mercredi, novembre 29, 2006

Me languir de toi

T'as posé ta main sur ma hanche, pour m'écarter de ton passage. Et moi, j'ai figé. Rivée sur le plancher qui s'est mis à danser sous mes pas. On ne se connaissait pas avant cette seconde. Deux inconnus sur les sols trop froids des nuits de novembre. Ma chair a gardé en mémoire les trace de ce geste innocent pendant que je retournais m'asseoir, secouée. Le tremblement dans ma voix et les étoiles qui scintillaient mon regard étaient éloquents. Tu es repassé, deux fois, tout près de moi. Surpris par la force de l'attraction. Comme si entre tes doigts et ma peau, un moule parfait s'était formé. Moi qui ne suis pourtant pas le type de fille que tu regarde d'ordinaire. Trop ordinaire et ronde pour tes critères de sélection. Mais la chimie se fout pas mal de telles considérations.

Tu m'as entendue rire. Un rire de gorge chaud, tributaire des octaves trop bas qui sont les miens. Mon rire s'est logé dans ton oreille comme un appel. Tu savais que c'était moi. Sans avoir besoin de me regarder. Sans avoir besoin de demander mon nom aux Quidams qui me connaissaient peut-être, autour de toi. La nuit s'est étirée entre les contacts que nous ne cherchions pas mais qui nous rapprochaient comme des aimants. Tu as pris ton temps pour poser ta paume dans mon dos pour dévier ma propre trajectoire, plus tard. Ma vie toute entière marquée dans les battements affolés de mes sens aux aguets. Tu m'as souris, timide. J'ai rougi en retour. Je te savais où que tu sois. Tu me savais où que j'aille. Sans mots. Sans promesses. Un néant entre nous qui comblait le vide. Un pont solide tissés de surprises impromptues.

T'as attrapée mon poignet pour me faire un baise-main romantique et me demander mon identité. Mes amies se sont mises à rire parce que c'était un petit peu trop formel, un petit peu trop romantique pour l'occasion. Les chamades de mes sens s'en allaient dans toutes les directions. Je m'enfonçais dans la vase du béton en balbutiant des phrases incomplètes. Chavirée par les vagues d'électricité qui coulait entre nos identités.

Tard dans la nuit, nous avons arpenté les rues froides sans sentir à quel point nos membres étaient gourds. Sans directions ni sens, nous nous sommes éparpillés sur les trottoirs tristes des nuits qui s'éteignent. Je t'ai demandé si je pouvais prendre ta main dans la mienne et ta voix s'est cassée sous l'émotion quand tu as tenté de me répondre que oui. Une demande d'enfant dans un corps de femme. Une demande d'enfant avec des intentions de femmes. Tu m'as prise dans ta chaleur. Tu m'as fait entrer dans ta bulle de tendresse. Des milliers de parcelles de bonheur ont tangué sous mes yeux éblouis.

Au matin, tu m'as dit qu'il n'y avait pas un millimètre de mon corps qui n'était une merveille. Tout surpris. Et je t'ai quitté sur un sourire. L'angoisse grandissante. Et je t'ai quitté sans promesse en sachant qu'à la première minute suivant mon départ, je me languirais de toi.

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lundi, novembre 27, 2006

Une petite égratignure

Il t'a accrochée par un sourire et des paroles. Comme si ses mots étaient une une clef bien précise pour atteindre tes émotions. Tu avais parfois l'impression qu'il savait avant toi, jusqu'où tu pouvais aller. Il te murmurait ton prénom comme un trésor oublié et tu te perdais dans le fil de ses pensées. Tu ne savais plus trop dans quel recoin les tiennes s'en étaient allées. Il te racontait ses rêves, tu les prenais comme tiens. Trop jeune encore pour faire la différence entre les espérances de l'Autre et celles qui t'étaient propres. Il te disait : « Mathilde. » Et tu entendais tout l'amour qu'il te portait. Il te disait : « T'es belle », et tu savais que tu étais la plus belle. Il ne voulait que toi, ne jurait que par toi. Mais t'avais pas encore fini de grandir, dans ton corps et dans ton coeur. Il fallait que tu te sauves, que tu t'armes un peu pour vivre avec autant d'amour. Autant d'amour que tu savais ne pas avoir mérité.

Tu l'as quitté en larmes, te lacérant les sentiments. Tu lui as dit que tu l'aimais trop pour vivre un couple avec lui.. Tu lui a dit que tu devais aller ailleurs, que tu avais besoin de prendre de l'expérience pour pouvoir vivre pleinement une relation aussi puissante que celle-ci. Tu lui a dit que tu l'aimais. Tu lui as demandé de sortir de ta vie. De s'en aller le plus loin possible. Tu l'as repoussé comme on repousse une menace, parce qu'au fond, c'est bien ce qu'il était. Tu t'es trouvée conne, stupide et méchante de le briser. Tu ne te comprenais même pas vraiment, alors, forcément, tu voyais bien pourquoi il ne te comprenait pas. T'as passé les mois suivants à caresser ta peine, comme une perle qui a besoin d'être polie. Tu la brandissais comme un étendard, un bouclier contre les amours à venir. Il y avait quelque part dans le monde, cet homme qui t'aimait.

C'est à ce moment que tu t'es mise à jouer les vampires. Passant d'un homme à l'autre pour en extraire la sève. Tu ne t'attachais pas. Tu ne t'attachais plus. Tu avais retenu la leçon : l'amour est une chaîne et tu avais soif de liberté. Puis t'as rencontré ce mec, pas plus sérieux que tu ne l'était. Et de folie en folie les mois se sont additionnés. Un jour vous vous êtes dit qu'à force de toujours être ensemble vous aviez fini par faire un couple. Tu ne sais même plus qui a parlé d'emménager, mais ça été fait et tu t'es retrouvée bien au chaud dans un cocon d'ouate confortable que tu ne peux pas appeler de l'amour. Parce que c'est simple et sans douleur. Parce que ce n'est pas comme cela que l'adolescente qui reste en toi percevait le sentiment amoureux. Il reste toujours ce vide de maux qui te laisse perplexe. Comme si l'amour devait absolument mener à la torture. Comme si sans la jalousie qui mine et menace, ce ne pouvait être un sentiment digne de ce nom.

Et puis un jour t'as ouvert ta boîte à lettre et il y avait un message de l'Homme qui sait te parler. De celui qui t'avais trouvée quand tu étais trop jeune pour t'engager. De celui qui te donne l'impression de te connaître par coeur, malgré les silences, malgré la distance. Une bombe sur papier qui t'a chaviré le coeur. Te remémorant les précipices des passions adolescentes. Et les lettres se sont multipliées, toujours plus intimes. Tu te sens sale parce que tu leur a répondu, tu les as encouragées. Tu as, de ce fait, trahi l'Homme qui partage ta vie. Et tu ne sais pas. Tu ne sais plus quoi faire ni comment le faire. Tu es prise entre deux hommes qui t'aiment. Entre deux hommes que tu aimes. À te demander bien inutilement lequel choisir. À te juger amèrement à l'aune de valeurs qui vont en contradiction absolue avec ce que tu vis présentement. À te taire surtout parce que tu trouves dégueulasse. Depuis tu vis avec le petit monstre de la culpabilité, bien lové sur ton coeur.

Aujourd'hui, tu te dis que c'est peut-être pas ça la vie, que c'est peut-être pas un choix entre ces hommes-là. Aujourd'hui, tu te dis que la vie, c'est peut-être te choisir toi, indépendamment de ce qu'eux disent ressentir pour toi.

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dimanche, novembre 26, 2006

Les détours de l'aumône

Je ne suis pas riche. M'enfin, pas si pauvre non plus, j'ai un toit au-dessus de ma tête et je mange à ma faim. Je ne paie pas de passe de transport en commun, je marche tous les jours pour aller au travail et je décide, en terminant, si je prends l'autobus pour le retour ou si j'affronte la nuit. Quand j'étais jeune, je passais mes fins de semaine à sillonner le centre-ville avec mes copines. Je ne suis pas très forte sur le magasinage, en tout cas, pas celui de vêtements, mais j'ai une solide expérience de lèche-vitrine. Dans ce temps-là, je restais au nord de la ville, dans un quartier relativement cossu et je jetais des regards hésitants entre la fascination et la pitié aux quelques itinérants que je croisais en ville. Aujourd'hui, la réalité est toute autre. Les itinérants, sont partout. Sur mon chemin vers le travail, dès que j'ai posé les pieds sur l'Avenue Mont-Royal, j'en vois. Toujours les mêmes.

Je ne peux pas me permettre de faire l'aumône à tous ceux qui me tendent la main. Et à vrai dire, je ne sais plus si j'ai envie de le faire, parce que les conséquences de mes bonnes actions deviennent parfois franchement négatives. Je me suis fait poursuivre par un d'entre eux sur une distance appréciable un jour, parce que je n'avais pas d'argent pour lui et que je lui en avais déjà donné un peu. Il m'a traitée de tous les noms possibles et imaginables parce que je lui ai dit : « Désolée, je ne peux pas t'aider. » Alors j'étais une snob, une égoïste, une ratée, une grosse truie laide (décidément, on en revient toujours à mon poids quand on tente de m'atteindre), et autres mots doux que j'ai oubliés. Je me suis fait cracher dessus aussi parce que je suis passée en faisant signe que je ne pouvais pas donner, d'un petit air de dépit. Je me suis fait harcelée par un mec qui voulait que je lui donne de l'argent pour nourrir son chien. Il me disait que je n'avais pas de coeur parce que je n'avais pas sorti les cennes de mes poches pour augmenter le pécule nécessaire à l'alimentation de la bête. D'abord, je n'aime pas les chiens. Je suis sans doute épouvantable, mais je préfère encore nourrir l'homme que le chien qui l'accompagne.

Quelquefois, je me fais demander une cigarette, rarement j'en donne. Surtout lorsqu'il y a une allée d'itinérants devant mes yeux; si je donne à un il faut que je donne à tous. Si je réponds que j'en ai pas assez, je me fais généralement vilipender, accuser, tirailler. Si je sors d'une pharmacie où je suis allée dépenser le fond de mon compte en banque en serviettes sanitaires, tampons et autres choses essentielles à ma vie, je suis mitraillée de : « Ben là franchement t'as acheté des affaires, il doit y avoir des sous dans tes poches! » Comme si j'étais obligée de donner à mon prochain ce qu'il me reste, et dans mon cas, c'est souvent ce dont j'ai besoin pour ME nourrir.

Ne vous trompez pas, je ne suis pas particulièrement hargneuse face aux gens qui vivent dans la rue. Je dirais même que j'ai beaucoup de compassion pour eux, ayant moi-même été à un cheveu de m'y retrouver. Je sais que pour beaucoup d'entre eux ce n'est pas un choix. Là où ça me chicotte par contre c'est l'agressivité dans leurs requêtes. J'aimerais bien pouvoir tous les aider, mais je ne peux pas. Ce n'est pas parce que je travaille sur le Plateau que je roule sur l'or. Bizarrement, lorsqu'on me crache au visage sous prétexte que je refuse de vider ma bourse, j'ai encore moins envie de me saigner pour ce prochain que je ne connais pas. Et parfois, j'ai un pincement au coeur quand je passe devant les quelques personnes à qui je n'ai jamais rien donné qui me saluent tous les jours. Et j'en viens à me dire qu'on vit dans un bien drôle de monde. Un monde où l'indifférence apparente est plus garante de respect qu'un sourire désolé.

Depuis quelques temps, pour paraphraser Félix Leclerc, je fais un grand détour et je me ferme les yeux.

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vendredi, novembre 24, 2006

Son film à lui

Je savais que lundi dernier, au Verre Bouteille (oui, je sais, je suis rendue addict) il y avait un spectacle de René Flageole. Lui, c'est l'âme des spectacles qui s'y déroule; le grand organisateur de ces événements musicaux qui mettent souvent de l'avant la relève, mais pas uniquement cela. J'étais consciente de prime abord qu'il est un bon musicien ; je l'avais déjà vu accompagner d'autres artistes, souvent à pied levé. Par contre j'avais ma petite réserve quand à ses propres compositions, ce que j'en avais entendu ne m'avait pas jetée à terre. En finissant de travailler, j'ai donc porté mes pas jusqu'au bar parce qu'il fallait bien que je vois.

Je suis arrivée pendant la première partie. La salle était presque vide. Mais toutes les personnes présentes étaient complètement prises par le spectacle. Je me suis glissée à une table discrète à l'arrière, j'ai ouvert mon cahier pour y prendre des notes. Sauf que je me suis tellement laissée prendre par ce que je voyais sur scène, par l'énergie qui en émanait que j'ai oublié mon cahier. Le spectacle Dans mon film à moi est construit sur le modèle des musicographies que l'on voit à la télévision. Avec des artistes invités et des critiques conviés à faire part de leurs opinion sur René Flageole. On a aussi droit à des images d'archives réelles, de la carrière musicale de René. Le traitement est très drôle et bien ficelé. On se laisse facilement prendre au jeu.

Le mieux, c'est que ces éléments audio-visuels ne gâchent en rien le spectacle musical en lui-même. Au contraire, les enchaînements sont fluides et sans heurts. Les trois musiciens sur scène; René Flageole (guitare et voix) Karl Surprenant (basse, contrebasse et accompagnements vocaux) et José Major (batterie) sont en parfaite harmonie les uns avec les autres. On peut y entendre une bonne variété musicale allant de la ballade à des airs soft-rock jazzés. Les textes sont très léchés, la poésie forte quoique quelquefois un peu trop alambiquée ce que qui fait qu'on perd un peu le contenu du propos. C'est aussi un spectacle avec invité. Lundi dernier c'était Antoine Gratton, qui interprétait quelques chanson de René. Charmant, vraiment de l'entendre chanter Le Loup de cette manière très blues qui lui est propre. Ça donnait une autre couleurs aux composition de monsieur Flageole.

Les lundis 27 novembre et 4 décembre 2006, il remet ça, avec d'autres invités (que je ne connais pas à l'heure actuelle). Si vous avez un petit moment de libre un de ces soirs-là, je vous invite fortement à aller y faire un tour. Et puis la salle est tellement sympathique. Les billets se vendent 5 $ en prévente ou 7$ à la porte.

Bon spectacle!

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jeudi, novembre 23, 2006

Tout simplement

Quand je t'ai rencontré, je te faisais rire avec mes histoires de groupie. Tu passais des heures à m'écouter raconter mes aventures rocambolesques de fille qui aime s'inventer des vies, qui mord dans ce qui peut lui être accessible en retombant à qui mieux-mieux dans des attitudes adolescentes. Tu me demandais de te raconter encore et encore, les mêmes histoires. Celles de mes fascinations qui auraient porté d'autres fruits que l'indifférence, parce que, comme je te le disais à l'époque, de toute manière, je n'avais rien à perdre. Alors, je défiais les règles établies. Je m'avançais vers ces gens que j'admirais pour leur annoncer ce que je connaissais d'eux. Dans notre petit bout de monde, cet îlot francophone en terre d'Amérique, les rencontres entre les personnes connues et les quidams de mon espèce, sont possibles. Et les gens que j'admire le plus sont souvent généreux de leur temps et de leurs sourires avec des filles de mon espèce.

Tu me voyais écrire sur mon coin de bar et tu me demandais des détails sur ce projet de roman que je couchais sur le papier, inlassablement. Entre deux interruptions de cet été caniculaire, je te disais qu'un jour tu pourrais le lire. Mais quoique terminé, mon projet est resté emmuré dans mon ordinateur. Je ne te l'ai jamais apporté. En fait, j'ai décroché de cette vie de rêve dans laquelle mes amours étaient tout aussi transparentes que le reste. J'allais mal, sans que ça paraisse, j'imagine. Je ne foulais plus mes sentiers. J'étais quelque part entre les songes et les foutaises dont je me gargarisais pour oublier à quel point ma vie me décourageait. Et je vivais à travers les regards que je réussissais à aller chercher auprès de ceux qui ne me voyaient ni ne me connaissaient.

Tu me parlais de tes propres créations avec pudeur. Sans oser me dire à quel point tu t'accordais du talent. Te jugeant implacablement à l'aune de comparaisons futiles que je reconnaissais comme miennes, quoique sur des sujets différents. Je savais les rouages de ces dénigrements, ils parcouraient mes veines. Me dire non pour ne pas avoir à faire face à un refus. C'était ma solution facile. Tu le faisais différemment, tu ne te disais pas vraiment non, mais tu mettais tout le monde en garde contre ce que tu pourrais avoir à présenter, au cas où il adviendrait que quelqu'un ne soit pas conquis par ce que tu avais à offrir. Mais je crois que c'étaient des reflets de la même réalité intérieur : la peur d'un certain rejet.

Un jour, tu es enhardi à me présenter tes oeuvres. Tremblant de nervosité, vomissant de discours sans queue ni tête. Sans répit pour que je puisse te dire quoique ce soit. Alors je suis venue ici et je t'ai écrit ce que j'en avais pensé, te faisant parvenir mon opinion pour t'obliger à voir ce que j'y voyais, sans que tu puisses m'interrompre d'une quelconque manière. À la rencontre suivante, j'ai eu le droit à ce sourire sincère de celui qui a lu et qui est content de ce que j'avais à en dire. Tu m'as murmuré, gêné, que j'étais ce que je t'avais dit était en grande partie juste, mais un peu trop flatteur. Je t'ai fait une p'tite face de fille découragée par cette confiance en soi défaillante. Et ce jour-là, j'ai cru que tu m'estimais.

Les saisons se sont additionnées, on se visitait de temps à autres. Tes projets ont pris forme tranquillement pendant que je m'éloignais, sans trop m'en apercevoir, des cercles où tu évoluais. Et tu t'es mis à multiplier les contacts. Chaque présentation était suivie liste de dates, des horaires chargés. Toutes les fois où nous parlions, on en revenait à ces vieilles discussions sur mes petits fanatismes sympathiques et ta carrière en envol. Et moi, j'avais l'impression, j'ai l'impression, que tu voulais faire de moi une fan comme je l'avais été de ces hommes dont je t'avais parlé. Comme si je n'avais aucune espèce d'importance pour toi si je n'étais pas une groupie puissance dix. Cependant, cette vie n'est plus pour moi, je n'ai plus le désir de vivre par procuration en me valorisant parce que j'aurais eu la chance de commencer à triper sur une personne de talent avant qu'elle ne soit connue.

Moi, tu vois, ce que je voudrais, c'est être ton amie. Tout simplement.

lundi, novembre 20, 2006

Anniversaire(s)

Voici ma participation au CI de cette semaine. Le thème était Anniversaire(s). Bonne lecture

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Tu m'avais dit : « T'es belle quand tu danses. » J'avais pensé qu'il y avait au moins cela, tout en laissant couler le compliment sur mon dos, comme si tu ne m'avais rien dit. Quelques jours plus tard, tu avais eu ce drôle de geste, trop intime pour cette salle bondée de monde, une caresse papillonnant sur ma chair prenant le prétexte de repousser, derrière mon épaule gauche, la mèche de cheveux boudinés y pendait, lamentable. J'avais senti tes doigts s'incruster dans mon épiderme, trouvant les nerfs qui se logeaient à sa surface, comme une réaction synaptique entre toi et moi. Tu avais retiré ta main lentement, pour mesurer le choc, tandis que je te tournais le dos pour retrouver la discussion que tu avais interrompue.

Quand j'avais pleuré l'énième insulte au sujet de mon apparence, dans les bras décharnés de cet ami que tu ne connaissais pas, tu m'avais murmuré : « J'espère que tu ne le crois pas, j'espère que tu le sais que tu es belle. » J'avais alors rétorqué : « Oui, je sais, quand je danse. » Tu m'avais alors servi ce demi-sourire que j'ai appris à connaître par coeur, triste un peu que je ne crois pas. Je t'avais planté-là, tout seul avec ta gentillesse et tes compliments, tirant mon ami par sa manche de sauveur pour fuir le plus loin possible ton regard impossible. Lui avait passé le reste de la soirée à me dire que je te plaisais. J'avais nonchalamment balayé cette information du revers de la main, faisant fi de tous les signes que tu multipliais sous mes yeux, sur ma peau et à mes oreilles. J'avais cessé de te croiser souvent. Tu avais changé tes habitudes et tes compliments, que je ne croyais jamais, me manquaient profondément.

Un après-midi où j'étais seule au travail, tu étais passé innocemment. Tu m'avais dit « je m'ennuie de ta voix, de ton rire et de ces yeux si petits qu'ils se perdent derrière tes pommettes. » À la blague, je t'avais demandé si tu me draguais. Tu avais répondu qu'il était à peu près temps que je m'en aperçoive. Je t'avais regardé comme si tu étais une apparition soudaine et tu avais ri, silencieusement. Tu étais parti sans demander ton reste me laissant perplexe à essayer de ranger mes films dans un ordre adéquat. J'avais les mains moites et le coeurs en balançoire. Juste avant de me laisser avec la tornade que tu avais éveillé dans ma tête et dans mes émotions, tu avais posé le bout de tes phalanges sur ma joue faisant plier mon cou vers cette source de chaleur électrique.

Ce soir-là, tu étais dans ce bar où nous nous étions rencontrés. Je me suis assise à tes côtés sans te regarder. Tu souriais dans ta barbe, je le voyais bien malgré le fait que j'évitais soigneusement de croiser ton regard. Je t'avais demandé si tu étais sérieux et tu avais pris ma main pour déposer dans ma paume un subtile baiser qui semblait plein de promesses. Agressive je t'avais dit: « Mais pourquoi moi? T'es con ou quoi? Il y a une dizaine de filles plus belles et plus jeunes que moi qui passent leur vie à te faire des façons! Moi je suis tête de cochon, difficile à vivre et arrogante. Si tu t'embarques avec moi ça voudra dire que tu sera pris avec des lettres fleuves, manuscrites où sur le net. Je reviendrai toujours sur nos rencontre, par écrit, pour les disséquer. Je te bousillerai les oreilles de toutes les idées saugrenues que j'ai sur la vie et sur les relations interpersonnelles. Je serai exigeante et sans compromis. Tu n'aimes même pas lire, tu vas étouffer avec moi!»

Tu m'avais dit que ce n'était pas grave, que tu apprendrais.

Ça fait un an aujourd'hui que je te fais suer tous les jours de ta vie avec mes colères, mes passions, mes déséquilibres et mes exigences. Ça fait un an aujourd'hui que j'endure ta mauvaise humeur matinale. Un an à te regarder grommeler devant le miroir avant de te faire la barbe pendant que je chantonne en faisant le café à me dire que j'ai franchement pris la meilleure décision de ma vie, le soir au cours duquel j'ai eu envie de te croire.

samedi, novembre 18, 2006

De vase et de maux

Il y un voile qui est tombé sur la toile. Une tache d'ombre initiée par Philippe-A puis reprise par Martyne et par Tchendoh. À divers degré, sous des angles qui leur appartiennent. C'est un de mes sujets récurrents, que je traite régulièrement avec une certaine légèreté parce que j'ai pris une certaine distance. Parce que ce n'est plus aussi noir aujourd'hui que ce le fut un jour. J'ai lu le message de Philippe-A en retard sur sa publication, lorsque je suis arrivée, il me semblait que tout lui avait été dit. J'étais sans mot devant sa douleur. Son impuissance. Mais j'ai eu des frissons en parcourant son message.

Je ne pourrais pas dire quand j'ai commencé à plonger dans la dépression. Mais je sais que cela s'est fait sur une très longue période. Je me rappelle de moments lorsque j'étais au Cégep qui montrent à quel point, déjà à l'époque j'étais en déséquilibre. Je suis plongée en 2004, et j'ai fini mes études collégiales en 1993. Ça fait dix ans de descente en pente douce. En y pensant aujourd'hui, je me dis que ce qui m'a mise en déséquilibre, au départ, ce furent mes premières relations amoureuses. Parce qu'avec elles, le concept d'abandon entrait dans ma vie. Bizarre comme l'amour qui devrait nourri peut aussi tirer la vie. J'aurais voulu connaître le Grand amour, n'aimer qu'une seule fois, par sécurité. Mais ce n'est pas ce que ma vie a été. Je n'étais pas le centre du monde dans la vie de cet homme à qui je me suis livrée toute entière pour la première fois. J'étais son amoureuse, soit, mais ses ambitions passaient avant moi, et je ne comprenais pas. J'ai été la blonde de ce garçon en cessant d'être moi. Angoisse d'être poussée jusqu'à l'annihilation de moi. Lorsqu'il m'a quitté, il a bien fallut que je fasse comme si. Que je sois forte comme je croyais qu'on attendait de moi. Je me suis forgé des raisons. J'ai intellectualisé ma peine. Je l'ai repoussé le plus loin possible, et j'ai cessé de pleuré.

Je n'ai jamais vécu le choc qui précipite la plupart des gens dans une chute drastique. J'ai simplement continué à glissé vers le bas, tranquillement, sans que je ne m'en aperçoive. J'étais forte. Je suis une personne de leadership. Il fallait que je sois égale à moi-même, malgré le fait que je n'en n'étais plus capable. Je pourrais vous donner les mille et une raisons qui m'ont traînée vers le bas mais je ne crois pas que ce soit important. L'essentiel c'est que j'avais coupé la douleur pour me protéger de celle-ci. Ce faisant je lui laissais toute la place pour me hanter. Et l'angoisse s'est mise de la partie. Mes nuits sont devenues des ennemies. Même avant que je devienne la célibataire à long terme que je suis aujourd'hui. Je revivais tout ce que j'avais dit pendant des heures, faisant fuir le sommeil. Alors je sortais jusqu'à plus soif, jusqu'à l'épuisement du corps. Alors je mangeais trop. Pour oublié que je me trouvais laide. Et j'ai épaissi, me donnant une raison supplémentaire de me sentir laide.

Et puis il y a eu l'automne 2003 au cours duquel je suis revenue à Montréal. J'ai passé les longs mois de cet automne à regarder les nuits allonger comme une allégorie de ma descente. Je ne faisais rien. Je ne me lavais même plus. Ou presque plus. Jusqu'à ce qu'on m'amène de force au CLSC. Et comme Tchendoh, ce fut un soulagement lorsqu'on m'a dit que j'étais en dépression. Je pouvais mettre un mot sur le vaste mal-être que je ressentais. Sur mon spleen de vivre. Je pouvais agir. Je n'ai pas pris d'anti-dépresseurs. Je me suis soignée à coup de thérapies. Et j'ai écrit. Pas ici. Toute seule pour moi. Je ne connaissais pas les blogues lorsque j'ai commencé à me soigner. Je suis certaine que je n'aurais pas été capable d'écrire de toute manière. En tout cas pas sur ce sujet là. J'écrivais des histoires inventées qui finissaient bien, je me créais une vie idéalisée. Mais l'exutoire a fonctionné et j'ai remonté ma pente.

Aujourd'hui, je vais bien. Malgré les cons qui me trouvent grosse et me le disent. Je ne suis plus atterrée par ces commentaires, je suis enragée contre l'imbécillité. Aujourd'hui, je vois à quel point j'ai été mal, pendant longtemps et je me tasse quand d'aventure quelqu'un entre dans ma vie et que je ressens sa présence comme une menace. Je fuis encore, c'est mon lot. Mais je sais qu'il y a des fuites qui me sont nécessaires. Aujourd'hui, quand je perçois ce mal de vivre chez des personnes que j'aime, je parle de mon expérience.

Quand je suis retournée sur le marché du travail, après presque un an sur l'aide sociale, j'ai dit en entrevues que je me relevais d'une dépression et ça aura pris mon amour de la lecture pour qu'un employeur passe par dessus cette crudité pour que je me trouve un emploi. Je suis très fière de ma démarche. Parce que je suis convaincue que la meilleure manière de guérir c'est d'admettre tous les jours que j'ai fait une dépression. De l'admettre et de vivre avec. J'ai passé assez de temps à faire semblant que j'allais bien en m'enfonçant dans la vase des mes maux pour avoir la stupidité de ne pas le reconnaître.

Il n'y a pas de honte à sombrer. Encore moins à s'en être relevé.

vendredi, novembre 17, 2006

Les arguments de poids

On a déménagé la bière du jeudi soir de paie depuis quelques temps. Un peu par hasard, au départ. S'il n'y avait eu ce show que j'avais envie d'aller voir, je n'y aurais remis les pieds de longtemps et nous ne serions pas tombée sous le charme de la place. Avant, j'étais toujours au Boudoir parce que c'était à côté de chez-moi. Maintenant que je me suis ex-centrée, c'est moins pratique. Et puis, le Boudoir, sans les cigarettes, c'est presque vide de sens. Avec les copines, les trois mêmes, on se fait des soirées de filles. Bon, il y a Louis, mais Louis, il est parfait dans une soirée de filles. Je suis le modèle bien en chair de notre petit groupe. Il faut voir, les filles sont toutes les trois davantage faites sur le modèle filiforme. Très magazine. Elles sont très jolies aussi. Surtout, ce sont mes amies. Au Boudoir, Quand on était quatre filles, on ne se faisait pas aborder par les gens qui étaient présents. Hier, au Verre Bouteille, c'était le festival des gars qui voulaient se joindre à notre discussion.

La première fois, il y a eu ce mec qui vient demander à Julie si la chaise que Louis vient de quitter est disponible. Julie lui répond qu'il peut partir avec l'autre chaise de disponible qui est plus près de sa table à lui. Et le gars de laisser entendre qu'en fait il voulait s'asseoir là, à côté de Julie. D'un seul mouvement, il y a eu quatre paires d'yeux interloqués qui se sont tournés vers lui. Ça fait son effet, il est reparti sans demander son reste, qu'il n'aurait de toute manière pas obtenu... En fin de soirée, il a profité du fait que Julie était seule à la table pour aller lui expliquer que quatre filles comme ça qui ont trop de fun pour être réelles, le dérangeaient, surtout Julie. Elle lui a vertement répliqué que ce n'était pas de sa faute à elle et que nous n'étions pas obligées de payer pour ses rancoeurs contre les femmes parce que nous étions quatre et que nous avions du plaisir. Vlan.

Quelques minutes plus tard, un copain du mec susmentionné a voulu se joindre à nous, et je ne lui ai même pas laissé le temps de finir sa requête en lui assenant un « Non, on est dans une discussion de filles et même s'il y en a deux qui s'en vont, on reste dans une discussion de filles ». Je sais, je suis bête en maudit parfois, mais il y a des hommes, en fin de soirée trop arrosée, qui dépassent franchement les bornes. Et puis, ça ne nous tentais pas. Nous avions été assez éloquentes avec notre regard. En tout cas, assez pour qu'il sache qu'on avait pas envie d'accueillir des nouveaux visiteurs à notre table. Pas trop longtemps après, un des piliers du Verre Bouteille, le genre de gars qui est là tous les soirs, me demande s'il peut s'asseoir, en spécifiant qu'il ne parlera pas et qu'il veut juste se reposer les pieds. Comme je le connais un peu, j'ai dit oui. J'aurais pas dû.

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il interrompt notre discussion et s'adresse à Julie pour lui raconter je ne sais plus quoi. Il me faisait suer parce que nous étions entrain de parler de quelque chose d'important. D'accord on était soûles et on est tout le temps ensemble, mais ça n'empêche pas qu'il nous arrive régulièrement d'avoir des discussions de fonds. Et c'était un sujet que nous n'avions jamais abordé avant cette minute-là. Je me suis levée pour aller fumer une cigarette et j'attendais Julie dans le passage. J'ai dû aller la chercher en la tirant par le bras pour qu'elle vienne avec moi. Mais l'importun a suivit : il fume aussi. Nous nous sommes cachées, pas trop loin, pour ne pas qu'il se joigne à nous et nous avons repris la discussion où il l'avait interrompue. Mais il nous a trouvé et s'est remis à parler à Julie comme si je n'étais pas là. Pis là j'ai été bête. Je lui ai dit : « Heille, on parlait avant que t'arrive fa que arrête de tout ramener à ton sujet stupide qui ne nous intéresse pas! » Il a argumenté en disant que c'est lui qui parlait avec Julie avant que je la tire dehors Allo, niaiseux, on parlait elle et moi bien avant que tu t'imposes, aie-je pensé. Donc essaie de lui expliquer cela. Puis il dit que comme nous sommes dans un endroit public on doit accepter la présence des autres. Julie et moi étions stupéfaite de cet argument complètement stupide. Alors, nous lui disons que non, qu'on a tout à fait le droit de ne pas vouloir parler aux autres. Et c'est là qu'il me lance : « Fais attention à ton ventre. »

J'ai vu rouge. Je lui ai dit qu'il m'insultait, que je savais que j'étais grosse, mais que ce n'était pas une raison pour m'insulter. Puis je suis retournée dans le bar. Et puis le con de dire à Julie que c'est pour ma santé qu'il s'inquiète. Et de reprendre son sujet là où je l'avais sois-disant interrompue. Julie l'a planté là en lui disant « Heille, t'insulte mon amie et tu penses que je vais vouloir continuer à jaser avec toi? T'es vraiment con! » Elle est rentrée à son tour et est allée dépomper dans les toilettes, là où il ne pouvait pas la suivre. Eh bien, il s'est rassis à notre table. Là je lui ai dit de décamper, que je ne voulais pas savoir ce qu'il avait à dire. J'étais tellement en colère, et blessée. J'avais envie de lui cracher au visage, mais comme je suis bien élevée, je ne l'ai pas fait. Julie me consolait de son mieux. Elle posait ses petites menottes sur mon visage en me disant : « T'es belle Mathi, moi je te trouve vraiment, vraiment belle, pas juste parce que tu es mon amie. »

Je me suis réveillée ce matin avec un goût amer dans la bouche. Des arguments de poids comme cela, j'en ai ma claque. Et c'est pas avec des commentaires imbéciles de même que je vais avoir le goût de faire des régimes : cette rondeur est un foutu bon filtre à cons.

mardi, novembre 14, 2006

Un petit chien savant

La salle était presque vide quand j'y ai mis les pieds. C'était le genre de lieu que je ne fréquentais pas souvent. La clientèle ne me ressemblait pas, je m'y étais toujours sentie un peu à côté de mes chaussures, imposteur parmi une foule de gens bien mis, des dames en tailleurs et des hommes en costumes. Dans ce lieu, je me donnais toujours l'impression de faire figure de petite fille, malgré mes trente ans. J'avais le vague à l'âme et aucune envie de retourner à la froidure de mon appartement où je devais marcher sur des oeufs sitôt que 21 heures avaient sonnées puisque tous les murs étaient aussi isolés que des feuilles de cartons. Mon horaire de soir jurait avec ces contraintes. Ce soir-là, je n'avais pas envie d'aller dans mes endroits habituels, une sourde colère grandissant en moi contre certains individus que j'y croisais trop souvent. Pour être certaine de ne pas tomber sur un visage connu, j'avais plutôt opté pour cet endroit auquel je ne m'identifiais pas.

Ça ne faisait pas cinq minutes que j'étais entrée, encore encombrée par les écouteurs de mon lecteur de musique à essayer de trouver un endroit où m'asseoir tranquillement, quand je me suis fait happée par ce mec que je n'avais pas vu depuis des années. La dernière fois, ça avait été une histoire courte d'électricité entre nous, sans drague, sans charme vraiment. Une rencontre presque animale entre deux adultes potentiellement reproducteurs. En moins de temps qu'il ne le faut pour le dire, il m'avait installée à côté de lui, au bar. Additionnant les attentions et les compliments, me donnant l'impression de repasser un vieux film que je connaissais par coeur. J'étais assise à sa gauche tandis qu'à sa droite une autre fille, au demeurant fort sympathique, bénéficiait de son ses talents de dragueur. Je le regardais aller en me disant qu'il avait vraiment l'air d'un chien pris entre deux personnes qu'il aime et qui ne sait plus qui choisir.

Il me parlait de ses projets, ceux que je connaissais déjà pour en avoir vu des embryons. Malgré le fait que j'aie porté une grande attention à m'en tenir le plus loin possible dans les dernières années, j'avais une idée assez juste de l'évolution de son travail : il y a des gens comme cela qui nous reviennent toujours au visage, par les biais les plus divers, et dont on ne peut pas totalement ignorer l'existence. Il me disait : « Je suis tellement content que tu sois là, je ne savais pas si tu viendrais! Ton sens critique m'a cruellement manqué, t'es tellement une fille allumée!» Et c'est à ce moment que je réalisai que j'avais mis les pieds à son dernier vernissage, sans le savoir. Il n'y a pas de hasard. Je devais sans doute y être. Comme la nuit était largement tombée et que les lumières avaient été tamisées depuis longtemps, je n'avais pas vraiment porté attention à la décoration. En même temps, il ajoutait : « Mais ce soir, c'était prévu que je passe la soirée avec elle, on s'était dit qu'on parlerait du fond des choses, tu comprends? »

En fait, je ne savais pas trop ce que je comprenais, je me demandais quel message il essayait de me faire passer. Je sentais bien qu'il avait envie que je reste jusqu'au lever du jour, jusqu'à la fin du dernier verre, comme je l'avais déjà fait dans les mois qui avaient suivi notre première rencontre. Cependant, je n'avais plus envie de retourner-là, je connaissais le paysage. La situation présente me laissait croire que j'aurais été la bienvenue pour la fin de la nuit, pour les heures où ses douleurs et l'alcool le faisait délirer, sans qu'il soit capable de créer. Que ma présence qu'il avait toujours trouvé rassurante, serait requise pour chasser les fantômes qui le terrassaient chaque nuit. Qu'il voudrait encore me faire l'amour en me parlant de toutes celles qui labouraient son coeur, qui le faisaient souffrir comme je ne le ferais jamais.

Je suis quand même partie quand il essayais de me retenir, le laissant tout à sa discussion tandis qu'il m'assurait qu'il n'y avait rien entre l'autre demoiselle et lui. J'ai planté un baiser sur sa joue en lui disant que je repasserais le voir un autre soir, là où je savais le croiser, et qu'on pourrait parler. À l'extérieur, je me suis laissée envelopper par la nuit brumeuse de cet automne échevelé. Et je suis retournée à ma solitude.

jeudi, novembre 09, 2006

Ceux qui voient

« Est-ce que vous pouvez m'aider?» Me demande-t-il. Sans me retourner j'ai envie de rétorquer que non, bêtement, parce que j'entends cette question trop souvent en et qu'elle finit par devenir irritante, malgré qu'elle parte d'une excellente intention. J'en suis là dans mes pensées quand il enchaîne : « C'est que ce sera un peu compliqué, vous comprenez. » C'est alors que j'avise le chien et la tête de l'homme qui me parle. Il est aveugle. Alors forcément, il ne peut pas lire les quatrièmes de couverture. Alors forcément, il ne peut pas se retrouver sans moi dans cette librairie immense. Il cherchait un livre à offrir à sa mère, avec tout plein de spécifications sur ses goûts et une bonne idée de ce qu'elle avait déjà lu. Une dame l'accompagnait, pas une très grande lectrice selon ses dires à elle. Qui, tant qu'à y être a envie d'un livre pour elle, de quelques chose qui se lise rapidement, entre deux activités. Alors je lui propose les Perruches, non mais tant qu'à avoir une occasion, vous voyez. Mais l'homme entend. Il me demande si l'auteur est mon frère, je réponds que non. Après tout, c'est vrai. L'homme laisse fuser un drôle de soupir. Je me sens traquée et débusquée. Il a entendu ce que personne d'autre n'entend lorsque je vends cette salade. Décidément, il faut se méfier des aveugles, ils voient beaucoup trop.

Par un drôle de hasard de circonstances, j'ai eu la chance d'obtenir des billets pour le spectacles des Ratés sympathiques, dans le cadres des Coups de coeur francophones. J'avais envie d'y être, parce que j'ai toujours eu un faible pour les spectacles amateurs. Là où les artistes ne sont pas professionnels, mais tellement dedans. Évidemment, les performances étaient très inégales. Beaucoup d'artistes en herbe n'attrapaient pas bien leurs notes. Le choix des registres sans doute. Je ne suis moi-même pas du tout professionnelle en la matière. Et j'ai la fâcheuse tendance à m'empêtrer dans les harmonies, détonnant à qui mieux-mieux. Paradoxalement, j'entends toutes les fausses-notes, les miennes incluses. Ce faisant, je ne chante pas souvent pour d'autres oreilles que les miennes, alors j'admire le courage de ceux qui sont montés sur scène avec le trac noué dans le ventre. Je crois que je suis encore un peu trop orgueilleuse et que malgré le fait que je sache que le ridicule ne tue pas, j'ai encore bien de la peine à m'en couvrir.

Julie et moi nous étions installées juste en haut de la scène, parce qu'à l'heure où nous sommes arrivées, nous nous serions retrouvées bien trop loin pour voir quoique ce soit. Ça nous permettait de rire, lorsque les notes nous cillaient dans les oreilles. On en était à revenir d'un fou rire que celui de l'autre encourageait quand on l'a vu s'avancer sur scène. Mon client aveugle, tenant fermement le bras de l'animateur pour se rendre au micro. Et il nous a dit, tout simplement qu'il nous interpréterait la chanson Ma belle Amour de Michel Rivard parce que cette dernière l'avait accompagné lorsqu'il avait commencé à perdre sa vision. Je n'ai pas saisi toutes les paroles, c'est un des rares textes de Rivard que je ne connaissais pas du tout.

S'ancrant le plus possible dans les planches sous ses pieds, il se tenait de cette drôle de posture qu'adoptent ceux qui ne voient pas. Une élégance dans les gestes, une fragilité que la plupart d'entre nous n'ont pas. Et la voix qui s'élevait était pure, claire, présente et sans aucune fausse-note. Cette chanson a plus de vingt ans, elle est triste et parle de mal être profond. L'auteur s'excuse auprès de son amoureuse de ne pas toujours être très disponible. « À soir chus juste pas de bonne humeur » chantait l'interprète avec sincérité tandis que son visage irradiait le pur bonheur de redonner à Rivard, ces paroles qui l'avaient autrefois accompagné dans une difficile épreuve.

Et là, sur cette scène, il rayonnait d'une émotion qui était bien le seul à ne pas voir.

mercredi, novembre 08, 2006

Deux tasses d'émotions

Depuis quelques semaines, j'avais l'impression de m'éteindre, de ne plus avoir de moelle à disséquer en écriture. Depuis que je me suis excentrée, je sors moins et comme j'ai toujours été une observatrice de l'ordinaire en mouvance, il me manquait de substance. J'avais besoin de quelque chose, un tournant pour me remettre sur mes propres rails. Et c'est un message dans ma boîte de courriels qui m'aura ramenée à cet état de fébrilité qui me donne envie de raconter la vie. Dans le cadre des Coups de coeur francophones, le Verre bouteille présentait deux soirées de Show cool. J'ai changé de quart de travail avec un collègue pour pouvoir être présente lundi soir. Je tenais à être là toute la soirée pour être certaine de voir l'artiste qui m'avait communiqué une invitation à aller le voir. J'ai demandé à Julie de m'accompagner, sachant que nous aurions autant de plaisir l'une que l'autre. Moi, pour les textes, elle pour la musique. Toutes deux pour l'émotion.

C'était une soirée masculine : aucune fille dans la distribution. La salle était bondée, électrique et chaleureuse. Chaque gars nous présentait deux pièces, seul avec sa guitare. La plupart du temps, lors d'un show cool, il y a la moitié des artistes qui sont connus et l'autre moitié ne le sont pas. Mais cette fois, c'était une majorité de gens qui ont fait leurs marques dans le monde du spectacle : Alexandre Belliard, Jonathan Painchaud, Damien Robitaille, Daniel Boucher, Vincent Vallières. L'animateur de ces soirées, René Flageole nous a aussi offert une pièce. Il y avait Philippe Bay, moins connu, mais que j'avais déjà entendu ici et là ainsi que Guy-Philippe Wells. Mais notre upper cut, l'artiste qui est venu nous prendre aux tripes c'était Gizmo. Celui-là même qui m'avait fait parvenir l'invitation. Comme à son habitude, sa nervosité le faisait parler abondamment tandis qu'il nous lançait ses chansons dans le coeur, en éclatant de vie sous nos yeux. Il fallait qu'il se donne la preuve qu'il méritait cette place dans une cours de grands et s'il ne s'est pas convaincu, je l'ai été. Julie et moi avons tellement aimé notre soirée que nous avons décidé de revenir le lendemain, pour le second volet de ce Show cool.

Cette fois, pas de possibilité pour moi de changer de quart de travail ; je n'ai su que lundi qu'il y avait une seconde soirée mardi. Mais Julie ne travaillait pas en soirée alors j'avais bon espoir d'avoir une place malgré mon retard pour le début du spectacle. Hier cependant, la foule n'était pas au rendez-vous. Tant pis pour elle, si vous voulez mon avis. Les artistes en présence étaient Sylvie Paquette, Catherine Durand, Mara Tremblay, Luc De Larochelière et Antoine Gratton. Il y avait aussi Jean-François Fortier et Marie-Pierre Fournier. Si vous ne les connaissez pas de nom, vous les avez sans doute déjà entendu avec d'autres gens, moins à l'avant scène et pourtant tellement bons que vous devriez vraiment courir les voir. Et finalement, il y avait David Thiboutot, solide dans sa poésie et de plus en plus à l'aise dans ses présentations. Contrairement à la veille, c'était un trip de groupe, aux accents folk. Les artistes se regroupaient pour mettre en valeurs les mélodies des autres. Mon accroche-coeur de la soirée, va à l'interprétation de Bridge over trouble water de Marie-Pierre Fournier, accompagnée au piano et à la voix par Antoine Gratton. Vraiment, j'ai encore des frissons tellement c'était bon. En ce moement j'ai des envies folles d'acheter les disques de tous les artistes que j'ai vu, sans exception.

Je ne sais pas si vous connaissez le Verre bouteille, je ne sais pas si vous allez quelquefois y voir des spectacles, mais franchement, si vous êtes résidents de Montréal, il vous faut y aller de temps à autres. Il y a régulièrement des prestations en soirée, souvent, il n'y a pas de coût à l'entrée, on passe chapeau un moment donné. C'est intimiste et chaleureux, le public reçoit tellement de belles vibrations de la part des artistes à cause de la proximité. À toutes les fois où j'y ai vu un spectacle, j'en suis ressortie sur un nuage. Plus souvent que lorsque j'ai vu les mêmes artistes dans de grandes salles. Un peu comme si le spectacle n'était que pour moi. Une prestation murmurée à tous les pores de ma peau, avec tout ce qui faut d'émotions.

vendredi, novembre 03, 2006

Mélodie en fuite

Je suis une peureuse dans l'âme. J'ai cette tendance à fuir sans me poser de question, les situations que je juge par trop stressantes. Ne pas regarder les gens dans les yeux lorsqu'ils me disent ce que je ne voudrais pas savoir, mais qu'ils tiennent à me dire. Je suis une fuyante quoique je puisse projeter comme image, si la fuite n'en fait pas partie, l'image est faussée. J'ai passé mon enfance à raconter ma vie, une coche à côté de la réalité pour être intéressante et pour ne pas me faire gronder. Les reproches me sont toujours tombés dessus comme une tonne de briques, trop lourde pour mes épaules. La première fuite. Je ne mentais pas vraiment, mais j'organisais la vérité pour ne pas avoir à vivre avec certaines conséquences. Pour ne pas avoir à lire la déception dans les regards parentaux.

Je suis légèrement plus assumée aujourd'hui, mais pas tellement. Il y a des gens qui sont rentrés dans ma vie par de drôles de portes. Un certain nombre s'y sont glissés par les fenêtres que j'ai ouvertes sur la toile. J'ai eu l'impression parfois, que quelques unes de ces personnes se fiaient trop à ce que j'écrivais pour se faire une idée de moi. Je n'écris pas tout le temps la vérité. Pas souvent en fait. Ces pages sont les dépositaires de mes vies imaginées. J'ai eu à convaincre des personnes qui sont entrées en contact avec moi, à travers ce qu'elles lisaient que je n'étais pas du tout celle que je présente. Je ne suis pas un puit de sagesse qui ne fait jamais d'erreur. Je ne suis pas une personne plus réfléchie que la moyenne. Il m'arrive parfois d'écrire des lettres adressées à des êtres qui me sont chers et qui sont percutantes, mais j'ai eu le temps d'y penser, de triturer les mots sous mes doigts courant sur le clavier, avant de les livrer en pâture à quiconque s'attarderait ici.

Je suis tellement froussarde que j'évite de regarder le contenu de mon courrier quand je pense que ça vient de quelqu'un qui me pressurise. Les gens à qui je dois de l'argent, par exemple. L'enveloppe à l'air de cela, c'est jeté quelque part dans un fouillis de lettres qui ne seront jamais ouvertes. Je fuis, je vous le dit. Il y a d'autres gens que j'évite aussi. Des personnes dont la présence me donne l'impression de faire tanguer le sol sous mes pas. J'ai connu un mec qui voulait me faire la bise lorsqu'on se croisait et qui me rendait complètement folle. Juste par ce geste. J'avais toujours l'impression qu'il me volait la moelle des os en même temps qu'il me faisait la bise. Comme s'il prenait toute la substance que je suis, comme si ce n'était pas une geste vers moi mais une espèce de prise de moi. C'est le type de personne que j'avais toujours envie de faire semblant de ne pas reconnaître si jamais je la croisais. Aller le plus loin possible de ses tentacules qui me gardaient prise dans leurs filets.

Il y a des individus qui me mettent en déséquilibre. La plupart du temps, ce sont des hommes, sans doute parce que je suis fragile à leur charme. Il y a des gens à qui je n'ai même pas la force de dire : « T'es juste un peu trop pour moi. » Parce que malgré le fait que j'aie 33 ans, du vécu et un caractère de cochon, j'ai encore peur des reproches et des affections trop grandes pour moi. Je ne suis pas courageuse, je ne suis pas confiante, je n'ai pas plus de guts que la moyenne des gens. Tout ce que sais faire, c'est fuir le plus loin possible dans trop en avoir l'air. En laissant derrière moi des gens qui ne savent même pas qu'ils m'effraient.

Non, je ne suis pas tellement une battante, au bout du compte. Je suis un courant d'air qui se déguise en brise estivale.