mercredi, février 28, 2007

Les aléas du transport en commun

Depuis que la neige étend ses draps blancs sur la parcelle de terre qui me voit vivre, je prends l'autobus matin et soir pour aller au travail. L'été je me sert de mon destrier à pédales, mais l'hiver, lorsque la nuit tombe plus vite que les ombres ne s'allongent, je n'ai pas le courage de déambuler à pied à travers les bancs de neige et de slush qui ornent les trottoirs. Je suis une grande paresseuse, la simple idée d'avoir à marcher pendant près d'une heure sous les regards givrés des fenêtres éclairées me décourage. Faute de mieux, j'utilise le transport en commun. Ce qui me donne l'occasion d'observer à loisir les quidams qui font comme moi. Et je m'amuse beaucoup à tendre une oreille indiscrète pour saisir des bribes de conversations. Il y a des moments durant lesquels je me sens vraiment invasive de la vie privée d'autrui. Et je ris sous cape, en relisant cent fois la même ligne du livre qui me tient lieu de bouclier.

« Tu as vraiment l'air fatigué », disait une jeune fille à un grand gaillard aux attitudes suffisantes.

« Oui, qu'il lui a répondu, je suis fourbu. Tu comprends, je n'ai pas beaucoup dormi la nuit dernière. J'ai été écouter le match de Hockey chez Jason et ensuite je suis allé rejoindre ma blonde. Mais on a pas vraiment dormi, tu vois. Je lui ai fait des choses... »

La dernière portion de la phrase était pleine de sous-entendu. Et franchement, cette fois j'aurais mieux aimer pouvoir boucher mes conduits auditifs, mais ils étaient tout deux debout exactement à côté de mon banc et la discussion se passait au dessus de ma tête. Mon lecteur cd était mort quelques minutes auparavant et je n'avais pas de pile de rechange. Alors, j'essayais de me concentrer sur les aventures fantastiques que les mots du livre ouvert sous mes yeux me murmuraient. Cependant, je n'arrivais pas à atteindre un niveau de concentration suffisant. Pas assez en tout cas, pour faire taire la conversation qui se poursuivait au dessus de mes oreilles indiscrètes.

Et le gaillard, de continuer sa description détaillée de choses qu'il savait faire à une fille. Tandis que la demoiselle à ses côtés buvait ses paroles comme un nectar sucré. Il avait un air de paon, qui déploie son plumage pour se faire valoir. Distillant les détails de ses aventures sexuelles comme autant de poudre aux yeux pour éblouir son interlocutrice. Cette histoire que j'entendais, bien malgré moi, je n'y croyais pas. Il y avait quelque chose de trop, de factice. On aurait dit un discours tout droit sorti des romans féminins que j'affectionne. Mais sous sa verve je voyais la prédation dans sa plus pure expression. Et la demoiselle, aux grands yeux de biches innocents, n'y voyait que le feu qu'il disposait savamment devant elle.

J'avais tellement envie de poser des questions. D'investiguer pour savoir jusqu'à quel point ses talents d'amant étaient réels. Difficile de le faire quand on est pas supposer entendre ce qui se passe au dessus de notre tête. Sauf que c'était un peu exhibitionniste de raconter ce genre d'histoire dans un autobus bondé de gens seuls et perdus dans leurs pensées. Surtout que mon Don Juan parlait d'une voix de stentor. Je cachait mes sourires derrière mon foulard, pour ne pas qu'ils s'aperçoive que j'avais une furieuse envie de me payer sa gueule. Par contre, je crois qu'il ne me voyait vraiment pas, tout pris qu'il était dans son entreprise de séduction.

Ils sont descendus quelques arrêts avant moi. J'ai eu l'air d'une vrai nouille en riant toute seule pendant le reste du trajet, me remémorant les arguments forts de sa démonstration de virilité. Et je me suis dit que franchement, je dois être une femme difficile à séduire parce que s'il y a quelque chose qui ne m'allume pas, c'est un gars qui parle très fort de ses exploits dans un endroit public, comme pour prendre le reste du monde à témoin.

Je préfère de loin la discrétions des chambres closes ou les gestes deviennent les mots les plus probants.

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dimanche, février 25, 2007

Une fleur de février

Il te disait à quel point tu étais belle, différente, merveilleuse. Il te racontait dans ses mots, toutes les choses que tu voulais entendre. Ces petits compliments qui t'allaient droit au coeur, comme autant de clefs pour te retrouver. Au début, tu n'avais pas confiance, tu doutais. C'était un charmeur, tu l'avais reconnu au premier coup d'oeil. Il y avait aussi ce déséquilibre dans le fond de l'oeil, dans la posture un peu tout croche, quelque chose qui te mettait en danger bien avant que tu te laisses aller à lui faire un semblant de confiance. Autour de toi, tout le monde t'avait convaincue d'aller de l'avant, de te laisser aller, pour une fois. De faire fi de tes craintes qui enrayaient depuis toujours ton système émotionnel. Tes amis voyaient des promesse là où tu ne voyais qu'un coup du sort. Et tu leur disais : « Me semble qu'il y a quelque chose qui cloche. C'est trop tout en même temps ». Mais tu t'es laissée convaincre. Tu as baissé tes palissades. Tu l'as laissé prendre ta petite menotte dans sa grande main d'homme. Et tu t'es mise à croire à toutes ses fleurs qu'il faisait pousser pour toi.

Tu t'es éclose pour lui. Tu lui a montré qui tu étais en dehors des apparences extérieures. Il te disait qu'il te voyait, qu'il était touché par ton intégrité. Il te demandait ce qu'il avait pu faire pour mériter un tel cadeau. Et tu lui répondais de toute ta candeur qu'il se suffisait à lui-même, que tu étais amoureuse et que c'était, en soi, la meilleure raison pour expliquer ton ouverture et ta générosité. Il touchait ton coeur en passant par ton corps parce qu'il semait des larmes sur ta peau, parce que ses doigts connaissaient les sillons qui transcendaient la chair. Parce qu'il y avait quelque chose de profondément vrai dans la beauté du geste. Et toi, tu t'épanouissais sous les yeux ravis de tous ceux qui t'avaient encouragée. Ta lune de miel était à peine commencée qu'il te disait qu'il s'était trompé, qu'en fait il ne t'aimait pas, ou plutôt qu'il n'aimait de toi que ce qui ressemblait à cette autre qu'il a tatouée dans le coeur depuis tellement longtemps que c'en est ridicule. Et tu t'es retrouvée toute seule avec tes larmes, à te dire que jamais plus tu ne te laisserais prendre.

De toute manière, tu n'y crois plus. Complètement désillusionnée. Tu te sens seule et tu broies du noir. Tu te sens seule et tu ne veux pas retourner voir ces amis qui t'on poussée dans la mauvaise direction, il n'y a pas si longtemps. Tu sais que tu dramatises beaucoup trop la situation, mais tu ne vois pas comment agir autrement. Tu sais que tu as besoin d'aller au bout du drame, de pleurer des litres d'eau pour te vider le coeur. Tu sais qu'on te dira que ta peine est ridicule parce que la relation n'aura pas durer. Comme si la longueur du temps avait une quelconque incidence sur la force du sentiment. Tu étais amoureuse jusqu'au bout des ongles. Malgré ses manquements, malgré ses mensonges. Ou peut-être à cause de ses mensonges. Et tu te convaincs que tu es trop intense, trop romantique, trop intègre pour les hommes de notre génération. Et tu te convaincs que plus personne ne pourra s'attacher à toi comme il l'avait fait. Alors tu verses des larmes amères sur toutes les histoires d'amour qui se sont butées à une fin trop rapidement arrivée. Et tu te dis que tu n'as franchement pas de chance lorsqu'il s'agit d'être aimée en retour.

Tu voudrais t'enfuir loin de ta douleur, loin du mal-être que tu respires à plein poumon. Tu voudrais que cette histoire ait connu une fin différente, alors tu la réinventes la nuit, quand les heures te tiennent réveillée. Alors tu changes de personnalité et les mots que tu as dit pour tenter de retenir la chaleur que tu as senti en lui. Et tu culpabilises, te donnant à toi seule, le mauvais rôle. Sans égard au fait qu'il n'était simplement pas fait pour toi. Sans regard réaliste à la personne fantastique que tu es. Tu te juges et tu te désoles. Et moi, je te regarde sombrer dans un marasme sur lequel je ne peux pas agir. Et moi je te regarde pleurer, démunie devant ta douleur. Sans mots pour panser tes blessures.

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vendredi, février 23, 2007

Le jardin d'hiver

Voici mon texte de la semaine pour le Coitus.

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Je n'ai jamais eu le pouce vert. Lorsque je devais m'occuper des plantes de ma mère, lorsque venait mon tour d'ajouter à mes tâches ménagères l'entretien de la verdure environnante, je râlais. Je n'ai jamais compris comment ma mère faisait pour passer toutes ces heures à genoux dans le potager à dorloter les pousses qui égayaient le paysage. J'ai brûlé une quantité assez effarante de buissons, bosquets, fleurs et autres amis maternels à force de les arroser en plein soleil. J'ai laissé mourir de sécheresse la grande majorité des plantes en pots que ma mère finissait toujours par récupérer par je ne sais trop quel miracle. Je crois que c'était symptomatique de ma volonté d'être le centre de l'attention et non la personne qui en prodiguait. Pourtant, j'ai toujours trouvé les grands jardins très jolis, mais personnellement, j'aurais préféré vivre dans un monde qui m'aurait permis d'employer un jardinier qui entretiendrait pour moi la beauté du monde.

Dans mon environnement, les seules touches de verdures sont celles des parcelles de parcs qui tachent le béton des villes où j'ai habité. Je les vois bien, d'un oeil distrait, mais je n'y porte pas une particulière attention. Je ne connais pas le nom des fleurs ni des plantes qui poussent à Montréal. En fait, je m'en fou. Mon jardin est fait de béton et d'escaliers en colimaçon. C'est sur les dalles que j'évolue et que je me sens à l'aise. Je suis une petite personne profondément urbaine. Les grands espaces ne m'émeuvent plus. Les beautés sauvages me laissent de marbre. Mais je peux passer des heures à sillonner les rues des villes pour regarder les façades des demeures qui y trônent nonchalamment. Glisser mon regard sous les tentures des rideaux, pour épier les humanités qui s'agitent aux fenêtres. Attraper au vol quelques notes échappées d'une croisée ouverte et m'imaginer la personnalité de ceux qui se laissent bercer par de telles mélodies. Je suis une voyeuse. Espionne sans complexe de la vie de mes semblables.

Dans mon pays aux saisons changeantes, il existe un moment hors du temps. Lorsque la neige s'amoncelle en quantité dans les nuits d'hiver. Sous les lumières blafardes des lampadaires, les flocons dansent une valse mesurée par les élans des brises nocturnes. Sans crier gare, la cours des horloges s'arrête et le silence devient total. Même les moteurs des véhicules qui traversent les bancs de neige se font discret. Étouffés par le manteau blanc qui drape les rues. Et les arbres ploient sous le poids inhabituel des flocons se transformant en voûtes somptueuses; du cristal brut taquiné par les gyrophares des chasses-neige. Durant ces nuits immobiles, j'apprécie les longues marches dans les rues inanimées. Elles exacerbent mon sentiment de solitude dans un endroit où normalement se croisent des millions d'âmes, au mètre carré. J'ai alors l'impression que je possède un peu le territoire que j'habite. Et je me raconte des histoires d'amour en regardant les étoiles tomber du ciel.

Le bruit étouffé de mes pas fait ressurgir dans ma mémoire des bouts de phrases épars sortis de moments auxquels je n'ai pas tellement porté attention. « Bonsoir, Belle Dame » m'a-t-on susurré juste avant que le ciel ne se mette à paralyser les rues. Un éclair de lucidité comme un baume sur mes complexe. «Bonsoir» murmuré comme une promesse d'avenir. Et dans le cocon brillant de mon jardin d'hiver, je me sens reine de séant. Alors seulement, je commence à me dire que je pourrais répondre de temps à autres à ces compliments qui m'émeuvent. Et je réalise que je pourrais faire autre chose que d'ignorer qu'on s'intéresse à moi.

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lundi, février 19, 2007

La portée du geste

Elle était venue me rejoindre, les yeux brillants de plaisir. Prenant un temps fou pour circuler entre les tables prenant lentement le pouls de la salle. On aurait dit que tous les beaux gars de Montréal s'étaient donné rendez-vous dans ce petit bar de quartier. Dans cette foule, elle brillait de tous ses feux. Pas tellement qu'elle se trouvait belle, c'est une donnée qui lui est plutôt étrangère. C'était le plaisir de regarder qui la rendait si séduisante. Sa discussion en pâtissait un tantinet, mais je n'allais pas lui en vouloir pour si peu. C'était une de ces journées où elle avait des antennes à beaux garçons. Elle les voyait tous. Et se repaître du spectacle muet qu'ils lui offraient semblait être, en soi, la meilleure des récompenses.

« Ne te retourne pas tout de suite, il a un chandail bleu, juste un peu sur ta gauche. Il est absolument PARFAIT » M'a-t-elle assurer à un moment de la soirée. J'ai regardé dans la direction indiquée. Mais je ne voyais pas du tout, évidemment. Il y avait bien un mec avec un chandail bleu, mais jamais je n'aurais dit qu'il était beau ni même joli. Mais elle était pâmée. Elle y revenait sans cesse. La couleur de ses cheveux, l'agencement du chandail avec le pantalon, la façon de rire. Je m'amusais bien de la voir, frétillante devant moi, à lancer des regards qui se voulaient discrets dans sa direction. Nous avons changé de place plusieurs fois dans la soirée et toujours elle s'arrangeait pour être face à lui. De cette manière, elle pouvait continuer à le zieuter innocemment tandis qu'elle donnait l'impression d'écouter ce que je lui disais. Ce qu'elle faisait du mieux qu'elle le pouvait, dans les circonstances.

Je la connais alors je voyais bien germer dans sa broussaille un plan. Lequel, je n'en n'avais aucune idée. Mais à voir l'éclat brillant de ses yeux elle avait clairement quelque chose en tête. D'habitude, ça l'enrage un peu quand je connais plein de gens dans un bar et qu'elle n'y connaît pas grand monde. Elle me dit souvent qu'elle a l'impression que nous ne sortons jamais seules toutes les deux et que c'est toujours elle, moi et tous les gens que je connais, particulièrement les hommes. Même durant les périodes les pires de mon estime personnelle, j'ai ce talent pour récolter les bonjour chaleureux et les sourires de la gent masculine. Alors souvent, des hommes s'arrêtent à ma table pour me saluer. Le plus souvent parce qu'ils trouvent ma discussion intéressante. Ça ne fait pas de moi une séduction potentielle, simplement une femme à qui il est sympathique de dire bonsoir. C'est du moins, ce que je me fais croire. Ce soir là, par contre, elle semblait ravie de me voir distraite par différentes personnes. Ce qui avait tout lieu de m'étonner.

Lorsque les serveurs sont passé pour nous dire que c'était le dernier service, nous avons décidé, d'un commun accord, de le décliner. Histoire de nous donner une raison d'être fières de nous le lendemain matin de ne pas avoir fermé le bar, pour une fois. Je la voyais s'impatienter devant moi pendant que je finissais de ramasser mes trucs et j'allais lui dire que je n'en avais plus pour longtemps quand elle m'a dit, sur un drôle d'air: « Tu ne vas pas saluer tes amis? » Je l'ai regardée bizarrement en questionnant : « Tu tiens à ce que je le fasse? » Elle a acquiescé. Alors j'ai traversé la salle pour faire mon oeuvre de politesse et c'est là que je l'ai vue se diriger droit au bar et se planter devant le mec au chandail bleu. Elle lui a toqué sur l'épaule, deux petits coups. Lui s'est détaché de la conversation qu'il avait avec deux amis pour se retourner vers elle : « Désolée de te déranger, qu'elle a dit, je voulais simplement te signifier que t'es vraiment le plus beau gars que j'ai vu de la soirée. C'est tout, fallait juste que tu le saches. » Le gars en question s'est mis à rougir comme une pivoine et ses amis ont éclaté de rire. Elle, elle a tourné les talons et est venue me rejoindre à la porte, toute souriante.

Depuis ce soir-là, j'ai souvent revu le mec, de loin, dans le même bar. Toutes les fois où il me voit passer il la cherche du regard. Et je le vois hésitant à venir l'aborder comme elle l'avait fait il y a quelque temps.

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mercredi, février 14, 2007

Les pavés de Bruxelles

Voici ma contribution de la semaine pour le Coitus. Je vous livre une petite semaine de ma vie qui s'est déroulée il y a presque vingt ans aujourd'hui.


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Je venais de passer la plus étrange semaine de ma vie. En ce qui a trait aux émotions du moins. J'étais ambivalente sur ce que je ressentais, déchirée entre l'ennui et l'exaltation. Ennui parce que les voyages d'affaires quand on a tout juste quatorze ans c'est plutôt plate. Dans les hôtels il n'y avait que des femmes et des hommes en complet devisant dans des langues qui m'étaient étrangères. À l'horizon, personne de mon âge ou de ma génération. Et même si j'avais croisé de tels personnages je n'ai jamais été douée pour les langues et le néerlandais m'apparaissait comme une montagne infranchissable. L'exaltation parce que j'étais loin de chez moi, dans un premier voyage d'adulte, toute seule avec mon père. Et puis, j'ai toujours su m'émerveiller alors les vieilles bâtisses chargées d'histoire, les musées que je visitais pendant que mon compagnon de voyage additionnait les réunions importantes et cette ville-dortoir poussée quelque part entre la Seconde Guerre et mon voyage, qui n'était égayée que par des graffiti mordants dont je ne comprenais la signification que par la violence des couleurs, me parlaient de la vie et du temps écoulé.

Mais au bout de presque une semaine de ce régime, je commençais à avoir cure des trop longs repas durant lesquels toutes les discussions se déroulaient en anglais(que je ne comprenais pas). Je commençais donc à m'ennuyer fermement. La maison autant que mes amis me semblaient encore plus loin qu'au début du périple.

La fin de semaine s'annonçait belle et nous nous dirigions vers Bruxelles. Depuis le début du voyage mon père me disait que ce serait différent là-bas puisque les gens y parleraient français. J'avais moult fois tué le temps en rêvant de parcelles d'aventure durant lesquelles je pourrais me débrouiller toute seule. Et puis c'est arrivé. Nous étions là, dans cette ville francophone aux pavés battus par le temps, dont la géographie m'étonnait puisque certaine parties de la vieille ville étaient fermées à la circulation automobile. Quelque part sur une grande place, j'ai pris mon premier thé glacé sur une terrasse.

Je ne sais plus si mon père était là ou dans une quelconque réunion, je n'ai aucun souvenir de lui durant cet après-midi cependant, je me rappelle avoir changé de boui-boui souvent pour les étrenner. À la fin de cette journée, nous nous sommes rendus chez une amie de mon père qui avait deux fils dont un de mon âge, Olivier qu'il s'appelait. Je dirais que nous nous sommes immédiatement reconnus. Ssans nous comprendre, au début. Nos patois adolescents additionnés à nos accents respectifs créaient des zones d'incompréhension totale. Mais on a fini par trouver le moyen de contourner ces difficultés et j'ai réussi à lui faire dire hockey comme du monde.

Une soirée à rire, à se découvrir. Soirée à partager des passion sans chercher à se dissimuler ; nous savions tous les deux que le temps nous était compté. Une soirée à avoir, pour la première fois de ma vie, l'impression que je mettais les deux pieds quelque part à l'extérieur de l'enfance. Une soirée qui s'est terminée sous le veto de mon père qui a refusé qu'Olivier et moi partagions la même chambre ; il s'imaginait sans doute que nous en profiterions pour faire des cochonneries. En fait il a salit mon rêve de ses idées salaces, ma bouche était encore vierge des assauts masculins. Mon corps, pour sa part, était encore dans une tour d'ivoire.

Mon père et moi sommes retournés à Amsterdam le lendemain, pour prendre l'avion qui nous ramènerait à Montréal. J'ai laissé dans les rues de Bruxelles, les seules traces déjà visible de l'éclosion de mon adolescence.

Des années plus tard, Olivier est venu à Montréal et à tenté de me contacter. Mais mon frère ne m'a jamais fait le message à temps. Pour cette raison et beaucoup d'autres, Olivier sera toujours pour moi un garçon aux yeux tachetés de vert qui savait rire et s'amuser. Mais j'ai longtemps rêvé qu'il m'avait trouvée jolie, ne serait-ce qu'un tout petit peu.

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dimanche, février 11, 2007

Je connaissais bien le patron

Voici ma contribution de la semaine au Coitus, la contrainte était que le texte devait se terminer par je connaissais bien le partron

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Elle arborait une robe bleue, à la fois cintrée et vaporeuse. Ses cheveux voguaient sur ses épaules en boucles désordonnées. Il y avait dans sa posture, la grâce des débutantes tandis qu'elle tentait d'adopter l'attitude des femmes qui ont l'expérience de ces soirées. Je voyais bien qu'elle était hésitante dans ses talons aiguilles qui mettaient en valeur ses petits orteils peinturlurés. Depuis une quinzaine de minutes que je l'observais passer d'un groupe à l'autre, écoutant les conversations sans trop s'y mêler. Les convives notaient sa présence pour l'oublier dans les instants suivant par manque d'intérêt pour cette jeune beauté dont ils ne connaissaient pas encore la raison de la présence. Les mondanités mettent souvent en valeur les visages déjà connus et très peu ceux qui sont à découvrir. Quoique très belle, elle passait presque inaperçue.

Il y avait, un brin de désespoir dans ces minutes qui ne finissaient de remplir le vide autour d'elle. Je sentais bien qu'elle se voyait étrangère dans ce monde trop fardé et programmé pour sa verve et sa jeunesse. Son verre de vin tanguait dangereusement dans ses menottes distraites. Il était évident qu'elle attendait quelqu'un, ou un groupe de personnes, avec qui socialiser. Mais ses sauveurs ne viendraient pas. Ce qu'elle semblait comprendre au fur et à mesure que le temps égrenait l'horloge. À l'autre bout de la salle, un brouhaha annonça la venue d'un personnage attendu. Je n'avais pas besoin de lever la tête pour savoir que mon fils venait de faire son entrée. Je savais que je n'avais pas besoin de me déplacer, qu'il viendrait vers moi pour me saluer comme à son habitude, c'est ce que tour le monde attendait de lui.

Bien installée dans mon poste d'observation, je continuais à jeter un oeil sur la demoiselle éperdue que j'avais préalablement remarquée. Dès qu'elle eut reconnu Samuel, je la vis blêmir. Je pouvais sentir son pouls s'accélérer malgré la distance à la vue de cet homme. Mon homme. Je percevais toute la tension qui émanait d'elle. Un coup solidement asséné et elle volerait en éclats sur les lattes du parquet. Je la voyais s'arquer tandis qu'il avançait de son pas royal vers moi, lui donnant l'impression qu'il avançait vers elle, puisque je m'étais stratégiquement glissée à quelques mètre de son dos. Ses yeux agrandis d'appréhension, papillonnaient tandis qu'elle cherchait désespérément un visage connu. Un visage autre que celui de Samuel, évidemment.

Lorsqu'il est passé à côté d'elle, il s'est à peine arrêté, signifiant qu'il l'avait remarquée. Donnant à la poulette une petite importance. Il me fit un baise-main révérencieux avant de retourner vers elle. Je pouvais voir une goutte de sueur trembler sur sa tempe, l'odeur pénétrante de sa peur valsait jusqu'à moi tandis que je voyais luire dans le fond de l'oeil de Samuel, ce regard de conquérant qui lui seyait si bien. Il marchait vers elle pendant qu'elle cherchait désespérément une issue, mais elle était prise comme une oiselle dans un filet. Et lui jubilait, sous son sourire de convenance. Sachant très bien qu'elle ne pourrait rien dire ou faire pour s'échapper. La bonne société pourvoirait à tisser les dernières mailles des chaînes que j'avais patiemment disposées autour d'elle.

J'étais très satisfaite de nous ; décidément, je connaissais bien le patron.

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mercredi, février 07, 2007

La morsure du froid

Il faisait froid, la nuit enveloppait la ville. Sous les lampadaires aux éclats tremblotants, ont pouvait voir les rafales soulever la neige usée par les pas des passants. Sur le coin d'une rue, perdue sur la limite de Rosemont, j'avançais le plus rapidement possible à la recherche du prochain abris bus. La température extérieure frôlait l'impossible. Sous mes jeans, mes cuisses accusaient la morsure du froid. Je sentais ma peau s'ouvrir sous les assauts venteux et ma chair me tenaillait. J'avais mal aux joues et mes yeux coulaient comme si je pleurais ma plus grosse peine de l'année. À l'horizon, aucun taxi. J'avançais donc, contre le souffle de l'hiver pour ne pas me transir davantage. Lorsque je vis l'autobus à quelques arrêts de moi, j'ai cru mourir de soulagement. Je suis montée en grelottant, sous le regard compatissant de la conductrice. À peine avais-je réussi à me réchauffer qu'il me fallait redescendre pour atteindre mon logis. J'ai parcouru les quelques cinq cents mètres qui me séparaient de ma demeure, prestement, sans trop en faire cependant parce que les bourrasques me coupaient le souffle lorsque je ne m'y attendais pas.

Une fois à la maison, j'ai troqué mes jeans pour une culotte de pyjama en flanellette pour constater, en cours de mouvement, que mes jambes, mordues par la froidure intempestive de cette nuit d'hiver, laissaient voir des traînées sanguinolentes, conséquences évidentes de la bise qui sévissait à l'extérieur. J'avais la peau marbrée, l'épiderme glacé. J'ai voulu hurler en me crémant, tellement mon corps était gelé. Mais je devais rester le plus silencieuse possible parce que les autres occupants de mon appartement étaient déjà lovés dans les bras de Morphée. N'en pouvant plus de cette impression de froid qui ne voulait pas me sortir du corps, j'ai allumé le chauffage dans le salon pour la première fois de l'hiver. Il faut dire que la température extérieure avait dépassé le moins 35 celsius et que l'intérieur devait se situé autour de 10 degrés. J'ai fait du chocolat chaud, en tremblant devant le fourneau, certaine que je n'arriverais jamais à me réchauffer, mes larmes sillonnant mes joues tellement je sentais l'inconfort de mon propre corps. Il va sans dire que cette nuit-là, je n'ai pas ouvert ma fenêtre avant de me coucher.

À mon réveil, le lendemain matin, j'ai immédiatement reconnu la sensation du sang séché sur mon visage, mon nez, peu habitué au chauffage électrique, avait laisser ses vaisseaux éclater. J'ai toujours détesté ces réveils. Je m'y sens totalement sale, crottée comme si j'avais passée la nuit à me rouler dans la boue. Évidemment, l'étendue des dégâts se mesurait aussi sur mes oreillers et dans mes couvertures, maculés de taches brunâtres. J'ai secoué mon corps bien décidé à me laver le visage, pour commencer et voilà que je constate qu'il n'y a plus d'eau dans l'appartement. Les conduits étaient gelés. Plus d'eau, sinon un mince filet d'eau froide. Plus froide que froide en réalité. Impossible donc de prendre une douche ou de faire du lavage : l'hiver avait pris possession de mon logis. S'ensuivit alors une valse de chaudrons sur les ronds du four, nous ramenant à une époque durant laquelle se laver relevait des travaux herculéens.

Après avoir été avisés de la situation, les propriétaires nous ont envoyé un plombier qui a mis en oeuvre de dégeler la tuyauterie. Mais voilà que l'usure s'est mise de la partie et en moins de temps qu'il ne le faut pour le dire, un déluge nous est tombé dessus dans la salle de lavage. Nous n'avions plus envie de rire. Malgré tout le ridicule de la situation. Des trombes d'eau coulaient du plafond pendant que le plombier courrait fermer les entrées d'eau de tout l'édifice. Une heure et demie plus tard, la situation était réglée mais notre salle de lavage avait l'air d'un marais puant.

Deux jours de froid mordant dans un hiver particulièrement doux. Deux jours seulement. J'ai pourtant toujours aimer mon coin du monde justement parce que ses climats diversifient mon quotidien. Honnêtement cette année, je me serais bien passée de la morsure du froid.

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vendredi, février 02, 2007

L'élan créatif

Voici ma contribution de la semaine au Coitus. Le thème était l'élan créatif.

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C'est le coeur de la nuit, j'entends des bruits à l'extérieur de ma chambre, comme un grattement constant sur les lattes du plancher. Je dors depuis des heures et pourtant la lumière filtre sous ma porte : il y a quelqu'un qui ne dort pas. Quelqu'un qui s'affaire à passer le balais dans la cuisine. Je ne sais pas ce qui m'a réveillée, mais j'ai des images confuses et marquées dans le cerveau. Et une ou deux chansons qui tournent en boucle dans mes embruns de sommeil. Elles se répondent et s'enchaînent d'une drôle de manière, comme si, à partir d'elles, je créais quelque chose de neuf. Ça fait trop de bruit entre mes deux oreilles pour que je puisse retrouver le sommeil immédiatement. Je n'ai pas envie de sortir de mon cocon, pas envie de parler à la personne qui s'affaire le l'autre côté du mur. Mais me voilà trop éveillée pour oublier l'envie pressante qui me tenaille les tripes. Alors je file vers les toilettes, tête baissée, en prenant le chemin le plus court, pour éviter toute rencontre importune.

Je reviens me lover dans mon lit douillet pour constater sur le rouge lumineux de mon cadran qu'il est 2h45. La nuit d'hiver est illuminée par les reflets des lampadaires sur la neiges folle qui est tombée sur le sol, au cours des quelques heures qui on jalonnées mon sommeil. Je repense aux images qui mon sautées dessus à mon réveil. J'essaie de trouver un sens à cette bousculade. Je murmure les mots clefs de mes rêves, pour m'en souvenir au matin. Parce que je sais que j'oublierai si je ne fais pas attention. J'ai refais le kaléidoscope de mes images, essayant du mieux que je peux de saisir une vision claire dans la myriade de couleurs qui s'enchevêtrent les unes aux autres pour préserver le flou du sommeil. À l'extérieur, le bruits du balais sur le bois s'est tu et le rayon doré qui éclairait le pas de ma porte s'est évanoui. Je suis assurément la seule personne éveillée de ma maisonnée.

À tâtons j'ouvre la lumière qui me brûle les prunelles. J'ai la face emmaillotée de sommeil. Je me sens toute gonflée et toute chose. J'étire le bras pour attraper le cahier qui traîne sous mon lit. Celui des heures de veilles où je note systématiquement les images confuses que je réussi à identifier de mes rêves. J'ai les doigts engourdis et la calligraphie hésitante. C'est souvent ainsi la nuit. Comme si mon corps, pas tout à fait réveillé, refusait d'être alerte. Je ne porte pas attentions aux fines lignes bleues sur lesquelles je suis supposée aligner les symboles. C'est le cahier de nuits, celui où je glisse les mots dans les espaces blancs, en diagonale ou en ligne droite, sans envers ni endroit. Je note tout ce dont je me rappelle : les sensations, les odeurs, les bruits, les sujets, les personnes en présence, les teintes aussi. Et je fini par refermer le cahier, épuisée par l'exercice. Je me rendors profondément.

Au matin, je sais que j'ai veillé sur quelques minutes de la nuit. Mais déjà j'ai rayé de ma mémoire les souvenirs de mes rêves. Je ne sais plus. J'entame ma matinée avec mes petits rituels, en commençant par le café. Son odeur réconfortante me sort des dernières brumes et mes doigts pianotent allègrement sur le clavier tandis que je discute avec des gens qui sont dans la fenêtre de la toile. Lorsque j'ai bien fini de me réveiller, que j'ai fait mes mots-croisés et autres jeux de patience dont je suis adepte, je me demande quoi écrire. Pour nourrir mon blogue, pour nourrir mon âme. Et quelquefois, c'est le vide. Un Néant abyssal. Alors je tire le cahier de mes nuits de sa place stratégique. Je l'ouvre et je lis les notes que mes nuits y ont inscrites. Ces notes font rarement revivre les songes, mais les idées tordues que j'y trouve allument l'étincelle dont j'ai besoin. Je mêle les histoires les unes aux autres, avec un brin de réalité, quelque chose qui colle mon récit à la vie.

Ensuite, je profite de l'élan pour répondre à mes courriels. Tant qu'à être, n'est-ce pas?

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