dimanche, février 24, 2019

Les immortels n'existent pas

Dans mon enfance, les voisins derrière chez-nous étaient des professeurs d'école secondaire. Une prof de français et un prof de maths. Ils avaient une maison bien ordonnée et très tranquille comparativement au bordel quasi constant dans lequel je baignais quotidiennement. Parce que deux enfants qui ont presque 10 d'écart d'âge, ce n'est pas la même réalité que 4 enfants avec le même écart d'âge. Comme l'aînée avait a peu près mon âge, nous sommes vite devenues amie. Ce qui fait que j'allais bien quelquefois dans sa maison, mais nous préférions être chez-moi pour un paquet de raisons, surtout parce qu'il y avait beaucoup moins de règlements.

Son père était un homme sévère. Il me semble qu'il n'était pleinement heureux que dans son jardin qu'il entourait de mille soins. Je le soupçonne d'avoir acheté cette maison pour avoir une grande pièce de plus que celles de l'intérieur dans laquelle il pourrait s'épanouir. Il avait d'ailleurs fini par faire plus d'une pièce dans son extérieur et il fallait faire bien attention aux endroits où l'on mettait les pieds parce que chaque profanation de son gazon était notée et soulignée. C'était un personnage comme cela.

Il m'impressionnait beaucoup parce que les maths ne lui parlaient pas chinois. Il trouvait souvent le moyen de nous expliquer à sa fille et à moi, des concepts qui nous avaient échapper en classe. Même si nous ne fréquentions pas la même école toutes les deux, on était dans la même année scolaire et on voyais les même matières donc, on s'en parlait. Je n'aurais jamais osé demandé à ce monsieur de m'aider dans un devoir, il n'était pas à ce point convivial, mais sa fille elle, ne se gênait pas pour le faire et moi j'écoutais toute oreilles et parfois, je finissais par comprendre enfin un concept qui fuyait devant mes yeux à toutes jambes, depuis des semaines.

Si j'allais au collège où il enseignait, je ne l'ai jamais eu comme professeur. Il était le père de mon ami et un voisin proche. Je l'ai beaucoup regretté parce qu'en secondaire 4 justement, je n'étais plus dans la même classe que ma tutrice des années précédentes et que je n'avais plus personne pour me réexpliquer en termes différents ce qui venait d'être annoncé par le professeur. Et que j'ai fini par échouer mes maths et changer d'école ensuite. Alors bien sur, je me suis complu à croire que s'il m'avait enseigné, je n'aurais pas échoué. Mais en fait, je l'ignore totalement.

J'ai quitté Ahunstic en 1994. Laissant derrière moi un paquet de gens et de souvenirs. Et cet homme en particulier, je l'ai figé dans le temps. Je ne sais pas pourquoi, il m'apparaissait improbable qu'il vieillisse. Pour moi, il avait encore quelque chose comme 45 ou 50 ans. Ce qui est évidemment complètement faux.

J'ai appris cette semaine qu'il est décédé le 20 février. Ça m'a causé un énorme choc parce qu'il faisait partie de mes immortels, un genre de personnage plus grand que nature qui ne pouvait pas passer l'arme à gauche.

Il va sans toute que je me fasse à l'idée que les immortels n'existent pas.

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dimanche, février 17, 2019

Voir l'avenir

On dit beaucoup des millénariaux qu'ils sont une génération égoïste, généralement individualiste ainsi qu'un autre paquet de qualificatifs tout aussi réjouissants. C'est peut-être vrai, mais je n'en suis pas totalement convaincue. Après tout, beaucoup de ses membres ont animer voire alimenter le printemps érable, il y a quelques années et ils sont éminemment conscientisés par l'environnement et tout ce qui en découle. Si ce ne sont pas des signes d'une vision durable et pérenne de la société dans laquelle ils s'inscrivent, je me demande bien ce que c'est.

Ce que j'observe moi, à travailler avec eux quotidiennement, c'est qu'ils refusent de s'intéresser à la politique dans sa forme actuelle, ce qui en soit est un acte politique. Cette forme d'exercice du pouvoir ne les fait pas rêver à une société potentiellement meilleure parce que selon leurs valeurs, les acteurs principaux de cette joute ont pipés les dés il y a longtemps. Alors plutôt que de s'impliquer dans un parti ou un autre, ils posent quotidiennement des gestes à leur mesure pour améliorer, ne serait-ce qu'un minimum, les chances de survie de notre planète. Ce n'est pas rien.

Ceux qui m'exaspèrent, ce sont ceux qui ont vécu l'abondance des années 50, 60 et 70 en gaspillant les ressources sans aucune forme de culpabilité et qui aujourd'hui en sont fiers. Tenez cet homme croisé récemment. Il portait des vêtements visiblement onéreux, sans aucune forme de goût. L'important semblait être ce que cette vêture ostentatoire laissait paraître de ses moyens financiers. Il était désagréable de suffisance, tellement que les employés du magasin avaient fini par me demander de le prendre en charge parce que malgré les trésors d'imagination dont ils faisaient preuve pour essayer de satisfaire le personnage, ce dernier se montraient condescendant devant l'impossibilité de trouver ce qu'il cherchait.

En résumé, il était l'archétype de mon idée du parvenu. De celui qui s'est construit tout seul et qui a fait beaucoup d'argent rapidement sans égard à autrui, ou même au détriment d'autrui.

Il voulait des vieux films d'action des années 1990. Que nous n'avions pas, et lorsque c'était possible de les commander il les trouvait trop cher et se remettait à tempêter. Laissant entendre que ce qu'il désirait aurait dû lui être accessible simplement parce qu'il le désirait. Mais la vie fonctionne rarement ainsi pour la plupart des mortels.

Un fois à la caisse, je lui ai demandé s'il voulait un sac pour le film qu'il achetait. Comme il a acquiescé, je lui ai offert le sac réutilisable et il m'a regardée avec un tel mépris que j'en ai été saisie avant de me lancer : « Je ne paierai jamais pour quelque chose que j'ai déjà eu gratuitement. » Ça été plus fort que moi; j'ai rétorqué in petto : « mais vous ne vous gênez certainement pas pour prendre gratuitement ce que vous deviez payer avant. » Il m'a sourit, visiblement ravi que j'ai compris, m'a fait un clin d’œil complice en quittant le magasin.

Je l'ai regardé sortir, nauséeuse.

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dimanche, février 10, 2019

Quelque chose comme un Himalaya

J'ai longtemps crié pour me faire entendre, parce que dans la montée d'adrénaline qui sous-tendait ces abcès en raz-de-marée, je me sentais vivante. Je cherchais ma place, mon lieu mon rôle dans le regard que les autres posaient sur moi. Je voulais être bruissante, éblouissante, bruyante, entendue. Enfin, c'est ce que je me dis, avec un peu de recul.

Bien entendu, c'était-là un bien mauvais moyen de me faire valoir. Tout ce que je réussissais à faire, c'était de braquer des regards, figer les gens, mais la rivière de détresse sur laquelle je naviguais tant bien que mal, elle n'était pas perçue. Tout ce qui apparaissait c'était le bruit. Je crois même que la plupart du temps, mes propos hurlés si forts n'atteignaient même pas les oreilles auxquelles ils étaient destinés.

J'ai donc fini par apprendre, sur le tard il va sans dire, que cette colère était un bien mauvais vecteur de communication. Ce que je n'ai toujours pas appris cependant, c'est comment me faire entendre sans pour autant heurter mes proches. Il est si difficile de trouver un équilibre dans la communication. Entre moi et toi, elle et l'autre. Entre ma place et la sienne. Dans cette valse hésitante qui tisse les liens sociaux, comment fait-on pour prendre exactement le bon espace, celui qui nous permettra de luire juste assez pour être bien sans toutefois porter ombrage à autrui.

Depuis quelques années, j'essaie bien fort de trouver ce point de bascule. Pour me faire entendre, j'ai essayé de m'intéresser d'abord à ce que les autres ont à raconter en espérant que ceux-ci me rendront la pareille. Ce n'est toutefois pas toujours le cas, je dirais même pas souvent. Sans aucune mauvaise fois ni méchanceté. Je crois qu'en essayant de cibler ce qui intéresse les autres, je fini par réduire ceux-ci à une expression bien limitée de leur personne et que par voie de conséquence, ils ne sont pas particulièrement intéressés à enquêter sur moi plus loin que les sujets convenus auxquels je les ai moi-même astreints.

Je n'ai plus envie de crier que je me sens invisible, surtout parce que je n'ai plus envie de me colleter aux conséquences la plupart du temps lourdes et douloureuses de mes éclats. Ceci étant dit, il m'arrive encore de me sentir absente et inintéressante sous le nez de personnes qui, pourtant, m'aiment beaucoup. Je n'ai plus envie de crier parce que je sais que de toute manière c'est une voie pavée pour que ma voix ne soit pas entendue.

Non, je n'ai plus envie de crier, mais je ne suis pas tout à fait certaine que je sache désormais dire. Dire une chose aussi simple que : « Des fois, des fois seulement, j'aimerais bien que vous preniez le temps de me demander comment je vais autrement que comme une formule de politesse ».

Il me semble que je viens de me fixer là un objectif aussi élevé que l'Himalaya.

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dimanche, février 03, 2019

Vent de front

L'hiver me semble dur cette année. Pas le pire que j'aie vécu, loin s'en faut, mais il me semble que les journées de bises sont beaucoup plus nombreuses que les journées douces. Et, malgré le fait que, contrairement à d'autres années, je n'ai pas eu de gerçures dues au froid derrière les genoux, j'ai le sentiment que je n'arrive pas à bien profiter des journées de la saison froide parce qu'il fait juste un petit peu trop froid pour j'ai l'envie et encore moins le courage de m'y aventurer. Dans l'hiver, je veux dire.

Mais si je suis une fille du printemps, je suis avant tout une Québécoise. J'aime l'hiver et mon pays en quatre saisons. J'aime le fait que les saisons du Québec soient aussi intenses que brève et que l'on puisse les espérer d'une année à l'autre. Et puis, j'ai déjà largement profité des bonheurs de l'hiver, dans mon enfance et mon adolescence. Entre autre parce que mes parents nous faisaient fréquenter une ecole de ski tous les samedis et que malgré le fait que je ne m'y sois jamais démarquée, ces jours de ski ont étés parmi les plus heureux de ma vie.

Depuis que je suis revenue vivre dans le quartier, j'essaie d'en profiter. Entre autres en fréquentant le parc de l'Île-de-la-Visitation. Je n'y vais pas si souvent, une fois par mois par mois peut-être, dont aujourd'hui. Malgré le vent de front. Parce que j'avais tellement envie de montrer cet itinéraire cher à mon cœur de femme et bien ancré dans mon sang parce que je viens du quartier et que mes parents avant moi aussi. Ceci faisant, il y a des milliers d'histoires sous mes pieds, où que j'aille dans un périmètre de marche.

On annonçait une température clémente, pour aujourd'hui. Sauf que, bien entendu, ce n'était pas tout à fait le cas, dans la réalité. Mais voilà que j'avais convié mon amie Geneviève à une marche dans mon itinéraire favori et un souper de raclette par la suite. Et même si elle est arrivée frigorifiée, elle avait tout de même envie venir visiter mes souvenirs. J'en étais fort heureuse parce que mon envie de reprendre les chemins du passé ne s'était pas tarie avec la météo peu complaisante.

C'est ainsi que nous avons fait une randonnée magique. Magique parce que sitôt après l'avenue Papineau, sur le boulevard Gouin, on ne peut faire autrement que de se sentir à des kilomètre de la ville. Pas de bruit, pas de circulation, de vieilles maisons, pas de fils électriques visibles. Avec tout cela, on se sent ailleurs dans le temps, comme dans l'espace.

Magique parce qu'il suffit de quelques pas de plus pour entrer dans le parc en soi et se retrouver aussitôt en pleine campagne. La ville semblait à des kilomètres entre les marcheurs, les skieurs et les raquetteurs. Le parc était plein, malgré le mordant du vent et nous étions ravies de voir des enfants s'amuser comme des fous à dévaler les dénivellations à force de rires tonitruants.

Nous sommes revenues à la civilisation transies, les joues roses de froid et le cœur content.

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vendredi, février 01, 2019

Groupie un jour, groupie toujours

Une des joies de ma vie c'est mon petit (grand) côté groupie. J'aime aimer des personnalités publiques. C'est vraiment très divertissant. Des petits moments de magie qui me mènent d'une journée à l'autre, l'air de rien. Et, c'est quelque chose de connu, à tout le moins dans ces pages, je me dénonce régulièrement comme fan. Il faut dire que j'ai une tendance certaine à avoir des intérêts proximaux et facilement accessibles, pour moi. De mémoire de fille (je veux dire moi), toutes les fois où je me suis dénoncée, c'était avec des gens qui n'étaient pas très connus ou encore pas tout à fait dans la catégorie des gens qui collectionnent les fan de mon acabit.

François Parenteau, par exemple. C'est un humoriste ayant une certaine notoriété, mais il est loin d'être l'humoriste le plus connu du Québec. Quand je suis allée le voir pour lui dire que j'étais fan, il m'a reconnu illico comme étant sa première fan. Il m'accorde encore ce titre, les rares fois où nous nous croisons. Et je sais qu'il m'aime bien parce qu'il me juge intelligente et allumée. Il a déjà dit, devant moi, que tant qu'à ne connaître qu'une seule de ses fans, il était bien content que ce soit moi parce que j'avais de la répartie. C'est beaucoup mieux que rien et ça m'a gratifiée dans mon rôle de fan.

J'ai aussi joué ce rôle avec un nombre assez incroyable de chanteurs, la plupart du temps, avant qu'ils ne soient connus. J'ai tellement fréquenté les petites salles dédiées aux talents émergents à une certaine époque de ma vie, que la plupart d'entre eux venaient me parler d'eux-mêmes parce qu'ils finissaient par me reconnaître. Simplement parce que j'y étais souvent et que par conséquent, je savais toutes les paroles de leurs chansons avant même que celles-ci soient endisquées.

Mon exception est sans conteste Alexandre Désilets. Je l'ai connu alors qu'il avait déjà remporté plusieurs festivals. Et à ma totale incompréhension, tout son talent n'a pas fait de lui le chanteur le plus populaire de cette province. Il sait qui je suis, et serait certainement déçu si je n'allais voir aucun spectacle cette année alors qu'il a sorti un nouvel album.

Mais voilà, dans tous ces cas, je respecte une certaine distance. Je sais bien que je ne suis l'amie d'aucun de ces hommes. Je suis un public fidèle et assidu, une femme intelligente et allumée et c'est tout. Ils me rendent heureuse et vibrante pendant que je suis dans leurs salles et ça me suffit amplement.

J'établis ces bases parce que hier c'était la journée Bell cause pour la cause et qu'aujourd'hui, j'ai entendu parler d'érotomanie et que tout ça enchevêtré, ça m'a perturbée. Moi qui me sais fragile de la tête, j'ai vraiment pris le temps de me demander si j'avais un jours franchi une limite, possiblement, avec un homme que j'admirais à cause de sa personnalité publique. J'ai fini par me rassurer et me dire que non. Je suis une groupie de salon, sympathique et pas invasive.

De toute manière, je dis et répète depuis des années, que je n'ai aucune envie de savoir comment ces hommes-là embrassent. Je les préfère sur le piédestal sur lequel je les ai juchés, pour me permettre de rêver à ma guise.

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