mercredi, décembre 27, 2006

Souhaits pour 2007 - La lettre

Voici ma participation au Coitus pour la semaine. Nous devions écrire une lettre de souhaits pour 2007 en y incluant les mots air/terre/feu et eau

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C'était il y a quelques années. Une bouffée d'air frais dans ma bulle embrumée de dépression. Ce soir-là, j'étais enragée contre ce que la vie m'offrait. Je n'ai jamais compris pourquoi mes rages avaient un tel impact sur la gent masculine sauf que j'ai toujours pu constater que je fascinais invariablement lorsque les colères sourdes me brûlaient les tripes. On s'était croisés plusieurs fois toi et moi. Dans un jeu de séduction dont nous ne connaissions pas vraiment les règles. Je me suis heurtée à ce que tu étais plus d'une fois. Lacérée jusqu'à l'âme pas les tempêtes de froidure dont j'étais quelquefois la victime. Mais cette nuit-là, quand tu t'es approché de moi, j'étais sans conteste à tes yeux, la plus séduisante femme de la place. Peut-être parce que d'autres hommes me portaient une attention particulière. Je m'en contre-foutais: c'est ce qui t'amusait d'ailleurs, tu me l'as dit. Ça m'a fait sourire.

On est rentrés en se tenant par la main, comme des amoureux que nous n'étions pas, en étouffant des rires complices parce que le temps nous avait forgé des liens. On s'est assis sur mon lit, face à face, pour refaire le monde, en parlant. Toute une nuit. Tu m'as avoué que tu ne m'aurais jamais remarquée si ce n'avait été de mon rire de gorge qui serrait la tienne. Tant de trésors de sensualité dans les notes de ce rire, m'avais-tu dis. Et dans le noir de ton regard, je me sentais merveilleusement femme. Une offrande que j'ai prise pour en savourer la sève tandis que je nageais dans tes eaux. Tu m'as serré contre ton corps bouillant du feu de nos émois. Et je me suis retrouvée momentanément à l'abri du froid des hivers. Une douillette d'affection qui pansait les solitudes trop longues de ma vie en célibat.

Tu m'as parlé de la terre fertile de nos ébats tandis que je riais de cette poésie qui fleurissait tes paroles de manière un peu saugrenue. Et tu me racontais que c'était moi qui t'avais insufflé ce goût des images pour décrire. Je suis demeurée rougissante de plaisir à ne rien pouvoir de dire en retour.

Je me suis réveillée au matin dans un lit vide de ta présence, avec une petite note épinglée sur ma porte. Tu t'étais sauvé sans me donner la chance de te dire que je te souhaitais autant de bonheur que cet asile de douceur m'en avait apporté. Et puis, la vie nous a envoyé dans des directions opposées, je ne t'ai plus revu. C'était un 27 décembre, et depuis, à tous les ans, à cette date bien précise, je pense à toi.

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vendredi, décembre 22, 2006

L'invité inopportun

Voici ma contribution pour le Coitus impromptus cette semaine. Petit texte qui devait s'inscrire dans l'atmosphère du temps des fêtes. Bonne lecture.

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La vieille maison sentait le bois brûlé tandis qu'elle raisonnait des cris de tout le monde qui s'y était réuni. La famille était grande. À un point tel que ses membres finissaient par en perdre le compte. Seule l'Aïeule savait encore faire le décompte exact de tous les enfants et petits-enfants qui se retrouvaient dans sa maison, une fois l'an. Mais comme tout le monde, elle s'y perdait quand venait lieu de faire les liens entre les invités impromptus qui finissaient toujours par augmenter le cercle des fêtard. Moi, j'essayais d'éviter les bolides qui couraient dans touts les directions pour me diriger vers mon lieu de réflexion favori. À chaque année c'était le même cinéma, quoi que j'eusse très hâte de les revoir tous je me figeais un peu une fois dans la maison, gênée soudain devant tous ces presque inconnus. Alors je m'installait dans l'escalier abrupt qui dominait la vallée en pente douce pour regarder l'hiver prendre ses droits sur la nature et, aussi, pour oberver de loin, cette famille qui m'était, pour beaucoup, étrangère.

J'en étais à me dire que mon verre était dû pour un nouveau remplissage lorsque Sylvain, ce cousin qui m'a toujours trouvé si jolie que c'en est presque gênant, s'est approché de moi accompagné d'un homme d'environ mon âge qui ne faisait clairement pas partie de la famille. Sylvain allait commencer les présentations quand j'ai pris la peine de regarder son invité que j'ai immédiatement reconnu : « Bonjour monsieur DiMarco, aie-je dit souriante, qu'est-ce que tu fais ici? » Je n'avais pas vu ce mec depuis mes années d'école secondaire. Époque lors de laquelle son année de plus que la mienne pesait lourd dans la balance. À l'époque, il faisait partie du cercle des personnes populaires que tout le monde voulait intégrer. Moi la première. Mais quoique je regardais avec envie cette élite se mouvoir avec assurance, je me refusais de l'intégrer à n'importe quel prix, surtout pas celui de mon intégrité. Par conséquence, j'étais mal perçue par ses membres et les autres élèves aussi.

DiMarco (Sébastien de son prénom) arborait un sourire condescendant toutes les fois où nous nous croisions. Il faisait régulièrement courir la rumeur que j'avais un gros béguin pour lui. Ce qui lui permettait de me regarder de haut, donnant l'impression que je lui faisait pitié, avec mon amour autant inassouvi qu'impossible pour sa petite personne. Ça me faisait enrager tellement fort que je virais rouge dès qu'il m'adressait la parole. Confirmant ainsi pour les observateurs extérieurs qu'il disait vrai. Je n'ai jamais été forte sur la vengeance, je ne la cherche pas. Par contre, je suis capable de retourner une situation à mon avantage dès que l'occasion se présente, quelquefois, après bien du temps. Dans ce party de famille où l'on fêtait à la fois Noël et le Nouvel An, je m'amusais bien de le voir si surpris de me retrouver-là, à presque vingt ans de distance. Il m'a expliqué qu'il avait été invité pour accompagner les musiciens à la basse. Je n'ai rien répondu en descendant mon perchoir pour aller chercher le vin dont j'avais envie avant que Sylvain et Sébastien ne surgissent devant moi.

Pendant que je me dirigeais vers la cuisine, j'ai entendu mon cousin dire en riant : « D'habitude elle ne mord pas! » Je savais que j'avais piqué la curiosité de Sylvain et qu'il n'aurait de cesse de me questionner tant qu'il n'obtiendrait pas une réponse satisfaisante. Mais je n'avais rien à ajouter, Sébastien était une des personnes qui m'avaient marquée et blessée durant mon adolescence et je n'avais pas particulièrement envie de causer avec lui. Point. Par contre, j'ai appris avec le temps que mes envies ne vont pas toujours dans le même sens de celles des gens que je croise. Alors je m'attendais bien à ce que Sébastien finisse par revenir me voir, quelque part durant la soirée. Le premier set de musique venait de se terminer quand il s'est glissé derrière moi en me demandant : « Tu me fuis? » « Non, aie-je répondu, je ne vois juste pas ce que je pourrais bien te dire. » Il m'a alors demandé si je lui en voulais encore pour ces épisodes de notre adolescence. J'ai haussé les sourcils de manière éloquente avant de lui répondre que j'avais autre chose à faire de ma vie que de concentrer ma rancoeur au sujet de personnes que je n'avais pas ou peu de chances de recroiser dans ma vie. Ça l'a scié. Il n'avait plus rien à ajouter.

Comme cette absence de possibilité de discussion commençait à me peser, je m'apprêtais à changer de place quand il m'a lancé tout à trac : « À l'époque, j'étais très amoureux de toi ». Alors, je l'ai regardé bien droit dans les yeux pour lui rétorquer : « Ça Sébastien, je l'ai toujours su. »

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vendredi, décembre 15, 2006

Le Centre Bell dans le fond d'une bouteille

Il y a de ces artistes qu'on ne se tanne pas de voir. Pour diverses raisons, mais surtout parce qu'ils donnent un bon show. Je ne connaissais pas trop Antoine Gratton avant de rester avec Julie, je savais qu'elle l'aimait beaucoup, j'aimais assez son oeuvre sans y porter une attention particulière. Comme nous partageons toutes les deux un amour des spectacles, que nous adorons aller en voir au Verre Bouteille parce que la salle est si chaleureuse, Julie m'a tirée, presque de force, pour que j'aille voir ledit Antoine dans ladite salle, il y a quelques temps. Ce n'était pas un spectacle en solo, c'était un duo avec un certain Manuel Gasse. Connaît pas. Pas trop curieuse non plus de savoir qui il est, pour aucune raison valable dans le monde. Comme je travaillais ce soir là, je suis arrivée pour la seconde partie du spectacle. Pas grave, les deuxièmes parties sont souvent les plus fortes, les artistes profitant de la première pour se réchauffer un peu.

Antoine, c'est Antoine. D'abord, le Verre Bouteille c'est un peu son salon. Et puis, il a ce sens du spectacle super développé. Il communique avec sa salle, tout le temps. Il joue, pleinement content d'être là. Tellement qu'on entend les notes de ses sourires se mêler à ses textes. Et les glissements dont il a le secret qui font je que suis totalement incapable de le chanter a capela, parce que moi vous avez, j'ai un peu de difficulté à chanter. Ce soir-là en plus il avait une réplique. Un jeune bonhomme avec qui il s'amuse bien. C'est évident qu'ils ont fait beaucoup de chemin ensemble. Qu'ils se connaissent et se respectent énormément. Ils se taquinent entre deux chansons. Manuel ne laissant pas sa place à ce sujet. Ni sur la scène d'ailleurs. Prendre une place quand la plupart des spectateurs sont là pour l'autre ne doit pas être une chose aisée. Cependant, Antoine est très généreux de cette scène partager, y allant de belles présentations qui mettent sont compagnon de scène en valeur. Et tellement, tellement de plaisir.

La seconde partie du spectacle a commencé sur une chanson d'Antoine que je me suis surprise à connaître par coeur. C'est la faute à Julie. Un espèce de bruit de fond en provenance de sa chambre, de temps à autre, qui fini par me rentrer totalement dans les oreilles et dans le cerveau. La chanson suivante en était une de Manuel. Je n'ai pas d'attente. En fait, j'ai plutôt une solide dose de mauvaise foi. En partant, j'avais l'impression qu'il n'était là que pour mettre l'autre en valeur. Eh bien, je me suis fait avoir. Il est un auteur-compositeur-interprète. Malheureusement inconnu. Ou presque inconnu. Les textes sont riches et les musiques davantage encore. Et sa voix... Une belle voix d'homme qui se promène dans des sphères trop aigues pour ma voix de fille. Et il réussi à chanter vraiment juste, sans arrangement de studio. Je me penche vers Julie pour lui dire qu'il nous faut cet album IMPÉRATIVEMENT. Elle me renvoie ce regard émerveillé qui me répond mieux que n'importe quelle formule. On fait nos comptes, et on trouve les cennes qu'il nous faut pour nous procurer le dit disque. C'est une urgence. Ça s'appelle Être un homme. C'est beau, c'est simple et ça sent le vrai.

J'ai vraiment l'air d'avoir été achetée par le Verre Bouteille, je sais bien. Mais vraiment, je pense que tout le monde devrait aller y voir un spectacle une fois. C'est souvent bon, rarement décevant. Et quand on est assis dans la salle, on fait tout autant partie du spectacle que les gens sur la scène. Ça vibre, c'est plein d'émotions. Nous, on y retourne souvent. Et on est retombées sur Manuel Gasse, cette fois avec d'autres garçons, peut-être un peu plus connus que lui. Et puis à un moment donné, il s'est un peu éloigné de son micro pour une note et il a entendu deux filles qu'il ne connaît pas, hurler les paroles de sa chanson. C'est sorti tout seul, il nous a dit « Yé » entre deux vers.

Le premier soir, j'étais allée voir un spectacle d'Antoine Gratton un peu à reculons. Je suis arrivée dans une atmosphère électrique, digne du Centre Bell parce que le gars sait comment conquérir sa salle. Seul ou accompagné D'une manière ou d'une autre, il joue jusqu'au fond de l'âme pour tout le public qui est présent. Et lorsqu'il amène dans son sillage quelqu'un d'un peu moins connu que lui, il sait lui donner tout l'espace nécessaire pour que ce dernier puisse prendre un envol.

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lundi, décembre 11, 2006

Si je savais où il est !

Voici ma contribution de la semaine pour le Coitus impromptus.
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« Hey Julie, t'as manqué quelque chose à la radio tout à l'heure, il y avait Patrick Watson en direct à Christiane Charette! »

« Ben c'est pas grave, y'a un code 6 dessus! »

Je regarde Louis interloquée, évidemment, nous n'avons absolument pas compris de quoi il est question. Mais c'est normal, c'est chez-nous. On a droit à une explication aussi farfelue que difficile à saisir dans laquelle il est question de croire ou ne pas croire ce que l'autre dit au sujet d'un artiste. Le tout dit d'un ton très convaincu. Alors nous nous devons d'acquiescer. Marie-Hélène se lève au mileu d'éclats de rire, pas tout à fait débarbouillée de sommeil encore, confuse des dodos qui embrument son regard et Louis l'appelle Sexisness tandis qu'elle m'envoie un signe de totale confusion. Moi je me marre devant mon ordinateur. Julie est dans ma chambre, puisque « c'est plate dans ma chambre ce matin, il n'y a personne alors je vais squatter la tienne » comme elle me l'a expliqué en se levant ,une heure plus tôt. Dans la cuisine on entend Louis entreprendre une attaque de bisous sur sa Marie.

C'est ainsi, à l'appartement le matin, quand tout le monde est là. C'est une maison de fous où il faut habiter pour suivre le fil des discussions. Dès qu'une personne se pointe à la maison et que nous sommes tous les quatre, on sent bien que le pauvre invité est perdu dans nos phrases incomplètes qui évoquent plusieurs sujets tout à la fois. On peut parler une minute de musique et enchaîner sur la dernière version de Final Fantasy sans transition. Mais on se comprend.

Franchement, lorsque nous avons pris la décision d'habiter tous ensemble, au printemps dernier, tout le monde nous regardait bizarrement. Deux filles célibataires et un couple. Il y avait peu de chances de survie. Cinq mois plus tard, non seulement nous y survivons très bien, mais nous nous entendons certainement mieux maintenant qu'à nos débuts en colocation. On se connaît mieux, on s'apprécie mieux. La maison est le théâtre quotidien d'une vie qui semble tout droit tirée d'une comédie de situation mal dégrossie. Tous les éléments sont en place pour qu'on se tire des assiettes en pleine face. Sauf que ce n'est pas du tout l'ambiance. En réalité, on rit. On se raconte n'importe quoi. Si par inadvertance on ne se voit pas pendant plusieurs jours, on s'ennuie. On s'écrit des courriels ou on se laisse des messages sur le répondeur. Nous défions l'improbable. Et l'absurdité.

Il y a des matins où je me lève dans la solitude. Trop tôt pour les habitudes de la maison. J'en profite pour lire et écrire un peu. Mais dès qu'un comparse se lève, fini la trêve d'écriture, ma chambre est envahie par les bruits, les rires et les commentaires de la vie des autres. Alors j'écris beaucoup moins souvent qu'avant. Je suis moins seule, moins triste aussi. Et le soir, je n'arrive jamais à me coucher. J'ai beaucoup trop de plaisir à parler avec mes colocs, à aider Louis à passer à travers un tableau de jeu vidéo ou encore à parler confidences avec Marie ou Julie.

Et quand mes émotions tournent au vinaigre, que l'angoisse me ronge et que la panique est sur le point de faire virer mes nuit en cauchemars, je me lève en sachant que je pourrai en parler avec la première personne à se lever après moi. On ne rira pas. On ne me jugera pas. On écoutera le mal-être, la douleur, les complexes. On me dira qu'on me comprend et ce sera vrai. Alors les monstres qui me taraudent s'enfuiront, pour quelques semaines ou quelques mois. Et je sais qu'ils seront repousser avec autant de verve si d'aventure ils se représentaient.

Depuis que j'habite ici, j'ai perdu le temps d'écrire tous les jours. Si je savais où il est, je ne suis pas certaine que je choisirais de le cultiver. Je crois, que je préfère vivre et rire avec des gens qui m'aiment et que j'aime en retour.

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jeudi, décembre 07, 2006

Quelques grammes de dentelle

Voici ma plus récente contibution au Coitus impromptus

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Sa peau ridée laisse deviner le passage du temps. Elle porte ce teint grisâtre et froid d'une fin de vie bien remplie. Au toucher, c'est froid, un peu, même si on sent encore la vie palpiter sous l'épiderme. Au seuil de son existence, elle sourit avec tendresse sur son propre cheminement. Elle a bien vécu. Elle connaissait les première heures de sa vie, sous le duvet épais qui la recouvrait. Couverture savamment agencée pour la mettre en valeur, petite princesse adulée, dont la beauté était encensée. Elle savait très bien que tous se penchaient sur elle, pour l'admirer. Déjà, elle était coquette, déjà elle avait compris qu'il ne lui fallait qu'une crise pour attirer toute l'attention sur elle. Depuis son plus jeune âge, elle avait toujours aimé briller sous le regard d'autrui.

Petite reine durant son enfance, ivre de liberté, elle se pavanait dans ses robes pastelles, aériennes et joyeuses. Elle dévalait les sentiers qui jalonnaient son parcours, heureuse et insouciante, semant, ça et là des parcelles de sa présence égayant les endroits qu'elle traversait. Elle distillait de doux baisers, au gré de ses envies, pour s'attirer les faveurs des courtisans qui s'additionnaient autour d'elle. Cruelle, parfois, dans son innocence, ne tenant jamais compte de ce que ses actions pouvaient avoir comme influence sur les gens de son royaume, elle se piquait de rester au centre de l'intérêt général, malgré tout. Dans ses colères infantiles et boudeuses elle abordait une moue que tous finissaient par lui pardonner parce que, malgré tout, elle était généreuse de tout ses avoirs, la plupart du temps. Une enfant gâtée, somme toute adorable.

Adolescente, consciente de toute sa splendeur, elle taraudait ses désirs, taquinant sans distinction les hommes et les femmes qui s'approchaient d'elle. Elle se vautrait dans la volupté, comme d'autres dans leurs malheurs. Sa peau chaude attirait les jeux du désir, ses parfums prononcés soûlaient ses partenaires qui se laissaient glisser, sans contrainte, dans les excès des sens en mordant dans la chair de la belle. Des amants de passages aux plus fidèles amoureux, elle se donnait toute entière, toujours belle. Belle dans ces instants d'intimité partagés. Belle dans sa fierté et son indépendance. Jalouse de sa liberté d'action. Ne faisant jamais de promesse qu'elle savait ne pas pouvoir tenir. Honnête jusqu'au tréfonds de son âme. Attaquant chaque nouvelle rencontre, comme si chacune d'entre elles était la dernière. Infidèle. Infidèle jusqu'à lie.

Femme chaude parée de couleurs mordorées, elle régnait sans équivoque sur la cours nombreuse des amants qui massaient son sein, récoltaient les présents qu'elle laissait à leur attention. Sauvage et violente dans sa maturité. Chatoyante, ronde et pleine, à la fois douce et aride. Mielleuse quelquefois, mais aussi âpre à d'autre moment. Sans concession, jamais. Toujours têtue, traînant dans ses sillons les parfums de ses rébellions. Elle avait été une femme totale, mère jusqu'à l'âme. Attentionnée lorsqu'il le fallait, négligeant parfois de répondre aux questions sans fin de ses enfants. Amoureuse et aimée même après l'affaissement de sa beauté trop grande pour être justement décrite.

Et ce soir, elle se pare de quelques grammes de dentelle. Petites étoiles couvrant avec pudeur son corps tavelé de taches brunes, vertes ou grises.

Oui, l'année écoulée aura bien vécu.

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mardi, décembre 05, 2006

Les notes du barman

La soirée s'était apaisée en même temps que les heures. Le barman se promenait dans la salle venant remplir nos verres à même un pichet payé depuis un certain temps, faisant des pirouettes pour nous faire rire, et ça fonctionnait très bien. Les copines se demandaient bien comment je pouvais faire pour mettre une personne dans ma poche comme cela, à ma première visite. Ce qu'elle ne savaient pas, c'est que c'était loin d'être le cas. Je ne sais plus trop qui a entamé la première discussion. Moi ou le barman curieux de l'autre côté du bar. « T'écris toujours, je ne sais pas comment tu fais pour écrire ici, il y a tant de monde et tant de bruit! » Et moi d'expliquer que je squattais chez ma mère, qu'elle se couchait tôt, que je n'avais pas le droit de fumer dans sa maison, alors je me réfugiais dans les bars montréalais pour assouvir mon besoin de raconter. Il m'avait alors dit, gauchement sous ses épis en broussaille : « Moi aussi j'écris... Des chansons. J'écris des chansons mais je n'ai pas un grand sens des mots ni de la poésie. Moi, j'écris des émotions. » Je me souviens lui avoir lancé un demi sourire, et d'avoir pensé c'est quoi tu penses la poésie, si ce n'est de l'émotion.

De temps à autre, il s'assoie avec moi, quand il ne travaille pas. Invariablement, on parle de sa vie en musique. Parce que c'est ce qu'il est, un musicien parolier, quoiqu'il puisse lui-même en penser. Il me raconte alors tous les projets fous ou sérieux auxquels il a participé. Il me raconte avec cette fougue que je commence à reconnaître, les détails du processus créatif. Toutes les fois, ses yeux s'allument. Toutes les fois, le débit de ses mots s'accélère brutalement. Je dois souvent le faire répéter parce que dans son emballement, je perds des mots. Alors il recommence, reprend de l'élan et me perd encore une fois. Le dénominateur de ses discours, c'est la réserve. Toujours un iota de dépréciation. Toujours une virgule pour me faire comprendre que ce qu'il fait n'est pas parfait. Moi, j'entends les dénégations. Seulement, ce que j'en retiens, c'est le plaisir évident que la musique éveille en lui. Ce que je constate c'est que le seul fait d'en parler l'amène sur une planète que je ne connais pas.

Il m'arrive d'avoir envie de le convaincre que les comparaisons qu'il fait, entre lui et la grande smala de la communauté artistique québécoise, sont fallacieuses. Cependant, je me suis assez rapidement rendue à l'évidence que ça ne me mènerait à rien. Il doute. Il doute alors il écrit des chansons pleines de sens et pleines d'émotions qui rendent si bien ces moments qui vrillent le coeur. Il doute, alors il baisse un peu la tête avant de m'annoncer la date de son prochain spectacle. Il aime mes critiques pourtant, alors il persévère à se mettre la tête sous le pilori de mes opinions. Toutes les fois, il me regarde un peu surpris après avoir entendu mon verdict. Il me dit souvent que peu lui importerait que je raconte que ses textes sont faibles, qu'il le sait et que ça ne le dérange pas, mais qu'il serait marri si je lui disais qu'il passe à côté de l'émotion qu'il veut partager. Mais moi, je n'arrive jamais à trouver que ses textes sont aussi piètres que ce qu'il prétend.

Le plus souvent, il me fait rire en s'emportant sur ce milieu si difficile à percer. Il me raconte les artistes qu'il a rencontrés, les sympathiques et ceux qui ne le sont pas. Je collectionne les anecdotes en me demandant de quelle manière je vais bien finir par me les approprier, parce que c'est drôle, parce que ça sonne vrai et parce qu'on ne raconte pas impunément des trucs pareils à une fille qui écrit pour respirer en pensant qu'elle les laissera toute une vie sous silence. Et puis, parfois... Parfois, il prend son rôle de barman au sérieux et écoute mes doléances sur la vie. Sur les hommes, le travail, les amitiés qui s'étiolent et me râpent le coeur. Lorsqu'il m'écoute, il a le regard rivé sur mes yeux, pour que je sache qu'il est entièrement là. Je connais son regard, mais je ne sais toujours pas de quelle couleur sont ses yeux

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lundi, décembre 04, 2006

Les heures qui tuent

4h12.


La nuit est noire. Dehors, la première neige étouffe les bruits. Je connais le monstre qui m'éveille. Je le connais trop bien. Un raz-de-marée me remonte l'oesophage. L'angoisse, la maudite angoisse, celle de mes années d'insomnie et du mal-être que je croyais avoir quitté me reprend à bras-le-corps. Ce n'est pas une heure pour faire des façons, m'excuser ou encore dire tout simplement que je me sens mal. Je suis toute seule dans un lit trop grand, dont je connais tous les plis depuis des années. J'ai le coeur qui s'amuse à faire des pirouettes hallucinantes dans ma cage thoracique et je n'ai pas besoin de prendre ma pression pour savoir que ma tension s'amuse à grimper les Everest de mes doutes.

4h45.

Je sais que je ne dormirai plus. J'ai beau essayer de penser à autre chose, je suis complètement prise par la panique qui me ronge. La culpabilité m'habite. J'ai mal aux yeux, comme si je venais de passer les dernières heures à essayer de lire dans la noirceur. J'ai mal aux poignets et mes doigts sont engourdis. J'ouvre la télé pour faire taire les bruits dans ma tête. J'ai une envie d'allumer la radio aussi. Comme quand je ne dormais plus du tout lorsqu'il faisait noir. Comme lorsque je ne pleurais plus et que mes épaules étaient trop lourdes à porter. J'écoute, sans y prêter attention, une biographie sur une espionne américaine des années 1920. C'est pourtant intéressant mais mes pensées en tumulte m'empêchent de comprendre ce qui se déroule devant mes yeux. Je n'aurai pas de répit, je travaille à 8h45. Pas d'espoir pour moi de dormir quand le soleil se lèvera, plus tard, beaucoup plus tard.

5h18

Je sais qu'il est complètement inutile que je ressasse la dernière soirée. Je sais que je n'ai rien fait de si grave que cela. Mais je ne peux m'empêcher de sentir le venin de la culpabilité qui s'insinue dans mes veines. Hier soir, c'était le party de Noël du magasin. Comme à chaque année, on avait droit à un sac de livres et de disques. Chacun des sacs ayant sensiblement la même valeur marchande. J'ai essayé de ne pas prendre un sac avec trop de disques. Je ne suis pas musique. Mais de retour à ma table, je me rends compte que j'ai trois foutus objets d'audio. Dont un coffret de musique classique. Je laisse tomber les objets devant Julie et je lui dit : « Arrrrrrrrggghhhhhhhh! J'ai rien que des disques. Tu les écouteras et tu me diras de quoi il en retourne » Comme le souper arrive tout le monde n'a pas encore eu son cadeau. Lorsque la répartition se termine je demande à Julie où sont mes disques. Elle me dit qu'elle les a déjà échangés. Je suis estomaquée puisque la répartition vient à peine de se terminer. Et puis, et puis, je voulais avoir une monnaie d'échange au cas-où je pourrais avoir un livre. Rien qu'un livre. Un livre pour moi. J'explique à Jenniko que les disques qu'elle avait obtenu en échange de son dictionnaire pour enfant était à moi. Elle me le redonne. Je le troc contre des livres. Et depuis 4h00 du matin, j'angoisse parce que je me sens méchante d'avoir repris mon seul bien d'échange. Je me sens vile, et conne et laide et grosse et n'importe quoi de pas rapport parce que j'ai repris le petit machin que j'avais eu pour le troquer contre quelque chose d'autre, mais je l'ai VOLÉ.

6h30. Je m'assoie et j'écris.

7h30. Je l'ai dit, mais je ne me sens pas mieux. Je me sens toujours laide et grosse parce que j'ai VOLÉ le disque à Jenniko. Et ce faisant, j'ai volé Julie aussi.

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