mardi, janvier 31, 2006

Le poids du silence

Quelquefois, le silence reprend ses droits.

lundi, janvier 30, 2006

Les deux pôles de M

Il y a une voix très douce qui s’est posée dans mon oreille. Une voix féminine, vraiment. Elle était mandée en entrevue par le directeur pour un poste. J’ai tout de suite été conquise par ce petit bout de femme hésitante entre la force et la fragilité. Lorsqu’elle a quitté je lui ai dit que j’espérais la revoir bientôt, comme employée. J’ai rapidement oublié, mais pas elle. Elle s’est présentée devant moi pour l’entraînement, toute émoustillée, déjà un peu fan et on ne se connaissait pas. Un accroc du destin qui faisait en sorte qu’on s’était reconnues au premier moment, sans l’ombre d’une hésitation.

Je suis partie peu de temps après, on ne s’est pas vraiment connues. Quand je suis revenue elle avait changé de nom et pris des habitudes. Quand je suis revenue elle traînait une peine immense dans la mer du bleu de ses yeux. On voyait clairement que son parcours récent s’était fait de récifs en abysses. Il y avait une larme dans sa voix et des lames dans son regard. Je la voyais comploter en catimini des plans de déménagement avec un collègue qu’elle ne connaissait pas 8 semaines plus tôt et je la trouvais courageuse de bouger si vite.

Quand je suis revenue, je croyais qu’elle était timide, discrète et enfant sage. Je me trompais lourdement. Elle fait désormais partie du quatuor infernal de karaoké. Je sais qu’elle est capable de répartie cinglante et de coup de gueule à faire rougir. Ses colères sont moins tonitruantes que les miennes, mais elles n’en mordent pas moins. Quand quelque chose la dérange elle se nous parle la tête baissée, en regardant par-dessus ses lunettes comme pour mettre du flou entre elle et nous. Elle nous dira de sa voix chantante : « il y a un monsieur qui m’a dit que j’étais bien roulée en croyant qu’il me faisait un compliment. Moi j’avais juste envie de lui dire que je n’aimais pas ça et qu’il était un vieux dégueux! » Les filles et moi rirons aux éclats tandis qu’elle nous lancera : « C’est pas drôle, c’était un dégueulasse pour vrai! »

Quelquefois elle se perd dans les confins du monde. Elle se pavane, erratique, entre les plus hauts sommets et les vallées creuses. Avec le temps elle a appris qu’elle est sa pire ennemie alors elle nous tend la main pour rester près de nous. Dernièrement, elle a décidé de s’aider en ouvrant un page sur la toile. Elle dit que c’est de ma faute et que c’est moi qui lui ai donné envie d’écrire. Je n’en crois rien. Je pense plutôt que c’est à sa seule force tranquille qu’elle se doit d’avoir fracassé son âme sur un coin du web.

Je vous invite à la découvrir, elle s’appelle M, et porte ses pôles en contradiction au bout de ses mots.

vendredi, janvier 27, 2006

Mon esquif

Je me suis un jour assise entre deux auteurs publiés et je leur ai affirmé que j’étais une écrivain de talent. Qu’il ne me manquait que la publication. À ce moment-là, je cherchais à me rasseoir sur des assises que je pouvais reconnaître. J’ai toujours rêvé d’être auteur. J’ai toujours pensé que ma vie devait passer par cela et par la maternité pour que j’aie l’impression de me réaliser pleinement. Pour me donner une chance, je le criais très fort. C’est à cause de cela que j’ai fini par ouvrir mon blogue. Pour répondre au défi de Daniel, mais avant tout pour arrêter de crâner, pour agir, enfin.

Je me suis un jour assise devant l’ordinateur et j’ai commencé à écrire. Sur tout et sur rien. Avec ou sans inspiration, pour me faire la main. Alors j’ai laissé couler des mots et des émotions un peu partout sur la planète francophone. Je suis une fille dans la moyenne. J’ai toujours été dans la moyenne. Et j’ai beaucoup de peine à m’imaginer ailleurs que là. Maman me dit tout le temps d’arrêter de croire que je suis née pour un petit pain. Je regarde le nombre de commentaires que je reçois et c’est relativement peu. Encenseur soit, mais peu. Si je compare avec les blogues français qui peuvent générer du 150 commentaires, le mien se tient bien; dans la moyenne.

Je me suis assise un jour dans une barque pour naviguer sur mes paroles. J’ai lancé toute sorte propos autour de moi, pour voir. Je me suis jugée, déshabillée, mentie, flouée, fait rire devant vos yeux. Je vous ai parlé des gens que j’aime. J’ai tricoté la réalité, tordu la vérité, j’ai fini par changer d’embarcation parce que les rapides étaient trop tumultueux et je voyais l’océan à l’horizon. C’était si vaste et houleux. J’ai pris mon courage entre mes mains et je me suis avancée sur l’eau. Quitte à perdre la terre de vue. Quitte à perdre mes repères. Et j’ai continué à tresser des mots et des symboles dans l’univers virtuel. Ne me sentant pas vraiment auteur encore puisque je ne suis pas publiée. De toute manière, j’ai toujours été dans la moyenne, n’est-ce pas?

Ce matin dans mes courriel on m’informait qu’il y un néologisme qui traîne sur la toile : le verbe « mamathilder » qui semble signifier quelque chose comme écrire avec douceur et tendresse. J’ai vu des pages s’ouvrir sur des sites qui n’existaient pas et qui ne sont pas vraiment vivants qui n’ont servi que de relais vers certains de mes textes. J’ai entendu des gens dire de moi que je suis dans le top 5 des blogues francophones. Je me suis laisser dire qu’on était ému de me rencontrer à la caisse du Renaud-Bray, par hasard. On m’a même fait une entrevue. Et la semaine prochaine, je serai publiée dans une revue. J’ai le sentiment d’être une certaine imposture. De n’avoir pas la bonne posture en fait.

Un jour je me suis assise dans l’esquif de mes pensées et je vous les ai livrées, un peu gauchement. En échange, vous avez fait de moi une auteur.

jeudi, janvier 26, 2006

Le regard de Madame

Certains soirs sont confortables. Certains soirs quand je me retrouve autour d’une table avec Monsieur et Madame, son amoureuse, je ne voudrais vraiment pas être ailleurs. Elle et moi, on ne se connaît pas beaucoup, Pas en dehors de ma relation avec Monsieur. Mais je crois qu’on s’est tout de suite plues, se reconnaissant sans doute dans le sourire qui se camoufle derrière la rondeur des joues. Comme cela fait un certain temps qu’elle est Madame, nous avons appris à nous parler et nous partageons ensemble cette affection pour Monsieur. La dernière fois que j’ai vu Monsieur, Madame était avec nous. Quelquefois elle quitte avant nous, ce soir-là était une soirée confortable : elle est restée jusqu’à la fin.

Madame me lit depuis quelques temps. Elle a reconnu son amoureux dans le portrait que j’avais fait de lui. Madame me lit depuis quelques temps et me dit : « C’est incroyable le nombre de mecs qui s’intéressent à toi, si on se fie à ton blogue. » Vraiment? Ironiquement, je ne dirais pas du tout cela de moi. Il est vrai que j’attire un certain nombre déclarations plus ou moins évidentes d’intérêt, mais ça se limite justement au moment très précis de la rencontre. Je ne suis pas de celle qu’on poursuivra de ses assiduités ou qu’on cherchera à revoir une seconde fois. Je suis celle que l’on voit lorsqu’elle se présente dans un champ de vision, mais on l’oublie quelques heures plus tard.

Madame m’a bien amusée parce que mon autre talent c’est de laisser un souvenir durable quand on prend la peine de me parler un peu. Un souvenir d’une discussion échevelée, percutante, intelligente. Malgré tout cela, je demeure la fille qu’on ne drague pas vraiment, sinon parce qu’on sait que je suis capable de m’en tenir à la soirée du moment et de repartir sans m’attacher inutilement après, puisque je n'espère pas que tout ceci débouche sur autre chose. En fait, je pense que je n’y crois plus depuis très longtemps. Après plus de six ans de célibat, on finit par se convaincre que c’est sans doute l’espace pour soi. Je sais que je ne fais pas les efforts pour le briser ce célibat non plus : je reste dans ma routine qui me plonge dans un milieu majoritairement féminin. Sinon, je tombe un peu amoureuse, tous les jours d’une page de mots que j’ouvre sur le web et l’objet de ma passion change d’adresse en fonction de ce qui me touche d’un côté ou de l’autre de la toile.

Dans le regard de Madame, je me suis vue, femme conquérante et battante. C’est peut-être ce que je dégage ici. Peut-être aussi est-ce ce que je dégage partout autour de moi. Et pourtant, je m’en sens tellement éloignée. Je ne suis qu’habituée à être seule. Et pour combler le vide, j’ai simplement appris à reconnaître les compliments.

mercredi, janvier 25, 2006

Des gars comme ça

Il y a des gars qui débarquent dans ma vie et qui me donnent l’impression de vouloir être mes amis. Il y a des gars qui carburent au défi et on sait, en leur jetant un premier regard, qu’on a pas fini d’entendre parler d’eux. Il y a des gars qui ont des horaires tellement chargés qu’ils se sentent perdus sans leur agenda. Et ces gars-là trouvent toujours le temps de venir prendre une bière avec moi quand ça ne va pas, pour eux ou pour moi.

Il y a des gars qui iraient me chercher au bout du monde si j’en avais besoin. Qui prendront mes épines droit au cœur si je ne fais pas attention mais auront toujours la force de me dire que ça fait mal quand je pousse trop loin mes réactions. Il y a des gars que j’aurais pu perdre un millier de fois parce que je n’entretenais pas le fil de l’amitié, que j’oubliais des rendez-vous ou des appels, que je pouvais donner l’impression qu’ils n’étaient que des demi-portions, mais ils on tenu bon et m’ont pardonné tous mes manquements. Il y a des gars qui sont venu me reconduire au CLSC quand j’étais enfoncée dans le pays des zombies et qui ont attendu avec moi qu’on me prenne en charge. Il y a des gars qui on appuyé pour moi sur le bouton de survie.

Il y a des gars qui se sont promenés dans l’existence, complètement asexués, jusqu’à ce qu’un soir ils se disent que l’homosexualité n’était pas une tare et mieux valait vivre avec que de ne pas vivre, finalement. Alors ils se sont lancés dans l’exploration en me faisant des comptes-rendus plus humoristiques et imagés les uns que les autres. Et j’ai écouté tout cela les larmes de rire aux yeux. Et d’un seul coup, ils me demandent avec tout le sérieux du monde dans le fond de la prunelle : « Toi, comment tu vas? Sincèrement. » À chaque fois, je mesure à quel point c’est vrai. À chaque fois je me dis que je suis bien chanceuse d’avoir cet ami gay essentiel à la vie d’une fille.

Il y a des gars qui me lisent et me commentent depuis mes tous débuts, avant le blogue. Des gars qui se sont demandés ce qui se passait avec moi quand je ralentissais l’écriture. Des gars qui m’ont pris par la main un nombre incalculable de fois quand je me dépréciais, pour me montrer à quel point j’avais tord de me voir ainsi. Il y a des gars qui se sont appuyés sur mon épaule quand le monde s’est mis à bouger trop vite autour d’eux en m’affirmant, qu’au bout du compte, j’étais une zone de confort.

Il y a des gars, comme ça qui naviguent dans l’existence. Des gars qu’on ne changerait pas.

lundi, janvier 23, 2006

Le temps volé

Voici ma participation au Coïtus impromptus de cette semaine. Le thème était Comment dire je t'aime sans se compromettre. Je n'ai pas pu résiter.


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C’était leur été. Du temps volé au temps. Un été de terrasses, de longues marches sur les quais. Un été de complicité tellement intense qu’il ne croyait pas que cela pouvait vraiment exister. Ils passaient le plus clair de leurs nuits à sillonner la ville jusqu’à l’épuisement. En quête de découvertes. Ils s’arrêtaient pour parler aux gens, ceux qui habitaient les quartiers qu’ils croisaient. Il faisait des portraits pendant qu’elle se glissait toujours dans un coin de l’objectif et riait de lui lorsqu’il la retrouvait, éberlué, sur le papier glacé. Amélie portait des jupes tous les jours et des sandales toutes simple. Elle disait : « je suis une romantique et je me laisse prendre par le vent » en jouant les femmes qui attendent un époux trop longtemps espéré, lorsque le vent prenait de face les avenues. Antoine lui répondait : « garde la pose », mais ne la photographiait pas.

Ils jouaient aux enfants, comme lorsqu’ils étaient encore chez leurs parents. Sans travail, sans autres obligations que leur bon vouloir. Elle le réveillait entre les rayons de soleil matinaux en lui chatouillant le nez ou les orteils pour le voir se recroqueviller sous les caresses pendant qu’elle riait aux éclats dans l’arôme du café. Lui la renversait de toute ses forces en disant : « allez avoue avec qui tu es rentrée hier soir! » Elle se débattait en riant et criant « Non, non, non! Je n’avouerai rien, même sous la torture! » Il lui plantait un baiser sur le bout du nez et la laissait s’échapper. Amélie se levait et dandinait son petit cul sur les planchers de bois miroitant la lumière et Antoine disait : « Et maintenant? C’est qui le bourreau hein? »

Ils s’étendaient sur les versants de la colline et comptaient les nuages en se tenant la main. Elle lui racontait tous les contes de fée qui se promenaient dans leur ciel tandis qu’il la faisait frissonner d’horreur avec ses histoires improbables. Elle se cachait contre son épaule au cinéma, comme à l’adolescence quand c’était la encore la meilleure manière pour Amélie d’aborder un garçon. Le soir, il l’entendait murmurer des mots tendres pour cette vie qui l’attendait dans le vallon des ailleurs. Il la voyait offrir à l’appareil ce rire de femme amoureuse qui n’était pas pour lui. Quand elle raccrochait, Antoine passait derrière elle et lui caressait un baiser dans le cou, pour le plaisir de le voir ployer. Elle triturait ses couettes accoudée à la table du téléphone puis disait : « Ouste les blues! On sort, on bouge, on va danser toute la nuit! » Elle le tirait en dehors de la maison, comme pour le forcer à la suivre, mais savait très bien qu’il serait venu à n’importe quelle condition.

Le dernier jour, ils avaient fait l’amour au soleil, sous le regard de la valise éventrée. Elle lui avait dit je t’aime en lui mordillant l’oreille. Elle souriait en remettant sa camisole*, sûre d’elle, conquérante, belle. Elle lui avait dit je t’aime et s’en allait. Lui restait-là, affalé sur le lit, seul.



* Note d’interprétation : ce que j’appelle camisole est nommé débardeur en France.

vendredi, janvier 20, 2006

Une p'tite gêne?

Quand j’ai ouvert ma boîte de courriel, il y avait ce message. Ce message qui me parlait d’un mec bien particulier. Et pour la première fois, j’ai vu son prénom sans son nom de famille, comme cela, tout seul sur la page. J’ai pris quelques minutes à le reconnaître. Je ne savais pas de qui elle me parlait. Hésitante devant une affirmation. Je regardais le prénom avec l’impression qu’il était tout nu. Étalé impudiquement parmi d’autres vocables. Je peux me permettre de l’appeler Monsieur Untel, j’ai l’habitude de jongler avec les noms de famille et affubler les hommes d’un Monsieur en guise de prénom, commun et rassembleur. Ça me permet aussi de garder une petite distance. Parce que le Monsieur implique un vous de politesse, du moins au départ.

Il y a des hommes comme cela qui me gèlent. Je me sens un peu chose devant eux et je me dis que je ferais mieux de rentrer six pieds sous terre. Ils posent un silence sur mon visage, voyeur et curieux, cherchant en quelque sorte à puiser dans mon âme une fibre de mon essence. Alors je me terre la tête entre les épaules et je rougis dès qu’ils ont les yeux tournés. Souvent, ils se retournent vers moi avant que j’aie repris ma contenance et je me sens démasquée. Je rougis davantage. Pour me remettre sur pieds, je me raconte toutes sortes d’histoires. Je me dis qu’ils ont déjà une amoureuse, que je ne suis qu’une petite Mathilde de rien du tout, qu’ils sont énervants pour telle ou telle raison. J’essaie de rationaliser. La plupart du temps, j’y arrive très bien.

Devant le prénom tout nu ce jour-là, je n’y arrivais pas. J’étais désarçonnée. Je pivoinais devant l’écran, constatant tout le ridicule de la situation. Intimidée que j’étais devant cet aplomb qui surgissait inopinément dans ma vie. J’avais les mains moites et le souffle court. Je me sentais licencieuse, autant que si j’avais regardé par la fenêtre de sa chambre à son insu, ou encore lu son journal intime en me pourléchant de tous ses secrets. Il y avait ses trois syllabes audacieuses qui me narguaient, insolentes. J’ai fermé la fenêtre, je suis allée voir du côté des blogues ce qui s’y passait. J’ai essayé de ne plus y penser, sans y arriver. J’ai entrepris de répondre à mes courriels, sans avoir la tête à cela. Je revenais toujours à la nudité qui s’étalait sans gêne dans ma foutue boîte de réception.

Il y a des hommes comme ça que j’espère revoir pendant des mois sauf qu’au moment où l’occasion se présente, je me replie sur moi-même et je les évite avec diligence et agilité. S’ils passent à côté de moi, je m’électrise et je garderai la mémoire de leur contact longuement encré sur ma peau. Si je ferme les yeux, je rêve qu’ils passent à la librairie, pour me voler un baiser. Je me tance de nourrir ces pensées lubriques et je me juge sur les fantasmes qui jaillissent de mon esprit.

Il y a des hommes comme ça qui me font de l’effet et je les sens impudiques quand je croise leur prénom, tout nu.

jeudi, janvier 19, 2006

Les délits de François

Depuis quelques jours, je me fais bombarder de courriels et de messages sur msn dans lesquels on me demande « As-tu vu, il y avait Monsieur P à telle émission? » Je suis fan, mais, n’en déplaise au principal intéressé, je ne suis pas mongole non plus. Il se retrouve actuellement sur un podium de visibilité à cause des circonstances de son renvoi de Radio-Canada. Bien sûr que ça m’intéresse et que je suis toute cette aventure du plus près possible, sauf que j’ai tout de même une vie à l’extérieur de mon fanatisme sympathique sur le Monsieur en question. J’ai hâte que nous recevions son livre à la librairie, par chance, c’est dans ma section, je vais avoir beaucoup de plaisir à faire une mise en place autour de ce titre, en plein centre de mon cube histoire et science politique du Québec et du Canada. Je vais avoir encore plus de plaisir à le vendre. Mais je ne peux pas me permettre d’arrêter ma vie pour me concentrer sur toutes les tribunes sur lesquelles il obtient un droit de parole.

Ce que je trouve très amusant dans toute cette histoire c’est que le fait que je parle de François Parenteau depuis des années à mon entourage, a sans doute allumé un certain nombre de lumières dans la vie des gens qui me sont plus ou moins proches. S’ils ne réussissent pas à me convaincre d’écouter tel ou tel truc, ils l’écoutent à ma place et m’en font le résumé plus tard. J’ai ainsi contribué à le faire connaître. J’imagine. Le mieux, c’est que je me suis fait connaître au passage. Parce que je me suis dénoncée comme fan, mais aussi parce que je suis celle que je suis. Il m’a dit un jour que tant qu’à n’avoir qu’une seule fan, il était bien flatté que ce soit moi parce que je suis intelligente et politiquement articulée. J’avais le goût de lui dire qu’étant donné son contenu, il eut été bien difficile que sa seule fan connue soit éteinte politiquement.

Quand je suis tombée sur un reportage de lui, à l’automne 1994, dans le cadre de la Course destination Monde j’ai figé devant mon écran. Pas parce que le gars était beau : je ne le voyais pas, caché qu’il était derrière la caméra ou encore sous ses foulards arabes. Non, c’était sa voix et la justesse du propos. Il y avait quelque chose là qui me rejoignait en plein cœur. Une finesse dans le maniement des vocables additionnée à une précision dans la ponctuation que sa voix savait exactement porter. D’une semaine à l’autre j’attendais François. Ils étaient d’ailleurs plusieurs concurrents à porter ce prénom et c’est un autre d’entre eux qui a gagné la course cette année là. Moi je n’en avais cure, je voulais entendre la voix et le texte. J’ai passé des années à regarder la radio pendant ses capsules d’humeur, assise sur le bord de ma chaise à m’exciter toute seule parce qu’il a une voix si ronde et si chaude avec les termes précis pour dire et décrire.

Aujourd’hui, les choses ont un peu changées. Il m’a écrit pour me dire qu’on le virait de Radio-Canada, à moi personnellement. J’ai aussi été invitée au lancement de son livre Délit d’opinions. J’y suis allée bien entendu. Il m’a écrit en dédicace que j’avais un bien beau site.

Jamais j’aurais pensé que Monsieur P lirait mes écrits. Il y a sans doute de plus mauvaises surprises que cela.

mercredi, janvier 18, 2006

Dans ses yeux

Dans une salle bondée de personnes pour qui je suis l’inconnue, un regard s’est posé sur ma chair comme une instance avec laquelle je ne savais que faire. Des yeux trop perçants pour sous une chevelure trop ébouriffée qui me faisaient rougir sur place pendant que j’en perdais un peu contenance. Un coup d’œil qui donne envie de rentrer sous terre, le plus loin possible et de disparaître. En même temps cette envie, cet élan vers celui qui le porte, pour aller lui annoncer qu’effectivement il m’a déjà vue, mais dans des circonstances tellement différentes qu’il ne peut pas faire le lien entre moi et moi. Pour une fois, je suis restée sagement à ma place, sans rien dire. Quand il m’a croisée, les mains pleines de bière quelques heures plus tard, il a intercepté mon regard pour me dire bonsoir, d’une voix savamment placée. J’ai à peine levé les yeux pour lui répondre et j’ai fui son iris.

Je suis retournée à ma place, le cœur battant. Encore toute émoustillée de cet échange qui n’en était pas un. À la fois ravie et chavirée de ce qui venait de se dérouler dans la salle. Je me suis plongée dans une lune en orbite autour de la foule pendant que d’autres me racontaient leurs histoires de cœur. On me reprochait de ne pas être tout à fait là, de ne pas porter l’attention que je sais porter d’ordinaire et on m’a dit : « Allez, file, va le voir, ensuite tu m’écouteras ». Il n’en était pas question, je ne voulais pas du tout retourner me faire griller par cette attention malaisante. J’étais pétrifiée devant l’amabilité que je pouvais deviner entre les silences des yeux qui me cherchaient. J’étais coite au contact de cette curiosité que je savais avoir moi-même allumée il y a quelques années.

Je me suis retrouvée prise à mon propre piège. Petite bête traquée dans mes retranchements parce que j’ai cette mauvaise habitude d’aller voir des gens que je reconnais et de leur annoncer que je sais qui ils sont. Que ce soit parce qu’ils se meuvent sur une tribune publique ou plus simplement parce qu’ils étaient un peu plus vieux que moi à l’école et que je les zieutais avec envie et admiration, je possède cette mémoire des visages et des noms qui est parfois sidérante. Je ne me trompe que rarement. Lorsque les gens sont des personnalités connues, je me conserve une petite gêne et j’agi selon l’environnement qui s’installe autour de la situation. Autrement, j’ai plutôt tendance à foncer, à me jeter dans la gueule du loup quitte à avoir l’air totalement ridicule. Ce qui m’a fait apprendre, en cours de route que non seulement le ridicule ne tue pas, mais en plus il nous permet parfois de mettre les pieds dans des situations totalement gratifiantes.

Cependant, il m’arrive de regretter d’avoir osé une discussion. De me sentir déplacée dans mes propres souliers pour avoir un jour déclaré une quelconque niaiserie à une de ces personnes. Et de me sentir adolescente attardée, prise devant une situation trop grande pour elle. Et de me tancer mentalement parce que ces situations embarrassantes c’est moi qui les ai provoquées.

Ce soir-là, je suis rentrée chez moi penaude, sans lui avoir parlé.

mardi, janvier 17, 2006

Pour moi

Dans un monde où le sexe est devenu une marchandise courante et surdéveloppée, il y a des hommes, jeunes souvent, qui ont été éduqués sexuellement à regarder des films pornos. Dans la vraie vie, ils s’imaginent que ça branche toutes les nanas de se faire prendre violemment, sans tendresse, comme ça sur le coin d’une table, de préférence quand il y a des témoins pour voir la scène. Il y a des mecs qui s’imaginent qu’être lesbienne ça veut dire de faire l’amour à une femme en ayant envie d’un homme. Il y a des mecs qui pensent que notre plus grand fantasme c’est de tourner notre langue dans la gueule d’une autre fille. Rien que pour les voir bander.

Dans un monde où le sexe est moins tabou que les sentiments, il y a des filles pour se plier aux fantasmes masculins et je les vois draguer à deux en s’embrassant à bouche-que-veut-tu et en se tripotant les seins pour le plaisir du croûton lubrique assis non loin d’elles. Et qui en remettent quand ledit croûton quitte. Le show, cette fois, est pour une gang de jeunes énervés qui vont se permettre ensuite d’aller voir d’autres filles qui dansent tranquillement ensemble en leur affirmant qu’ils les veulent toutes les deux là et maintenant. Ensuite les filles qui jouent viennent me demander comment je fais moi, pour être à ce point respectée. Ou mieux encore, me dire que le féminisme est inutile dans notre société.

Il y a des hommes qui me baisent en me donnant l’impression de se masturber avec mon corps, sans chercher à savoir qui je suis ni pourquoi je suis là. Il y a des hommes qui m’ont engueulée parce que je leur ai dit que j’étais mariée, à l’époque où c’était le cas, en me disant que c’était du gaspillage, comme si je devais obligatoirement leur prêter mon corps pour une nuit, sous prétexte qu’ils me trouvaient jolie. Il y a des hommes qui sont monté à l’assaut de mon corps comme des toutous frétillants, tout énervés et secoués. Moi je les ai trouvé mignons et je suis devenue leur maîtresse, celle qui les dirigeait et les regardait se dépatouiller avec mes indications de toute leur bonne volonté maladroite.

Dans une société qui considère que parler de ses maux est une tare mais que parler de cul est bienvenu en toute circonstances, j’ai vu des gens traîner des peines dans le fin fond de la dépression, qu’on laissait sur le bord du chemin, en évitant leur regard soigneusement. J’ai dérangé une quantité incroyable d’individus parce que je raconte mes sentiments et mes histoires sans honte. Parce que j’assume que j’ai fait un tour du côté de la pente raide de la non estime de soi. Parce que je ne me gêne pas pour dire que je suis sous le charme de telle ou telle personne. Et ces mêmes personnes viendront me dire plus tard que je suis bizarre parce que je ne raconte jamais mes aventures sexuelles dans le détail mais que je suis impudique au point de parler de ce qui se passe côté cœur.

Je suis sans doute une femme étrange, sauf que j’aspire encore à trouver un mec qui va avoir envie de moi, pour moi.

lundi, janvier 16, 2006

Jouer le jeu

T’as passé des jours à te maudire pour ton attitude. T’as passé des semaines à laver ton corps le plus vivement possible, pour oublier les traces qu’on y avait laissées. T’as crié ta haine à travers les fenêtres ouvertes sur l’été. Tu t’es crachée dessus, coupable. Tu savais que ce n’était de la provocation, rien de plus que de la vulgaire provocation. Jouer le jeu jusqu’au bout. Tu voulais lui donner tord, lui faire croire que rien, surtout pas lui n’avait de l’importance, pas davantage que toi en tout cas. Tu voulais lui faire comprendre qu’une nana comme toi ça ne court pas les rues. Que s’il ne faisait pas un peu plus attention à toi, tu ne serais pas là toute la vie à attendre qu’il se décide à te trouver assez belle et assez fine pour lui.

Tu as décidé d’être juste un peu moins attentionnée pour voir ce que ça donnerait, et tu t’es aperçue que ça portait ses fruits. Il s’est mis à rentrer tous les soirs, à te donner des signes d’attention que tu n’attendais plus. Il s’est mis à te parler, comme avant, au tout début. Il s’est mis à te laisser croire qu’un jour, sans doute, il pourrait te frencher. Pis toi tu buvais ses paroles comme de l’eau, sotte que t’étais de le croire encore, lui qui jouait avec toi depuis si longtemps. T’as relevé tes jupes de quelques points pour lui faire voir le galbe de tes jambes le plus souvent possible, en réprimande. Et tu l’as vu dans ses yeux que la trêve était proche, qu’il capitulerait sous peu, rien que pour pouvoir glisser ses mains sur tes courbes.

Alors, t’as décidé que ce ne serait pas assez. Qu’avec lui ce serait toute ou pantoute. Rien de mitoyen. Et t’es allée le narguer dans le bar où il est connu, t’as ramené tes fesses en toute impudeur, répondant sans vergogne aux œillades lubriques des hommes autour de toi. T’as additionné les shooters comme t’aurais dû additionner les verres d’eau. Tu t’es retrouvée sur le comptoir, après les heures de fermeture, à baiser sauvagement le nouveau barman que t’avais jamais vu avant ce soir-là, sachant pertinemment que c’était de la vengeance facile et ridicule. Pis t’es rentrée chez toi, la chair en lambeau et le cœur en miette, sentant à quel point tu t’étais leurrée toi-même.

Depuis t’essaie de laver les traces de ces assauts sauvages sur ta peau, sans y arriver. Tu voudrais effacer toutes les bêtises que t’as fait pour en arriver là, mais surtout la douleur que tu vois désormais dans le fond de ses yeux, parce que tu as poussé le jeu un peu trop loin, parce que t’avais voulu lui montrer que t’étais difficile à remplacer. Mais au lieu de faire les choses dans le bon ordre, au lieu de lui parler, tu t’es laissée guidée par ton maudit orgueil et tu te retrouves toute seule un samedi soir, avec le cœur gros et les émotions en morceau, à rêver au temps d’avant. Du temps où rien n’était perdu.

Dans la noirceur de ta chambre tu l’as entendu rentrer. Une fille accrochée à son bras qui égrenait son rire comme les pétales d’une fleur sauvage. Et tu t’es dit que tu l’avais bien mérité.

vendredi, janvier 13, 2006

Amour digital

Voici ma contribution au Coïtus impromptus de cette semaine.


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Tu m’avais demandé de ne pas te poser de question. J’avais acquiescé sans arrière-pensée. Je sentais que le silence des mots serait nécessaire pour aller chercher cette part de toi que tu étais prêt à m’offrir. Dans l’océan de ton regard, j’ai lu toutes les avenues qui s’offraient à toi. Ces immensités que tu ne pouvais affronter tout seul. Je me suis penchée sur toi, papillonnant un baiser sur ton front. Tu as laissé échappé un soupir, tellement soulagé. Comme si ce geste était une reddition muette à ta demande de compréhension. Et je t’ai dit que l’époque au cours de laquelle tout se dire est primordiale était révolue pour moi. Tu m’as demandé si je t’aimais je t’ai répondu que oui. Et c’était vrai, d’une certaine manière.

Tu m’as dit que tu ne savais plus parler de toi. Que c’était mort maintenant. Trop d’abus, de confiance bafouée. Tu m’as dit que tu ne savais même plus discerner le vrai du faux dans ces mots qui sont à la fois tes alliés et tes ennemis. J’ai pris ton visage dans ma main et caressé tes lèvres de mon pouce avant de les mordre doucement. Tu m’as demandé pourquoi j’étais si simple, pourquoi je ne criais pas, pourquoi j’étais tellement maternelle. Je t’ai répondu qu’on ne me changerait pas. Alors, tu t’es écroulé devant moi, fondant de larmes. J’ai léché tes perles jusqu’à la source caressant de ma main les trémolos de ton dos. Tu m’as dit que tu ne savais plus faire l’amour, seulement baiser, et je t’ai répondu : « Dans ce cas, baises-moi ». Tu as crié que tu ne pouvais pas. Pas à moi. Parce que j’étais moi. J’ai rétorqué que je n’avais pas besoin de te l’entendre dire pour le savoir.

J’ai ôté mon chandail pour me mettre à égalité avec ton torse nu. Tu as tendu une des doigts tremblants vers ma poitrine, ému de me voir presque entière. Tu as parcouru mes courbes avec lenteur, fermant les yeux pour mieux voir ce que tu appelais mes splendeurs. Je frissonnais. L’échine secouée par toute cette tendresse qui me disait des amours encore plus profondes que ce que tous les discours auraient pu m’inventer. Je regardais tes yeux se brouiller, quand tu les ouvrais pour une nanoseconde. Je sentais ton souffle se hachurer à chaque pression de mes doigts sur ton frêle esquif. J’entendais les battements affolés de ton cœur à chaque fois que je collais mon oreille sur ton torse, afin de me reposer entre deux assauts de câlins. Sur chaque parcelle de mon épiderme tu semais de tes phalanges, des aveux improbables, impossibles à murmurer.

J’ai regardé tes lèvres devenir rouge cerise, gonflées de désir. Portées vers moi, aimantées par ma seule présence. Tu es resté sobre toute une nuit. Dans les compliments comme dans l’alcool. Pour la première fois, tu ne t’es pas livré à une femme complètement embrumé et j’ai su reconnaître le fleur pour ce qu’elle était. Je me taisais avec toi, savourant la salinité de ta peau, le musc de ta fébrilité. Quand tu glissais tes mains sur mon corps, je me savais belle, plus belle que belle en fait. Je te sentais vrai.

Tu ne savais plus raconter l’amour, tu n’y croyais plus, tu ne te croyais plus. Dans le silence de tes pleurs, nos amours digitales m’auront convaincue que les paroles sont parfois inutiles.

jeudi, janvier 12, 2006

Un vaisseau de tendresse

Tu passais près de moi tandis que je sentais les fourmillements des non-dits diffuser leurs effets. Tu laissais ta main glisser vers ma croupe, je me sentais faiblir tout en conservant un regard serein pour sourire à ton innocence feinte. Tu me ne me disais rien dans le flot de mots qui jaillissait de ta bouche, mais j’entendais bien que tu ne me plaisais pas à sens unique. Tu m’as raconté ta santé, tes amours à distance, tes animaux de compagnie, tes préoccupations. Je t’ai laissé entendre quelques choses de moi. Dont tu ne te rappelais jamais, d’une fois à l’autre, alors les questions se répétaient sans cesse. Je souriais dans ma barbe imaginaire en te répondant. Le seul élément que je n’ai pas eu à répéter très souvent concernait l’étendue de mon célibat.

Quand tu m’as invitée, je savais où ça irait. Il y avait quelque chose de très clair dans le ton. Je savais qu’en acceptant, je te donnais mon corps en reddition avant même que tu ne l’aies effleuré. Je savais aussi qu’entre toi et moi ce serait cet instant-là et pas un autre. En entrant chez toi, j’ai eu l’impression d’entrer dans un film américain. Tu avais prévu des activités pour la soirée. Ce que je n’ai pas pu m’empêcher de trouver mignon. Et tu parlais. Jusqu’à faire déborder mes conduits auditifs. Tu me racontais tout en vrac. Surtout ce que je ne voulais pas savoir. Sur le rapport que tu entretenais avec les autres et le rapport que ces mêmes autres entretenaient avec moi. Dès que j’essayais de placer un mot, tu justifiais tout. Alors je me taisais.

Tu as fini par te coller contre ma chaleur, frigorifié que tu étais. Avec des gestes tendres tu as entouré mes membres de tes bras. Il y avait quelque chose de pudique dans la retenue. Nous savions pourtant que nous allions nous avancer dans l’impudeur. J’ai savouré le moment. Tu as posé tes lèvres sur la rondeur de mon ventre, et pour une fois, je ne me suis pas sentie grosse. Simplement femme. Tes doigts tremblaient et j’entendais ton cœur cogner sur les frêles parois de ton corps. Tu m’as embrassé avec urgence. Une urgence câline comme si tu me criais « aime-moi! » de tout ton être. Je n’ai rien dit. Seulement offert ce qui était-là. Je ne saurai jamais si je t’aurai présenté cette affection que tu cherchais si fort. Je n’aurai pu te donner que ce calme zen qui te mettait tout à l’envers.

J’ai ramassé mes trucs pendant que les heures du jour commençaient à se lever sur le cadran. La nuit était jeune, je savais que tu n’étais pas de ceux qui gardaient les femmes dans ton lit. Je t’ai regardé danser devant mes yeux, sans trop savoir quoi me dire, toi qui avais l’habitude de promettre un prochain rendez-vous aux femmes que tu voyais. Tu sentais que je n’attendais pas cette promesse.

Nous savions tous les deux que j’étais venue chercher un vaisseau de tendresse. Et que c’est exactement ce que j’avais trouvé.

mardi, janvier 10, 2006

Le rendez-vous

Quand le téléphone a sonné, j’attendais l’appel de Charlie. Une fin d’après-midi montréalaise, peut-être s’était-on dit. Je perdais allègrement mon temps à me battre contre une console de jeu, qui évidemment, me rendait la partie impatiente, quand mon cœur fit 78 tours parce que le strident de l’appareil me tirait de ma concentration. Par réflexe, j’ai regardé l’afficheur. Ce n’était pas Charlie, c’était un de mes multiples employeurs des dernières semaines. J’ai répondu, un peu déçue, avec dans l’idée qu’il me faudrait sans doute me présenter sur les lieux du travail sous peu. Parce que je demeure disponible de temps à autres, pour dépanner.

La voix me dit : « Salut Mathilde, tu sais c’est qui? » Ben évidemment que je le sais, c’est marqué sur mon afficheur, voyons! Pensais-je in petto. Lui ne le sachant peut-être pas, j’ai plutôt répondu que oui. Il m’avait embauché quelques semaines auparavant pour un emploi que je sais faire les yeux fermés. Nous n’avons travaillé ensemble que peu de temps parce que fin de grève et poste permanent ont fait en sorte que ma situation d’emploi s’est stabilisée. J’ai quitté dans les normes. Le dernier soir, il m’a dit qu’il partirait lui aussi. On s’est souhaité la bonne année et j’ai pensé que je ne le reverrais que rarement.

L’intérêt de cette histoire, c’est que quelques semaines avant qu’il ne m’engage, j’étais rentrée un soir à la maison et j’avais fait une scène à Madame Coloc (je ne peux pas perdre toutes les bonnes habitudes de Roger tout de même) en lui disant que ce mec, lui précisément qui m’appelait, était tellement charmant et avait une telle intelligence. Et bien entendu qu’il avait des fossettes. Et nous avons eu, durant notre très brève collaboration, des discussions à bâtons rompus sur un paquet de sujets. On s’entendais bien c’était évident. Et je le faisais rire par mes assertions les rocambolesques. C’est un homme stressé, qui craint toujours de blesser les gens. Et moi je lui disais de ne pas s’en faire, que j’étais moi-même une fille bizarre et que les gars bizarres m’intéressaient. En quelques heures, j’avais compris que les décharges existaient entre nous. Mais j’ai décidé de ne pas me lancer.

Il y a quelques temps, il m’a appelée. Pour me demander de mes nouvelles et me dire qu’il s’était trouvé un autre emploi. Nous avons parlé de tout et de rien et il m’a demandé si j’avais un amoureux. J’ai dis que non. Cinq minutes plus tard il m’invitait à faire quelque chose ce soir.

Je crois… Non, je suis pas mal certaine, qu’il me draguait.

lundi, janvier 09, 2006

Sauterelle

Avant même que je fasse sa connaissance, on m’avait mise en garde : nous avions toutes deux des caractères autoritaires et nous risquions de nous heurter. La première rencontre nous a surtout prouvé qu’on risquait de s’aimer. En moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, on s’était découvert une multitude d’intérêts communs. Ce soir-là, nous sommes allées voir Marc Déry en spectacle. C’était l’ouverture sur un été à écumer le même bar. Un été qui nous aura vu danser.

C’était l’été, l’université et la jonction de deux univers. Elle arrivait dans ma vie avec cet Amour-qui-ne-veut-pas-mourir, encore tout chaud au creux de son cœur. Elle arborait un célibat quelque peu forcé en écharpe de soie autour de sa gorge, comme si c’était la chose la plus agréable au monde. Bien entendu on y croyait. Mais dans les moments morts, pendant que je brassais les cartes, elle me lançait à brûle pourpoint : « Mathilde, j’ai le goût de frencher » tandis que je levais les yeux au ciel. Il y avait des matins sautants aussi. Ceux durant lesquels, fière d’avoir un véhicule à sa disposition, elle nous organisait une excursion sur le bord de l’eau en affirmant que je ne pouvais pas dire non puisqu’elle avait commandé du soleil pour la journée.

Elle est allée faire valser ses expériences de travail sur d’autres continents. Elle m’envoyait des courriel remplis de ces joies qui la font vibrer : un verre de vin particulièrement succulent, une rencontre fortuite sur le coin d’une rue, un souper en bonne compagnie. Quelquefois c’était un coucher de soleil ou simplement une flaque d’eau reflétant cet édifice pluriséculaire. Et les anecdotes qui se succédaient. Moi je souriais devant mon écran, toute heureuse de sentir cette joie de vivre printanière qui la décrit si bien. Quand vint le temps pour elle de ramener ses pénates au Québec, on s’est mise à compter les dodos comme les deux enfants que nous sommes au fond de notre âme.

Elle est une des rares personnes qui se permet de me dire mes défauts en pleine face quand je me plains justement que d’autres me l’ont fait. Elle me dira : « tu sais, dans ces reproches, il y a vraiment des trucs qui ne te sont pas étrangers ». Évidemment, j’ai envie de lui dire qu’elle se trompe. Mais je sais tout le courage que ça lui demande de me confronter et de me donner tord. Alors je me dis qu’il faudrait que je regarde cela de plus près. Évidemment, je le remets souvent aux calendes grecques. Et à notre prochaine rencontre, elle n’en parlera pas, mais nous saurons toutes les deux que l’information m’est restée encrée dans les méninges. Elle aura le tact de me laisser dans ma tour d’orgueil et attendra, un sourire en coin, le moment où je lui accorderai que je possède effectivement ce travers.

Plus que tout, elle me dira spontanément, tout ce qui traverse sa tête. Elle me téléphonera toute énervée sur une question de mec, de film, de bar, de travail. Je rirai franchement de certaines déclarations intempestives, de ces urgences qui souvent n’en seraient pas pour la plupart des gens. Cependant je savourerai avec délectation sa présence, puisqu’elle me donnera une fois de plus cette impression d’être vivante.

vendredi, janvier 06, 2006

La reine déchue

Texte écrit dans le cadre du Coïtus impromptus. Je préfère vous rappeler que tout ce que j'écris n'est pas vrai. Juste au cas...


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Lorsque nous étions enfants, elle était celle qui accrochait tous les regards. Ma mère disait qu’elle était habillée en poupée et moi je l’enviais. J’aurais voulu avoir tous les jours, des souliers vernis, des jolies robes avec des collets en dentelles, mais surtout, j’aurais voulu avoir ses cheveux blonds qui descendaient en boudins lourds sur ses épaules. À l’école, elle était celle que toutes les petites filles voulaient pour amie. Tellement charmante, tellement jolie et en plus elle était bonne à l’école. J’aurais voulu être elle, mais j’étais une petite noire aux genoux écorchés qui passait plus de temps dans les arbres que sur le plancher des vaches.

À la polyvalente, elle était entrée par la grande porte, dans la gang. En moins de temps qu’il ne le fallait pour le dire, elle était officiellement l’amoureuse d’un plus vieux. Elle avait troqué ses jolies robes pour des jeans mais les portait comme s’il s’agissait de vêtements griffés. La classe. Je la voyais évoluer au centre de sa petite cour. Je n’en faisais pas partie. Tout juste si elle me saluait d’un hochement de tête quand on se croisait dans un corridor. Je n’étais qu’une ado trop ordinaire, avec des lunettes et des broches. Et puis, j’étais incroyablement soupe au lait et pas du tout en vogue. Je faisais des mots-croisés dans mon coin et je remplissais des cahiers verts de mon écriture serrée. J’aurais voulu être à sa place parce qu’elle était tellement aimée.

Quand nous sommes passées au Cégep, elle s’est glissée dans la peau d’une admiratrice de sportifs. Elle était assise à la grande table de l’entrée de la salle étudiante. Je la voyais me croiser dans sa petite décapotable verte pratiquement tous les jours. Sise sur mon vélo, déjà presque arrivée, je savais qu’elle aurait le temps de retoucher son maquillage et de se boire un café avant que je n’arrive. De toute manière, je ne portais que peu d’importance à mon apparence : il m’arrivait souvent d’apparaître encore toute chiffonnée dans mes cours. Mais déjà, je n’avais plus envie d’être elle. J’avais appris qu’une Mathilde, tout simplement pouvait avoir une vie fort intéressante. En s’impliquant dans la vie étudiante, entre autres. Et j’ai développé mon bagou à cette époque-là, je crois.

Nous nous sommes perdues de vues à l’université. J’ai changé de ville. Je me suis fait toute une vie dans cette petite ville de région si chère à mon cœur. J’ai découvert là-bas que j’avais une voix radiophonique et un sens de l’autodérision que je m’étais toujours caché. J’ai continué à écrire, parce que ça m’est nécessaire. Je me suis encore impliqué dans tout et rien et j’ai fait grandir mon réseau social. Ces dix ans m’auront servi à me créer des connexions. Je suis revenue à Montréal, riche de rencontres et d’une plus solide confiance en moi. Surtout, je suis revenue certaine que j’étais une personne dont il est agréable de faire la connaissance.

Je l’ai revue la semaine dernière. Elle était assise dans ce bar où je vais trop souvent. Elle m’a reconnu au premier regard. Lorsqu’elle a vu tous les hommes qui étaient à ma table, elle s’est approchée de moi comme si nous étions de vieilles copines. J’ai joué le jeu. Et j’ai pris le temps de la regarder aller. J’ai pu constater qu’elle est une petite reine de cours d’école, déchue. Rien de plus.

jeudi, janvier 05, 2006

La réponse, c'est 4!!!



Je me suis rendue comte récemment que j'avais besoin d'un petit remontant, mon moral étant relativement à plat depuis la fin de ma terrible session...

Voilà donc.

Rien de tel qu'un caméléon dodu pour nous remettre sur le piton!

mardi, janvier 03, 2006

les petites bêtes

Les femmes sont des bêtes étranges. Du moins les Québécoises sont des bêtes étranges. Elles promènent leur beauté dans les rues avec une étincelle dans les yeux, certaines d’accrocher un ou deux regards, mais doutant de leur pouvoir de séduction. Elles enverront sur les fleurs un homme qui les aborde trop franchement, parce qu’elles aiment bien jouer le jeu, choisir elles aussi, plutôt qu’être choisies. Les femmes se laissent porter par la musique et se déhanchent avec précision, en démonstration cependant qu’elles s’insurgent si une main baladeuse s’attarde sur leur postérieur. Les femmes sont des chasseresses qui veulent être chassées avec soin.

Elles veulent être aimées, sans être adulées. À dose soigneusement ciblée. Elles se sauvent quand elles sentent que l’homme aime trop. Avec parfois un peu de mépris dans la voix. Parce qu’au fond, elles ne savent pas comment composer avec la douleur qu’elles créent. Alors elles font celles qui sont au-dessus de tout. Elles font comme si tout leur coulait sur le dos et sont très bonnes à ce jeu-là. Les femmes cherchent le confort des relations stables mais ont un peu peur de se perdre dans cet « à deux » qui devient souvent un « nous » un peu trop grand pour elles. Comme si le « nous » était un vêtement de grande personne qu’elles ne savent pas trop comment porter. Les femmes sont des bêtes étranges; elles veulent être femme, mais fillette aussi.

Les femmes apprécient qu’on les fasse rire. Encore plus qu’on les surprenne. Elles comptent sur le charme de la personne devant elles bien davantage que sur son apparence. Tout est toujours une question de précision dans la manière de leur faire savoir l’effet qu’elles font. Aussi, elles se draperont dans un « tabarnak que t’es belle » avec délices de la même manière qu’elles en ressentiront toute la vilénie en d’autres circonstances. Les femmes veulent se faire dire qu’elles sont belles, toujours. Par contre elles résiteront devant un homme qui attend une faveur de retour. Elles aiment arborer des colliers de compliments quand ceux-ci sont gratuits. Autrement, elles ressentent l’odieux de la pression qu’on dépose sur elles et se rebiffent à cette idée.

Les femmes, quand elles aiment, peuvent aller jusqu’au bout d’elles-mêmes sans attendre qu’on les aime de la même manière qu’elles aiment. Pour cette raison, elles se font difficiles lorsque vient le temps de les séduire. C’est que, voyez-vous, elles rêvent encore de Charmant, même si celui-ci n’est pas prince.

lundi, janvier 02, 2006

Monsieur

Il était évaché sur un divan trop bas. Tout seul avec sa bière et une cigarette qui traînait sur le bout des doigts de sa main droite. Son regard bleu traversait les mèches de ses cheveux blonds en éclairs. Et moi je me sentais un peu mal. Lorsqu’on nous a présenté, j’ai tendu la main en me tortillant les chevilles. Lui n’a même pas pris la peine de se lever et il a balayé ma salutation d’un geste nonchalant. Il y avait quelque chose de tellement dédaigneux, d’hautain dans cette attitude que je me suis crue à jamais exclue du cercle de ses amitiés. Alors j’ai oublié son prénom.

Il fait partie de ces gens qui cachent leur gêne dans une assurance simulée. Mais ils en jouent le jeu jusqu’au bout. Ils tiennent leur rôle jusqu’au prochain entracte, lorsqu’ils seront entourés de personnes dont ils sont proches. Ils jettent des « je t’emmerde » en pleine face, pour donner le change. Et ça marche. Ils annoncent aussi, au tout départ, qu’ils ne sont pas appeleux et que c’est aux autres de courir pour cultiver l’amitié. Comme si rien ne les dérangeait et qu’ils étaient au dessus de tout. Il fait partie de gens qui font des clins d’œil par-dessus une bière et me plaquent en souriant, sans avoir dit quoique ce soit.

Et moi, je suis restée derrière, curieuse de cette intelligence impétueuse que je voyais briller sur le fond de ses rétines. Je l’ai revu plusieurs fois, tenir un rôle de capitaine et venir questionner un arbitre à coup de condescendance amusée. Je l’ai observé souligner toute l’ironie des quiproquos et montrer férocement que ses méninges fonctionnent. Il m’impressionnait. Il me stimulait aussi, paradoxalement. J’étais sa fan. Lui ne s’apercevait de rien. Mais je sais bien moi que j’allais voir les match d’improvisation pour voir ses performances de capitaine. Sans savoir son prénom. Je l’appelais Monsieur.

Des années ont passées. Il a remisé sa gêne et sa suffisance. Il ne m’appelle jamais, mais de temps à autre il me fait signe sur msn pour qu’on aille prendre une bière. Il me dira tout dans l’ordre et dans le désordre comme si nous nous étions vus la veille. Il me lancera des regards mitraillettes quand je vais mettre le doigt sur une vérité qu’il aurait préféré ne pas aborder et me traitera de Drama Queen pendant la demie heure suivante. On parlera de littérature et de femmes. On parlera des hommes qui s’absentent de ma vie amoureuse mais qui me sont furieusement fidèles en amitié. On se racontera cette première rencontre, la fois ou une fille m’a déshabillée sur une piste de danse ou cet anniversaire qui a scellé notre amitié. On parlera du fait que j’écris et lui me dira que c’est bien fait. En 3 heures, on aura fait le tour du monde dans les grands traits et les détails ne seront pas épargnés.

Il partira de sa démarche sèche et rapide en m’invitant à donner de nouvelles plus souvent. Je ne le ferai pas, nous le savons bien. Mais on se reverra dans 3 mois, pour prendre un verre.