mardi, février 28, 2006

Les larmes de Thor

La première fois que je l’ai vue, j’avais l’impression d’être sous les foudres du dieu Thor, version féminine, tellement elle n’avait pas l’air de m’aimer. Faut la comprendre, pour elle j’étais l’intruse qui débarquait à la caisse et que tout le monde avait l’air d’aimer. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’étais installée dans ce rôle de petite boss des bécosses que j’affectionne particulièrement. Diriger, l’air de rien, l’équipe, faire basculer les horaires pour que tout s’imbrique particulièrement bien à la caisse, avec le sourire et beaucoup d’humour. Et aussi, un certain manque de tact. J’imagine que ça donne un drôle d’effet à une employée qui ne sait pas que je ne m’étais absentée qu’un mois. Par ailleurs, je remplaçais quelqu’un qu’elle aimait bien et j’agissais, dans son regard à elle, comme si j’avais voulu prendre sa place à lui.

Rapidement nous avons eu à travailler ensemble. Noël arrivant à grands pas, il fallait bien placer la marchandise, en évitant de faire des piles déséquilibrées. Des heures à courir la section dans toutes les directions, riant comme des enfants de se voir la broue plein le toupet. Elle me montrait des livres, des étoiles plein les yeux en me disant : « Oh regarde, c’est Léon! Il est comme mon amoureux, tu trouves pas qu’il est comme mon amoureux? » Et moi je lui répondais que Léon n’avait qu’un œil et que son amoureux en avait deux. Un soir, en finissant de travailler nous sommes allées prendre un verre. Sans détour je lui ai demandé pourquoi elle ne m’aimait pas, au début. Je l’ai surprise, cependant elle a répondu. À partir de ce jour-là, une entente tacite d’amitié réciproque nous lie. On s’installe ensemble, au moins une fois semaine, seules, pour une discussion de fond.

Lorsqu’elle considère que les choses ne vont pas comme elle veut, je l’entends s’exclamer : « Ah ben là, ça pu d’rapport! » Je lève des sourcils interrogateurs et elle explique. J’ai souvent le fou rire avant la fin de l’exposé qu’elle conclue avec un : « Ben là! » exaspéré. Et les jours où quelque chose me taraude, elle me demande ce qui ne va pas. J’ai alors deux options : lui dire que je n’ai pas envie d’en parler ou la vérité. Parce que si je joue à « non, non, ça va bien » elle ne me croira jamais. Par conséquent, quand je prends la peine de m’ouvrir vers elle, j’ai droit toute son attention.

De temps en temps on arrête de rire. De temps en temps on se parle dans le blanc des yeux de nos histoires pas si drôles, celles qu’on préfèrerais garder sous les tapis. Un soir que nous déterrions nos morts, elle me racontait une histoire dans laquelle je ne connaissais pas les personnages, sinon elle-même. Et je me suis retrouvée en train de pleurer à chaudes larmes devant elle. Pleurer sa peine avec elle. Je ne me rappelle pas avoir pleurer autre chose que mon nombril depuis l’adolescence. Pas avant ce soir-là. Mais les larmes sont montées toutes seules, je n’ai rien fait pour les retenir et je ne me suis pas sentie plus faible ni plus ridicule. Depuis, je me surprends souvent à verser des larmes sur les mots qui traînent dans d’autres pages, et j’ai beaucoup moins souvent mal au cœur.

Je ne pourrais pas jurer qu’elle sera mon amie pour la vie, mais je sais que je vais toujours me rappeler d’elle comme l’amie qui m’aura fait pleurer.

lundi, février 27, 2006

Vouloir y croire

Je me suis réveillée gorgée de sommeil, encore toute retournée par les images que Morphée m’avait amenées. Le cœur en transe et le corps en émoi. Et pourtant ce n’était qu’une idée. J’ai passé la soirée d’hier avec des copains avec les discussions ont roulé dans tous les sens passant de la science à la bd, en faisant un saut dans l’histoire. Naturellement, il y avait un éclat de librairie et d’autres lieux communs aussi. On a parlé de paladins, de chevaliers, de super héros de d’amour courtois. On a dressé un portrait de mon armure ; celle que le dragon, il toute brûlée. Je suis rentrée chez nous entre deux eaux. Surtout fatiguée. Trop fatiguée. Après une nuit au sommeil handicapé par des douleurs lancinantes, les heures de la soirée s’étaient écoulées trop rapidement et il était beaucoup trop tard pour moi.

Le soleil était clair et la température froide, mais surtout il y avait cette peine dans mon cœur. Je ne sais plus pourquoi, les rêves sont flous. Il y avait une foule de gens agités autour de moi, ce qui me rendait insécure. J’avais froid dans le dos et dans les os. Je me sentais complètement perdue au milieu d’un environnement que j’aurais dû connaître comme le fond de ma poche. J’étais figée. Deux bras m’ont serrée contre un corps que je ne connaissais pas. Quelque chose de doux, de tendre et de réconfortant. Pas la menace que j’ai l’habitude d’y ressentir. Un îlot de tendresse; une césure dans la détresse. Simplement. J’essayais de regarder l’homme, mais il maintenait mon regard tourné vers la scène qui me figeait en disant : « C’est pas grave, tu n’es pas toute seule. » tout en frottant énergiquement mes bras. Et je le croyais.

J’ai sans doute tout mêlé des discussions de la soirée. Cependant, je trouve assez signifiant de rêver que je me laisse réconforter et de m’en rappeler. J’ai toujours eu des souvenirs de songes dans lesquels j’étais seule et je devais me battre. Toujours eu a prouver quelque chose. J’ai beaucoup enguirlandé de gens dans les débris de mes sommeils. J’en ressortais avec la vague impression que j’essayais de régler quelque chose sans toutefois y arriver. Le plus étrange c’est que la plupart du temps, quand venait le temps de réaliser ces fantasmes de justification, je laissais planer un silence sur mes sourires et me contentais d’acquiescer à ce que mon interlocuteur affirmait, soudainement soulagée de constater que la rancœur n’était entretenue que par mes rêves.

Je crois que je n’ai plus envie de me battre toute seule, plus envie d’être Wonder Woman dans ma tête. Plus envie de jouer la tought. Je ne suis après tout qu’une femme. Comme tant de femme. Et puis, ce n’est pas vrai que je n’ai besoin de rien. Et ce n’est plus vrai que j’ai tellement peur qu’on me vole mon âme que je me cache dans toutes les garde-robes à ma disposition quand vient le temps de laisser entrer des gens dans ma bulle.

Je rêve que je me laisser réconforter, parce que j’ai envie d’y croire.

dimanche, février 26, 2006

Les colères futiles

Quand on est célibataire, on passe notre vie à courir après une relation, un amour. Quand on en trouve un, souvent, on décampe sans le savoir, on fait tout foirer inconsciemment. On fait des trucs absurdes, comme se mettre en colère très fort, pour rien. Et on dit à l’autre que c’est de sa faute. C’est arrivé à une personne que j’aime, récemment. J’ai essayé de lui expliquer ses réactions, donc je lui ai écrit. Et la lettre, elle pourrait s’adresser à n’importe qui sur cette planète. Alors je vous la transmets.

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Si je te connais?

Je dirais que oui. Je ne sais pas quels sont les éléments déclencheurs de ta colère, mais je sais qu'un élément déclencheur n'est qu'un élément déclencheur, au bout du compte; il n'est pas la source. Te connaissant, il doit y avoir plein de doute et de peur. Il doit y avoir un bon bout de ce jugement implacable que tu t'adresses parce que t'as envie de savoir que les rêves existent encore, au bout de l'amour. Que t'as cette idée un peu éculée de l'amour avec une vision très papa/maman/kidos/maison. Mais, tu sais ma chérie, la grosse majorité des êtres humains pensent comme toi et voient l'amour dans un dépassement de deux êtres. Et c'est assez essentiel, en fait, pour la survie de l'espèce.

Je te dirais que tu te sens toute tout croche parce que ce gars-là, il t'aime. Sans faux-semblant, sans anicroche, sans modestie, sans tact. Il t'aime avec, son coeur, ses tripes, ses doigts, ses mots et ses sourires. Il t'aime avec ou sans toi à côté de lui. Et j'avoue que ce doit être particulièrement déstabilisant. Tsé, être aimée, tout simplement. Sans courir après un gars qui n'existe pas ailleurs que derrière le bleu de tes yeux, sans passer son temps à soigner l'ego d'un beau blond au caractère impossible. Il y a de l'ironie dans mes mots, mais sache que, tout au fond, c'est vrai que c'est épeurant. Parce que c'est un autre port d'attache pour ton coeur qui s'écaille. Je sais ce que c'est.

Ne rentre pas ta tête sous la couverture, ne te sauve pas en courant et profite, ma toute jolie amie. De la marde, t'en as mangé et tu en remangeras dans ta vie. Là, maintenant, il y a une impression du bonheur qui flotte autour de toi. Regarde la cette image-là. De toute manière, ça va faire mal. Et c'est le pire qui puisse arriver au bout du compte. Mais les dés sont pipés. Ils l'ont toujours été. L'amour ça fait toujours mal. Et comme on est cons comme la lune, on pense qu'en se sauvant, c'est notre peau qu'on sauve, mais on se leure. Tout ce qu'on fait, c'est passer à côté de la vie. Au lieu de te dire : « Si je pars maintenant, peut-être que ça va faire moins mal. » Dis-toi donc que si tu restes maintenant peut-être que ça pourrait te faire du bien. Combien de temps? On ne peut pas le savoir. On ne peut pas le savoir et au final, ce n'est pas plus grave.

Bon, je sais que je ne me mêle pas de mes affaires. Mais tu m'as écrit un courriel qui m'y invitait avec tellement de grâce que je n'ai pas pu résister.

T'auras compris que je t'aime beaucoup.

Bisous, bisous

vendredi, février 24, 2006

Des ponts qui se tissent

Il y a des hommes qu’on rencontre par calcul, d’autres qu’on croise par inadvertance. Il y a des hommes qu’on nous présente avec des idées derrière la tête et d’autres avec qui personne ne prend la peine de nous mettre en relation. Il y a des hommes qui ont de la prestance, tellement de prestance que c’en est presque écrasant. D’autres qui s’assoient dans un coin et ne font qu’une petite blague de temps en temps. Si on accroche au premier jeu de mot, si on laisse passer un sourire dans nos yeux, alors seulement on va avoir une chance de s’en faire un ami.

J’ai rencontré un gars comme ça récemment. Derrière l’écran il est fort en gueule et plein d’assurance. En personne, il faut aller le chercher discrètement. Ne pas trop en faire, surtout rire de ses blagues. Mais je suis un bon public, ce qui était un bon point pour moi. Il s’amuse toujours bien à mes dépends parce que j’utilise, live, des grands mots improbables. Il me regarde à chaque fois avec cet amusé dans l’œil et je sais que j’ai encore eu l’air de jouer à faire de l’épate. La minute suivante il me sort une abomination et je lui dis qu’il est nono. À toutes les fois il me répond, pince-sans-rire, « franchement, Mathilde, tu manques de vocabulaire. » Et moi je reste silencieuse parce que tout ce que je pourrais répliquer c’est qu’il est nono, et ça ne m’avancerait pas.

Quand j’ai pris la décision de reprendre ma vie en main, quand j’ai pris la décision de crier que je n’en pouvais plus, quand je me sentais la chair en lambeaux et le cœur écrapouti, je l’ai contacté, pour rire un peu. Il a eu la classe de ne pas me demander ce qui n’allait pas. Il a eu la délicatesse de me laisser moi-même poser mes ouvertures. Mais il m’a accueillie d’une blague au détour d’un sourire et m’a réconfortée, plus que je ne saurais dire. Quand la seconde brique m’est tombée sur la tête, quand j’hurlais à ma douleur à l’intérieur de moi, quand je ne savais plus comment on fait pour garder la tête droite, il a pourfendu un dragon pour moi, sans que je ne le lui demande. Il me dira que le fait que je lui en parle était une demande en soi, et il aura bien raison.

Quelquefois il me parle de lui, quelquefois il me raconte ses contradictions. La plupart du temps il m’en dit une partie directement et laisse traîner le reste de l’information innocemment. Je sais bien que j’ai tout avantage à la colliger précieusement, parce qu’il ne la répètera pas. Moi j’ai toujours l’air au-dessus de la mêlée, forte et indépendante. En tout cas, c’est ainsi qu’il me voit. Un certain temps, il me plaçait à un étage qui ne me convennait pas, mais on est revenu rapidement à des proportions plus réalistes.

Un matin où je me demandais sur quoi écrire il m’a suggéré d’écrire sur ses cheveux. J’ai trouvé le sujet un peu court. Je lui ai dit que cette taquinerie relevait de la provocation; j'ai toujours eu bien de la misère à ne pas relever un défi.

jeudi, février 23, 2006

Waltzing Matilda

On te dit parfois que tu es jolie, mais t’es jamais arrivée à y croire : t’as les yeux trop petits et les joues trop rondes pour que ce soit vrai. On t’a écrit des lettres improbables sur la beauté que tu transportes comme un baluchon usé. Et tu as ris, de dérision. T’as laissé des hommes s’approcher de toi pour, tu leur a demandé de t’aimer et tu t’es transformée en petit pou pétri de flétrissures, insécure et agressif. Tu t’es mise à douter. De l’amour, de la durée de l’amour. Bottom line, ce qui était le pire c’était cette sacrée peur de l’abandon qui t’enchaînais à l’immobilité, à ces relations qui font plus de mal que de bien. Et ton manque d’estime de soi se mettait de lui-même en valeur dans les décisions que tu prenais : surtout quand tu décidais de rester dans ces histoires qui n’allait nulle part, pour ne pas être toute seule.

T’as fini par faire le grand saut, t’as fini par tout plaquer. Tu l’as même repoussé quand il est revenu te voir pour te dire qu’il t’aimait encore et qu’il ne comprenait pas pourquoi tu tenais tant que cela à ce que ce couple se défasse. Quand on t’a annoncé, quelques mois plus tard qu’il avait une nouvelle conjointe, qu’elle était enceinte, tu t’es effondrée dans ton silence, sur les larmes éteintes de tes crescendos muets, et tu as relevée la tête avec défi en affirmant que tu t’en foutais. Sauf que t’es rentrée chez toi ce soir-là, meurtrie jusqu’à la moelle, parce que tu savais que ça signifiait que c’était vraiment terminé. Et qu’à quelque part au fond de ta tête, tu t’étais convaincu, jusqu’à ce moment-là, que tu pourrais toujours revenir vers lui.

T’as passé les années suivantes à t’enfoncer dans une zone trouble. Tu te trouvais laide, tu te trouvais conne et tu ne croyais plus à rien. Tu te voyais née pour une bouchée de pain et tu t’enfonçais dans le mépris que tu te portais à toi-même. Il y avait cette barmaid qui te disait tout le temps que tu passais ton temps à revirer des hommes de bord sans t’en apercevoir et tu la regardais, par-dessus tes lunettes, l’air de dire : « Tu me prends-tu pour une conne? » Et puis tu t’es rendue compte que ta liberté s’arrêtait toujours dans le jugement que tu croyais que les autres te portaient. Que tu passais bien du temps à penser du mal de toi à leur place, sans savoir ce que ces quidams se disaient à ton sujet, en réalité

T’as rencontré cet homme qui t’a dit que l’intelligence d’une femme était sexy. Pour la première fois de ta vie t’as cru un homme qui te disait : « je t’aime » sans avoir peur qu’il ne te broie les entrailles. Il ne s’est finalement pas installé dans ta vie, il en es ressorti aussi rapidement qu’il y avait mis les pieds, mais tu sais qu’il a fait toute une différence. Tu as passé les mois suivants à te faire croire que le nombre pouvait suffire à la qualité des relations, en sachant pertinemment que tu te contais des bobards ahurissants.

Un beau matin, tu t’es réveillée toujours aussi seule, pis t’as compris quelque chose d’essentiel : la liberté, c’est dans ta tête qu’elle se passe. Elle arrive toujours quand tu cesses d’avoir peur de tout et de n’importe quoi. Alors, t’as repris ton vieux waltzing Matilda et t’as souri à la vie.

mercredi, février 22, 2006

Tenir son rang

Il y a des matins qui nous réveillent brutalement. La sonnerie du téléphone a cela d’horripilant : lorsqu’elle m’arrache aux bras de Morphée, ça me prend toujours 5 minutes de plus à comprendre que je suis réveillée. Quelquefois aussi, ce sont des sons dans ma tête comme l’impression qu’on dit mon nom. Quand je sais que je suis toute seule à la maison, et que j’entends une voix dire mon nom, je me réveille en sursaut et en sueur et je dois prendre le temps de faire baisser la panique avant de pouvoir penser. Ensuite, je dois trouver la source du bruit que j’ai pu confondre avec mon nom. Généralement, c’est la radio qui est partie pour me réveiller mais d’autres fois, j’ai des surprises.

J’ai habité un appartement qui surplombait les toitures de la ville de Sherbrooke. Sur le toit du cinéma que je voyais tous les jours une colonie de pigeons avait élu domicile. Je les voyais se pavaner en bombant le torse, sûrs de leur effet. De temps à autre, je les voyais piquer du nez vers une cible que je ne voyais pas et ils revenaient le bec plein de frites ou de morceaux de pain. Le tapage qu’ils menaient me laissait croire qu’ils se faisaient des réunions mondaines sous mes fenêtres. La chatte que j’hébergeais regardait cette agitation avec intérêt en agitant tranquillement la queue, chasseresse. À force de les côtoyer, j’avais fini par les reconnaître et le baptiser. Je ne me rappelle plus du nom que j’avais attribué à chacun, mais je sais que la femelle qui était courtisée par le plus de mâles s’appelait Esméralda et que le mâle le plus entreprenant avait hérité du prénom de Mario.

Le matin, je prenais mon café devant l’ordinateur en discutant avec des copains éparpillés à travers le monde pendant que je réfléchissais aux anecdotes que je pourrais bien mettre dans les rubriques du journal de Mamathilde qui était publié une fois par semaine. Quelquefois aussi, je travaillais sur ma maîtrise. Ces matins d’été étaient toujours ponctués d’une aventure de pigeon plus ridicule que la précédente. J’en jasais souvent avec Leeloo qui les observait avec convoitise se pavaner de l’autre côté des fenêtres. Et nous arrivions toujours à la conclusion que Mario finirait par payer de sa vie son incorrigible témérité.

Un jour où je faisais la grasse matinée, j’ai été réveillée par un bruit aussi strident qu’incongru : cette fois, j’avais vraiment l’impression qu’on m’interpellait à mon oreille et pourtant j’habitais seule avec Leeloo qui ne parlait jamais avant moi. Ouvrant les yeux de saisissement, je vis Mario bien installé sur l’oreiller à côté de ma tête, se dandinant de son mieux en me faisant une cours mal venue. Je n’ai pas eu le temps de me dire : « Ouache c’est dégueulasse un pigeon » qu’il avait le cou brisé sous les dents de la chatte tandis que je voyais s’élargir la tache de sang à côté de moi.

Décidément, les hommes devraient apprendre qu’il vaut mieux parfois, savoir tenir son rang, aie-je pensé in petto.

mardi, février 21, 2006

Un zeste de mépris

Il me regardait désarçonné quand je lui ai annoncé que je le quittais. Il ne comprenait pas. Pourtant, tout au long de notre relation il m’avait traitée avec un zeste de mépris et une bonne dose d’indifférence. Je savais qu’il voyait d’autres filles en même de temps que moi, mais je n’étais pas assez confiante en moi pour le quitter. Parce que j’avais dans l’idée qu’il était bien la seule personne au monde à qui je pourrais plaire. Après tout, je n’étais que moi, petit bout de femme aux idéaux romantiques et grotesques. Chaque nouvel amour devait être le bon et j’avais l’impression de commettre des erreurs lorsqu’une histoire ne durait pas vraiment. Avec lui, j’aurai essayé. Je voulais qu’il me trouve belle, tendre et irremplaçable.

Avec lui j’ai passé des heures sur le plancher des cuisines à pleurer en silence les déroutes et les pieux que je recevais en plein cœur. Avec lui, j’ai tordu mes peines jusqu’à l’évanouissement en le voyant en embrasser d’autres à bouche que veux tu, sans pouvoir y faire grand-chose. Parce que je savais, qu’il savait que je savais, et elles aussi. Je le voyais sortir des présents de ses poches, couvrant ses belles de bijoux pendant que je me tordais de jalousie sur les pavés usés par mes genoux meurtris. Et quand venait le temps de partir, il me disait : « Allez, je t’appellerai demain. J’irai te chercher après ta journée. » Je quittais la salle chiffonnée de toute part en sachant que ses mots tendres seraient réservés à une autre belle, pour la nuit.

Pendant les jours qui suivaient, il se montrait charmant avec moi, j’étais le centre de son univers et j’y croyais particulièrement fort. Et puis, une soirée nous ramenait à la case départ : il usait de son charme sur d’autres peaux que la mienne, sous mon regard blessé, sans en tenir compte. Et je retournais chez moi, éraillée et ternie, la mine basse en lui hurlant que c’était la dernière fois pendant qu’il me répondait amusé : « Mais non, tu le sais bien. Tu m’aimes trop pour cela. » Et je m’en voulais parce qu’il avait raison. C’est pourquoi, il n’en croyait pas ses oreilles quand je lui ai dit que je partais. D’ailleurs, je ne me suis pas contentée de mettre un terme à notre relation : je savais trop bien qu’en restant dans son entourage je succomberais à la première occasion. Je me suis cachée très loin. Sans jamais l’oublier.

Quelquefois, il m’a appelée dans ma retraite. Pour me raconter ses peines et ses détresses, à moi qui le connaissait si bien. Les premières fois, j’ai couru vers lui, avalant les kilomètres comme d’autres calent des bières. Ensuite, je me suis rendue compte que cela ne faisait qu’étayer ses petits jeux pervers. J’ai changé de numéro de téléphone, je me suis effacée un peu plus de la surface de son monde et j’ai attendu la suite des événements.

Dix ans ont passées. Hier, il m’écrivait qu’il me lit depuis plusieurs mois et qu’il se demandait quand il allait se reconnaître dans un de mes textes. J’ai souri dans ma barbe imaginaire en me disant que certaines demandes ne peuvent être passées sous silence.

lundi, février 20, 2006

Un chevalier et des dragons

C’est étrange comme il y a des gens qui comprennent ce qu’ils veulent bien comprendre. Quand on leur dit : « je n’aime pas quand tu me cries dans les oreilles parce que ça me stresse inutilement » ils vont répéter à tout venant qu’on n’aime pas leur voix. C’est un mini accroc dans la vérité qui fait toute la différence de sens. Ils se déresponsabilisent, l’air de rien. Ce faisant, toute la responsabilité incombe à la personne devant eux, du moins dans ce discours. Le problème c’est que plusieurs personnes acceptent ce discours tordu sans broncher, sans se rendre compte de ce qu’il a de néfaste. Et de prendre le discours comme si c’était en fait une vérité. Et de le projeter comme tel. Et ces gens, qui ne comprennent ce qu’ils veulent bien entendre, passent le relais de l’information avec leur perception biaisée autour d’eux, déformant ainsi l’image des personnes qui les entourent. Je n’ai plus de patience avec les enfants gâtés qui se déresponsabilisent de tout.

Les quelques fois ou je me suis tenue droite on m’a assommée. Si fort que je ne pensais jamais me relever. C’était des KO avec gants de boxe et moi je n’avais aucune protection. J’ai passé des heures à saigner dans mes larmes. J’ai regardé mes lèvres écrabouillées et mes yeux bleuis en me demandant ce qu’on pouvait faire pour soigner ces plaies. Je me suis recroquevillée sur moi-même, je me suis terrée très loin, je me suis cachée de la face du monde. Il y a bien fallut que j’affronte ma vie et que j’aille au devant du soleil. Mais j’ai décidé de ne plus sortir sans protection. Depuis je me promène dans une armure digne de celles des chevaliers de contes de fées. Ce faisant, il devenait plutôt complexe de me faire un câlin ou de me donner un bec sur la joue.

Et puis, je suis devenue pleutre. Je n’allais pas affronter les dragons. Je faisais des larges détours pour éviter même de respirer le souffre qu’ils dégagent. Et puis, je me sentais coupable parce que j’avais cette armure. Et que j’aurais dû, n’est-ce pas, me lancer aux trousses des dragons ainsi équipée. Sauf que je n’y arrivais pas. Je perdais toute forme de courage quand venait le temps de m’avancer. Je mettais les pieds dans le premier ruisseau en m’y vautrant de tout mon long pour me justifier de ne pas partir à la chasse, mon armure toute rouillée n’était pas très fonctionnelle. Et je me suis dissimulée un petit peu derrière un nom qui n’est pas vraiment le mien mais qui ne me cache pas beaucoup. Me donnant ainsi l’impression que je n’étais pas un imposteur dans mon armure.

Il y a quelque temps, j’ai regardé un troupeau de dragons dans les yeux en disant : « je n’ai plus peur ». Je me suis retrouvée dans une armure complètement calcinée, qui avait su me protéger. Bon d’accord, va falloir que j’investisse dans une nouvelle amure. Mais je ne suis plus terrorisée. Les dragons sont en fait plutôt ridicules. Ils crachent loin et sont très gros mais c’est à peu près tout ce qu’ils savent faire. Les dragons ne sont jamais responsables des dégâts qu’ils sèment, du moins dans leur perception. Selon leur discours, c’est toujours le monde qui est n’est pas adapté à leur réalité. J’en connais un qui pense que j’ai peur de lui parce qu’on joue dans les mêmes platebandes… Sauf que c’est impossible, nous ne sommes pas de la même nature : il est un dragon et je suis un humain. Par conséquent, il n’y a pas de comparaison possible.

vendredi, février 17, 2006

La colère des tempêtes

Sur le parquet de ma chambre, les pièces détachées s’accumulent en petites montagnes. La poussière recouvre d’une fine couche le dessus des meubles et pourtant le tableau donne l’impression qu’un ouragan l’a traversé. Le désordre est complet tandis que l’ensemble nous raconte une histoire d’épuisement et de fuite éperdue dans le verre brisé. Ma mère me dit toujours que ma chambre est l’exact reflet de ce que je suis profondément, à l’intérieur de moi. Aujourd’hui, je sais que c’est tout à fait vrai. Contrairement à mes habitudes, je ne me suis pas échouée sur les plages de février, inerte et apathique; j’ai tiré le spleen à mon avantage.

J’ai crié ma peur et ma rage à ceux qui pressaient le souffle. J’ai dit : « NON » d’une voix forte, et j’ai ajouté en cherchant mes mots : « J’aurais voulu que ce soit autrement, mais je n’en peux plus, je n’en peux juste plus. » Je me suis fracassé les yeux sur des histoires que je n’aurais jamais cru émouvantes, jusqu’à pleurer par compassion pour la première fois de ma vie. J’ai laissé les larmes descendre leur course sur le rebondi de mon visage jusqu’à ce qu’elles humidifient mes lèvres, asséchées par les températures variables d’un hiver sans conduite. Je me suis empalée le cœur sur des histoires qui ne m’appartiennent pas, sans m’apercevoir que je dérapais avec elles dans les confins du néant.

Je me suis dressée dans le vent, feignant un courage que je ne ressentais pas. J’ai continué à prétendre que j’étais capable parce que c’est le seul rôle que je connaisse. Jamais je n’ai su admettre que j’étais faillible. J’ai dit que je n’avais pas de besoin. De rien. De personne. J’ai soulevé un œil ironique à celles qui me disaient qu’elles nécessitaient du réconfort, parce que j’enviais cet aveu de sensibilité. J’ai poussé l’orgueil jusqu’à la flétrissure, en me disant qu’il me seyait bien. En me faisant croire qu’il serait un rempart suffisant aux attaques extérieurs et à mes propres manquements. J’ai couru jusqu’au bout des idées, fuyant le réel, fuyant le vrai. Et j’ai dit que j’étais encore capable de laper une gorgée.

Je me suis retrouvée, jonchant le sol de mes parcelles brisées. Plus petite qu’un atome, dans toutes mes multiplicités. J’ai essayé de reconstituer mon casse-tête intérieur, cependant il y a longtemps que j’ai perdu l’image qui pourrait me servir de guide. Et j’ai pensé que c’était sans importance, que je pouvais bien faire surgir une nouvelle image, plutôt que celle dont je me rappelais. Alors, mes épaules se sont affaissées et je me suis détendue.

Dehors, le vent chante sa douleur et je sais que je serai transie de froid au bout de quelques pas. Je suis en harmonie avec la colère des tempêtes.

jeudi, février 16, 2006

Vingt ans plus tard

Te souviens-tu ce qu’on se racontait pour essayer de comprendre les réactions sans bon sens qu’on provoquait au plus fort de l’adolescence? Te rappelle-tu de ces nuits blanches à parler de poules, de jambes et d’innocence, dans ces discussions sans queue ni tête que personne n’aurait pu comprendre? Conserve-tu la mémoire des larmes amères que nous avons versées sur la méchanceté dont nous nous sentions victimes? Te souviens-tu que j’apprenais tranquillement à courber l’échine sous tes câlins au lieu de rester droite comme la justice. Droite, rigide et froide?

Vingt ans plus tard, j’ai l’impression que rien n’a changé. Je suis toujours de celles qu’on juge sans les connaître. Je suis toujours de celles que l’on déteste, tout simplement. Je choque, je dérange et je suis de trop. Je me donne parfois l’impression d’être une hyperbole ambulante tellement je suis un zeste de trop pour tout et hautement improbable en réalité. On s’est demandé des milliers de fois ce qu’on pouvaient bien faire aux hommes pour qu’ils passent leur temps à nous fuir ou, au contraire, à nous coller aux basques en espérant que nous serions un jour quelqu’un que nous ne sauront jamais être. Des hommes qui se créent des espoirs sur la base d’un sourire, d’un mot, d’un rire ou d’un hochement de tête. Et tous les autres qui nous ont jetées sans même nous regarder parce que nous n’étions pas dans la bonne gang. Nous regardant de haut, nous traitant avec mesquinerie additionnée de mépris.

Je suis devenue le genre de femme à qui un inconnu vient annoncer que j’ai l’air grosse dans ma tenue vestimentaire. Comme ça, sans autre raison que de vouloir me permettre de m’améliorer. Et moi je croule à chaque fois sous l’insulte parce que j’en vis toute l’ignominie. J’ai toujours une langue acérée, t’inquiète, mais tu n’es plus là pour jouer aux insultes avec moi afin que je me défoule. J’ai beau essayer, je me laisse atteindre. Et je fuis les relations viables parce que je n’y crois pas. Si un homme me disait qu’il me trouvait jolie, sans doute que je lui éclaterais de rire au visage tellement je n’arriverais pas imaginer qu’il puisse être sincère. Si une femme me dit qu’elle me trouve jolie, je pense toujours qu’elle me prend en pitié.

Forcément, quand on me dit qu’on m’aime, j’ai l’impression que des mains serrent mon cou. J’ai cette sensation qu’on cherche à m’emprisonner et à couper mes ailes. J’ai l’impression que d’accepter un présent comme celui-là c’est ouvrir une boîte de Pandore. Alors je baisse les yeux et me tasse sur moi-même. Je me fais le plus minuscule possible pour qu’on m’oublie. Mais je fini toujours par m’insurger d’un commentaire, d’une réaction, d’un moment de vie à croiser mes oreilles. Et puis je me sens irrémédiablement seule.

La nuit, quand les matines devraient sonner, je me retrouve perdue dans un lit trop grand pour moi et tous les mots d’amour qui me dégoulinent des lèvres, comme des gouttes de sang que je ne peux crier.

mercredi, février 15, 2006

Entre toi et moi

On s’est imaginé un million de fois les soirées échevelées à venir, quand tu serais connu et que je te suivrais à la trace. On s’est imaginé des rires en coins que nous seuls pourrions comprendre et qui laisseraient pantois la plupart des observateurs. On s’est dit qu’on s’appuierait tout au long de nos routes ardues pour atteindre ce que nous sommes profondément. On s’est imaginé aussi qu’à mon tour je serais l’invitée, cette jeune personne à qui l’on envoie un bristol pour pourvoir dire un jour : « Ah, je l’ai connue quand elle n’était qu’une jeune personne nouvellement publiée, bien avant qu’on commence à parler d’elle. » Et on s’est dit que nos succès seraient très différents.

Il y a des gens qui écrivent parfaitement, des gens qui écrivent intelligemment, des gens qui écrivent avec classe, des gens qui écrivent avec style, des gens qui écrivent intellectuellement. Moi j’écris du cœur. Je lance mes tripes, mes blessures et me victoires avec la même spontanéité. Je prête le flanc à la critique, je m’ouvre comme une fleur sous la rosée, laissant voir la fragilité de mes étamines. Je laisse à tout un chacun la possibilité de m’attaquer directement et je me blesse à toutes les fois où quelqu’un en saisit l’occasion. Et quand ça m’arrive, tu me consoles, avec une régularité et une précision qui m’étonnent à chaque fois, tellement tu sais exactement mettre le doigt sur le détail qui me brûle les boyaux. Et tu sèches mes larmes taries d’un sourire que je vois traverser les kilomètres.

Depuis que je te connais, j’ai pris un peu de tes manies d’écrivain. Mais je ne suis qu’une émule. Je ne possède pas ton scalpel des mots. Il y a dans ton discours une intelligence travaillée qui laisse pantois. Un petit brin de perfectionnisme, l’air de rien. On lit dans tes lignes les influences des âmes damnées de la littérature jointes à une brise d’été pour atténuer le tout. Un jour, tu m’as surprise en me disant que ma littérature enfantine te faisait du bien et que tu l’appréciais. Un jour, tu as posé tes yeux sur mes mots et tu m’as tellement donné envie de me pousser le plus loin possible; jusqu’au bout de mes idées sans me laisser décourager. En gardant la tête haute, malgré les ravages des tempêtes.

Depuis, tu t’es terré dans ton antre pour écrire et peaufiner ce projet réel qui te lancera sous certains projecteurs et, toujours, tu me dis que je suis ce que je suis et que j’aurai un jour la tribune dont je rêve pour m’exprimer. Tu me fais savoir que tu attendras un peu que je te rejoigne malgré le fait que jamais nous n’écrirons dans les mêmes sphères. Malgré le fait que tu seras un jour étudié à l’université et que je serai l’auteur que les vieilles dames gardent sur leur table de salon, pour se réconforter.

lundi, février 13, 2006

Courrier du coeur

Thème volé au coitus interomptus de la semaine. Parce que l’exercice consistait à écrire à un participant de ce jeu une lettre d’amour/amitié/affection. Oh, je pourrais, il ne me manque pas de sujet. Mais en voyant le titre, j’ai pensé à autre chose. Et c’est ce que je vais vous raconter.

L’année de mon secondaire trois, nous avons eu à l’école, un courrier du cœur. J’étais une petite brunette, assez jolie, mais je ne le savais pas. Mes modèles étaient blondes, élancées, arborant des yeux clairs, ce qui n’a jamais été mon cas. Je pensais que les jolies filles devaient être blondes comme les princesses de contes de fées et autres fariboles de ce style-là. Je n’ai jamais cru à ma propre beauté, de toute manière. Alors, au plus fort de l’adolescence, je n’y croyais pas du tout. Et mes amies me disaient souvent que je n’avais pas besoin d’être belle parce que j’étais tellement gentille. Je les croyais. Aujourd’hui, je ne les crois plus, je sais à quel point être belle est essentiel.

Bref, cette année-là il y avait cette activité de courrier du cœur. J’ai reçu quelques lettres comme tout le monde, mais évidemment j’en ai écrit des tonnes. Des tonnes de messages à tout le monde pour leur dire que je les appréciais. Je fais ce genre de trucs moi : dire à quelqu’un que j’aime ce qu’il est ou ce qu’il fait. Gars ou fille, peu importe. Alors je me suis joyeusement démenée cette semaine-là. Et puis j’ai jamais su écrire des lettres qui ressemblent à des lettres, mon truc est plutôt dans le genre fleuve. J’aime écrire. J’ai toujours écrit. C’est plus fort que moi et c’est aussi l’endroit où je me trouve le mieux pour m’expliquer la vie, en comprendre les angles et les aspérités. Déjà, à l’époque j’avais l’intuition qu’il fallait dire aux gens qu’on les aimait avant qu’il ne soit trop tard. Alors je m’étais appliquée à écrire au plus de gens possible. Je crois que le seul machin tout à fait désagréable de mon truc, à ce moment-là, c’est que j’avais une orthographe plutôt farfelue. Alors me comprendre relevait sans doute du défi.

Tous les matins j’allais voir les responsables pour voir s’il y avait du courrier pour moi. C’était généralement le cas, et je recevais avec plaisir les mots de mes amies. Le dernier matin, il y avait une enveloppe bleue avec une écriture que je ne connaissais pas. À l’intérieur, il y avait 2 pages écrites en tout petit. Et l’auteur me racontait tout ce que j’étais : ce qu’il y avait dans mes lunchs, mon horaire, mes amies. J’ai toujours pensé que c’était des gens qui me niaisaient, j’attire ce genre de chose. J’ai essayé de trouver du mieux que j’ai pu, mais je n’ai jamais su. Ni même jamais eu de supposition sérieuse. Mon admirateur secret, si tant est qu’il eût existé, est resté discret tandis que j’ai passé l’année à chercher laquelle de mes connaissances m’avait taquinée.

Des années plus tard, je me demande encore qui c’était. Je me rappelle la lettre assez bien quoique je l’aie détruite depuis fort longtemps. Et je me demande si j’aurais eu mon unique Valentin cette fois-là, avoir su c’était qui. Parce qu’année après année, je suis toujours toute seule le soir du 14 février.

samedi, février 11, 2006

Les petites bêtes (encore)

Elle t’a dit : « Les choses seraient différentes si tu voulais qu’elles le soient. » T’es retourné à la maison tout à l’envers, ne sachant plus que faire parce qu’Elle est l’amoureuse d’un autre gars. Et ta tête s’est creusée de questions, de doutes et d’envie. Tu t’es mis à questionner la relation, mal d’en savoir trop, tu aurais voulu revenir au temps d’avant, quand tu n’avais pas cette information colletée entre l’envie et la raison. Et tu pensais que tu la désirais, que tu ne lui aurais pas fait de mal. Et tu pensais que le mec était un peu imbécile de ne pas passer sa vie à faire l’amour à cette fille-là, en tout cas à la laisser toute seule assez pour qu’elle développe une envie des autres. Une envie de toi.

Le problème, encore une fois, c’est que c’est un vieux truc de fille cette histoire-là. Les filles ont ce talent pour se faire recueillir par d’autres cœurs quand les relations stables s’étiolent. Les filles trouvent que leurs amoureux ne les voient plus, ou qu’ils ne les voient plus comme autrefois, ce qui est souvent le cas d’ailleurs. Petites princesses au cœur de leur royaume, elles désirent continuer d’être le centre de l’attention, mais la vie n’est pas ainsi. Parce que la passion s’use, parce que le désir se transforme. Parce que les couples les plus solides se retrouvent un jour, effarés, engoncés dans les habitudes du quotidien sans plus trop savoir que faire. Mais les filles ont besoin d’être flattées.

Alors elles se tournent vers ceux qui portent un célibat depuis un certain temps. Ceux dont l’attitude crie qu’ils ne voudraient pas être seuls. Ils sont vulnérables et perméables à leurs charmes, elles le savent puisque ça fait assez longtemps qu’elles sont dans le décor pour en être appréciées de tout le monde. Elles se tournent vers eux pour faire leurs confidences, expliquer à quel point le couple s’en va dans les limbes, affirmer que le désir est mort en jouant sur la fine ligne d’équilibre entre la trahison et la fidélité. Quelquefois même elles osent et se laisser aller à embrasser ces hommes seuls. Alors ils se mettent à fondre, liquéfiés sur le plancher. Coupables de trahir, tentant en vain de repousser ces belles femmes qui ne peuvent pas être leurs.

Tu verras, dans quelques temps elle retournera à ses amours de la même manière qu’elle les avait quittées, en toute discrétion. Toi tu resteras sur ta faim, avec ce sentiment indéfinissable fiché dans le conscient. Tu la verras toujours un peu avant les autres quand elle fera un pas dans une pièce et les questions que sa phrase avait soulevées te remonteront au cerveau. Mais elle t’ignorera superbement la plupart du temps, allant même jusqu’à te faire des yeux exacerbé si tu la regardes avec trop d’insistance. Et si d’aventure elle quittait pour de vrai la relation, tu n’auras été qu’un rebond nécessaire pour qu’elle puisse partir parce que les filles ne quittent jamais un homme sans s’assurer qu’elles plaisent encore.

Toi, tu seras toujours aussi seul, un peu triste et désabusé. Et la prochaine fois qu’une fille t’abordera, tu douteras, un peu, de sa sincérité.

vendredi, février 10, 2006

Un air de timidité

La première fois que je l’ai vu, la piste de danse était bondée. Il se tenait en retrait, loin des lumières qui irradiaient le sol. Si ce n’avait été de la fluidité du mouvement, je ne l’aurais sans doute jamais remarqué. Parce qu’il porte cet air effacé qu’abordent les hommes qui ne se trouvent aucune qualité particulière. Il y avait cependant un élan dans la langueur de son corps qui se détendait sur la piste de danse, comme un aimant pour attirer le regard des femmes, qu’évidemment il ne voyait pas. La soirée s’est avancée dans le temps et il s’est un peu perdu dans l’alcool. Quand on s’est fait jeter dehors je lui ai dit : « Jeune homme, vous dégagez une belle sensualité lorsque vous dansez. » Il m’a regardé par-dessus son verre en répondant « Et? » J’ai laissé tombé : « Trop soûl vous perdez un peu de ce charme. Il y a quelque chose de trop imbibé dans la nonchalance. » Il a porté un toast silencieux à mon intention, ironique. Je l’ai laissé à sa bière et je me suis tirée.

La deuxième fois que je l’ai vu, il se rappelait de moi. Un peu. Il se rappelait qu’on s’était parlé. Sans doute se souvenait-il aussi des propos que je lui avais adressés, mais timide il ne me parlait pas. Je le voyais me regarder de loin. Je sentais ses yeux sur ma peau. Quelque part entre l’hésitation et la séduction. Je savais que je n’étais pas son genre de femme : il y a un peu trop de trop en moi pour la plupart des hommes. Mais je l’avais surpris et je sentais bien que ce souvenir le titillait. Je l’ai laissé me regarder toute la soirée. Je l’ai laissé se demander ce qu’il pensait de moi. De temps à autres, je regardais dans sa direction et j’accrochais ses prunelles au passage. Je baissais la tête, intimidée. Parce que je me sens toujours un peu chose après m’être dénoncée. Quand je suis partie, je lui a glissé un bout de papier sur lequel j’avais écrit : La modération, par contre, vous va à ravir.

Depuis j’ai arrêté de compter le nombre de rencontres qui se sont additionnées entre nous. J’ai arrêté de me demander comment il me percevait. On se parlait un peu, je lui glissais de temps à autres des remarques sur sa confiance en lui qui se décousait pour un oui ou pour un non. Il me racontait ces milliers de femmes qui lui trouent la cornée et le béguin. Il me racontait ces envies qui tenaillent son corps d’homme et son cœur d’artichaut pendant que je l’écoutais attentive, les iris planant au-dessus de mes lunettes. Je prenais sa main et je lui lisais les lignes craquelées qui la sillonnaient en lui inventant des histoires de chevaliers et de princesses pour le faire rigoler. J’étais cette femme qu’il voyait souvent, sans jamais la voir.

La dernière fois que je l’ai vu, je quittais la ville. Il ne le savait pas. En partant cette nuit-là, je l’ai embrassé en lui disant à l’oreille : « Dieu que t’es difficile à cruiser. »

jeudi, février 09, 2006

Mon regard

Il y a des individus qui avancent dans l’existence, la tête haute, les épaules droites, sans trop se questionner quand à leur rôle et leur importance ici-bas. Il y a des gens qui savent, qui sentent l’espace qui leur est propre et se meuvent avec assurance simplement parce qu’ils sont. Ces êtres là m’impressionnent au premier abord, parce qu’ils évoluent dans des sphères qui me sont inconnues, la confiance n’ayant jamais été mon fort. Et puis, je m’approche, je questionne, je zieute de plus près, pour toujours en finir par me dire que c’est pas mal plate. Que ça manque de texture et de couleurs et que je ne les envie pas tant que cela.

J’ai passé ma vie à m’expliquer la vie. À essayer de comprendre pourquoi, comment de quelle manière. À disséquer des situations, les ouvrir, en ôter tous les organes pour m’assurer du fonctionnement de la mécanique. Ne remettant pas toujours les objets à la bonne place et créant ainsi certaines confusions. Lorsque quelque chose me dérange, je peux passer des heures à me l’expliquer. À l’expliquer à mes amis, ma famille, mon amoureux si tant est que j’en aie un. Comprendre. Comprendre les motivations humaines. Comprendre l’incompréhensible. C’est en partie pour cette raison que j’écris. Parce que de créer me permet de m’expliquer un certain nombre de chose. Je peux penser à la place de tous les intervenants et finir par mettre une conclusion réparatrice qui cicatrise les vielles blessures que je traîne avec moi. Et ça me fait du bien. Mais je sais dans le fond de moi que ce n’est que foutaise, puisque ce n’est pas la vie réelle que j’ai réglé, mais une forme bien imaginaire de projection, pour me réconforter.

Depuis quelques temps, certaines personnes viennent me voir pour me demander de leur expliquer les femmes, l’amour, les relations. Comme si j’avais une quelconque expertise de tout cela. Parce que depuis un bout de temps je m’explique la vie sur les pages des chemins que j’ai ouvert sur la toile. Et je regarde les femmes et les hommes se débattrent autour de moi dans des relations qui n’en sont pas, dans des armures qui les entravent davantage qu’elles ne les protègent mais qu’ils continuent de les arborer par habitude. Mais je sais que je ne suis pas mieux. Je porte aussi oripeaux qui ne me servent à rien. Je porte des discours, des sourires, des rires pour me protéger. Je fonce pour me donner l’impression d’agir, mais je me terre dans mes silences quand ça devient important. Mais je détourne les yeux si je trouve un mec vraiment charmant. Parce que j’ai peur du rejet comme n’importe qui. Parce que je ne sais plus comment on fait pour courtiser un homme que je voudrais garder plus qu’une nuit.

Pendant ce temps je continue à croiser des gens qui me disent : « Mathilde, toi qui est une femme, toi écrit, toi qui a cette intuition et cette sensibilité, explique moi ça. » Je m’avance toujours, parce que j’aime beaucoup expliquer la vie, la théoriser aussi. Mais toute seule chez moi, je me dis que je n’aurais pas dû, que je ne suis pas mieux que personne et que mes explications ne sont valables que pour moi, puisque c’est le regard que je porte sur le monde. C’est très personnel et certainement pas universel.

C’est ma façon à moi de me consoler de toutes les déceptions que j’ai pu rencontrer.

mercredi, février 08, 2006

Et finalement, on arrive à quelque chose...

Voilà.
Ça fait 1 ans et demi que je me tue à faire ce maudit DEC de 3D. Sérieusement, j'ai jamais fait quelque chose d'aussi difficile de toute ma vie, autant professionnellement que physiquement et psychologiquement. Et ai-je mentionné que c'est aussi dur pour le moral?
Bon, évidemment, faudrait préciser qu'il n'y a pas eu QUE le programme pour absorber mon énergie, on s'entend, mais on dirait que tous les facteurs se sont mis d'accord pour me tomber dessus en même temps o_o

SAUF QUE!!

En travaillant on arrive toujours à un certain résultat et, même si je ne vois pas encore tout à fait la lumière au bout du cégep, j'ai maintenant des trucs plus concrets à montrer. Et il faut gosser longtemps avant que ça ressemble à quelque chose!
Donc, voici le 2eme personnage de mon film.
Pas terminé encore, bon, je dois travailler la texture (dessiner du poil, c'est long!). J'ai fait un blitz de rig et de blendshape cette semaine, maintenant c'est PRÊT BWHAHAHAHAHA!!!
Dire que tout ça est parti d'un tout petit cube gris *_*

**
Pour les non connaisseurs des termes (parce que ceux qui s'y connaissent oublient trop souvent que la majorité des personnes comprennent pas grand chose à tout ça):
Texture: La couleur, les motifs, tout ce qui fait que le perso est pas juste en gris morne par défaut!
Rig (rigging): La structure squelettique du personnage. On peut l'animer après, oui oui! Mais c'est vraiment long à faire...parce qu'il faut assigner les points du personnage aux bons os pour qu'ils fassent plier la géométrie du personnage comme il faut...un travail de moine (et même...de moine fou)
Blendshape: Simplement, les expressions du personnage qu'on crée en bougeant les points de la géométrie (maudit qu'y en a, des points, à part ça! o_o) qu'on incorpore ensuite dans le corps principal.


Que dire d'autre?

Ah oui!
Il s'appelle Ulfgar, c'est un loup brigand en kilt qui tentera (en vain) de voler des muffins à un choeur de religieuses (ninja). Il est bête, mais pas très méchant.

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mardi, février 07, 2006

Une petite jalousie

Je le regarde de loin. Ne pas m’approcher, ne pas aller poser de questions et pourtant elles me tarabustent le fond de l’âme. Il est présent et la regarde dans les yeux tandis qu’elle parle, comme si elle était la personne la plus importante au monde, comme si rien d’autre n’existait. Je tente tant bien que mal de me mêler aux discussions autour de moi, de rester là, avec les autres, mais je sais que je m’envole vers lui, que je voudrais être une mouche pour tout entendre ce qui se passe. Il la quitte et marche tranquillement vers notre table de toute sa belle assurance, celle qui m’a chaviré le cœur au premier regard. En chemin une autre femme l’aborde. Il rit en penchant la tête pour la voir mieux. Lui adressant ce sourire tellement sincère que je voudrais garder pour moi seule. Je serre les points sous la table. J’essaie de ne pas regarder dans cette direction sauf que c’est exactement dans mon champ de vision.

Quand il finit par arriver à nous, il s’assoie à côté de moi et me serre la main. Une lueur dansante dans le pailleté de vert qui m’observe. Il s’amuse. À nouveau. Il me dit : « t’as encore peur, ma p’tite jalousie, t’as encore peur que je me retourne sur la première fille à me croiser. T’es conne de douter. T’es conne mais je t’aime comme ça. » Je mords ma lèvre inférieure. Je rougis et je baisse les yeux. Il soulève mon menton de l’index pour que je le regarde. Il me dit : « Avoue, allez! » Je réponds, en chuchotant : « Tu le sais. » Il replace une mèche qui me cache les yeux et m’embrasse doucement, rieur. Il sait que je ne le crois pas, il sait que je doute encore. Il sait que je ne suis pas capable de croire que c’est moi qu’il choisi. Jamais croire à ces histoires. Jamais. Trop de trahisons. Ma voisine me murmure que je suis chanceuse d’avoir un gars comme lui dans ma vie et j’ai envie d’hurler que je le sais. Que je sais que tout le monde l’aime et que toutes les filles le trouvent beau. Que je sais qu’il finira par me quitter pour une autre, plus fine, plus belle que moi.

Une femme pose sa main sur son épaule, une main tellement chic, tellement classe. Les ongles en sont vernis et des bagues ruissellent de couleurs telles des promesses d’avenirs meilleurs. J’ai les boyaux tordus sous l’effet de cette intrusion. Il observe la nouvelle venue et me la présente. Je n’aime pas les ex, je n’aime jamais les ex. Elles ont ce talent de ne pas être atteignables, tellement parfaites. Sauf moi. Je suis toujours l’ex folle, trop jalouse. Celle qu’on quitte pour ne pas étouffer. Je ne sais pas faire autrement. Finalement, l’ex s’en va. Il me dit dans le creux de l’oreille : « T’es beaucoup plus belle qu’elle, et plus vraie aussi. » Je sais qu’il me ment : elle est somptueuse. Genre de femme sur le passage de qui tout le monde se retourne et qui le sait. Il ajoute : « Pis toi, tu m’aimes. Tout croche, toute jalouse, mais tu m’aimes. »

Je sais bien que je suis ridicule, je sais bien que si je n’arrête pas de douter, je vais finir par le jeter en dehors de ma vie. Je n’ai pas appris que la confiance était payante. Je me suis cuirassée. Je me dis souvent que je pourrais le quitter avant qu’il ne le fasse en me demandant ce qui est le plus courageux : partir ou rester.

lundi, février 06, 2006

Certains matins

Il y a des matins où tu te lèves et tu te dis : « faut que j’écrive ». Alors tu t’installes devant l’ordinateur et tu te creuses le cerveau à essayer de trouver l’idée, le filon. Ce qui ferait que ça marcherait. T’as mille textes en plan un peu partout sur le bureau de l’ordinateur; des textes qui parlent de toi, de politique, des autres, mais aucun ne fait ton affaire. Il y a des matins qui te garrochent la vie en pleine face et celle-ci te semble vide. Il y a des matins qui te font suer parce que tu te sens jalouse et en manque quand tu compares ton quotidien à la vie des gens qui te sont proches. Celles-ci vivent un amour neuf, celle-là est paisiblement installée dans une relation stable tandis que d’autres se complaisent dans ces histoires pas très claires qui ont le mérite d’être tendres. Pis toi t’es toute seule, trop forte pour être à deux, ou trop faible pour laisser voir que t’en aurais besoin.

Il y a des matins où tu te lèves avec l’impression d’être un imposteur. Imposteur de la plume. Parce qu’on t’auras dit dans les derniers jours que tu écris bien. On te l’aura trop dit pour ce que tu es capable d’accueillir. Tu diras à ton ami que tu lui emprunterais bien son arrogance, histoire de croire aux compliments. Tu te sentiras imposteur parce que même avec rien à dire, pas de sujet, le vide : que toi toute nue sur la page, tu sais très bien que tu seras capable d’aller chercher des gens avec tes mots. Et tu te dis que c’est trop facile et que ça ne devrait pas être ainsi. Il y a des matins qui te font enrager par ce que tu connais maintenant tes tabous et que tu sais que t’as pas le courage d’écrire sur eux. Tu te sens veule et inutile de porter cette douleur et ces histoires sans être capable de les écrire parce que tu as une trouille monstre des conséquences. Parce que tu as une trouille monstre de ce que le monde pourrait bien en penser. Parce que t’es pas capable d’assumer ce que tu ressens au plus profond de toi.

Il y a des matins lors desquels tu trouves absurde que d’autres te voient comme une personne qui a de la classe, de la prestance et qui a l’air intelligente. Alors que tu sais très bien qu’en réalité t’es rien qu’un petit bout de femme qui a fui une bonne partie de sa vie. Toujours vers l’avant sans savoir ce que à quoi tu aspirais à vivre, au bout du compte. Sans être capable de te regarder dans le blanc des yeux et de te dire ta vérité. En jouant la fille qui est toujours de bonne humeur, parce que c’est beaucoup moins compliqué ainsi et que tu espères encore que le rire t’attirera des considérations qui autrement t’échapperaient. Être légère comme une plume aux yeux des quidams qui t’entourent et encore plus aux yeux de ceux que tu aimes pour ne pas perdre le lien. Ne pas admettre que la lourdeur te draine et continuer à faire de l’esbroufe sur des estrades improvisées.

Il y a des matins qui te font réaliser que quoique tu fasses, tu vis encore avec la peur collée au cul. La peur d’être toute seule toute ta vie. Alors tu fais semblant que t’es bien comme ça, tu te dis que personne ne pourrait être amoureux de toi et tu refuses de faire un pas vers quelqu’un qui te donne un signe parce que tu sais plus si t’aurais la force de te relever d’une blessure de plus.

vendredi, février 03, 2006

L'île

Il parade sa solitude de toute sa classe dégingandée comme la plupart des hommes abordent leur couvre-chef. Il porte son spleen en bandouilère de la même manière que les étudiants traînent leurs livres. On lui affirmera : « t’es beau. T’as du charme. » Et sa moue nonchalante nous apprendra qu’il le sait, mais il attrapera au passage le compliment qu’il gardera collé sur son être tel un rempart contre la prochaine salve d’insultes. Il sourira, au coin de la table, ironique. On le croira suffisant ou désabusé; il ne sera que gêné.

Il est capable de toutes les sociétés, mais allergique à ceux qui ne savent pas être. Il se tournera vers celle qui lui propose un défi de l’esprit plutôt que vers celle qui se complait dans ce que l’on voit. On lui dira qu’il a tout pour lui : l’assurance, l’apparence, le charme, le talent. Il ne prendra pas la peine de nier, encore moins de renier. Il se dira que les gens ne pensent pas plus loin que le bout de leur nez. Il dansera sa sensualité jusqu’à se faire exprimer mille regards qui rendront les autres hommes jaloux pendant qu’il détournera aveuglément ses pupilles. De temps à autre, on lui susurrera à l’oreille : « tu danses bien ». Alors, il me regardera de l’autre bout de la page, étonné d’un tel commentaire.

Il courtisera des femmes, jusqu'au bout de sont souffle, jusqu'à faire pousser des fleurs sur le plancher trop arride d'une surface bétonnée. Il ira jusqu'au bout de la poésie pour en faire jaillir la folie. Il mordra les instants jusqu’au sang. Se délectant de chaque rubis chaudement acquis. Puis, il se détournera, vampire repus, des corps à moitié vidés qu’il aura laissés sur ses traces, convaincu de n’avoir pas eu d’impact. Il choisira, sans hasard, les femmes qui ne l’aimeront pas pour préserver son ermitage. Il verrouillera ses frontières et s’isolera dans le silence pour décortiquer les mots et les maux qui l’habitent en reconnaissant, sans équivoque, ce besoin de silence dans la musique. De temps à autres, il me dira : « Un jour, je vais avoir des enfants. » Je resterai coite, sachant que c’est vrai.

On marchera des kilomètres, sur son bitume ou sur le mien, on s’expliquera la vie, la littérature, les analyses. On se racontera les cicatrices et les projets, mais surtout, on se taira car nous savons qu’on se connaît bien dans nos silences. Je lui affirmerai que mon prochain texte vaut la peine et il me fera un accent circonflexe dans les sourcils pour que je comprenne qu’en affirmant une telle chose, ça signifie beaucoup. On s’étendra sur l’herbe en riant, afin de butiner les derniers rayons de soleil et on n’en parlera plus. Quelques mois plus tard, je lui expliquerai tout ce qu’il ne m’aura pas dit cet après-midi-là. Il accusera le coup, le souffle court.

Mais la plupart du temps, je rêve que la distance n’existe pas et que je pourrais passer mes moments de dérive, endormie sur son lit, en sécurité dans son amitié, pendant qu’il dévorerait des livres et ne me dirait rien.

jeudi, février 02, 2006

Les enfants d'école

Je déambulais lentement dans la lumière tamisée, occupée que j’étais à contempler les dessins de l’exposition. Dans mon dos, on a dit : « bonsoir. » Comme un note qui monte tranquillement. Les oreilles aux aguets et le frisson d’anticipation qui sillonnait tranquillement mes vertèbres, je n’avais pas besoin de me retourner pour savoir exactement qui s’adressait à moi. Il y a de ces hommes que l’on ne connaît pas vraiment, mais qu’on a cristallisés quelque part dans notre inconscient parce qu’on les trouve beaux ou charmants. Celui-là je l’observais de loin depuis très longtemps. Je voyais tous les sourires à d’autres adressés, j’entendais son humour, ses coups de gueule et ses doléances assise dans l’ombre du demi étage qui séparait sa table de la mienne. Je savais bien qu’entre le mec que je côtoyais et celui que je transposais dans mon imagination, il y avait un monde. Mais je me plaisais à croire que j’étais un peu amoureuse de lui.

Je me rappelais ce party dans lequel on s’était retrouvés tous les deux, trop proches pour qu’il puisse m’ignorer. Timide je gardais les yeux baissés sur mon verre, comme si le contenu en était totalement captivant pendant que je me demandais si quelqu’un de ma connaissance était pour venir me sauver la mise. Je savais que mon attitude n’avait rien pour l’impressionner et que je partais d’un mauvais pied si je voulais qu’il me remarque. Je n’ai pas su. Simplement un moment donné je l’ai regardé directement, avec des yeux de biche affolée et je crois qu’il a compris. Rougissante je me suis levée et j’ai quitté la pièce. J’ai passé le reste de la soirée à l’éviter. Quelques années plus tard, je l’ai revu dans un autre party. Il m’a décroché ce sourire en coin qui me faisait tellement craquer adolescente. Il savait. J’en étais convaincue. Alors je me suis dit que je n’avais rien à perdre et je lui ai répondu. Nous nous sommes engagé dans une discussion à laquelle se sont joint beaucoup de participants. C’est devenu une joute entre moi et un autre mec pendant que l’Homme-au-sourire-charmeur comptait les points. Ce soir-là, j’ai gagné. La joute et son respect.

Quand j’ai entendu sa voix derrière moi, je n’avais pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s’agissait. J’avais passé tant d’heures à écouter les modulations de sa voix qu’il me semblait la connaître par cœur. J’ai tout de même pivoté vers lui en disant : « Eh! Salut, qu’est-ce que tu fais ici? » « Pas grand-chose, en réalité. Je passais voir si tu serais-là. » Je suis restée coite quelques instants. Les yeux écarquillés, la tête vide. Un sourire s’est lentement étiré sur son visage tandis que je me sentais rougir. On s’est assis dans un coin et on a discutés à bâtons rompus comme si nous étions de vieux amis. La gêne restait palpable, de moi vers lui. Cependant, petit à petit, la décontraction prenait son espace et gagnait du terrain. Quand il s’est levé pour partir, son sac s’est éventré sur le plancher laissant voir de la littérature érotique et autres babioles du même acabit. Pendant qu’il refourguait tout, il marmonnait de manière désarticulée des histoires de Saint-Valentin qui approche. Je n’ai rien dit.

J’ai toujours trouvé les hommes particulièrement amusants dans ce genre de circonstances : rougissants comme des enfants d’école sous le regard d’une femme.

mercredi, février 01, 2006

Petit déjeuner en déconfiture

Texte écrit pour le Coïtus impromptus.

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Je l’avais rencontré la veille. Il y avait quelque chose dans la démarche qui me rappelait vaguement un souvenir. Quand il s’est retourné je me suis dit que les hasards étaient souvent bien faits. Je me suis avancée vers lui la tête inclinée vers la droite, le sourire en coin en regardant par-dessus mes lunettes et j’ai dit : « bonsoir. » Il me regardait sans comprendre. Je savais bien qu’il ne pouvait pas comprendre. Ça faisait trop longtemps et comme j’étais plus jeune que lui à l’école il n’avait jamais fait attention à moi. Je savais aussi qu’il était du genre à aborder les filles, les trier sur le volet. Par-dessus tout, je savais que pour la première fois de ma vie, il ne me jetterait pas aux ordures.

Je lui ai fait le coup de la fille qui croit le reconnaître d’ailleurs, mais se trompe pour engager la conversation. On a parlé de lui. Toujours de lui. De sa carrière, de ses besoins de sa grande beauté et des problèmes qu’elle lui causait. Moi je riais, jouant la fille charmée d’avoir réussi à obtenir son attention. Je buvais des cocktails sophistiqués pour lui plaire. Je buvais ses paroles aussi. Il était tellement suffisant qu’il ne voyait pas le ridicule de mon attitude. Il cherchait ce regard, et l’avait trouvé dans mes yeux. Il cherchait ce regard et je le savais trop bien.

Je l’ai ramené chez moi avant la fin de la soirée. Jouant à la perfection mon rôle de petite poule pas de tête. Il est passé chercher sa guitare pour me montrer son talent. Deux heures fastidieuses des mêmes accords. Quand on a fini par se mettre au lit, il parlait tout le temps. À devenir folle. Il me disait comme il faisait bien ça, comme je devais être flattée d’avoir réussi à ramener un tel homme dans mon lit. Il me disait comment toutes les filles de sa vie le trouvaient merveilleux, je commençais à sérieusement avoir envie de vomir. Il a finit par jouir, et s’endormir. Moi je l’ai embrassé doucement sur les tempes et je suis allée me rouler en boule sur le divan du salon.

Il s’est levée à 10h00 et moi j’étais déjà à table un café fumant devant moi. Il m’a dit : « bonjour Mathilde » en faisant mine de s’asseoir devant moi. J’ai répondu, sans lever les yeux de mon mot croisé : « j’aimerais ça que tu t’en aille ».
Lui : - maintenant?
Moi : - oui
Lui : - je peux-tu prendre ma douche?
Moi :- non

Il ne comprenait rien. Alors j’ai dit : « T’es ben beau, mais t’es ben con. La prochaine fois que tu dis à une fille qu’elle n’est pas assez belle pour toi parce que tu ne condescends pas à te coller à une femme qui n’a pas l’air d’un mannequin, essaie au moins de te souvenir de sa face une semaine plus tard. Pour l’instant, j’ai envie d’être toute seule, je t’ai assez vu, dégage »

Il est reparti le ventre vide, encore un peu sonné.