié canine.

Je suis l'homme de la situation je considère toute bête de plus de 10 livres comme un danger potentiel pour ma maîtresse alors j'attaque en premier. Non, mais à quoi bon avoir une forme athlétique doublée de testostérone si je ne suis pas censé m'en servir?

Mais les choses se sont mises à changer il y a un peu plus d'un an. Ma maîtresse a commencer à se fatiguer bien vite, je trouve. Fini les longues courses et les échanges de balles. Pourtant, je suis très bon à ce jeu-là, je rapporte super vite. Et puis, elle s'est même mise à marcher plus lentement, d'une drôle de démarche chaloupée, le dos bien arqués et les pieds tournés vers l'extérieur.

J'ai donc dû me résoudre à prendre mes marches plus souvent avec mon maître. Ce n'est pas que je ne l'aime pas, ce n'est juste pas mon préféré. Ce n'est pas la même chose, d'abord, il est assez grand pour que je n'aie pas à le protéger, ce qui fait que je me sens pas mal moins utile.

Et puis un jour, ils sont revenus à la maison avec un espèce de machin qui sentait un drôle de mélange des deux, tout petit et tout chaud. Et il a volé toute l'attention de la maîtresse. Toute, toute, toute. Plus rien pour moi, ni pour le chat d'ailleurs.

D'abord, il était toujours, collé sur ma maîtresse! C'est vrai, je n'exagère même pas. Collé sur son cœur. Moi je suis bien trop gros pour me coller à elle de cette manière-là. Oh, elle me flatte et elle me parle encore, mais je ne suis presque plus jamais tout seul avec elle, la plupart du temps elle amène la petite chose avec elle dans un gros truc encombrant sur roues.

Et depuis un moment, la chose est souvent couchée sur une belle couverte, que je n'ai pas le droit d'utiliser et sur laquelle il y a tous les jouets qui font « quik ». J'aimerais ça pouvoir les toucher un peu, juste un peu. Mais dès que je m'en approche, je me fais dire « non » d'un ton sec. Alors je soupire et je pose la tête près de la chose qui gigote sans bon sens sur sa couverte, et je commence à élaborer un plan.

Un plan très simple en réalité. Je me dis que si je m'occupe de la chose en question, celle-ci me donnera peut-être un peu d'attention, mais surtout, j'espère que tous les autres oublieront un peu où je me trouve et que je pourrai enfin mettre la patte sur le petit mouton brun qui me fait envie depuis des mois, déjà.

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samedi, mars 26, 2016

Dernier service

Ça t'avais pris des mois pour t'approcher de lui assez pour qu'il te voit. Tu avais même cesser de fumer, commencer à courir et repris ta taille de jeune fille juste pour cela. Ou presque. C'était aussi un peu pour toi, mais si peu. On se mesure généralement au regard des autres, et tu le savais pertinemment. Et tu le suivais depuis des années, glanant des informations de-ci de-là. Une première conférence, à laquelle tu étais allée obligée t'avais obnubilée.

Tes amies se payaient ta gueule à ce sujet, elle te trouvaient très comique de t'être à ce point amourachée d'un mec que tu ne connaissais que de loin, comme une adolescente qui fantasme sur un chanteur. Tu en avais pourtant largement passé l'âge et l'expérience.

Et pourtant...

Il était si charmant, si sûr de lui, si percutant et ses valeurs, du moins celles que tu devinais de loin, étaient tellement semblables aux tiennes. Tu t'étais surprise, plusieurs soirs à t'endormir en discutant, en imagination, avec lui. Tu t'en sentais proche, assez pour ne plus te sentir disponible pour d'autres hommes, amoureusement parlant.

Tu t'étais littéralement mise sur son chemin. Choisissant d'aller dans les restos, les bars qu'il fréquentait. Au début, tu le faisait avec les filles, puis seule parce que tu avais pris de l'assurance dans tes propres manèges et que tu te disais qu'à force d'être accompagnée, tu ne devais pas avoir l'air très disponible. Tu le voulais.

Une nuit trop longue, de l'alcool, qui n'excuse rien bien entendu, mais qui faisait partie de ta donne, et ce blues de fin de soirée que tu ne connaissais que trop bien sous les lumières hallucinantes du last call. Mais tu ne t'attendais pas à une telle violence, tu te croyais détraquée aux petites heures du matin, en fuite devant ta propre vie.

Dans la lumière étrange des matins sans conduite, tu ne savais plus que penser. Au bout de trois douches, tu te sentais salie. Ton corps ne t'appartenait plus. Tu avais voulu cet homme. Tu avais cherché son attention et cru l'avoir obtenue.

Et ça avait été la pire nuit de sexe de ta vie. Tu avais eu la sensation qu'il se masturbait avec ton corps sans aucune espèce de considération pour la femme que tu étais. Ça avait fait mal, physiquement et psychologiquement. Tu lui avais demandé, au début, d'y aller plus doucement et il avait ri en te répondant que tu l'avais bien cherché. Alors tu t'étais tue.

Et tu ne pouvais faire autrement que de lui donner raison, tu l'avais cherché.

Sauf que ce que tu avais trouvé, ne ressemblait en rien à ce que tu avais espéré.

Et que tu te sentais coupable, jusqu'à la moelle des os.

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mardi, mars 22, 2016

Bruxelles la belle

Pour mes quatorze ans, mes parents m'ont offert en cadeau d'accompagner mon père lors d'un de ses nombreux voyages d'affaires. Je n'avais pas choisi la destination, nous allions aux Pays-Bas, un point c'est tout.

Cela fera vingt-neuf ans dans quelques semaines. Je garde des souvenirs assez confus de ce périple, des taches de couleurs dans un voyage au cours duquel, je me suis passablement ennuyée. Je ne comprenais pas la langue locale et j'étais à peine capable de dire yes-no-toaster en anglais. Mon père passait le plus clair de ses journées avec des gens qui ne parlaient que peu ou prou le français et nous faisions de petites excursions entre deux rencontres.

J'avais vu de loin la maison d'Ann Frank, que nous n'avions pas visité, mais j'étais allée Rijksmuseum et était tombée sous le charme de La ronde de nuit. Je suppose que mon père m'y avait déposée une demie journée afin d'éviter que je ne me tétanise d'ennui. Ce qui avait très bien fonctionné. Et nous étions allée à Madurodam, ville miniature qui m'avait énormément impressionnée.

Au bout de plusieurs longues journées à me sentir coincée dans des lieux que je ne connaissais pas et sans aucun moyen de me débrouiller par moi-même, nous étions amenés à Bruxelles. J'avais été voir la statue du Manneken-Pis. Je trouvais un peu absurde de voir de tonnes de touristes se prendre en photo devant elle. Après tout, ce n'est qu'un gamin qui fait pipi. Tintin, j'aurais compris mais ça, pfff, c'était sans aucun espèce d'intérêt pour mon adolescence en fleur. Ce n'est que plus tard que j'en ai compris la signification.

Mon père m'avait laissée seule dans seule sur la Grande-Place où j'avais passé le plus bel après-midi de ma vie. Je n'avais pas fait grand chose, seulement boire des thés glacés à différents endroits en regardant les gens passer, comme si j'appartenais à la ville. J'avais même fait quelques achats, des souvenirs que je destinais aux membres de la famille restés à la maison. J'avais fais cela toute seule, sans avoir besoin d'aide de personne parce que même si mon accent laissait peut-être quelques personnes perplexes, toutes les gens à qui je m'étais adressée m'avaient servie avec beaucoup de gentillesse.

Dans un bistro, j'avais entendu pour la première fois la chanson les démons de minuit,dont le texte m'avait rire toute seule au grand plaisir du serveur qui m'avait demander de ne jamais cesser de rire si franchement en vieillissant. Je trouve toujours le texte de la chanson abominable, mais j'aime d'amour cette pièce parce qu'elle me permet de revoir des scènes d'un passé maintenant lointain aussi vivement que si elles se déroulaient sous mes yeux. J'étais bien, je me sentais indépendante et mature aussi. Une ado ne pouvait rêver mieux.

C'est je jour-là, je crois, que j'ai compris le sens du mot liberté.

Aujourd'hui, des hommes on abîmé ma liberté.

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dimanche, mars 20, 2016

Nuits blanches imposées

Quand j'étais toute petite, je m'imaginais que la coquille des escargots ou la carapace des tortue étaient leurs maisons. Comme dans un truc meublé avec une cuisine, une salle à manger, une salle de jeux, au moins une chambre et tutti quanti. J'ai passé des heures à essayer de voir lesdits appartements dans les coquilles vides d'escargots que je ramassais les jours de pluie. Je croyais, à mon illusion dur comme fer.
Je trouvais tout à fait charmant l'idée de transporter toute sa maison sur son dos et de ne jamais se sentir de trop, nulle part.

J'ai presque fini par vivre cette vie, particulièrement dans mes années sherbrookoises. J'ai tellement déménagé, quelquefois même à plusieurs reprises dans la même année. J'avais fini par me faire un pécule de trucs à transporter d'une maison à l'autre et surtout par emballer mes avoirs d'une manière à ce point efficace, que je puis dire sans exagérer que ça ne me prenait plus qu'une journée pour tout faire, à la fin.

Quand j'ai fini par poser mes meubles dans cet appartement du village, je croyais y passer une année, peut-être deux. Jamais, depuis que j'ai quitté la maison parentale, je n'ai habité au même endroit aussi longtemps. C'est donc devenu chez-moi. Pas un appartement dans lequel j'habite, chez-moi.

Mais voilà qu'il y a deux étés, la voisine du dessus qui avait laisser son fils faire ses premiers pas, jouer aux autos, pratiquer inlassablement les mêmes premiers accords de piano, faire du tricycle, courir d'un bout à l'autre du six pièces et surtout monter et descendre inlassablement les escaliers qui traversent mes fenêtres sur ses tongs de bois, vestiges de ses origines asiatiques, a cédé son logement.

J'en ai déjà parlé, ici, depuis ce temps, les dernières scènes du cinquième acte se sont multipliées. L'impression d'avoir un troupeau d'éléphants en colères qui piétine mes soirées, aussi. Je ne sais même pas de quoi les locataires ont l'air. Je sais cependant, qu'officiellement, c'est une fille qui a le bail parce que je connais les personnes qui restent en haut de chez-elle.

Vendredi soir, il y a eu une petite fête chez cette voisine. Ce qui veut dire beaucoup de bruit. Même en temps normal, c'est bruyant, quand il n'y a que deux ou trois personnes. Mais les petites fêtes elles, sont quelque chose et surtout, ne se terminent jamais avant des heures indues. J'ai fini par me coucher avec des bouchons dans les oreilles, histoire de survivre à ma nuit.

Je ne dors jamais bien avec des bouchons, j'ai l'impression d'avoir les oreilles qui explosent. Je me suis donc réveillée, samedi matin comme si c'était moi qui avais fait la rumba toute la nuit, pas du tout reposée. Comme dans pas du tout.

Je réfléchissais donc à la possibilité d'aller me présenter à la voisine en question pour lui dire, en gros qu'elle m’emmerde particulièrement, mais de manière plus polie, évidemment, quand la musique est partie. Il était dix heures du matin. J'étais surprise qu'elle soit déjà levée étant donné que ses derniers invités étaient partis autour de 4 heures. Et puis, il y avait exagération et exagération, les verres s'entrechoquaient au son de la basse extrême. J'ai donc pris mes cliques et mes claques et je suis montée, pour m'apercevoir que le bruit venait du troisième étage. J'ai cogné, expliqué que je vivais un inconfort total et le gars s'est excusé et m'a dit que c'était sa riposte à la voisine sandwich. Il a baissé un peu sa basse, pas assez pour que que je la perçoive plus cependant, en fait juste assez forte pour qu'il soit certain d'empêcher notre inopportune de dormir.

Je me demande quand est-ce que je vais trouver le courage d'aller lui dire qu'elle est insupportable, et pas seulement d'en parler ici.

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jeudi, mars 17, 2016

Une chanson pour le bain

Quand ma sœur était toute petite, il y a eu un petit incident qui lui a fait avaler, à peu près, la moitié l'eau du bain avant que je ne la sorte de là. J'ai eu peur et je lui ai fait peur. Pauvre petite. Et puis, l'été suivant, je crois, elle s'était jetée à l'eau sans ses flotteurs et sans savoir encore nager. Ces deux événements ont considérablement teintés sa relation avec l'eau, il me semble, en tout cas, elle aime beaucoup moins ça que moi.

Pendant un bout de temps, il n'était pas si facile de l'amener à prendre son bain, même si c'était nécessaire et qu'elle n'était pas tout à fait assez grande pour prendre sa douche. Alors j'avais composé, pour elle, une petite chansonnette, disons plutôt une comptine chantée, afin que cette corvée soit un peu amusante, un peu moins épeurante, un peu moins une obligation vraiment trop plate, aussi.

Son fils, pour sa part, a vraisemblablement hérité de mon amour de l'eau. Il gazouille tout son soûl lorsque son papa l'amène dans la salle de bain et qu'il entend la champlure. Et quand on le plonge dans l'eau, il n'est pas loin de l'extase. Il sourit, babille, bat des jambes et des bras et essaie de boire toute l'eau qu'il peut atteindre avant que la main vigilante du papa ne lui tourne diligemment la tête. Il est un petit poisson bien confortable dans son milieu aquatique protégé.

J'ai participé, une fois, au rituel, et je me suis bien amusée à lui chanter les airs de Passe-Partout qui concernent les poissons et les grenouilles et autres machins du même genre pendant que son papa lui chantait une histoire d'escargot que ce poupon très précis semble apprécier tout particulièrement.

Et puis hier, profitant d'une journée de congé sortie de nulle part, j'ai passé l'après-midi avec ma mère, ma sœur et l'enfançon en question. Comme dit ma sœur, j'étais venue faire ma tournée de guili-guili à son fils, ce qui est l'exacte vérité, mais j'appréciais aussi beaucoup de passer du temps en famille, en dehors des soupers dominicaux dont nous avons l'habitude.

Je ne sais pas trop pourquoi on a reparlé de la soirée lors de laquelle j'avais assisté au bain du petit. Toujours est-il que je disais à ma sœur ce que je lui avais chanté. Et elle de me répondre : « Sais-tu ce que je lui chante moi? Je lui chante cela... » Et elle lui a fredonné la vieille chansonnette sortie de sa propre enfance. Adaptée pour son fils. Et il la regardait en souriant, heureux d'entendre sa chanson de bain.

Je n'ai rien dit sur le coup, j'étais beaucoup trop émue. Si j'avais parlé, je crois que j'aurais versé toutes les larmes de mon corps comme un torrent le sur plancher de sa salle-à-manger.

J'avais composé une petite chose, sans aucune espèce d'importance, pour une enfant à qui j'avais donné, sans le vouloir, une certaine peur de l'eau et plus de trente ans plus tard, c'était devenu une petite ritournelle pleine de bonheur pour son fils, à elle.

Si j'avais su que mon pas d'oreille musicale me mènerait, un jour, là, je me serais peut-être jugée un peu moins sévèrement, point de vue musical, s'entend.

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dimanche, mars 13, 2016

Poulet à monter

Depuis que je suis totalement immergée en section jeunesse, il me semble que ça prend un petit grain de folie pour y travailler à temps complet. En fait, je crois que les personnes qui choisissent d'y oeuvrer ont une imagination passablement débordante. Ne serait-ce que pour tenter d'atteindre la vitesse des connections synaptiques du public auquel nous faisons face quotidiennement, parce qu'il m'apparaît évident, à ce chapitre que les enfants, particulièrement ceux d'âge préscolaire, ont beaucoup à apprendre aux adultes qui les entourent.

Ils s'émerveillent d'un rien et sont complètement fascinés par les sujets qui les intéressent. Combien de fois aie-je vu un petit 2 ou 3 ans me montrer fièrement sa prochaine acquisition, mettons, Le grand voyage de Monsieur Caca, un classique, tout heureux à l'idée d'apprendre, enfin, comment ça se passe dans son corps. Si parfois, les parents sont un tantinet gênés par cette exubérance infantile, les libraires jeunesse, eux, n'y voient rien de mal.

En réalité, ils tendent à ce placer à cette hauteur, à force de volonté. Parce qu'il n'est pas si facile, une fois l'âge de raison largement dépassé, de se replonger dans l'éblouissement de tout ce qui meuble la vie de tous les jours. Ainsi, je vois régulièrement les libraires jeunesse fredonner en refaisant un alphabet ou encore en zieutant les nouveautés afin de mieux pouvoir les conseiller.

Mais il y a aussi ces petits travers qui les caractérisent, en débutant par une capacité inéluctable à se chausser leurs lunettes du merveilleux quelle que soit la circonstance. Et à s'amuser de leurs méprises en les annonçant tout haut. Ainsi j'ai entendu une version plutôt imagée de la chanson des Beatles Ticket to ride qui allait comme suit: « She's got a chiken to ride, and she don't care » exprimé bien fort entre deux rires à toutes les fois où le refrain revenait, au grand plaisir des enfants qui comprenaient très bien l'erreur et lui disaient : « madame, tu te trompes! »

Il nous arrive souvent de na pas bien comprendre ce que veulent les clients surtout quand ce sont les enfants qui font les choix. Les descriptions sont souvent absurdes d'un conte nous donnent beaucoup de fil à retordre du genre : « madame moi je cherche l'histoire des bottes de pas la bonne personne ». Oui bon... Nous avons beau avoir une belle culture des albums que nous tenons, ça prend souvent plus qu'une tête pour finir par retrouver le livre en question.

En bref, il me semble que je replonge tous les jours dans l'enfance de l'art. L'art d'être heureuse au quotidien en portant une attention précise aux détails qui jalonnent mon parcours.

Et ça me fait un bien fou.

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mardi, mars 08, 2016

Le féminisme (et moi)

En 1994, j'ai migré vers Sherbrooke, pour étudier. Soyons honnêtes, je précédais mon amoureux pour mieux le suivre. N'empêche que je me suis installée dans cette ville et y ai vécu une dizaine d'années. Des années intenses dans mon développement tout personnel, parce que j'y ai passé la plus grande partie de ma vingtaine. Et qu'on le veuille ou non, c'est très exactement la période durant laquelle on défini l'adulte que l'on devient.

J'y ai fait la connaissance de plusieurs femmes dont une dont les idées féministes n'étaient pas exactement les miennes. Combien de fois nous sommes nous querellées sur la sémantique du terme? Je ne saurais le dire. Beaucoup trop en tout cas pour que j'en ai gardé le compte. Elle me piquait parce que j'étais hétérosexuelle et que je cherchais à plaire aux hommes, ce qui, à ses yeux, était à l'antithèse du terme féminisme. Personnellement, je voyais une différence majeure entre vouloir plaire aux hommes, du moins à certains, et me plier à tous les diktats qu'ils auraient pu vouloir imposer, à moi ou à d'autres.

Je n'ai rien contre l'homosexualité, mais je ne le suis pas. Je n'ai aucune espèce d'attirance sexuelle pour les femmes, je suis ainsi faite. Est-ce pour autant une raison de me dire que je ne suis pas féministe, que je n'ai pas le droit de me réclamer de ce mouvement? Je ne le croyais pas à l'époque, et aujourd'hui pas davantage. Si ces prises de becs ne nous ont pas fait changer d'idée sur la définition que nous attribuions l'une et l'autre à ce mot, elles m'auront permis d'apprendre à défendre mes positions et que les nuances sont des zones qui sont, en effet, aléatoires mais dans lesquelles je trouve un certain confort.

Vers la fin de mon séjour sherbrookois, j'ai fais la connaissance d'une femme qui refusait tout aussi vertement de porter l'épithète. À ses yeux, être féministe rimait une lutte à finir contre les hommes tous azimut. Je ne comprenais pas son point de vue, surtout que, comme moi, elle était historienne et comme moi, elle avait pu constater au cours de nos études, que l'Histoire avait largement été écrite pour et par les hommes. Selon elle, cependant, nous avions fini les luttes, du moins au Québec, et que d'essayer de pousser plus loin relevait de la vindicte de bas étage.

Si je ne l'ai pas convaincue de la justesse de mon point de vue, elle était cependant ouverte à mes arguments et avait fini par me dire qu'elle ne partageait toujours pas ma façon de voir les choses, mais qu'elle respectait ma pensée.

Depuis, j'ai rencontré pléthore de filles qui partageaient sont point de vue; des filles qui ont peur d'être honnies parce qu'elle s'affichent comme féministes, des filles qui croient que plus rien n'est à gagner puisque nous avons obtenu le droit de voter.

Selon moi par contre, il reste beaucoup à faire. Ne serait-ce que par arrêter de genrer les jouets et les livres pour enfants. Ne serait-ce que par laisser plus d'espace aux hommes dans les domaines traditionnellement féminins.

Parce qu'il y a de cela dans l'égalité, il ne faudrait surtout pas l'oublier.

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dimanche, mars 06, 2016

Du romantisme britannique à l'extrême Cro-Magnon

Début mars, c'est le moment de notre voyage culturel dans l'ouest de l'île. Deuxième année d'une expérience que nous souhaitons toutes répéter dans les années à venir. Notre périple est motivé par la présence sur scène de l'une d'entre nous dans une opérette issue du XIXe siècle britannique.

Ça change l'ordinaire, mettons. Il faut voir la chose pour comprendre à quel point c'est différent des spectacles auxquels nous sommes habitués. Il n'y a aucune commune mesure entre ce genre de prestation toute autre forme de théâtre musical. Ces opérettes sont pimentées par beaucoup d'humour, autant dans la mise en scène que dans le texte en soi. Ça vous requinque le moral trois mesures après le début de la prestation. On s'amuse toujours beaucoup de savoir à quel point ces œuvres étaient sulfureuses en leur temps. Et l'historienne en moi apprécie énormément la plongée.

Comme l'an dernier, on en est ressorties, charmées et quelque peu déphasées. Cette année, nous suivions les aventures romantiques d'une jolie bergère qui est aimée par le poète que toutes les jeunes femmes de la région adulent et qui ne le lui rend pas. Sauf qu'ayant été convaincue que le le véritable amour est désintéressé et non partagé, elle choisi de promettre d'épouser le jeune homme en question plutôt que celui pour qui son cœur penche réellement. S'ensuit une foule de revirements et au bout du compte tous les protagonistes finissent par trouver le partenaire de vie qui lui convienne, dans une conclusion aussi hâtive qu'improbable. Très divertissant.

Cependant, il n'y a pas que le décalage historique qui nous titille le rire. On ne se rend pas fréquemment compte, de visu, des différences culturelles entre Québécois et Québécois.

Parce qu'on ne se voit pas si souvent, il fallait bien qu'on aille prendre un verre après le spectacle.

On s'est donc retrouvées dans un pub trop éclairé, dont tous les pans de murs étaient tapissés de téléviseurs haute-définition et de machines à sous. L'endroit faisait salle comble parce qu'on y présentait, en direct les combats de l'UFC. Il va sans dire qu'on se fichait passablement des combats en question, contrairement au reste de la foule présente ce soir-là. On devait pratiquement hurler pour se faire entendre de nos voisines. Autre fait qui tranchait, nous étions la seule table autour de laquelle se massaient les filles avec un seul homme pour créer la diversité. Partout autour de nous, c'était largement l'inverse, si tant est qu'il y ai eu une femme à certaines tables.

Par ailleurs, nous étions particulièrement ravies d'y être. On aurait voulu chercher un moyen inusité de conclure notre pèlerinage culturel que nous n'aurions pas pu faire mieux. Une toute petite soirée de voyage dans un espace temps qui ne nous ressemble en rien.

Et cette impression tenace d'être passées du romantisme britannique à l'extrême Cro-Magnon.

Une magnifique manière de briser la monotonie de nos existences bien réglées.

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jeudi, mars 03, 2016

Intimité gluante

La palissade jaune et blanche créait une sorte de zone d'ombre dans un corridor pourtant bien éclairé. Depuis quelques jours, le banc devant la porte principale du magasin se peuplait régulièrement d'adolescents en quête d'une certaine forme d'intimité. Du moins, c'est ce que je m'imaginais, au départ.

J'avais oublié l'ostentatoire de la très jeune adolescence amoureuse. Celle qui est fière d'en être rendue-là, c'est-à-dire à s'embrasser à bouche que veux-tu, devant témoins si possible. Et les témoins ne manquaient pas, entre les clients qui sortaient en maquant de les heurter, les employés qui ne pouvaient faire autrement que de voir leur démonstration et les amis qui étaient adossés à la palissade, le manège ne pouvait pas passer inaperçu.

C'en était quelque peu déconcertant. De mon poste d'observation involontaire, je voyais les autres jeunes essayer de ne pas prêter trop attention au couple qui, parallèlement semblait faire tout son possible pour écraser ses voisins même si leur positionnement pouvait laisser croire que les deux personnes en question essayaient d'occuper très exactement le même espace. À un certain moment, un garçon du groupe est allé se réfugié à l'extérieur, se laissant frigorifié par la bise de mars qui laissait présager une tempête attendue. Je m'étais alors dit que j'aurais sans doute choisi cette solution si j'avais été à sa place.

Cette réflexion m'a alors ramenée bien loin dans mes souvenirs à la fin de mon secondaire trois, je pense. Cette année-là un nouveau couple s'était formé avec la fonte des neiges. La fille de ce couple, était une de mes connaissances. Je ne dirais pas une amie, mais nous avions deux cours ensemble lors desquels nous étions assises côte-à-côte, pour cause d'ordre alphabétique de noms de famille. J'avais beaucoup de plaisir à partager des niaiseries avec elle, j'ai coupé tous les ponts lorsqu'elle est tombée amoureuse pour la première fois.

Ce n'est pas tant que j'étais jalouse de son nouveau statut que parce qu'eux aussi avaient la tendance, fâcheuse, à vouloir se fusionner. Il s'embrassaient dès que possible, partageaient invariablement la même chaise, même si plusieurs autres étaient disponibles et s'échangeaient goulûment leurs gommes à mâcher avec force bruits de succion. Je trouvais cela un peu dégueux. Non, pas mal dégueux. Mais ce qui a fait que j'avais finalement décider de ne plus du tout rechercher leur compagnie, ça été le jour où ils se sont mouchés l'un l'autre en commentant joyeusement le contenu des kleenex. OU-A-CHE!

Je ne suis pas partie droite comme la justice. J'ai plutôt attendu la prochaine cloche et je me suis trouvé d'autres occupations lorsque d'aventure on terminait un cours en même temps et que nos pas nous amenaient dans la même direction.

Je me rappelle cependant m'être promis de ne jamais me mettre en scène de manière aussi flagrante qu'ils le faisaient et je suis pas mal convaincue d'avoir réussi.

Mais il semblerait que les jeunes ados actuels soient aussi sans gêne que ceux de mon époque, faisant déborder, au passage, leur intimité sur celle d'autrui.

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