mardi, mai 19, 2009

Ma petite fille aux allumettes

C’est une jeune femme difficile à conquérir. Une jeune femme fidèle à ses idées, ses amis, sa famille et ses valeurs. Alors, forcément, n’entre pas qui veut dans son cercle proximal. C’est une jeune femme au sourire coquin qui hausse les épaules d’une bien drôle de manière lorsqu’elle est contente d’une blague qu’elle vous fait. Ça donne envie de lui en faire une toute suite après pour revoir ce petit geste, plein de candeur et de joie de vivre. Comme je suis têtue, je crois que j’ai réussi à me tailler un sentier vers son amitié à force de rires, de discussions animées sur tout et rien, mais surtout sur le besoin de laisser les mots tomber sur le papier.

Je l’avais rencontrée avant de la voir. Lorsque j’errais dans le pays des Zombies, je ne lisais plus grand-chose d’autre que des romans d’amour savonneux, au contenu prévisible et à la plume facile. Mais il m’est arrivé de tomber, de-ci de-là, sur des textes qui détonnaient de ce contexte. Des textes qui m’ont fait le plus grand bien. Puis, j’ai rencontré quelques personnes qui m’ont introduite à la blogosphère, à une écriture précise et souvent très belle, et je me suis remise à lire. À lire autre chose que des romans mal foutus qui me servaient de somnifères. Je me suis tranquillement guérie en chérissant les textes que j’avais croisés et qui m’avaient permis de revenir de si loin. Ses textes furent la toute première petite flamme qu’elle m’a tendue, sans le savoir, évidemment.

Je lui ai rapidement dit que je l’admirais pour ce qu’elle m’avait fait lire, des années plus tôt, tout en lui avouant que j’écrivais aussi, ici et ailleurs. C’est une femme difficile à conquérir qui garde pour elle beaucoup, mais qui est curieuse des autres. Tranquillement, elle s’est mise à me poser des questions en écoutant chacune de mes réponses avec beaucoup d’attention et de concentration : je sais que tout ce que je lui ai dit est ancré dans sa perception de moi. Et de temps en temps, un pétale s’est ouvert d’elle vers moi. Tout doucement, sans faire de bruit. Je me suis donc mise à collectionner ces éclosions comme des matins de printemps qui s’éveillent au soleil ; je les reconnaissais comme précieux.

Puis, je lui ai présenté certains de mes textes avec beaucoup de gêne. Même si je sais que j’ai une facilité certaine à écrire, elle était pour moi, un peu plus grande que nature. Heureuse femme que je suis; elle a aimé. Et m’encourage depuis ce temps à concrétiser certains projets pris dans la poussière de mes ornières paresseuses, de mes petites et grandes peurs. C’était la deuxième petite flamme qu’elle me tendait, mais cette-fois, elle le savait.

Souvent, quand je pense à elle, je la vois un peu comme la petite fille du conte d’Andersen qui est capable de faire jaillir des rêves à partir d’une étincelle fugace. Des rêves qui m’auront permis de revenir de loin, deux fois plutôt qu’une, et de croire que tout était encore possible, dans quelque domaine que ce soit.

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lundi, mai 11, 2009

Une journée à effacer

Ce matin je me suis fait réveiller par un party d’oiseaux dans la cours. Il faut les comprendre, ayant passé tout l’hiver dans le Sud, ils ont mille potins à s’échanger. Alors, forcément, ça piaille à qui mieux mieux à cinq heure du matin, de préférence. Quand on se lève une heure plus tard, ça coupe l’élan du sommeil, mettons. C’est bien tout ça, les histoires de volatils, mais ça part une journée sur une certaine rogne. Qui n’allait pas s’améliorer dans le transport en commun ; la saison de la construction ayant repris ses droits sur nos routes, les ponts sont des zones troubles de ralentissement.

Je suis une femme positive. Alors, j’ai fait contre mauvaise fortune bon cœur et je me suis lancée dans le travail comme si de rien était, un sourire accroché au visage. J’ai eu le droit au lot d’accrochages qui définissent, généralement le type d’emploi que j’occupe, mais aujourd’hui, l’irritation et la fatigue s’additionnaient aux propos échangés. A Ce qui fait qu’à l’heure du repas, j’étais épuisée.

Il était tard, j’avais faim et je suis allée me chercher un hot-dog à côté du magasin. Là, dans la file, un homme ayant l’âge de mon père me demande : « si il allait aimer cela. » Je le regarde perplexe, avant qu’il ne pointe mon ventre rebondi. Quand est-ce que les gens vont comprendre que ce n’est pas la meilleure question à poser à une femme qui a le ventre rond? La toute première fois qu’on m’a posé cette question, j’avais vingt ans et je devais peser 116 livres. J’étais mince. J’ai trouvé ça à la fois drôle et un peu insultant. Mais j’ai pris le parti d’en rire. Et ça c’est reproduit plusieurs fois depuis. J’ai dit à l’homme que j’étais juste grosse et pas enceinte. Évidemment, il s’est mis à patiner à toute vitesse. ET IL A CONTINUÉ À ME PARLER! T’a yeule! Ça, je ne l’ai pas dit, sauf que l’envie ne manquait pas. Finalement je me suis assise à une table de la cuisinette de l’entreprise et je me suis effondrée en larmes en racontant à une amie cette dernière anecdote. Devant tout plein d’employés, évidemment. Super!

J’ai raccroché mon sourire et ma verve et j’ai terminé ma journée. Le retour à la maison fut aussi semé d’embûches, entre la construction qui n’avait pas fini de me ralentir pour la journée et un ralentissement du métro sur la ligne orange, j’étais noyée dans une foule aussi compacte que stressée. À quelque part sur la ligne verte, une vieille femme m’offre son siège en insistant sur le « vous êtes certaine que vous ne voulez pas vous asseoir? » Heille, deux fois dans la même journée, c’est deux fois de trop. Ok, je sais que je suis trop ronde à la fois pour ma santé et pour les standards actuels, mais joual vert, pourquoi est-ce qu’on s’obstine à me le dire? Je n’ai pas envie de vivre ma vie au régime. C’est un choix, sans doute très peu éclairé, mais c’est mon choix quand même. Tout ce que je demande c’est qu’on arrête de me le remettre sous le nez. Surtout quand autour de moi, il y un paquet de monde qui doit prendre deux sièges dans le transport en commun : ce qui est loin d’être mon cas.

Par contre, comme je l’ai dit plus haut, je suis une personne généralement positive. Alors en marchant jusqu’à la maison je me suis dit que c’était sans doute normal que je n’ai pas d’amoureux depuis dix ans. En effet, si tous les gars que je croise me pensent enceinte, je ne dois pas avoir l’air très, très disponible. Non?

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Le jour où j'ai eu l'air raciste

Un des rares avantages à travailler les matins de fin de semaine, c’est que le transport en commun est presque désert. Les quais sont agréablement parsemés de quidams qui comme moi doivent se rendre à destination. Lorsque le métro arrive, il y a de la place pour s’asseoir et la faune matinale hésite entre une nuit trop longue qui n’est pas encore tout à fait finie et un début de journée qui a sonné trop tôt. Moi, j’en profite pleinement. Je savoure ces deux matins par semaines qui ne se déroulement pas dans la cohue urgente des tempos montréalais. Et je ne peux pas compter sur les fins de journée pour avoir le droit à la même intimité ni au même espace parce que mon retour à la maison coïncide avec la fermeture des centres d’achat.

Un certain samedi matin, j’étais chargée comme un baudet ; certaines activités prévues pour la soirée demandaient une préparation encombrante. Dans l’aire d’attente, nous étions environs dix ou douze personnes. Lorsque l’autobus s’est avancé, il s’agissait d’un de ces géants en accordéons qui peuvent loger environ quatre-vingt-dix personnes et en asseoir autour de soixante-cinq (selon mes calculs absolument pas scientifiques). J’étais la première à la porte de l’autobus et j’avais donc l’embarras du choix des places. J’en choisi donc une, double. Une place pour mes sacs et l’autre pour moi.

Grand mal m’en fit.

Ça ne faisait pas dix secondes que j’avais mis le nez dans mon livre, qu’une femme noire s’est pointée devant moi, en marmonnant quelque chose de relativement incompréhensible en pointant mes sacs du doigt. Je l’ai regardée, ébahie, sans réagir, la tête encore prise dans le sommeil abruptement interrompu il n’y avait pas si longtemps. La dame n’était pas contente. Visiblement. J’avais pris SA place. Voyant que je ne collaborais pas, elle a sèchement pris mes sacs pour me les poser sur les genoux et a posé tout son poids juste à côté de moi. Conséquemment, j’étais coincée entre elle et la fenêtre.

J’avais envie de lui dire : « Madame, l’autobus est pratiquement vide! Pourquoi, dans le monde, cherchez-vous tant à être coincée à deux sur un banc quand il y en a au moins vingt (tout aussi doubles) qui sont inoccupés? » Je me suis évidemment abstenue faire un tel commentaire. J’ai plutôt changé de place. J’ai pris le banc juste derrière elle, en installant, une fois de plus les sacs à mes côtés. Subissant les cahots conséquents au départ de l’autobus du quai. Durant tout le trajet, la dame se retournait vers moi avec l’air de croire que c’était par dégoût d’elle que je m’étais poussée. Ben, c’était un peu le cas, mais sans regard à la couleur de sa peau. C’était davantage mon petit côté sauvageonne qui avait besoin de l’espace qu’il pouvait prendre.

Depuis, à toutes les semaines, je la laisse monter dans l’autobus avant moi et elle semble vraiment certaine que j’ai une dent contre elle, très personnellement.

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mardi, mai 05, 2009

Où le rêve se rive à la réalité

Cher toi-même,

D'abord, il n'est pas dit, que tu ne reviendras jamais établir tes pénates dans ta seconde ville d'adoption, comme tu dis. Je ne dis surtout pas que ce sera demain ou bientôt, mais il ne faudrait pas assumer que c'est jamais. Je sais que tu rêves d'Europe depuis longtemps, ce rêve d'arrimer ta vie, à toi, avec celle d'une famille assez récemment immigrée ici, au Québec. M'enfin, tu ne pourras affirmer qu'avec le temps que ta vie est dans ces vieux pays aussi romantiques que toi. Tu parles de Montréal comme d'un passé révolu, sur lequel tu aurais biffé une étape nécessaire, mais totalement terminée. Je crois, moi, qu'il faudra que ton réseau social européen soit au moins aussi développé que celui que tu as tissé ici, avant qu'on se dise que le reste de ta vie sera là-bas. Et ne te fais pas le coup de rester là par orgueil où pour t'en tenir à des aspirations de tes années passées. Ce serait con. Tu vaux mieux que cela. Peut-être aussi que ton objectif est davantage de retourner t'installer dans la ville où tu es né, mais là aussi on verra ce que l'existence mettra sous tes pas.

Je suis heureuse de voir que le petit effort que je fais de te donner des nouvelles, de te changer les idées avec mes histoires et mes anecdotes te fais du bien. C'est l'objectif.

Je réfléchis depuis une heure à l'idée que tes parents t'ont soumise de mettre des filtres et je me demande si je suis d'accord. Oui, en partie, non d'autre part. Je m'explique:

Oui, parce que je pense que tu aurais avantage à te préserver un peu au début des rencontres que tu fais. Parce qu'à t'ouvrir ainsi jusqu'à la transparence devant tout un chacun, ça te met en danger, c'est clair. Surtout que dans notre monde, le privé a parfois de drôles de visages. La sensibilité, l'émotivité sont des sujets tabous. Montrer sa vulnérabilité choque davantage que de parler crument de ses expériences sexuelles. Donc tu déranges parce que tu dis ces choses qui sont tues. Tu dis que tu aimes jusqu'au bout des ongles, que tu veux aimer complètement et être aimé de retour. Tu dis que ça fait mal et que ça ne s'arrête pas simplement en disant « stop ».

Non, parce que si tu ériges des filtres trop opaques, ils finiront par devenir des barrières. J'ai peur que tu t'y perdes un peu. Comme je m'y suis perdue personnellement en essayant de rencontrer des objectifs sociaux qui ne me ressemblaient pas. Mais peut-être devras-tu apprendre à doser ces ouvertures sur toi-même. Pas parce que la mesquinerie du monde autour de toi pourrait t'atteindre, ça tu n'y échapperas pas, malheureusement. Mais bien parce que les gens fuient cette humanité que tu portes comme une oriflamme. Il se pourrait aussi que la solution soit d'élaguer rapidement les relations, en tassant immédiatement de ton entourage, ceux qui ne sont pas capables de vivre avec ta réalité, sensible et vraie.

Bises,

Mathie xxx

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vendredi, mai 01, 2009

Chercher le point d'équilibre

Je t’avais dit que je t’écrirais à tous les jours. Que vaudrait ma parole si je me délestais de cet engagement la première journée?

Aujourd’hui, j’ai peu de mots à t’offrir. Seulement mon amitié indéfectible.

Tu n’es pas aussi con et ridicule que tu le crois. Peut-être pas aussi fort non plus.

Je crois en ta capacité d’amour. Je crois que tu seras capable d’aimer adéquatement, un jour.

Ce n’est pas facile d’atteindre l’équilibre. Pour moi, ça ne l’a jamais été, en tout cas. C’est peut-être en partie pour cette raison que je suis encore toute seule après dix ans. Je crois que je suis désormais une personne équilibrée, mais je ne le sais pas. Pas vraiment. Puisque je n’ai jamais eu de relation amoureuse depuis que je me suis guérie de ma propre dépression.

Suis-je guérie? Je l’ignore. Il m’arrive encore de retomber dans des patterns qui ressemblent un peu trop aux grands dérapages de mon passé pour que ce soit sain pour moi. Mais au lieu d’y plonger jusqu’à en perdre haleine, je vois que je tombe. Je vois que je tombe et ça ne dure plus si longtemps. Quelques jours, quelques heures même parfois.

Pour le moment, tu n’es pas là. Tu es dans les détales des questionnements qui se jugent en eux-mêmes. Qui te jugent surtout. Et oui, tu es aussi jugé par des gens que tu croyais tes amis et qui ne comprennent pas pourquoi une personne comme toi, en arrive à dire ou à faire certaines choses. Ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne connaissent pas ce pays à l’orée duquel tu vagabondes depuis des mois. Un pays dans lequel les excès côtoient l’immobilisme le plus complet. Un pays où il ne fait pas très souvent bon vivre.

Je n’ai pas envie de te dire que tu es plus fort cela. Ce serait foutaise que d’essayer de prétendre une telle chose. Mais tu n’es pas plus faible non plus. Tu es juste toi. Dans toute ton intensité, dans toutes tes contradictions. Tu es un homme qui vit. Ce qui n’est pas l’alpage le plus fréquenté par nos contemporains. Tu vis jusqu’au bout les victoires comme les défaites. Et ça implique que certaines personnes te laissent tomber en cours de route parce qu’elles choisissent de ne pas se donner autant, dans quoi que ce soit.

Je ne sais pas ce que tu feras de toi-même dans les prochains jours.

Mais je sais que tu finiras par trouver le point d’équilibre de ton existence et qu’un jour tu cesseras d’osciller entre trop et trop peu.

Et peut-être même qu’un jour tu regarderas l’homme que tu es aujourd’hui avec autant de tendresse que moi, je mets à te regarder.

Ton amie qui t’aime fort,

Mathie xxx

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