En écriture
J’ai toujours écrit. C’est, à ce jour, ma plus grande drogue. Je ne sais pas comment on vit sans écriture. Peu importait au fond que j’écrive bien ou pas. Il me fallait écrire. Je suis revenue vers le papier souvent, me pencher sur la feuille, me recroqueviller sur les mots. J’ai toujours pensé que je m’exprimais mieux par écrit que de toute autre façon. Je me blindais derrière cette certitude. Elle avait l’avantage de me permettre de fuir, sans trop en avoir l’air. Je suis couillonne. Si j’écris à quelqu’un ce que je ressens de négatif, cette personne ne peut pas me faire des gros yeux ou me parler fort. Je me donne donc l’illusion d’avoir un certain contrôle. Au fond de moi, je sais que je fuis. J’ai toujours tout affronté par écrit, pour me donner une distance. Pour me donner le sentiment d’être protégée. En me disant que je suis plus claire, plus calme, plus détachée de cette manière.
Écrire pour me raconter la vie de la manière dont j’aimerais qu’elle soit. Écrire pour sortir les maux qui me hantent et me narguent. Écrire. Au présent, au passé, au futur, à tous les temps mêlés, comme aujourd’hui. Parce que je ne peux pas me raconter seulement au passé. J’ai toujours écrit. Je me suis créé des personnages sans trop m’en apercevoir parce que je correspondais avec certaines personnes et que je lisais dans leurs mots ce que je voulais bien voir plutôt que ce que ces personnes étaient en réalité. Je me confortais dans mes fadaises en interprétant ce que je voulais bien y voir. Parce que je n’avais pas le langage de la gestuelle pour me ramener à l’ordre. Pas envie de voir. Pas envie de savoir. Je me suis meublé des châteaux dans les nuages et me suis retrouvée, plus souvent qu’à mon tour, seule dans les vents qui déchiraient mes images. Et je me mettais en colère. Sans me rendre à l’évidence que c’était de ma faute.
Écrire à m’en fendre l’âme, à me déverser les veines. Écrire pour mieux taire mes silences. Ceux que je ne partage pas. Écrire pour monter un écran entre la femme qui a peur et le monde qui l’entoure. Écrire pour donner en pâture aux vautours des aventures croquantes qui ne me blesseront pas tant que cela. Écrire pour avoir le dernier mot. Pour que les hommes qui m’ont rejetée sachent que je suis une femme comme il s’en fait peu. Pour qu’ils mesurent la perte. Écrire pour admettre mes propres pertes, trop tard certes, mais admises au bout du compte. Écrire jusqu’au fond des mots.
Aujourd’hui, j’aurais eu envie de dire. De déjeuner tranquillement et de me raconter de vive voix. Alors, je suis venue ici, et j’ai écrit.