mardi, avril 29, 2008

Après l'amour

Après l’amour, c’est le désarroi. C’est la solitude qui évide le cœur. Après l’amour c’est la tempête des pourquoi qui pleuvent ou qui remontent la gorge, mais qu’aucun parapluie ne vient écarter. Et la valse des conditionnels qui se mettent à augmenter le rythme des suppositions. Et l’on refait sans fin les chemins des derniers jours, des derniers mois, des dernières années en tentant de tracer la ligne impalpable de cet horizon dépassé.

Après l’amour il y a les hésitations des retours en arrière, vers ces pays connus et maintes fois visités des habitudes usées, mais confortables. Après l’amour c’est ce jour où l’on s’aperçoit que les conversations n’ont plus le même tonus qu’auparavant et qui se résument à des banalités convenues parce qu’on a le sentiment d’avoir fait le tour de tout ce que l’on avait à se dire, qu’on a plus rien de nouveau à apporter à cette histoire. Alors on s’imagine que tout en chacun devient plus intéressant que soi. Et une petite peur insidieusement mêlée de jalousie nous écorche les certitudes. Après l’amour ce sont tous ces cœurs laissés sur les voies d’évitement des autoroutes affectives qui ne savent plus comment reprendre la croisière du verbe aimer ou avouer.

Après l’amour c’est un matin d’automne où l’on se réveille, vide de sens, à côté de celui qui est tranquillement devenu un étranger. C’est le moment où l’on s’empêche de répondre « moi aussi » au « je t’aime » de la séparation quotidienne parce qu’on ne le ressens plus. Sans savoir ni comment ni à quel moment il s’est envolé. Sans savoir si un jour on pourra reprendre le fil de ce sentiment pour tisser un autre chapitre à notre histoire de vie. Après l’amour ce sont toutes les larmes d’impuissance que l’on verse sur le mal que l’on fait à l’autre et que l’on se fait aussi à soi-même.

Après l’amour ce sont les jugements cassants de ceux que l’on quitte par défaut ; parents, amis, collègues de cet être dont les pas partent vers d’autres lieux lorsqu’on est la personne ayant instigué la rupture ou encore les phrases plates de ceux qui ne savent plus quoi dire pour recoller une âme éclatée. Et l’on se sent trahi par l’autre, mais plus encore par soi. Après l’amour ce sont des ailes qui se défroissent lentement, malgré la peur, malgré le doute et qui poussent à aller juste un peu plus loin, au bout de soi.

Après l’amour ce sont des tonnes de souvenirs qui font sourire ou qui font rire. Des heures de plaisir nostalgique à se remémorer les instants qui avaient créé, l’amour justement. Ce sont ces perles rares qui nous appartiennent en propre et qui sont devenues une part de nous, jusqu’à nous définir, un petit peu.

Avant l’amour c’était toi et moi. Après l’amour est devenu toi ou moi.

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mardi, avril 15, 2008

Une tache de vin bien marquée

C’était une de ces journées où les obligations nous éveillent avant l’aube. La nuit d’hiver qui s’étirait sur les heures du jour rendait le levé du corps difficile. Je me sentais le corps engourdi de sommeil et je me demandais bien comment j’allais arriver à passer outre cette grosse fatigue qui immobilise la fluidité des mouvements. Je travaille de soir depuis des années ce qui fait que j’ai un peu perdu l’habitude de me lever dans l’encre des nuits qui s’étirent jusqu’aux berges du matin, dans la froidure de février. Ce jour-là, le soleil tentait vainement d’éclairer la ville de ses rayons camouflés par des nuages tenaces tandis que j’essayais, sans trop de succès de m’ouvrir les yeux.

J’aurais préféré me blottir à nouveau dans les couvertures en attendant que le jour fasse son entrée dans le monde. Cependant, je ne pouvais me permettre de flâner puisque qu’on comptait sur moi, au travail. Aussi, après avoir pris ma douche, aie-je entrepris de me faire un café bien tassé. Je possède une cafetière italienne, de celle qu’on fait chauffé sur le rond du poêle. Le premier café est donc presque trop chaud pour être buvable. Alors je me fais des cafés au lait pour me donner une chance de me gorger de ce breuvage que j’aime beaucoup.

C’est donc sur un rythme ralenti que j’ai entrepris, ce matin-là, de me concocter ma boisson matinale. Avec en prime un duo de chatons gambadeurs dans les pattes. Mes deux bêtes féroces me faisaient la fête comme à leur habitude lorsque je suis la première à me lever. Comme si la nuit était pour eux synonyme d’abandon inéluctable et qu’il leur fallait absolument me démontrer de toute leur présence, la joie qu’ils éprouvent à voir une humaine dans leur environnement, certains désormais qu’une personne chaleureuse leur donnera la dose de câlins qui leur est due.

Mais en voulant reposer la cafetière, après avoir versé le liquide brûlant dans le bol prévu à cet effet, j’ai fait une fausse manœuvre. Et plutôt que de remettre l’objet sur le four je l’ai posé quelque part entre le vide et le comptoir. Bien entendu la cafetière n’a pas su garder son équilibre et je fus aspergée par le café. J’ai évidemment tenté de me sauver de cette source de chaleur éclaboussante, mais mes pas se sont empêtrés dans le petit corps d’un chaton en effervescence derrière moi. Résultat, je me suis retrouvée avec une marbrure rouge vif qui s’étend de mon bras gauche à mon ventre, tache de vin bien marquée qui me rappelle à tous les jours que les gestes les plus simples que l’on pose jour après jour portent leurs lots de dangers.

J’ai serré les dents pour ne pas crier ma douleur, refusant de réveiller ma colocataire qui dormait paisiblement dans la pièce d’à côté. J’ai arraché ma chemise et pansé mes plaies. Puis, j’ai ramassé tout le dégât que j’avais causé. J’avais des aiguilles qui me rentraient dans tous les pores de la peau et je me demandais si j’allais survivre à tant de piques en enfilant une nouvelle chemise.

Ce matin là, des larmes coulaient sur mes joues pendant tout le trajet de transport en commun jusqu’au magasin. Parce que, bien sûr, je me suis présentée au travail ne croyant pas qu’une telle mésaventure justifierait une absence pour maladie… Les jours suivant; j’ai dormi.

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mardi, avril 01, 2008

Maman d'avril

Elle est née lorsque le printemps frissonne encore sous les étoles blanches de l’hiver. Quelque part au moment où deux saisons se chevauchent. Elle est née au cœur d’une famille de sept enfants; coincée entre le désir d’être assez grande pour faire comme les plus vieux et chargée des responsabilités inhérentes aux aînés, même si parfois elle se sentait trop petite pour porter des charges si lourdes. Elle a développé très rapidement une envie de performance qui la suit encore aujourd’hui. À quoi bon en effet être capable de faire quelque chose si on peut aspirer être la meilleure dans ce que l’on fait?

Elle s’est glissée dans son rôle de mère avec tout le cœur qu’elle possède. Avec tendresse et douceur. Assaisonnées d’un peu de colère parfois quand la situation devenait intenable. Dans mes souvenirs d’enfant, elle était la meilleure personne au monde pour consoler. À tel point que j’amenais mes amies en peine à ses côtés pour qu’elle chasse leur douleur et autres menus désagréments comme elle savait si bien le faire pour moi. Je n’ai jamais cessé de croire qu’elle était la meilleure pour écouter et comprendre. Même à l’adolescence, quand les parents sont généralement jugés comme des empêcheurs de tourner en rond ou des personnages obtus, moi je courrais à la maison m’asseoir dans la cuisine et raconter, en détails, toutes les impressions de mes journées. Ça me permettait de mettre une perspective aux événements, ça faisait du bien.

Lorsqu’elle s’est trouvée une nouvelle passion professionnelle, elle s’est immergée dans son travail de sage-femme à une époque où cette profession était tombée dans une ornière d’illégalité. Elle ne s’est pas contentée de pratiquer simplement son métier; elle était résolue à le faire de son mieux allant jusqu’à porter le dossier de la légalisation à bout de bras. Attrapant, au passage, toutes les responsabilités qu’on lui présentait puisqu’il lui fallait impérativement aller jusqu’au bout de l’implication sans quoi elle aurait eu le sentiment de ne pas se réaliser complètement. Dans l’arène du désir de perfection, on donne beaucoup et on reçoit peu en partage. Quelquefois, ça épuise. Quelquefois, il faut tirer un trait sur une époque belle et mouvementée pour garder la tête en dehors de l’eau.

Désormais, elle s’occupe de deux charmants poupons qui n’ont pas tout à fait deux ans. Comme elle s’occupait de nous autrefois. Ils lui montrent quotidiennement à quel point elle est belle et gentille du haut de leurs exigences intempestives. Et lorsqu’elle ne s’occupe pas d’autrui, elle joue dehors. L’été, on la retrouve dans son jardin à bichonner ses plates bandes. Les mains noires de terres et la peau tannée par le soleil, elle arbore un sourire resplendissant quand elle reçoit famille et amis dans son petit univers bucolique. Et l’hiver elle s’habille chaudement pour aller marcher jusqu’au bout de ses pas se retrouve, bien souvent, beaucoup plus loin qu’elle ne se l’était d’abord imaginé. Elle me dira, dans ces cas-là : « Mais c’est tellement plaisant de marcher dans la neige, je me suis sentie aussi vivante qu’une petite fille dans sa première tempête! »

Aujourd’hui c’est son anniversaire. Le printemps prend peu à peu le dessus sur un hiver rigoureux et j’ai envie de lui souhaiter une décennie aussi riche événements positifs que celle qu’elle laisse derrière elle le fut en difficultés. Je voudrais lui souhaiter autant d’amour autour d’elle que ce qu’elle m’a toujours prodiguée, à moi, sa fille aînée.

Je t’aime Maman.

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