jeudi, août 31, 2006

Une bouteille dans le sable

Voici encore un texte pour le Coitus impromptus. Cette semaine le thème était une bouteille dans le sable.

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La journée était chaude et les enfants couraient sur la plage entre l'eau et les parasols sous lesquels étaient installés les adultes qui discutaient entre eux tout en gardant leur progéniture à l'oeil. Un petit groupe d'adolescentes faisait des messes basses en regardant les sauveteurs d'une manière qu'elles voulaient subtile, mais qui ne l'était pas du tout. Je faisais semblant de dormir, non loin d'elles ce qui me permettait de capter les secrets de leurs inclinaisons, que je n'aurais pas pu connaître, autrement. J'avais depuis longtemps un fort penchant pour Aurélie, ce qu'elle ignorait, bien entendu. Cette fille avait toujours eu le chic pour me mettre dans tous mes états d'un simple haussement d'épaules. Il y avait dans ses petits gestes désinvoltes, dans sa façon de ne pas se trouver belle, quelque chose qui m'arrachait le coeur, chaque fois.

Durant, l'année, je m'étais aménagé un espace dans les buissons sous les fenêtres de ma soeur Sophie ce qui me permettait d'épier un peu plus les secrets que les filles voulaient soigneusement me cacher. Je savais pour qui le coeur de celle-ci ou celle-là battait. Et je pleurais, en silence, les peines d'Aurélie.

C'était mon secret, très bien gardé. Les autres garçons de mon âge, avec qui nous partagions les vacances depuis des années, ne le soupçonnaient même pas. Quand le soir tombait et que nous partions en expéditions de chasses, je jouais les mêmes jeux qu'eux et je me laissais souvent aller à voler un baiser sur les lèvres pulpeuses des jeunes filles que nous rencontrions au hasard de nos pérégrinations. J'avais cette facilité pour en faire succomber plus d'une parce que chantais autour des feux sur la grève, penché sur ma guitare. C'était comme un appel pour les sirènes de ces étés insouciants. Et ça me permettait de laisser croire que j'étais déjà blasé à 18 ans, quand au fond, je n'étais qu'un amoureux, mal dégourdi qui attendait patiemment que sa belle le voit.

À la toute fin des vacances de ce dernier été que je passerais en entier à la plage avec toute la famille, j'avais ouvert mon coeur dans une lettre et plutôt que de la lancer à l'océan turbulent, je l'avait enterrée loin des ressacs, près de la maison familiale, à bonne distance de l'air pour bien la conserver. En cette journée d'août si belle qui me permettait une fois de plus d'espionner les filles, j'étais assez satisfait de moi.

Douze ans plus tard, lorsque Grand-mère est morte et que nous sommes tous retrouvés pour la première fois au même endroit, j'ai passé la soirée tout seul sur le ponton à me remémorer les souvenirs heureux de mes étés dépassés. J'entendais les bruits étouffés qui venaient de la maison et je me suis rappelé de ma bouteille enfouie quelque part dans le sable, près des habitations. Je me suis levé pour aller la récupérer, porté par un parfum de nostalgie avec lequel je me sentais en harmonie, mais à l'endroit où j'avais autrefois caché mon grand secret il y avait des plates bandes qui n'avaient jamais été là auparavant.

J'étais là, déboussolé, à me demander où cette foutu bouteille avait bien pu atterrir quand j'ai entendu la voix d'Aurélie dans mon dos : « C'est ça que tu cherches, me dit-elle en me présentant des tessons usés, ou peut-être davantage ce qu'il y avait à l'intérieur?» J'ai hoché la tête en signe d'acquiescement et elle a sourit avant d'ajouter : « Je l'ai trouvée il y a quelques années et j'ai reconnu mon nom à l'intérieur. J'ai cassé la bouteille et c'est comme ça que j'ai su que tu étais amoureux de moi. Je n'ai jamais jugé bon de te signaler que j'avais percé ton secret. Mais je peux te dire aujourd'hui que c'est ce qui m'a donné le courage, autrefois, de te dire je t'aime, une première fois. »

dimanche, août 27, 2006

La dentelle de ton regard...

Voici ma contribution pour le Coitus impromptus de la semaine. Les contraintes étaient que nous devions écrire une nouvelle dans le ton du polar et que le texte devait se terminer par la dentelle de ton regard illuminait le restaurant chinois.


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Je me tenais avec la policière derrière le miroir sans tain. L'équipe d'enquêteurs avait accepté que j'assiste à ce premier interrogatoire. C'était exceptionnel, je le savais. Mais je crois que Catherine Johnson avait compris que pour terminer ce cauchemar, je devais savoir. Plus que savoir, comprendre, ce qui s'était passé dans la tête de cet homme.

Lorsque je l'avais rencontré, quelques mois plus tôt, jamais je ne me serais doutée qu'il m'entraînerait dans une lente descente aux enfers. C'était un après-midi d'été et une amie nous avait présentés dans un restaurant où je l'avait aperçue dans la vitrine, en passant devant. Elle avait toujours eu l'habitude de fréquenter toute sorte de gens, plus étranges les uns que les autres. Celui-là me semblait plus équilibré que la moyenne, je n'ai donc pas usé de plus de prudence qu'il ne le fallait. Mon erreur, ma plus grande erreur, a été d'être gentille avec lui, comme je le suis d'ordinaire avec les gens que je rencontre. Je lui ai laissé mon numéro de téléphone, en toute bonne foi.

J'ai rapidement réalisé qu'il était un peu amoureux de moi, alors je lui ai dit que je ne l'étais pas. Avec le plus de tact possible. Je croyais sincèrement qu'il avait compris. Je ne me suis pas méfiée. C'est à ce moment qu'il s'est mis à m'envoyer des lettres bizarres. Qu'il venait déposer dans ma boîte à lettre. Des lettres manuscrites, tracées de son écriture difficile à déchiffrer. Dans lesquelles il me racontait tout ce que j'avais fait des journées espaçant nos rencontres. J'ai fait changer toutes les serrures de mon appartement et je lui ai dit que je ne voulais plus le voir. Dès lors, je me suis mise à le croiser partout. Jusque dans les spectacles que j'allais voir à l'extérieur de la ville. Et au lieu de regarder le show, ses yeux étaient continuellement fixés sur moi. Mes amies, ma famille me disaient de porter plainte. Mais j'hésitais. Je me disais que ça allait bien cesser.

Mais ça n'a été que pire. Dans les lettres que je ne voulais plus lire, il me disait qu'il me comprenait, qu'il me connaissait. J'en versais des larmes de rage. Il ne me connaissait pas. Il connaissait ce qu'il imaginait de moi. Pas la femme que j'étais. J'ai fini par demander à Simon de venir habiter avec moi. Il se payait ma gueule au départ, mais lorsqu'il a pris connaissance des lettres, de leurs détails hallucinants, il compris que c'était sérieux. Je ne sortais plus jamais sans lui. Il venait me chercher au travail tous les jours et s'il ne pouvait pas y être, c'était ma mère ou d'autres amis qui m'escortaient. Il va sans dire qu'à ce moment, j'avais porté plainte. C'est ainsi que j'ai fait la connaissance de Catherine Johson. Et de son collègue Claude Simard. Je crois, que Simard ne me prenait pas très au sérieux, au tout début. Mais quand il a été obligé de constater que quelqu'un réussissait à entrer par effraction chez moi, quelle que soit la fréquence avec laquelle je faisais changer les serrures, il a commencé à me croire. IL a eu droit à une interdiction de m'approcher à moins de 500 mètres.

Une nuit, je me suis réveillée et IL était dans ma chambre. Tranquillement assis à me raconter des histoires abracadabrantes sur la profondeur de notre amour. Simon était dans la chambre d'à côté et rien ne laissait présager qu'il s'était réveillé. J'ai fait semblant de continuer à dormir. Il est parti à l'aube. Me laissant transie de peur. J'ai réveillé Simon qui a contacté Jonhson. Les policiers sont venus avec l'équipe technique pour trouver des traces d'effraction et relever les empreintes. Ils l'ont arrêté sur les lieux de son travail, quelques heures plus tard. Et j'ai été eu droit de regarder l'interrogatoire.

Claude Simard me faisait dos et je voyait bien Sylvain. Il a commencé par les questions de routine sur ses activités de la nuit. Et Sylvain n'a pas nié. Il a simplement dit qu'il avait passé la nuit chez sa blonde. Je n'étais pas sa blonde, sauf dans son imaginaire tordu. J'ai failli tourner de l'oeil quand Simard a demandé à Sylvain pourquoi il pensait que j'étais sa conjointe. À ce moment il a fixé le miroir sans tain, comme s'il me voyait à travers et il a simplement, dit : « Parce que la dentelle de ton regard illuminait le restaurant chinois. »

mercredi, août 23, 2006

Les monstres de l'intime

J'ai bercé mon adolescence de la prose de Lucy-Maud Montgomery avec un fort penchant pour les aventures d'Émilie de la Nouvelle-Lune. Comme moi, elle avait la plume qui la démangeait a des heures improbables lors de nuits sans sommeil qui la laissait cernée des pensées récurrentes taraudant les heures qui passaient trop lentement. Ces moments durant lesquels mes yeux observaient le noir de la nuit, guettant ma solitude comme un prédateur qui me ravirait le repos. Elle écrivait : « je déteste trois heures du matin », j'en suis venue à penser comme elle.

J'ai connu des nuits entières à tendre les oreilles pour capter le premier bruit qui indiquerait que l'aube approche, des nuits à laisser la télé et la radio allumées parce que le silence prenait mes pensées en écho jusqu'à me faire crier la douleur d'être seule. Des nuits durant lesquelles je me convainquais que s'il y avait eu quelqu'un avec moi, un homme amoureux par exemple, j'aurais pu me tourner vers lui pour arrêter le supplice des idées qui criaient dans ma tête. Ce n'était que foutaise parce que je savais que lorsque je n'étais pas seule, j'avais beaucoup trop peur de déranger pour me risquer à réveiller mon conjoint. Qui plus est, j'avais la conviction qu'il me dirait, sans s'en rendre compte, que c'était le temps de dormir et non celui de ressasser ma vie dans toutes les directions.

Au début, au tout début, je me levais et j'écrivais. Mes douleurs, mes peines, mes rages, mes incompréhension. Puis, lentement, mêmes les mots me sont devenus étrangers. Je ne savais plus comment écrire. J'avais terré dans le ventre le Grand Censeur qui me narguais de son oeil torve en me serinant : « Mathilde, cesse donc d'écrire, t'as pas de talent! De toute manière à l'époque où nous vivons tout a déjà été écrit. À quoi bon répéter ce que tout le monde a déjà dit? » Alors, les nuits sans lumière sont devenues mes ennemies. Je n'avais plus la rage d'écrire, encore moins celle de dire. J'avais tellement peur de déranger qui que ce soit que je n'appelais presque plus. Il me restait le Journal de Mamathilde que j'envoyais de par le monde, un exutoire de plus un plus fragile parce que celui-ci s'éloignait toujours un peu plus du fond de mon âme. Et puis je me suis tue. Complètement.

Quand les villes dormaient autour de moi, j'avais le coeur en palpitations et les mains gourdes. Je ne pleurais pas, mais je sentais bien que mon coeur était rempli de désespoir. Je me réveillais en sursaut dès que mes paupières se touchaient et j'avais envie de hurler que je n'en pouvais plus d'être seule. Je voulais un nouveau coeur pour respirer enfin, un peu. Je voulais que quelqu'un d'autre prenne le relais de ma vie, pour faire taire les angoisses grandissantes qui me serraient les tripes. J'ai survolé la vie durant plusieurs années ainsi. Sans me rendre compte de la chute. Et j'ai touché le fond. C'était vaseux et inconfortable. C'était lourd et étouffant. Je ne savais plus comment donner un élan à ma pesanteur pour remonter à la surface. Je sais aujourd'hui que je me serais rendue au bout de ma vie si personne ne m'avait amenée de force consulter.

Mais je suis une battante. Comme mon prénom l'indique, Mathilde signifiant : « forte au combat. » J'ai léché mes plaies, avec l'aide d'une équipe de psy qui m'ont redonné le courage de vivre et de croire en moi. Puis, j'ai retrouvé le chemin des mots. Et l'énergie qui m'a toujours caractérisée est revenue n'habiter. Elle était, au départ, un tout petit oiseau chenu, cependant je la sens de plus en plus vivace tandis que mes nuits éveillées se font de plus en plus rares.

Par contre, il m'arrive encore de reconnaître la bête tapie au fond de moi. Je ne me tais plus et je crie que je n'en veux plus. Au lieu de fuir, je la regarde dans les yeux et je lui dit que je suis plus grande qu'elle parce que désormais je la connais et je la reconnais. Désormais, je connais ses sources. Néanmoins, il m'arrive encore de passer la moitié de la nuit éveillée. Alors je compose des histoires jolies que je fini un moment donné par mettre en ligne. Et je me dis que tant que je saurai encore écrire un peu de moi à travers un écran, tout n'est pas perdu. Mes monstres intimes ne me vaincront plus.

dimanche, août 20, 2006

Chroniques dans le pot de fleurs

23 - De petites menottes décapitantes

Ma chère Marie,

J'ai entendu dire que ton hôte avait fait publier un recueil de nouvelles. Maman et Juli sont tellement énervées qu'il m'arrive de me demander qui sont les adultes dans cette maison. Pffffffffffff, tu aurais dû les voir, de vraies petites filles sautillantes pour une histoire de perruches cuites! Moi qui pensais que c'étaient des animaux de compagnie, je les ai trouvées bien cruelles de se réjouir de leur cuisson! Il doit y avoir quelque chose que je n'ai pas compris.

Ici nous connaissons un été en dents de scie : il fait chaud et étouffant une journée et le lendemain la pluie nous tombe dessus amenant avec elle un fond d'air presque froid. Je vais finir par attraper un rhume moi! Maman m'a demandé si je voulais rentrer maintenant, mais je ne trouve pas qu'il fasse encore assez froid pour quitter ce balcon que j'aime. J'y suis tellement bien! Quoique j'aie été victime d'un petit voisin qui voulait offrir des fleurs à sa maman alors il m'a arraché des boutons. Ça a vraiment fait mal! J'avais une tige toute cassée que Maman a taillée pour arrêter la douleur. Gentille Maman.

Je t'avais dit, l'autre jour, qu'il y avait deux chats à la maison. Finalement, Radjah nous a quittés depuis un certain temps parce qu'il marquait. C'est ce qu'on m'a expliqué. Je ne suis pas tout à fait certain de ce que ça signifie, mais je crois qu'il essayait de se faire un jardin à lui tout seul pour que les autres chats garçons ne viennent pas à la maison. Ça sentait presque aussi mauvais que la crotte de poule que maman mets quelquefois sur ma terre pour me prémunir des écureuils. Alors Radjah est parti dans une autre maison. Depuis Cachemire se prend pour la duchesse de séant. Je sais qu'elle n'aime pas du tout être toute seule, Maman dit que c'est une dépendante affective alors dès que nous sommes seuls à la maison, sans les humains qui l'habitent je veux dire, elle fait des crises de larmes. J'ai beau lui dire que je suis là, d'essayer de la calmer un peu, elle miaule à fendre l'âme pendant de longues minutes. En plus, elle snob alors elle ne fraie pas avec les plantes. C'est elle qui me l'a dit. Moi, je la trouve un peu ridicule.

Maman a dit que peut-être que ton Charles viendrait nous voir dans notre nouvelle maison bientôt parce qu'il aurait à faire à Montréal. J'espère bien que c'est vrai comme cela je pourrai lui poser toutes les questions que je me pose depuis que Maman m'a annoncé que cet homme avait l'intention de te trimer la chevelure. Pas que je t'aimerais moins si tu avais une coupe à la garçonne remarque, simplement, je sais à quel point tu es fière de tes vagues ruisselantes.

Bon, je vais quitter l'ordinateur parce que Maman s'impatiente derrière moi, elle veut faire ses mots-croisés en ligne avant de partir travailler. Je n'en voit pas l'intérêt, m'enfin, ce ne sera pas la première fois que trouverais les adultes bizarres.

Je pense à toi tout le temps,

Ton Roger xxx

mercredi, août 16, 2006

Depuis que les perruches ont une âme

J'ai super mal dormi cette nuit. J'ai eu les crises d'angoisse récurrentes que je connais trop bien. Quand les heures du noir m'éveillent à 3 heures du matins et que je vois les aiguilles des horloges filer à contre temps les minutes impossibles, je sais que mes propres descentes aux enfers sont à la porte de mes nuits. Je me croyais seule à l'appartement. Je me suis rendormie sans vraiment trouver la paix nécessaire au sommeil réparateur. À 7h30, j'ai entendu du bruit juste à côté de ma tête. Je me suis assise en sursaut dans mon lit, le coeur battant à la chamade. Pour constater qu'une coloc était-là. À quatre personnes dans un appartement, remarquez, c'est plus que normal. À la librairie, c'est l'hécatombe, alors malgré ma fatigue lancinante, j'ai enfourché mon destrier et je me suis rendue, tant bien que mal, jusqu'au travail. J'avais une bonne raison d'y être de toute manière.

À 9 heures, j'avais une boule dans le ventre. Une boule de joie en devenir. Nous somme le 16 août 2006. C'est une journée importante. Toute la matinée, j'ai regardé passer les livreurs devant le comptoir, sans trop vouloir m'en éloigner. J'attendais. Les clients me dérangeaient dans mon attente impatiente. Il manquait encore quelqu'un ce matin alors le temps couru les minutes et déjà il fallait que j'aille manger. J'ai quitté le comptoir avec une certaine réticence, paniquée à l'idée de perdre mon poste d'observation. Je n'avais pas tellement le choix, du reste. Je me suis enfouie les yeux dans du Mankell pour faire taire mes pensées. J'ai dévoré mon livre davantage que je n'ai goûté à mon repas, qui ne pouvait être autrement que fade. Je suis retournée à mon poste à 13h00.

J'avais le coeur en voie d'explosion. Il était si gros dans ma poitrine que j'avais l'impression que tout le monde pouvait le voir et l'entendre. Mes mains étaient moites pendant que ma concentration faisait des folies. Et puis, j'ai vu le chariot ensevelit sous des boîtes Prologue. Et j'ai su que la réalité rattrapait la fiction. Ou peut-être bien que c'était l'inverse. Depuis un froid matin du mois de décembre dernier, j'espérais moment sans vraiment oser y croire. Ce jour-là, j'avais été réveillée par la voix cassée de cet ami qui m'annonçait qu'il allait être publié. Et je savais en voyant passer les boîtes ornées de collants rouges et bleus que le livre s'y trouvait.


C'est un recueil de nouvelles brèves intitulé : Les perruches sont cuites et publié chez Leméac. L'auteur s'appelle Charles Bolduc et c'est un ami précieux. J'ai galopé jusqu'à la réception pour dire à la personne de faction que le livre de mon ami se trouvait dans les boites et je suis revenue au comptoir, rayonnante. Quelques seconde plus tard, l'employée m'apportait une copie du dit livre que je me suis empressée d'acheter. Et j'ai traversé la librairie dans tous les sens pour montrer la chose à tous mes collègues. Ils s'en sont amusés, bien entendu. Ils me disaient : « T'es vraiment drôle Mathilde, quand tu t'énerves comme ça. » Mais je sais aussi qu'ils me croient lorsque j'affirme que c'est de la bonne littérature. Que ce n'est pas que l'amitié qui me fait parler. D'ailleurs, ceux d'entres-vous qui arpentez mes chemins depuis longtemps, avez sans doute fait la connaissance de sa plume à l'époque où il faisait parler le Bazar d'heures.

Il n'était pas 14h00, j'avais le livre dans mes mains et une énorme envie de pleurer du pur bonheur de partager la fierté d'un ami. Je sais bien que je suis vendue, cependant, posez-y les yeux si vous le pouvez. Vous pourrez alors constater qu'il y a, dans cette prose, un rythme et une finesse dans le trait des mots qui valent largement le détour.

Les perruches sont peut-être cuites, mais les âmes, elles, continuent de voler.

mardi, août 15, 2006

Un pont sur l'Atlantique...

Voici ma contribution au Coïtus impromptus. Bonne lecture!

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Enfant, je croyais sincèrement qu'il était possible de traverser l'Atlantique en marchant. Je ne voyais pas pourquoi mon père devait prendre un avion quand les hasards de la vie l'amenaient à survoler l'océan. Je me voyais traverser un immense pont, dont je ne verrai pas le bout, munie de ma petite valise et de mon chien en tissu jaune, tacheté de motifs en locomotive, qui avait été fabriqué pour moi. J'allais franchir le pont pour me rendre jusqu'aux pays des contes de fée. Parce que je croyais sincèrement que les fées habitaient dans ces pays lointains puisqu'elles n'habitaient pas chez moi.

J'avais vu, sur des photos de voyage de mes parents, de vrais châteaux. Alors j'étais certaine que les princes et les princesses étaient nombreux à sillonner les routes d'Europe. Et pour moi, tout ce continent n'était qu'un grand pays, dans lequel, évidemment, tout le monde parlait français. Jamais je n'aurais pu imaginer que les contes de Grimm ou ceux d'Anderson aient pu être écrit dans une autre langue, à l'origine. Et puis, je croyais que c'était vrai. Je voulais rencontrer Cendrillon et Peau d'âne pour leur dire que moi je les avais aimées dès le départ. Je trouvais bien triste qu'elles aient été rejetées si longtemps. Blanche-Neige me causait moins de soucis parce qu'elle avait tous ces nains comme amis. Par conséquent, elle n'avait pas besoin de moi.

Je crois que j'ai compris que ces histoires n'étaient pas véridiques le jour où j'ai appris que le Père-Noël n'existait pas. Grande désillusion. J'ai fini par comprendre aussi que les châteaux européens ne regorgeaient pas de princesses et de magiciens. Mais j'ai gardé le goût des contes et du fantastique. Encore aujourd'hui, je préfère les histoires qui finissent bien. Les autres me laissent songeuse. Alors j'écris des contes et des aventures qui n'ont pas vraiment eu lieu simplement pour nourrir mon besoin de fantaisie.

Et c'est par ce biais que j'ai tissé d'autres ponts au-dessus de l'Atlantique. Des ponts d'images et de mots. Des ponts d'histoires. Je me suis laisser allée à pondre des petits textes qui sont aller se ficher dans le regard de certaines personnes. Je ne vois plus ces ponts comme des structures en béton sur lesquelles je pourrais poser les pieds, mais bien comme des liens importants et durables entre moi et ces gens qui lisent mes lignes et me découvrent peu à peu dans les interstices des silences qui se glissent entre elles.

Aujourd'hui, mes ponts au dessus de l'Atantique sont invisibles, mais je les sais solides et permanents. Et puis, chacun d'entre eux porte un nom.

samedi, août 12, 2006

Des étoiles qui filent les ciels de l'été

Il y a des hommes qui filent comme le vent dans un souvenir estival. Des hommes que l'on ne peut retenir dans les ancrages dont on a l'habitude. Des hommes qui se pointent au hasard d'un détour et qui te regardent de leurs yeux amusés te rappelant des milliers de mémoires sorties de passés confus puisque trop éloignés de la réalité quotidienne. Des hommes qui te disent « à bientôt » tandis que tu sais que les délais s'additionneront sans que tu puisses y remédier. Mais tu verras des sourires à des distances infinies, sincères et repentants tandis que tu songeras que rien, jamais, ne changera.

Il y a des hommes qui te feront enrager des heures durant à attendre un appel qui ne viendra pas. Des hommes qui reviendront penauds, te trouver quelques semaines plus tard pour t'expliquer en long et en large pourquoi ils n'ont pas pu être fidèles au rendez-vous. Et tu sauras trouver entre les lignes tous les mensonges pas omission, les mêmes que tu voyais si bien quand, à l'époque de vos premiers contacts, tu les attendais indéfiniment sur le muret de pierres qui présidait à vos échanges. Ils te diront : «Mathilde, c'est contre ma volonté, je te le jure» mais des amis te raconteront qu'ils les ont vu en ville avec une autre, dont ils te taisent soigneusement l'identité. Tu les regarderas en silence, te promettant dans ton fort intérieur que cette fois ils ne t'auront pas, tout en sachant au coeur de ton âme que tu auras à te battre contre toutes tes inclinaisons pour te préserver de leur charme.

Il y a des hommes de qui tu dis : « Ils m'énervent! » comme un grondement venu du fond de toi-même, en assurant ton entourage que tu vois clair et que tes yeux sont froids. Des hommes qui savent découper toutes les syllabes de ton prénom comme s'ils détenaient une clef toute particulière pour t'atteindre Et tu laisseras encore les notes de leurs octaves se lover aux courbes de tes espérances tout en te doutant qu'il n'en sera rien. Il y a des hommes que tu ne pourras jamais contrôler et dont tu ne pourras encore moins contrôler l'impact sur le tumulte de tes émotions. Et tu te souviendras d'une soirée d'automne, dans un wagon de métro surchargé, de ce que tu avais dit à une amie avant de cesser tout contact.

Il y a des soirées lors desquelles tu reviens d'un endroit où tu ne pensais plus jamais mettre les pieds parce que tes peurs t'en avaient tenue éloignée pendant de longues années, le corps douloureux comme si tu avais chevauché les étalons fous de tes souvenirs tandis que tu n'avais que regardé tes craintes dans le fonds des yeux. Des soirées parsemées de commentaires sur les hommes qui surgissent de nulle part pendant que la conductrice à tes côtés s'écroulera de rire en te disant qu'elle ne t'avais jamais vu réagir comme cela.

Il y a des hommes dans ta vie qui seront toujours des étoiles filantes, et tu ne pourras que les regarder passer dans les soirées d'été.

vendredi, août 11, 2006

De matin en descente

C'était un matin de novembre. Un petit matin gris de ces aubes froides qui vous chavirent le coeur. Sur la table basse, gisaient les bouteilles de vin rappelant la soirée précédente. Et les cendrier trop pleins laissaient filtrer un parfum rassit et acre. Blottie sur le divan, j'avais la bouche pâteuse et les sens encore un peu engourdis. Je me rappelle encore de ta main sur mon front qui chassait les boucles rebelles et tes yeux de jais qui me tardaient de leur tendresse infinie. J'avais le coeur de travers, la gorge serrée cependant que mes yeux étaient secs.


Je me rappelle de la peur qui grandissait dans mes tripes. Je crois que je n'avais jamais laisser quiconque m'approcher d'aussi près. Jamais avant ce soir-là. Et je n'avais rien vu venir. Pourtant, la soirée avait commencée comme toutes les autres, parsemée de rires et de bonne entente. Pourtant, je croyais que j'étais en contrôle. Mais tu as posé tes doigts sur mon visage, dans un geste retenu et hésitant, comme si la chaleur de ma chair était un cristal fragile. Alors j'ai perdu pied. Il y avait dans le geste, quelque chose de tellement généreux que j'en perdais tous mes repères. Il y avait une promesse d'attente.

J'avais envie de hurler que tu me trahissais. J'avais envie de fuir jusqu'au bout de mes silences, sentant très bien tous les tiens m'y rejoindraient, quels que soient les recoins de moi-même où je tenterais de me terrer. Tu me disais que tu voudrais que je me trouve belle autant que je l'étais et je te traitais de menteur, en esprit. Ma mine renfrognée devait te dire tout ce que je taisais. Je sentais confusément que tu me comprenais et que mes réticences ne t'arrêteraient pas. J'avais sous les yeux une offrande généreuse et gratuite, que je ne savais que refuser.

Au creux de la nuit, quand je me suis effondrée de sommeil, tu caressais ma chevelure pour me protéger de mes démons intérieurs. Je te sentais là, je te savais là, et je me débattais contre l'engourdissement pour chasser cette main aimante que je ne savais accepter. J'étais en danger parce que tu me prenais telle que j'étais. Avec mes peurs et mes angoisses, avec toutes ces larmes qui ne coulaient plus. Avec ces blessures à peine voilées qui t'étaient transparentes.

C'était un matin de novembre, une de ces aubes mornes qui vous gèlent la moelle. Tu étais couché dans ce lit qui bouffait la plus grande partie de la pièce tandis que m'enfuyais loin de toi et de ta générosité. Je ne t'ai laissé ni adresse ni numéro de téléphone. On ne s'est plus jamais revu. Mais parfois, au moment où mes nuits tanguent, je me demande ce que je serais devenue, si j'avais eu le courage de t'aimer.

mercredi, août 09, 2006

Vice et version

Voici ma contribution de la semaine pour le Coïtus impromptus. C'est un petit clin d'oeil à quelqu'un que j'aime beaucoup en tordant la réalité un peu.

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Dans la petite chambre d'étudiant, Judith passe la seconde manche de son chandail en essayant de ne pas réveiller Max qui dort. Tout lui semble soudainement plus rapproché et chacun des objets dans cette pièce lui donne l'impression qu'il est sur le point de tomber dans un éclat de bruits qui assourdirait la nuit. Elle cherche désespérément son string dans cette petite pièce jonchée des vêtements que Max n'a pas rangés depuis longtemps puis décide d'enfiler son jeans, renonçant à trouver la petite pièce de tissu qu'elle ne reconnaît pas dans la lumière tamisée que la lune laisse filtrer à travers les stores mal fermés. Elle rigole en se disant que Max aura un souvenir.

Dans la lumière aveuglante du corridor éclairé aux néons, elle attrape son cellulaire :
-Jules? T'es là? Je m'en retourne là.
-Déjà? J'aurais pensé que...
-Non. C'était plus qu'ordinaire.
-T'as combien de temps à faire?
-Je ne sais pas... Vingt minutes j'imagine.
-Bon alors raconte.
-Y'a rien à dire. C'était froid.
-Vraiment?
-Oui.
-...
-On s'est rencontrés, comme prévu, au bar. Il avait l'air content de me voir. Et tu me connais, je me suis lancée tout de go. Je me suis organisé ma fin de soirée. Il y avait cette énergie sexuelle qui traînait entre nous depuis la première rencontre. Je la sentais de manière latente toutes les fois où on se croisait. Je crois que je m'imaginais que ce serait le pied simplement à cause de cela. Mais sérieusement, ça fait patate.
-T'es déçue.
-Ben oui, je suis déçue! Tsé, j'avais le sentiment que mon corps ou un autre, ça aurait été la même chose. Il n'y avait pas de tendresse dans ses gestes. J'ai une morsure évidente sur le sein gauche comme si la seule chose qu'il voulait garder c'était un bout de ma peau. Et puis, j'ai perdu mon string rose.
-Celui avec le papillon sur le côté?
-Ouais.
-Il te faisait bien.
-Tourne pas le fer dans la plaie veux-tu?
-Mais je préfère le noir. Il te fait de plus jolies fesses.
-Flatteur! Pis toi?
-Bah... J'ai apprécié. Les bruits étaient convaincants et j'ai toujours eu un faible pour ta voix qui feule quand tu recherches le plaisir. Alors pour moi, c'était une bonne soirée.
-T'es rien qu'un voyeur! Auditif, mais voyeur pareil!
-Je le sais. T'es rendue où?
-Coin Beaubien.
-T'as ta clef?
-Oui, oui.
-Je t'attends... Et je sais que t'as pas de petite culotte.

Judith sourit et raccroche. Elle déverrouille la porte et trouve son Jules souriant qui lui tend les bras. Elle s'y love en disant : « Mais pourquoi dans le monde, je ne suis pas amoureuse de toi? »

lundi, août 07, 2006

Rencontre en BMX

C'était l'été, un mois de juillet comme tous les autres pourtant, ma vie allait être transformée par quelques rencontres que je n'avais pas prévues. Je ne me rappelle plus exactement de quelle manière j'avais fait la connaissance de ce gars, mais je me souviens que bien avant l'avoir vu, il y avait autour de lui une aura toute particulière. Il était LE gars dont les filles de mon âge parlaient, sans relâche. Une de mes voisines m'en avait fait l'éloge bien des fois tandis que des collègues de travail ne rêvaient que de lui. Bien avant d'être un garçon, il était un mythe.

Je crois que je flânais devant la maison quand deux gars en BMX sortis de nulle part, se sont arrêtés pour me parler. Il y avait un blond et un brun. Au cours de la discussion, j'ai compris que le brun au coq volumineux était THE ONE, celui dont les filles me racontaient les moindres gestes depuis plusieurs mois déjà. Je ne le lui ai pas dit, je savais déjà garder des informations pertinentes pour moi. Et puis j'ai toujours eu beaucoup de difficulté avec ceux qui savent qu'ils sont populaires et beaux. Ce fut une discussion à bâtons rompus. Je crois qu'il m'a laissé son numéro de téléphone que je me suis empressé de perdre. Mais je lui avait dit où je travaillais et il a dû venir me trouver.

Quand on a quinze ans, un ego en décomposition et un taux de popularité qui frise le 0 kelvin, on regarde s'approcher de soi le Rock-à-Billy à la démarche dansante un peu comme s'il était un martien : on n'y croit pas. Sauf qu'il eut une certaine permanence dans ma vie. Quelques années au moins. Il me faisait peur. Avec son charme décapant et ses mouvements chaloupés. Il m'effrayait entre autres parce qu'il se dégageait de lui quelque chose de très sensuel ou sexuel peut-être qui me poussait à m'enfuir le plus loin possible. J'avais davantage de peur que de curiosité à l'époque, pour ce genre d'expérience. Et ce garçon que j'appellerai Billy ici, à cause de son look, avait dans le coin du sourire en fossette un petit côté irrévérencieux, laissant entrevoir des avenues que je préférais ne pas encore emprunter.

Lorsque mes amies comprirent que je m'étais mise à lui parler, les anecdotes à son sujet se mirent à me pleuvoir sur la tête ; j'étais devenue le dépositaire de savoirs que j'aurais mieux aimer ignorer. Et toutes les peines d'amour de ces donzelles me furent confiées au coeurs de missives illégalement échangées pendant les heures de cours. Billy était mon ami, celui qui ne pouvait pas me plaire parce que les filles étaient amoureuses de lui. Je ne pouvais pas trahir leur confiance. Et je ne l'ai pas fait. De toute manière, je n'aurais jamais cru qu'il puisse être amoureux de moi.

Quelques jours après notre première rencontre, j'ai fait la connaissance de cet autre garçon, dont je fis mon premier amoureux. Je crois que parce que le second était nettement moins populaire et en vue, j'avais l'impression que c'était moins dangereux pour moi. Avec le recul je sais pertinemment que Billy ne m'aurait jamais fait consciemment du mal. Tandis que l'autre m'a plutôt mal traitée. M'enfin... je crois que je n'ai jamais pu croire Billy parce qu'il tenait davantage du mythe que de la réalité. Malgré le fait que nous nous soyons vus plusieurs années en amis. Lorsqu'il me disait que j'étais très jolie, je pensais, en toute innocence que je n'étais qu'une proie possible pour le félin qu'il était. Mais aujourd'hui, je pense qu'il était sincère lorsqu'il me disait qu'il était amoureux de moi.

Il est passé à la librairie aujourd'hui. Au hasard de déambulations qui l'ont mis sur mon chemin plus de dix ans après notre dernière rencontre. Je l'ai reconnu à l'accent et au sourire au moment même où il m'a posé sa question. Il n'a plus le coq qui le caractérisait, le temps lui ayant clairsemé la chevelure. Mais il a gardé les mêmes fossettes et le sourire ravageur que je connais si bien.

C'était une rencontre fortuite, dans une soirée d'été comme tant d'autres. Moi, j'ai passé la soirée à revivre les mille et un souvenirs qui me refluaient dans la tête. Et je souriais.

samedi, août 05, 2006

L'astronaute

Émilie était assise dans le haut des escaliers. Toute tranquille et silencieuse à écouter les discussions des adultes. Elle espérait que Maman ne se souviendrait pas qu'il y avait école demain et et que ça faisait 2 fois déjà qu'elle lui ordonnait d'aller au lit. Mais lorsqu'elle croisa le regard de Paul, par inadvertance, quelque chose dans ses yeux lui appris que peine était perdue : la Maman-Capitaine, n'oublierait pas. De son perchoir, dans sa robe rose aux larges volants Émilie suçait ses doigts en silence occupée à vivre, pour une soirée, une vie d'adulte. Sans qu'elle ne l'ait vue arrivée Maman fut soudain derrière elle dans toute sans grandeur ulcérée de mère à qui les petites filles n'obéissent pas. Penaude Émilie jeta un coup d'oeil rapide à Paul qui se contenta de hausser les épaules, vaincu par la prestance maternelle.

Dans la chambre trop propre, il y avait sur le lit le livre sur l'espace que Paul avait pris à la bibliothèque un peu plus tôt dans la journée. Alors le sol se déroba sous les pieds de la fillette tandis que les murs de la chambre s'estompaient. Elle était devenue l'astronaute. Elle constata rapidement que le revêtement extérieur de sa navette sidérale avait quelques avanies. Il lui fallait donc aller effectuer les réparations de toute urgences. Sans perdre de temps, elle se précipita dans le sas pour enfiler sa combinaison d'extérieur. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, elle était prête à sortir. Elle le dit à son équipier dans la cabine de pilotage qui ouvrit les écoutilles, après toutes les manoeuvres usuelles de décompression. Il faisait étrangement noir dans l'espace, Émilie dût se munir d'une lampe-torche afin de voir adéquatement, la partie du revêtement qui avait été endommagée.

À ce moment, elle entendit la porte de la chambre s'ouvrir et par l'interstice de la porte du garde-robe, elle vit Maman ramasser la belle robe rose, la lisser du plat de la main et la déposer doucement sur la chaise. Dans l'espace, l'astronaute retenait son souffle, de peur de se faire surprendre, les dents à brosser. Lorsque Maman fut sortie, Émilie continua ses réparations urgentes et se dirigea vers l'antenne à laquelle la navette était accrochée pour lui faire un nettoyage en profondeur qui s'imposait. Et frotte, frotte, frotte, jusqu'à ce que la soucoupe brille de tous feux. Ensuite, seulement elle réintégra l'habitacle de la navette ou son équipe l'attendait, fière qu'elle eût réussi sa mission de réparation d'extrême urgence.

Elle était encore dans le sas de décompression à enlever sa combinaison spatiale pour rejoindre la cabine de pilotage quand la porte s'ouvrit à a volée sur une Maman mécontente qui trouva sa petite fille non pas en pyjama comme il se devrait mais avec la culotte passée sur ses bras et le chandail enfilé sur ses petites jambes potelées. Les yeux furieux de Maman indiquait clairement que la furie en elle était éveillée. Elle se contenta de dire d'une voix autoritaire : « Émilie, si j'ai à revenir dans cinq minutes pour te dire une fois de plus de te mettre au lit, tu vas savoir comment je m'appelle!»

La petite, penaude, remit rapidement son pyjama dans son sens habituel et se glissa dans les couvertures à toute vitesse. En se disant que décidément, les mamans ne comprenaient pas les exigences de la vie d'astronaute.

Note : Cette histoire n'est pas la mienne, c'est une copine qui m'avait raconté cette anecdote de son enfance que j'ai quelque peu trafiquée. Mais je crois que c'est surtout l'histoire de beaucoup d'enfants qui n'ont pas envie d'aller se coucher.

jeudi, août 03, 2006

Geekette penaude

Je me suis toujours trouvée assez bonne en informatique. Je suis une petite personne intelligente capable d'aménager son espace pour le comprendre le mieux possible. Je me suis toujours beaucoup amusée à jouer aux essais et erreurs pour finir par comprendre comment fonctionnait un truc ou un autre. Ainsi, dans le cadre de ma maîtrise, j'ai appris à faire des fiches dans excel et j'ai amélioré mon word tout personnel pour en faire quelque chose de convivial. Bref, je me pensais très bonne.

Par ailleurs, comme mes lecteurs le savent, j'ai déménagé avec un geek récemment. Il travaille donc mon Belzébut et en attendant que celui-ci soit franchement fonctionnel, j'utilise son ordinateur portable (pour le moment, le Belzébut en question est éventré sur la table à dessin). Dans une vague de changements drastiques, le geek en question a décidé de nous placer en interface Linux plutôt que le très conventionnel et connu windows.

Bip! Bip! Bip! Je suis perdue! Il y a plein de nouvelles choses que je ne comprends pas très bien. Il y a des fenêtres et des noms de programmes qui me sont totalement étrangers! AAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHH! Que faire? Je passe les trois quarts de mon temps à crier : «Lew! Viens à mon secours!» Et il se déplace de sa chambre à la mienne, parce qu'en plus d'être geek, il est gentil et serviable. Pendant que j'étais perplexe devant mon écran, je vois que Laurence se branche. Et je sais qu'elle utilise Linux depuis quelques mois. Alors je lui annonce fièrement que je me suis retrouvée abruptement dans cette interface.

Erreur! Alors voilà ma Laurence qui se met à faire l'apologie de ce système d'exploitation et que non contente d'en tenir des propos élogieux elle m'envoie des tonnes de trucs sur les programmes inhérents à Linux et de la manière de les mettre à ma main.

Ah vraiment? Mais il y a trop d'informations! Mon disque dur personnel est saturé. J'ai le sentiment de lire des caractères chinois tellement les mots me sont étrangers. Je ne comprends plus rien! Alors je crie : «Lew! Il faut que tu lises ce que Laurence m'écrit!» Elle raconte plein de trucs bizarres avec des mots comme Kopete et Kontact dont je suis censée comprendre la signification. Y a rien à faire cependant, je me sens aussi perdue que si on m'avait débarquée inopinément sur une planète lointaine où personne ne parlerait les langues terrestres. J'ai des sueurs dans le dos et les doigts gourds. Je me sens dépassée par les événements. Il y a quelquefois des fenêtres d'informations qui s'ouvrent en me parlant de je ne sais pas trop quoi. Oh vraiment, je me suis laissée devancée par la technologie! Et je me demande si je vais m'en sortir.

Alors je me dis : « Zen Mathilde, zen! » Et je fais quelques exercices de respiration réparateurs devant l'écran. Le sol reprend sa place, ma tête aussi. Je me sors tranquillement de la brume épaisse qui m'environnait tandis que je commence à comprendre les signaux que m'envoie mon nouvelle environnement.

Ouf! S'essayer à être geekette est un sport extrême, qu'on se le tienne pour dit.