vendredi, mars 14, 2008

Les pannes et moi

Je n’aime pas les pannes. Particulièrement les pannes d’électricité. Ça m’angoisse profondément. Ma mère dirait que j’ai de l’ascendance à ce sujet : entre une grand-mère qui se terrait dans le fond des penderies et l’autre qui invectivait les préposés du service à la clientèle d’Hydro-Québec, j’ai de qui tenir. Moi, je tente de reprendre mon souffle et de ne pas m’affoler trop rapidement. J’appelle aussi le service à la clientèle, pour savoir combien de temps. Je n’engueule personne, mais j’ai besoin de mesurer la distance de l’obscurité. Même en plein jour. La plupart du temps, j’appelle ma mère, pour me faire rassurer; éclat d’enfance encore engoncée dans les cauchemars qui me laissaient seule dans mes peurs. Patiemment, ma mère panse mes angoisses avec un petit rire dans la voix. Peut-être garde-t-elle en mémoire des relents de souvenir des inconforts de sa propre mère qui lui permettent de mettre un baume sur celles de sa fille?

À mon sens, pannes riment avec panique. Panne d’amitié, j’ai le cœur éclaté. Panne d’amour c’est le temps qui s’étire trop longuement entre deux battements de vie. Cette panne est devenue l’ornière connue et inconfortable des jours qui passent. Pas assez inconfortable sans doute pour que je mette tout en œuvre pour y échapper.

Panne d’inspiration? Il m’arrive quelquefois de m’arrêter parce que je me butte à mon propre marasme, à mon mal de vivre tout personnel. Une grosse fatigue. Celle qui me laisse sur le carreau de mon existence. D’autres fois c’est celle plus simple d’une semaine échevelée et trop bien remplie qui me laisse dans les veines une impression de bulldozer et l’esprit complètement aplati. À certains moments c’est la verve des autres qui m’arrête. Alors on me retrouve plus souvent qu’à mon tour le nez plongé dans un roman, la tête ailleurs et le cœur dans cet autre part que mes pieds foulent en même temps que les personnages en gravissent les intempéries. Et du matin au soir je me love dans cet ailleurs qui me porte sur ses ailes vibrantes.

Panne de mots? Je me meurs! J’ai toujours cru que j’en connaissais assez pour m’exprimer. Quand ils me font défaut, je n’ai plus de ressources. Panne de travail? Je me vautre dans l’oubli de moi-même. Panne de famille, je porte une balafre. Panne de téléphone? Je suis complètement démunie, prisonnière de mon environnement. Je crois que c’est la pire de mes pannes panique parce qu’alors je ne peux même pas appeler ma mère pour qu’elle remette en perspective cette peur immonde et hors de proportion.

Certaines personnes ont les blues, moi j’ai les pannes paniques. Je connais ma tare, je sais à quel point l’irrationnel rejoint l’irascible lorsque je laisse la panique prendre le pas sur les moindres pannes qui jalonnent mon quotidien. Heureusement, je n’ai pas de voiture parce que j’ai la nette impression qu’une panne d’essence me propulserait au paroxysme de mes tremblements émotifs.

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