dimanche, septembre 25, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

15- Le train
Ma belle Marie,

Maintenant que je vois grandir Élisa, tout en douceur et en beauté, je ne fais plus simplement supposer que tu es belle ; je sais. J’aurais vous t’écrire plus tôt mais la rentrée a été une période mouvementée à la maison. Maman et Madame Coloc étaient le plus souvent absentes et je n’avais pas les clefs pour entrer t’écrire un message. J’ai regardé Véga toutes les nuits où c’était possible en pensant très fort à toi et j’ai raconté a Élisa l’histoire de notre rencontre. Je crois, Marie, être en train d’en faire une romantique.

Tu sais sans doute que Maman a l’automne migrateur; il me semble qu'elle a croisé ton hôte au cour de son précédent périple. J’ai a peine eu le temps de la voir que déjà elle repartait. À 6h30 ce matin elle nous a fait ses adieux pour 15 longues journées. J'ai une maman trottinette. Elle a tout de même pris le temps de nettoyer ma pantoufle, de me faire un traitement contre les pucerons (ils se sont installés chez-moi, me préférant a l'érable de la cour) et de remarquer que je préparais 2 beaux boutons. Malheureusement, nous ne sommes pas coordonnés elle et moi puisqu’elle ne sera pas présente pour voir mon éclosion tardive. Madame coloc doit me prendre en photo pour maman. Je pourrais profiter de l’occasion pour te faire parvenir mon portrait. Si tu veux…

Avant de retourner à ma résidence hivernale j'ai eu l’occasion de faire la connaissance d'un jeune voisin fort amusant ; devant la maison les arbres sont encerclés de plaques métalliques sur le sol. Le petit croit qu’il s’agit de rails de chemin de fer et les parcourre en criant : «tchou! tchou!» Il est tellement mignon! Moi je souri en le regardant et me demandant bien quand Élisa m’étonnera de ses mots d’enfant.

Ce qui me réconforte à l’idée de retourner vivre à l’intérieur, pour quelques mois, c’est qu’au moins je n’entendrai plus aussi fort les cris des personnes soûles qui arpentent les rues du Plateau Mont-Royal au milieu de la nuit. Je commençais à en avoir marre de me faire réveiller à des heures impossibles.

Je te dis au revoir, ma douce.

Et à bientôt.

Ton Roger xxx

samedi, septembre 24, 2005

Mentir

Consommer des hommes comme s’ils s’étaient des quantités négligeables. Aller jusqu’au fond de la bouteille pour éviter de regarder les douleurs qui montent à l’assaut. Me nier pour oublier que la solitude me pèse. Virevolter au rythme des rencontres en espérant que celui-là me fera le plaisir de ne pas être là à mon réveil. Vouloir à toute force me faire remarquer.

Revoir certains visages et me dire : « il me semble que je connais ce mec ». Assumer qu’il me connaît aussi, qu’il se souvient. Le voir se pencher sur moi pour me faire la bise avec dans le fond des yeux une invitation à la récidive. Tandis que je reste perplexe n’ayant que de vagues souvenirs d’une nuit échevelée. Plus certaine d’avoir la bonne en mémoire d’ailleurs. Trop nombreuses consommations. De mecs.

Entendre une voix me susurrer à l’oreille des mots tendres, pour me faire plier. Y rester indifférente. En apparence. Avoir dans le cerveau ce tumulte d’informations et me dire : « non, c’est terminé ». Rejeter de tout mon être la facilité qui ne me mène nulle part ailleurs que dans l’immédiat. Ne plus vouloir me mentir au point de me laisser croire que je n’attends rien. Et que je ne vaux pas davantage.

Tout raconter en taisant l’important. Me sentir coupable d’aimer mal. Encore plus d’avoir envie de voir ceux-ci plutôt que celui-là. Mentir pour ne pas avoir à y faire face. Mentir parce que la vérité ne serait pas acceptée, reçue comme inadmissible. Faillir à un rôle que je ne sais pas comment porter. Mordre avec avidité dans des amours improbables pour ne pas reconnaître que je voudrais qu’on m’aime.

Ne surtout pas avouer mes faiblesses de peur de faillir. Refouler les larmes jusqu’à ne plus savoir les faire jaillir. Rire. Toujours rire.

Me réveiller seule par un froid matin de septembre et réaliser que ça fait presque six ans et demie que je n’ai laissé un homme m’aimer.

Les Aventures de Mathilde, spécial double!

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Et voilà ^-^ Un petit spécial double du à mon léger retard de production hum!

Si vous avez des problèmes à lire, dite le moi!

jeudi, septembre 22, 2005

Parasites

Voici ma contribution au coitus pour cette semaine. Cette histoire est vraie

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« Do you have a cigarette? » nous demandait l’itinérant au fort accent slave dans les rues du chinatown torontois.

Nous étions dans l’autocar vidé de ses passagers, partis fureter dans les rues avoisinantes parce que nous avions un peu de temps à tuer. Monsieur le Chauffeur et moi étions sagement dans le car quand l’homme s’est présenté à la porte. Ledit chauffeur parle un anglais très sommaire, aussi répondit-il : « no smoke », ce que l’homme dans la porte s’est empressé de ne pas comprendre. La question se répète donc et obtient la même réponse. L’homme sent le fond de tonne. Il se promène avec son rhum dans une bouteille d’eau. À l’évidence, malgré l’heure matinale, sa veillée est bien commencée. Au bout d’une dizaine de minutes, je me décide à intervenir et je dis à l’homme (en anglais, bien entendu) que le chauffeur n’a pas de cigarette car il ne fume pas.

L’homme me dévisage comme si j’étais une poubelle parlante. Puis il me demande pourquoi je ne laisse pas mon collègue lui répondre. Et moi de lui dire que Monsieur le Chauffeur a bien essayé mais que son anglais est limité. Et l’itinérant d’insister pour que le chauffeur réponde lui-même. Pendant l’échange, le chauffeur en question a décroché, s’il ne se concentre pas sur l’anglais lorsqu’il l’entend, il n’y comprend rien. Aussi ne comprend-il pas le regard que lui lance l’itinérant. Parti dans ses brumes éthyliques, l’homme fait l’association suivante, si le chauffeur est Canadien et que sa langue maternelle n’est pas l’anglais c’est parce qu’il est Amérindien. Question qu’il pose à mon collègue. En anglais on dit Native pour Amérindien. Mon chauffeur a compris que l’homme lui demandait où il était né. Il a donc répondu Quebec city dans son meilleur anglais.

Et l’itinérant de commencer une diatribe sur le mal que nous, les descendants de colons, avons fait aux Amérindiens. Je ne le contredirai pas là-dessus. Loin de moi cette idée. Mais il faut comprendre qu’à cet instant précis l’homme aime les Amérindiens sur secteur parce que ces derniers partagent la rue avec lui et lui donnent alcool et cigarettes. Je lui explique que le Chauffeur n’est pas un Amérindien mais un Québécois et qu’il parle le français.

L’homme me regarde sans comprendre. Puis il me dit que nous devons parler anglais ici. Ah oui? Tiens, moi qui me croyais dans un pays bilingue, français/anglais d’un océan à l’autre? Je dois avoir manqué d’informations. Mon chauffeur n’est pas bilingue mais il sait se débrouiller si nécessaire. J’explique donc, passablement irritée à l’encombrant personnage devant moi que le Québec est une province dont la langue officielle est le français.

Alors l’homme me regarde et dit : « go back to Paris then ».

On est tous les parasites de quelqu’un semble-t-il…

mercredi, septembre 21, 2005

Les biches 4 : Deer hunter

Deer hunter

Mi septembre, la flambée des couleurs devrait commencer. Départ dans un car de Français-touristiquement-guidés. Première étape : Québec. Parce qu’elle sait qu’il lui faut prendre toutes les minutes à sa portée, votre biche-animatrice-avec-quelque-expérience, a donné rendez-vous au Valeureux-chasseur-d’araignées- poilues-dégueulasses dans la capitale. Belle rencontre, comme toujours. Ledit chasseur étant un jeune homme bien éduqué, il a reconduit la biche-excitée à son véhicule et les deux compagnons ont vécu ensemble leur premier choc culturel : les Français-fraîchement-débarqués étaient particulièrement intolérables avec toute sorte d’arabité. Ils étaient par ailleurs forts surpris de ne pas ressentir leur haine de l’Arabe résonner positivement dans les yeux de leur biche. Cette dernière était d’ailleurs fort aise d’avoir l’appui non verbal du Chasseur-sans-peur à ses côtés.

Un groupe de touristes n’est pas débrouillard. C’est connu. Plus ils sont nombreux, moins ils sont capables de fonctionner sans aide. Un drôle de cri s’est mis à se faire souvent entendre «Mathiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiilde» pouvait-on deviner. Et encore «Mathiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiilde». À tout moment de la journée ou de la nuit. Biche-aux-abois savait que la saison de la chasse venait de commencer. Dorénavant, ou qu’elle aille on était pour l’appeler. La sidérurgique-clientèle avait par ailleurs une personnalité d’ensemble que la biche préfère vous laisser deviner.

Durant les périodes de repas l’animatrice-forte-de-son- année-d’expérience mangeait dans une pièce contiguë à celle de sa clientèle. Cela n’empêchait pas les Français-râleurs de venir la trouver pour lui expliquer (en lui criant dans les oreilles évidemment) que les plats n’étaient pas satisfaisants, qu’en France on vous change votre assiette si vous n’aimez pas et que franchement les Canadiens ne savaient pas recevoir s’ils n’étaient pas foutu d’offrir ce service minimum. Le tout sans prendre de souffle. Biche-un-tantinet-exaspérée avait le goût de répliquer aux clients-encombrants de rester chez eux et qu’il ne fallait pas s’attendre au 5 étoiles pour un voyage de 8 jours tout inclus payés 500 euro par individus. Non?

Après une semaine de ce régime, la biche exténuée a plané jusqu’à Montréal en 49 minutes.

Aujourd’hui elle se repose.

Votre biche-dévouée xxx

samedi, septembre 17, 2005

Les Aventures de Mathilde, guide touristique

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Désolée pour le léger retard!

mardi, septembre 13, 2005

Les biches 3 : Nightmare before leaving

Le style du texte suivant est librement inspiré de celui d’Ileana Doclin dans L’Autruche Céleste et L’Autruche Céleste 5 ans plus tard.

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Chers Assidus-lecteurs-de-ce-carnet, bonjour,

La Biche-urbaine est fort aise de vous annoncer qu’elle n’ira pas dans le Nord de l’Ontario, au bout du compte. Après des jours de montée frénétique d’angoisse, elle a enfin obtenu un rendez-vous avec le Responsable-à-la-belle-voix-radiophonique qui a fourni à la Biche-agitée les détails de ses itinéraires futurs. C’est là qu’elle a constaté que les trajets vers le nord se situaient en réalité dans les régions de Montréal et de Toronto. La Biche-apeurée est retournée se coucher.

Par contre votre Biche-favorite a reçu en partage un lot de 50 Français-vacanciers dans le premier de ses deux groupes. Elle prévoit d’ores et déjà que l’âge mental des participants prendra une chute vers le début vingtaine dans le temps de le dire. La Biche-animatrice-désormais-expérimentée peut d’ailleurs vous prédire quelques classiques de tournée. Les Français-ébahis auront beaucoup de plaisir à compter et photographier tous les gros camions que nous croiserons. Ils préféreront de visu Québec et Ottawa à Montréal et Toronto. De plus les Français-en-quête-de-pitoresque vont adorer leur séjour chez l’habitant (oui, oui, les membres du groupe de la Biche-déconcertée vont vraiment dormir dans des familles pour une nuit).

Votre Biche-désabusée sait d’avance qu’elle frappera quelques écueils d’animation, par exemple que les Français-nouvellement- débarqués, vont s’extasier sur tous les parcs et tous les cimetières plutôt que sur les activités préparées de longue haleine par la Guide-animatrice-motivée. Cette dernière sait aussi que malgré la meilleure volonté du monde, de sa part, pour briser le décalage horaire, les Français-non-habitués-à-l’heure-avancée-de-l’Est commenceront à trottiner dans les corridors de l’hôtel le matin du 16 vers les 5 heures, tout étonnés que le petit déjeuner ne soit toujours pas servi.

La Biche-excitée vous tire sa révérence et vous souhaite une agréable semaine.

Continuez cependant à venir faire votre petit tour dans ces pages, Laurie mettra des nouveautés en lignes de manière régulière,

Biche-finalement-hors-du-bois xxx

lundi, septembre 12, 2005

La tour

J'ai écrit ce texte hier soir et j'ai vu ce matin en me levant que le thème du Coïtus impromptus était la tour. Il y a des inspirations qui cadrent avec les thèmes imposés.


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Il y a une grosse boule dans mon ventre. Un gros maudit poids. Je me suis surprise à plusieurs reprises dimanche à prendre une grande respiration au sortir d’une apnée involontaire.

Je tourne en rond. Je me tais. C’est toujours un signe criant, mes silences. Du moins dans des circonstances qui, normalement, me rendent volubile. Écouter un match de tennis avec ma mère, par exemple. Je ne parle pas. De temps à autres j’émerge et je reprends mon souffle. Maman, la mienne pas celle de Roger, me fait remarquer que je suis nerveuse; anxieuse même.

J’ai une boule dans la gorge et les émotions à fleur de peau. Je ne pleure pas. Je suis une tour à moi toute seule. Solitaire au milieu d’une plaine sans porte ni fenêtre. Je suis si facile d’accès. Il n’y a aucun obstacle pour se rendre jusqu’à moi. C’est à l’arrivée que ça se gâte. Je ne laisse pas les gens entrer dans ma tour. Je n’en connais même pas toutes les pièces. De l’extérieur, je suis forte, disponible pour ceux que j’aime, généreuse dans mes amitiés; je crois. Capable depuis toute petite de me débrouiller toute seule. Je n’ai pas besoin d’aide ni de gens. En tout cas, c’est l’impression que je donne, souvent.

Bullshit! Je ne suis pas si forte. Je ne suis qu’une Mathilde. J’ai un poids sur la poitrine qui m’oppresse. J’ai le plus gros trac depuis longtemps. Je pars mercredi. Tout à l’heure je vais chercher mon trajet; mes trajets. J’ai la trouille de ne pas être à la hauteur, la grosse chienne jaune de me planter, de ne plus savoir comment être guide. Un petit peu de panique.

Ma tour n’est pas un roc. Elle est de verre et s’effrite. Je la sens se fissurer. Elle ne peut pas me protéger. Les lézardes qui la décorent sont autant d’aveux de faillibilité. Pas besoin d’avion pour me faire crasher : une aile de papillon sur un air de désillusion suffira.

J’écoute Keren Ann et sa musique langoureuse qui me rappelle les musiques des téléséries françaises de mon enfance. Le temps où j’étais assez forte pour m’écrouler en sachant que je j’allais me relever. Le temps où je savais pleurer.

samedi, septembre 10, 2005

Nouveauté

Je viens de passer une bonne heure à niaiser dans mon html pour améliorer un peu cette page.

Je n'ai pas tout réussi, m'enfin.

À tous ceux qui naviguent avec explorer, je suis désolée, mes liens sont dans le bas de la page et je ne comprends pas du tout ce qui s'est produit sur ce site pour qu'il en soit ainsi.

Ma nouveauté, c'est que mes Chroniques dans le pot de fleurs sont désormais dans la colone de droite. Bon, pas dans explorer, je sais bien, mais pour les autres, la plus ancienne est dans le bas de la liste et la plus récente dans le haut.

Je suis pas mal fière d'avoir vaincu ma peur de la programmation.

Un jour peut-être que je vais trouver ce qui ne fonctionne pas dans explorer. En attendant, ce navigateur me fait juste suer!

mercredi, septembre 07, 2005

Les Biches 2 : The Return of the Deer!

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Une biche des bois....

Les biches

Depuis ses deux séjours à Québec pour y faire des stages de travail, Sauterelle est une biche. Allez savoir pourquoi, à partir de cet instant, ses amitiés se conjuguent en biches. Je suis son amie, donc je suis une biche. J’ai été biche de Sherbrooke, je me suis transformée en biche montréalaise. Je suis une biche urbaine quoi.

J’ai eu un appel ce matin. Une grosse et belle voix de radio pour me confirmer que je pars bien le 14 septembre. « Chouette, que je me dis, je vais retourner vadrouiller le Québec et l’Ontario, sillonner les routes, animer des groupes ». Je me faisais des plans sur la comète, j’entendais la musique, je voyais les jeux et les topos historiques.

Mais la belle voix m’a subitement ramenée sur Terre : « Premier voyage, un classique Toronto-Montréal-Québec en passant par Kingston et Ottawa; second voyage : nord de l’Ontario ».

Ah oui? Ce n’est pas une blague? Crotte de bouc! Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir à faire dans le nord de l’Ontario? Pendant 15 jours en plus! Et puis, c’est forcé, ce n’est pas là qu’il y aura tout plein de guides pour être mes amis. Je vais être toute seule avec mon groupe. Il ne me reste qu’à espérer que je m’entende bien avec le chauffeur sinon ça va être la poisse, vraiment la poisse!

Sauterelle a pensé que je pourrais commencer une nouvelle colonie. De biches évidemment.

Nord de l’Ontario vous dites?

15 jours?

Il faut que je me résigne.

Je serai désormais une biche des bois…

mardi, septembre 06, 2005

Minou minou!

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Je ne sais pas si beaucoup d'entre vous sont des fans de jeux vidéo...Peut-être que quelqu'un le reconnait?
À titre de référence, voici Red XIII, personnage tiré du jeu très populaire Final Fantasy 7 (que j'avais renommé affectueusement "Simba" dans ma propre partie), dessiné avec le meilleur médium qui soit: j'ai nommé le crayon de plomb! Whou! (bien que les crayons de plomb ne soient pas vraiment fait avec du plomb, mais avec du graphique plus précisément!)

La goutte de sang

Dans ce carnet j'écris beaucoup de textes qui sont tirés de mon expérience de vie. Mais tous les textes ne sont pas de cette eau. Celui qui suit est un exercice d'imagination.


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Je regardais mon pied dans la fine sandale argentée, à l’extrémité de la jambe trop dévoilée, prenant racine dans le prusse de la robe pour se fondre dans l’outremer des translucides d’une étoffe décorative. Je regardais ce pied et je me suis dit qu’il était bien nu. J’ai pensé qu’il pourrait se vêtir d’une touche cramoisie. L’habiller comme on garnit le cou dénudé d’une femme.

J’ai imaginé ce dont cela aurait l’air quand la claque est venue. Un revers de main sans merci sur ma joue. Les paillettes de ces yeux qui me regardent et j’y vois la déception. Trop habillée, trop sexy, trop maquillée surtout. Parce que j’ai posé sur mon corps les fards d’une séduction, je suis, pour lui dénaturée, poupée de cire tirée du passé. Entre la vie et le néant. Sous le choc, je vacille. Je le regarde pendant que ma joue rougit et que le petit public regarde la scène, étourdi.

« Pourquoi te fais-tu cela? » demande-t-il. «Pourquoi dénaturer ta beauté par de vains artifices?» La douleur dans ce regard de verre. Et sous la mèche hirsute cette vague de trahison que je ne connais que trop bien. Dans le ton de la voix, point de hargne, simplement cette douleur trop profonde, ce souvenir venu du fond d’on ne sait où. Ce souvenir qui laboure le cœur et l’âme. Et moi, campée dans la sandale au trop haut talon, drapée dans la robe bleue qu’il ne peut apprécier, je tangue.

Il n’y a pas de réponse à offrir. Pas de réponse qu’il puisse comprendre. Entendre dans le présent auquel je tente à toute force de m’ancrer. J’ai voulu me faire belle, je le suis sans doute pour les autres hommes autour de la table. Je vois bien que Yeux-Noirs là, tout au fond de la salle, me voit différemment pour la première fois depuis que nous avons été présentés. Mais Lui, toujours debout à mes côtés, amarré à sa peine, me trouve avilie.

« Décidément, me dis-je, on ne peut pas plaire à tout le monde et à son père... »

dimanche, septembre 04, 2005

Plaisirs surpris

Petite contribution pour le coitus.

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Une légère brise agitait les voilures des rideaux crème que transperçaient les rayons obliques du soleil de septembre. Devant elle, l’image avait pris son envol ; les corps se mouvaient de leur grâce animale. Sous ses yeux, le paysage érotique créé par ses mains blanches sur la peau tannée de Frédéric. Plan rapproché des épidermes qui se frôlent dans des gestes qui ne sont pas innocents. Et les lèvres sanguines gorgées des baisers à venir. Et les yeux brumeux, engloutis de désir.

Assise sur un banc trop bas pour elle, Daphné laissait la peinture prendre le pas sur la réalité. Entrer dans le décor pour en voir les moindres recoins, en saisir toute l’importance; partager l’ambiance.

La main blanche était posée sur la cuisse foncée. L’autre sur le torse. Noir et blanc. Deux corps qui se rencontrent. Les frissons qui traversent les muscles. La sueur glissant sur la surface des torses nus du dessin. Un aveu.

Elle lui avait dit « dans le salon » lorsqu’il avait cogné à la porte. Mais n’avait pas bougé. Elle était restée rivée à son œuvre pour en savourer les détails. Un picotement d’appréhension l’habitait cependant qu’elle se forçait à rester en place et faire dos à l’embrasure de laquelle Frédéric regardait, surpris, l’expressions des plaisirs que Daphné avait couchés sur la toile.

jeudi, septembre 01, 2005

Le hurlement

Hier soir, j’ai entendu un coyote hurler.

Il était parti en chasse solitaire, la meute n’a jamais été son genre. Depuis que je le connais, il a toujours préféré prendre sur lui pour explorer ses propres sentiers, pour visualiser sa quête.

Hier soir, j’ai entendu un coyote hurler.

Il a jeté un regard en arrière durant sa traque et s’est retrouvé perméable aux flèches. Il en a reçu une en plein cœur. Je l’ai vu. Il s’est débattu comme un diable pour se défaire de la pointe, ruant, roulant dans la terre en laissant entendre les gémissements de sa douleur.

Je l’ai vu lécher ses plaies et se remettre sur pieds. Il a quitté la plaine sans un regard sur la mare de sang qui avait taché l’herbe. Dodelinant un peu de la tête, encore étourdi par le coup, il a repris sa route. Seul.

Cette fois, il est allé rejoindre la meute. Il savait qu’on l’y attendait pour préparer l’automne.

Marqué par sa guerre intime, il sentait que, désormais, il avait sa place dans cette société.

Hier, à la brunante, j’ai senti un ami pleurer, des larmes qui ne coulaient plus.