mercredi, juillet 27, 2005

Manifeste

Sur un blogue que je visite très irrégulièrement, Obni (Objet bloguant non identifié) propose souvent des jeux de langue. Il met en ligne des mots sous diverses formes et invite ses lecteurs à continuer le texte, à rajouter des mots, à étayer une idée. Voilà qu’il est parti en vacances en laissant derrière lui ce qu’il a appelé le Manifeste pour un romantisme excentrique, dans lequel il revendique un droit sur la possibilité d’aimer à sa manière et, vous l’aurez compris, cela m’a allumée. Je crois que je suis un peu à côté du romantisme, mais j’avais envie de revendiquer ceci.


Je revendique :
Les larmes sèches sur des joues que je n’ai pas embrassées,
Le droit de tomber en amitié comme d’autres tombent en amour,
Les mesures entières,
Le droit de dire non,
La possibilité d’être tour à tour la louve et l’agnelet.

Je revendique l’espace pour transpercer les cloisons en envoyant des courriels lorsque les commentaires sont interdits.

Je revendique un nœud dans les tripes lorsqu’une musique estivale me fait revivre la complicité de journées trop tôt révolues.

Je revendique l’élan qui me pousse vers les gens qui me semblent sympathiques.

Je revendique l’envie de dire : « je voudrais être ton amie ».

Je revendique :
Les mots pour dire,
Les silences pour agir,
Les colères qui s’imposent,
Les non-dits parlants,
Les amitiés inachevées,
Les envies d’aimer.

Je revendique la groupie en moi.

Je revendique le désir de dire aux hommes que je croise qu’ils sont beaux.

Je revendique l’abandon d’un rire, les éclats du bonheur, les peurs qui me taraudent, l’impatience des réponses qui n’arrivent jamais assez tôt.

Et surtout je revendique le droit de dire que je suis faible, aussi, des fois..

lundi, juillet 25, 2005

Photographier mon âme

Il y a eu un arc-en-ciel faisant le pont entre le quartier Saint-Roch et la Haute ville imprimé sur ma rétine. L’Œil voulait photographier mon âme. Et j’ai eu un coup au cœur. Que trouverait-on sur une photo de mon âme?

Une volonté de beauté. La beauté des mots et celle des gestes. Un parfum de candeur qui ne m’a pas encore déserté malgré les crues de mes printemps tristes. Malgré les écueils tordus sur les plages des hivers rigoureux. Une volonté d’amour, de partage, de tendresse, de réalité et de rêves aussi. Des rêves noyés dans les rires et dans les absurdités. Des rêves qui se sont butés à des refus. Et les échos de ceux que j’ai abandonné en route. Sans trop savoir ni pourquoi ni comment.

Plus que tout il y aurait le noir de toutes mes peurs. Celles qui m’ont amenée vers le pays des zombies. Celles qui de craintes se sont mutées en gargantuesques affolements. Du rationnel à l’irrationnel. Peur des hauteurs, peur des gens. Peur de la solitude, peur du rejet. Peur d’aimer, peur de ne pas être à la hauteur. Peur des autres, peur de moi. Peur de me casser le nez, poids de l’immobilisme. Peur de perdre, poids de la jalousie. Peur d’être happée, poids de l’indépendance. Peur, peur, peur, peur, peur.

Peur de ne plus pouvoir vivre à force d’avoir peur.

Si l’on photographiait mon âme, elle serait entravée. Des lianes et des lianes de peur autour de ce qu’elle devrait être. Avec, ça et là des éclaircies, celles de mes rires, de mes forces, de mes aspirations. Des lianes qui étouffent la femme qui n’est jamais née laissant place aux spectres de mes années d’enfance et d’adolescence : un non fini qui ne sait plus comment se terminer.

J’ai passé la fin de semaine sur les remparts d’une ville que ses murailles n’ont pas su protéger. Je suis comme cette ville; envahie par les peurs que j’aurais tant voulu garder dans l’océan à mes pieds. En regardant les voiles qui parsemaient les eaux du fleuve, j’ai compris que je n’avais plus aussi peur. Plus de peur des hauteurs, plus de peur de la foule, plus de peur des chiens, peu de peur de la solitude et plus cette peur immense de l’abandon qui m’a poussée et tirée dans tous les sens durant une dizaine d’années.

Si l’Œil photographiait mon âme, aujourd’hui, il y verrait sans doute une femme qui ne demande qu’à naître mais qui a encore un peu peur de pousser

samedi, juillet 23, 2005

Alice au pays des miroirs

Voici ma contribution pour le coitus. Je n'étais pas inspirée par le thème. J'ai passé la semaine à retourner la question dans ma tête, en me disant que celui-ci allait sans doute finir par obtenir ma rédition. Mais la pluie sur la ville m'a contrainte à l'intérieur. Et je me suis forcée pour pondre ceci.

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L’image que la vitrine renvoyait sans complaisance, laissait voir une jeune femme un peu ronde au sourire rêveur. Dès qu’elle s’aperçue, le sourire d’Alice se figea. Encore ce corps. Cette chose qu'elle n’avait d’autre choix que de traîner avec elle pour parcourir la vie. Elle ne voulait plus mourir. Elle ne voulait plus astreindre son corps, contrôler et calculer. Elle s’était épuisée pendant si longtemps à gagner sur la nourriture, à brûler tout ce qui lui passait dans le gosier.

Après deux ans sans contrôle perpétuel, son corps s’était alourdi. Sans revenir aux rondeurs de l’adolescence qui l’avaient amenée vers le contrôle, les courbes étaient nettes. À toutes les vitres, tous les miroirs, toutes les surfaces policées elle ne pouvait faire autrement que de se voir. Dans toute l’absurdité de ce corps imparfait. Avec le sursaut au cœur, cette lame qui transperce à chaque fois que l’on voit l’image de l’échec.

Et pourtant, Maryse, la psychiatre, lui disait qu’au contraire c’était la réussite. Que son corps maintenant respirait la vie. Qu’il était davantage qu’un paquet osseux et anguleux de contraintes. Qu’elle ne passait plus son temps dans les hôpitaux ou le comas. Et les hôpitaux, Alice ne les regrettait pas. C’était la satisfaction du contrôle qui lui manquait.

Levant les yeux sur la vitrine, elle eut l’impression que la photo publicitaire la narguait, avec ce corps parfait à la peau lisse. Elle eut un sourire en coin en se disant que de toute manière, c’était de la triche ces photos-là. Et puis un mouvement attira son attention. Derrière elle, une joggeuse passait. Filiforme, sans cuisses, sans poitrine, sans hanches. Les veines ressortant sur les muscles. Et dans les yeux, le calcul qu’Alice connaissait si bien.

Cette fois, Alice vomit sans le faire exprès.

vendredi, juillet 22, 2005

Chronique dans le pot de fleurs

1 - La nouvelle locataire
2 -
Le peuple de la terre
3 -
Résidence estivale
4 -
Le coup de soleil
5 -
La pantoufle
6 -
Un hibiscus amoureux
7 -
Maman n'est pas un arbre
8 -
Compter les jours fait pousser les cheveux
9-
L'âme soeur
10- La visite

Mon petit loup,

Ne t’inquiètes pas pour moi, je suis bel et bien arrivée. Charles et Marie m’ont accueillie avec beaucoup de gentillesse. Tu devrais la voir, elle, dans sa fenêtre. C’est vrai qu’elle domine la ville de haut. Charles et moi avons beaucoup discuté durant la soirée, juste sous les feuilles de Marie-Hélène, celle-ci ne participait pas beaucoup à la discussion, mais je la voyais frémir dans son pot dès que l’un de nous mentionnait ton nom. Et c’est vrai qu’elle est toute douce des feuilles. Sa chevelure possède quelque chose d’irréel et d’irradiant. Elle aurait bien voulu me donner une pousse pour toi, mais les racines ne sont pas encore prêtes. Alors nous allons devoir patienter. Penses-tu en être capable?

Ici Roger, les rues sont des falaises. J’ai eu a descendre un immense escalier pour revenir chez Marie-Hélène, j’avais une frousse pas possible parce que j’ai le vertige. Alors, je me suis tenue bien fort à la rampe pour ne pas perdre pied. Si tu savais comme j’étais contente arrivée en bas! C’est une drôle de ville, Québec. À certains endroits, les rues sont larges et permettent la circulation de plusieurs voitures à la fois, les édifices sont récents et clinquants tandis qu’à un coin de rue, il y a à peine la place pour un véhicule et les bâtiments tout vieux, charmants et patinés par le temps.

Il y a tellement de touristes dans la vieille ville qu’on dirait que les gens se promènent avec un troisième œil à force de prendre des photos de tout et de n’importe quoi. Moi je déambulais dans cet environnement, l’air assez sûre de moi pour passer pour une habitante de la ville, même si je ne le suis pas du tout et qu’en réalité je me sens plutôt perdue. En croisant une fontaine tout à l’heure, j’ai pensé bien fort à toi. Il y avait dedans une Petite-Toute-Nue qui frappait l’eau avec son chapeau, en courant dans tous les sens, pendant que sa mère essayait de l’attraper pour lui remettre une couche. Mais la petite riait aux éclats avant de repartir de plus belle. Tu aurais aimé son rire Roger, cette innocence de l’enfance t’aurait charmé.

Bon, je vais retourner à la vaisselle, il faut bien que je me rende utile.

Bisous tout plein des millions

Je t’aime,

Maman xxxxxxxxxxxxxxx

dimanche, juillet 17, 2005

D'octobre à juillet

C’était un samedi du mois d’octobre. Un samedi qui commence à sentir l’effervescence du temps des fêtes. Derrière moi, les deux caissières parlent à qui mieux mieux de films d’horreur poches, tandis que j’essaie de juguler le flot de la clientèle que vomissent les escaliers devant moi.

De temps à autres, la caissière 3 quitte son coin d’une lente démarche pour venir voir ce qui se passait aux caisses plus avant. Et d’une voix lente, me demander abruptement : « Toi Mathilde, est-ce que tu aimes les films d’horreur ridicules? » Comme je répondais par la négative, elle a questionné : « Alors est-ce qu’il y a des films ridicules que tu aimes? » Oui, bon de ce côté-là, je dois confesser un penchant fort marqué pour les comédies romantiques. Sourire de mon interlocutrice.

Quelques heures plus tard, elle me demande en toute innocence : « Si tu étais un animal Mathilde, lequel serais-tu et pourquoi? » Je n’avais pas vraiment envie de répondre, je ne voyais pas. Elle m’a fait rire en m’affirmant qu’elle était convaincue d’avoir été un hamster dans une vie précédente. J’ai donc fini par répondre que je me verrais assez bien en chat. Quelques minutes plus tard elle me tendait un bout de papier sur lequel il y avait ce personnage (celui de gauche sur l’image).

C’était ma première rencontre avec Laurie. Les mois ont filés, Laurie est passée de collègue de travail à amie. Elle me faisait des dessins et j’ai fini par l’inviter à blogguer ici.

Aujourd’hui, c’est son anniversaire. Je voulais lui dire que je suis bien contente de l’avoir rencontrée et d’en avoir fait mon amie.

samedi, juillet 16, 2005

Souvenirs d'aube

Il faisait trop chaud pour dormir à deux, mais tu étais là. J’étais épuisée par la journée et j’avais encore le sommeil du trajet dans le fond des yeux. Mais plus que tout, mon corps me trahissait puisque même le désir m’était interdit sous peine de douleurs trop intenses pour qu’elles soient nommables.

Tes bras me serraient contre ton corps, chauds et douillets. Une avalanche de bisous doux s’est abattue sur mes lèvres; ailes chaudes sur ma nuit. Cette tendresse des mots que l’on ne dira pas; ces mots-là n’étant ni pour toi ni pour moi. Hésitants quelque part entre l’amour et l’amitié, entre le désir et le néant, entre tout et rien, nous nous sommes lovés dans le sommeil.

J’ai toujours eu le sommeil stagnant. Je me réveille souvent engourdie de n’avoir pas assez bougé. Avec toi, c’est impossible puisque tes heures se mêlent et se démêlent autour de mon corps. Tirant et poussant dans tous les sens, m’emportant dans ton sillage. Mes draps se froissent, mes cheveux se nouent. Et je ne puis avoir d’espace de solitude dans ces nuits; il y a toujours un bout de peau qui s’accroche à la mienne.

Au cours de cette nuit moite où mon corps douloureux créait les espaces pour ne pas souffrir trop, tu as glissé ma main sur ton sexe. Je me suis réveillée à 05h00, surprise de sentir le mouvement de tes doigts qui m’ont dirigée sans détour. Et je l’ai senti grandir, pousser sous les pulsations de mes doigts immobiles. Mon cœur a manqué un battement et mon corps me criait de mettre une distance, déchiré qu’il était, en dedans.

Au matin, il ne me restait que le souvenir de ces minutes d’aube. Fugaces instants dont je garderai longtemps la mémoire. On s’est quittés en se disant à bientôt. Sans savoir quand serait bientôt.

Moi je t’ai regardé descendre les marches, avec vrillée dans le cœur cette déception de n’avoir pu répondre à ces avances nocturnes. Sachant que j’avais tant insisté pour que tu t’abandonnes et me retrouver là, impuissante, à la minute où tu le fis.

vendredi, juillet 15, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

1 - La nouvelle locataire
2 -
Le peuple de la terre
3 -
Résidence estivale
4 -
Le coup de soleil
5 -
La pantoufle
6 -
Un hibiscus amoureux
7 -
Maman n'est pas un arbre
8 -
Compter les jours fait pousser les cheveux
9- L'âme sœur

Marie, Marie. Chère Marie,

Ta lettre, si belle, m’a fait comme un coup de poing aux racines. Un raz-de-marée dans ma terre. Du soleil pour les jours de pluie. Parce que je suis un enfant gâté, Maman m’a enregistré ta lettre sur un tout petit magnétophone. Ainsi je peux me la repasser à volonté. Je crois que je ne m’en lasserai pas de sitôt, jusqu’à en savoir toutes les intonations par cœur, au risque de taper un peu sur les nerfs des autres habitants de ma résidence d’été. D’ailleurs les impatients qui m’entourent trouvent que je suis un peu trop romantique, de m’être ainsi entiché d’une plante d’intérieur qui reste à Québec.

Il faut que je te raconte : j’ai fait la connaissance d’un mec super bien récemment. Il se prénomme Crachmag. Il reste dans un pays au-delà de l’océan. C’est un pantalon. Mais lorsque Maman m’a fait part de son récit, toute suite j’ai su que nous étions des âmes sœurs lui et moi. Tu vois, un coup de foudre amical. Quelque chose de très fort. Vraiment très fort. J’ai été tellement touché par son récit. Tu sais, il a faillit être oublié sous une pile de vêtements neufs, malgré sa fidélité à son propriétaire. Je trouvais cela très triste. Mais en fin de compte, il a été adopté par un plus jeune. Et il est heureux maintenant. C’est un peu comme ma propre vie. Je ne sais pas à quel point du te rends compte de la chance que tu as d’avoir toujours connu les soins du même hôte, ou domestique. Au moins ça te fait un point d’ancrage solide dans tes affections.

Maman est allée à Québec hier. Elle espérait voir le charmant jeune homme qui prend si bien soin de toi. Mais la foule était sans doute trop intense et ils ne se sont pas vus. J’aurais aimé qu’elle puisse lui transmettre des bisous doux juste pour toi. Mais ce sera pour la semaine prochaine.

En attendant, je prépare mes présents cramoisis pour que tu puisses les garder près de toi. Ma petite contribution à nos enfants sans garde partagée. Je suis heureux de savoir que tes rêves te portent vers moi lorsque le soir se lève sur ta fenêtre. Je ne connais pas beaucoup les étoiles, mais je sais toujours reconnaître Véga de la Lyre. Elle pourrait être notre point de lumière pour penser l’un à l’autre malgré la distance. Qu’en penses-tu?

Je t’envoie toute ma tendresse,

Roger xxx

mardi, juillet 12, 2005

Le pantalon de Paul

Texte écrit dans le cadre du coitus impromptus.

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Paul était très satisfait en sortant de chez lui. Il était bien mis, sûr de lui. C’était l’ultime étape du Plan. Amélie allait avoir sa petite robe bleue. Celle avec des fleurs qui dansaient dans le vent. Elle serait là, rieuse, patiente, aimante comme elle l’était depuis si longtemps. C’était la dernière étape du Plan. Maintenant, le bonheur était à sa portée.

Lorsqu’il arriva sur le parvis de l’église où il lui avait donné rendez-vous, il eut sa première surprise : elle portait un jeans seyant avec cette camisole brune qui lui serrait trop les seins. Paul n’aimait pas cette camisole, ce qu’elle savait pourtant. Pourquoi alors la portait-elle? Qui plus est, elle fumait négligemment une cigarette, regrettable habitude qu’il lui avait souvent tenté de faire perdre.

Au moment où Amélie leva les yeux sur lui, Paul se dit que quelque chose n’allait pas. Pourtant, il avait suivi le Plan à la lettre : l’été d’aventure, l’année d’étude, les voyages de perfectionnement, (qui impliquaient une partie de la relation à distance sans promesse de fidélité) et le début de carrière. Trois petites années pour le Plan. Ils étaient jeunes, c’était parfait.

Ce soir là, il avait lissé le pantalon gris anthracite qu’il s’était acheté quelques jours après avoir rencontré Amélie. Il l’avait vu dans une vitrine de Montréal. Paul avait tout de suite su qu’il serait parfait pour la conclusion du Plan. Alors il l’avait acheté et rangé soigneusement dans ses valises. Il l’avait traîné dans toutes ses pérégrinations. De Paris à Édimbourg, de Tunis à Montréal, de New-York à Pékin. Il le lissait de temps à autre, en visualisant l’étape finale.

Mais là, sur les marches usées, rien n’allait plus. Sans autres forme de procès Amélie lui dit : «Je ne sortirai pas avec toi ce soir Paul, ni jamais en fait.» Et lui de la regarder hébété avant de lancer : « Je voulais te dire que je t’aime! » Mais déjà elle était debout dans son élan de départ. Jetant à peine un regard par-dessus son épaule, un léger sourire flottant sur ses lèvres elle conclut : « il était à peu près temps que tu me le dises.» Et elle s’en fut, balançant ses hanches dans son jeans.

samedi, juillet 09, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

1 - La nouvelle locataire
2 -
Le peuple de la terre
3 -
Résidence estivale
4 -
Le coup de soleil
5 -
La pantoufle
6 -
Un hibiscus amoureux
7 - Maman n'est pas un arbre

Chère, chère Marie,

Maman m'a annoncé qu'elle irait te voir bientôt. Je suis fébrile. Je compte les dodos. J'ai préparé des boutons sur tout mon être et je souhaite que Maman t'apporte une fleur, une petite douceur cramoisie pour son séjour chez toi. Ainsi, on pourra presque se rencontrer toi et moi. Un bouton, c'est peu, mais c'est déjà un début. Qui sait, maman pourrait peut-être revenir avec une bouture? Je ne tiens plus en place.

Dédée a pris du mieux, Je ne sais pas si je t'ai dit qu'elle a été opérée. Elle est arrivée ici très malade. Et très faible. Maintenant, on jurerait qu'il ne lui est rien arrivé. Elle ose faire le tour du propriétaire. Quelquefois, elle descend me voir sur la terrasse. Elle le fait en douce parce que Maman et Madame Coloc ne veulent pas qu'elle se promène en dehors de la superficie des balcons. En arrière, dans ma résidence estivale, ce n'est pas si mal, le terrain est clôturé. Devant, c'est autre chose. Nous restons sur un gros boulevard. Elle pourrait se faire frapper à cause de sa témérité. L'autre nuit, Maman arpentait la rue Saint-Hubert en robe de nuit pour retrouver la chatte qui s'était échappée. Après, elle parlait très fort.

Pourquoi les gens crient lorsqu'ils sont inquiets? Je n'aime pas ça quand maman crie. Elle n'a pas une très jolie voix dans ce temps-là. Je préfère sa voix lorsqu'elle me lit des histoires ou encore quand elle se réveille et vient me demander : «Alors Roger, comment tu vas ce matin?» avec toute la tendresse du monde dans ses yeux.

L'autre méthode que Dédée a trouvé pour faire crier Maman c'est de la prendre pour un arbre. En effet, depuis quelques temps, Dédée, quand 'elle décide qu'on ne l'a pas assez prise, grimpe sur maman lorsque celle-ci est en station debout. Résultat? Maman est pleines de marques rouges et a la voix cassée à force d'hurler de surprise. J'ai dit à Dédée qu'elle exagérait, mais ça ne semble pas porter fruit. Elle est plus vieille que moi sauf que je pense qu'elle est dans sa crise d'adolescence. Les fuites, cette attitude péremptoire, comme si tout lui était dû, ça fait très ado je trouve. J'ai hâte qu'elle vieillisse un peu qu'on puisse jaser correctement.

Bon, je me suis encore épanché trop longuement,

J'ai hâte d'avoir de tes nouvelles,

Roger xxx

vendredi, juillet 08, 2005

Une quantité néglieable

J’ai fait une rencontre étrange hier soir.

J’ai un nouveau voisin depuis le début juillet. Il s’appelle Jason. J’étais tranquillement assise à regarder passer le temps tout en fumant une cigarette lorsqu’il est passé à travers sa cuisine. Faisant deux pas de côté, il s’est retrouvé sur sa galerie pour les présentations officielles de bon voisinage.

C’est un Anglais. Un vrai Anglais. D’Angleterre, de Londres même (qui soit dit en passant, se foutait éperdument de ce qui était arrivé dans sa ville natale). Il ne parle pas un traître mot de français. Avec son thé et son accent, il y avait quelque chose de charmant dans cette constatation. Mais le charme s’est arrêté lorsqu’il m’a expliqué qu’il s’est retrouvé ébahi en arrivant à l’aéroport et de voir que tout était en français, parce qu’il n’avait aucune idée qu’il y avait des francophones au Canada.

Je lui ai suggéré de ne pas répéter cela souvent. Et aussi d’apprendre à parler minimalement le français, que savoir dire des mots simples et usuels comme svp et merci ne lui nuirait pas. Et je lui ai expliqué la situation des francophones ici. Raconté l’histoire de la présence anglaise ici ; la Conquête, les Patriotes, Durham, la Constitution, Laurier, Duplessis, Octobre 1970, les deux référendums. Il me regardait complètement fasciné en hochant la tête. Il ne savait pas.

Je pourrais en conclure : ah ces Anglais! Mais ce ne serait pas juste. L’automne dernier, quand je guidais des Français en vacances ici, il y avait toujours une personne pour me demander : «Comment se fait-il que des gens parlent français au Québec?» Oui, oui.

On apprend notre histoire, celle de nos ancêtres. L’histoire de la France et celle de l’Angleterre sont intimement liées à la nôtre, nous en connaissons au moins les grandes lignes. Pour eux, nous ne sommes qu’une série de dates dans un cours plate.

Si nous partagions la même Récrée, elles et nous, nous serions les ti-culs qui entrent dans la grande cours en regardant admirativement ses aînées sur le point de la quitter; une quantité négligeable au fond.

mardi, juillet 05, 2005

Regrets et remords

Voici ma contribution hebdomadaire pour le Coïtus impromptus. Le thème de la semaine était regrets et remords.

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J’ai ouvert une fenêtre virtuelle, l’année dernière, et je suis devenue dépendante de l’intangible qui se filait derrière. J’ai cru que le réel était dans les mots et j’ai oublié de regarder la vie qui défilait autour de moi. Je n’ai jamais vraiment refermé cette fenêtre, mais une substitution s’est opérée. Vampire noir pour vampire blanc.

J’ai tiré, poussé, attiré, tassé mon nouveau répondant pour qu’il me rejoigne dans mon réel. Avec dans l’idée qu’il me faillait vivre une évolution. Casser le virtuel pour approcher la chaleur humaine. Toucher l’être qui présentait son âme, depuis si longtemps, comme un livre dont je connaissais, à l’avance, toutes les intonations. Un peu de peau, de douceur, de tendresse pour m’arrimer à la vie.

Il y a des gestes qui tissent des ponts ou creusent des tranchées. Nous n’avons ni tissé les ponts ni creusé les tranchées. Forcément, il y a eu le vide. Une réponse à mes questions. J’aurais voulu être, au bout de ses doigts, la plus belle. Je n’étais qu’un reflet de la Mathilde virtuelle. Ma chair était trop chaude, mon impudeur trop évidente, mes désirs trop transparents. La réalité ne pouvait égaler a fiction.

J’ai reçu en partage des rires, le noir des orages de ses yeux, une considération humaine dont je ne croyais pas pouvoir être la cible. J’ai reçu en partage un colis de vrai : du baume pour mon cœur. J’ai donné, offert, livré, prêté la femme. Ouvert mes lagunes et mes écluses. J’ai été réelle, tangible et humaine.

J’ai su que j’aurais pu aimer, mais j’ai passé l’âge d’espérer que les princes charmants éclosent de l’écorce des chênes. Il est un chêne, pas un prince. J’ai été au bout de moi-même, de ma toute personnelle vérité. Cependant, j’ai encore fichée dans mes tripes cette énorme tendresse, ce paquebot d’affection, ces possibles qui auraient pu naître, mais qui ont préféré rester dans un autre monde.

Aujourd’hui, j’ai des projets plein la tête, une ambition que je croyais morte me talonne. J’ai envie d’autres villes, Harry Potter and the Half-blood Prince à lire (dès le 16 juillet), un hibiscus à bichonner, des kilomètres de plantes à arroser. Mes lendemains sont attirants.

Non, vraiment, je n’ai ni remord ni regret.

samedi, juillet 02, 2005

Le drap

Voici ma contribution hebdomadaire pour le Coïtus impromptus. Cette semaine le texte devait absolument débuter par Armelle fixa le coin du drap. Double difficulté pour moi qui préfère le présent au passé pour la structure du texte. Je n'avais pas d'inspiration vraiment alors j'ai décidé de continuer l'histoire de Philippe et Marie qui ont vus le jour dans le cadre du coïtus justement. Je les ai précédemment mis en espace ici, et . D'ailleurs la lecture des textes précédents pourrait aider à la compréhension de celui-ci.

Clin d'oeil à Charles qui aime bien mes histoires présentant des personnages que j'ai créés ailleurs.

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Armelle fixa le coin du drap, soigneusement, le lissant du revers de la main avant de se tourner vers nous.

Il y avait dans ses yeux un mélange de détresse et de compassion. Et cet amour si grand qu’elle a pour ses enfants. Ma propre mère m’aime bien sûr. Je le sais. Cependant elle n’a pas cette immensité dans le regard. J’ai toujours pensé que c’était causé par le fait qu’Armelle était si loin de la famille qui l’a vue naître et grandir. Tous ses ascendants étaient encore en Europe. À Montréal, elle n’avait que son mari et ses enfants. Son mari, sa grande histoire d’amour, qu’elle avait suivi par delà l’océan.

Dans la pénombre de la chambre d’enfant, elle regardait son fils, son seul fils, avec cette acuité propre aux mères.

Moi je sentais la main de Philippe dans la mienne se tendre. Je savais bien qu’il ne la croyait pas. Je savais bien qu’il ne voyait dans ses mots que de vains efforts de réconfort. Armelle s’en doutait aussi.

Nous sommes sortis de la chambre lentement pour aller nous réfugier dans le sous-sol. La Caverne. Philippe ne lâchait pas ma main. Depuis cette nuit de frousse, de grande terreur où nous l’avons perdu pendant des heures, avant que je ne le trouve sous mes fenêtres, Philippe et moi étions toujours ensemble. Avec un contact constant de ses mains sur ma peau. Comme si j’étais l’ancrage qui le gardait vivant.

Cet après-midi-là, sans qu’Armelle ait pu trouver les mots pour faire taire la culpabilité de son fils, il a doucement pris mon visage dans ses mains. Dans ses yeux il y avait une tempête de mots. Mais il m’a simplement dit : «Je t’aime Marie».

Et moi, j’ai souri.